N° C.21.0433.F
ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.483.367,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch et assistée par Maître Gilles Genicot, avocats à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 6 janvier 2021 par le tribunal de première instance du Hainaut, statuant en degré d’appel.
Le 2 avril 2024, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 2 avril 2024, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Celui qui, par sa faute, a causé un dommage à autrui est tenu de le réparer et la victime a droit, en règle, à la réparation intégrale du préjudice qu’elle a subi ; celle-ci doit être replacée dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n’avait pas été commise.
Le juge évalue in concreto le préjudice causé par un fait illicite, en se plaçant au moment où il statue.
Le dommage matériel que subit la victime à la suite d’une incapacité permanente de travail peut, dès lors, selon les circonstances de la cause, non seulement consister en une diminution de sa valeur économique sur le marché du travail et, éventuellement en la nécessité de fournir des efforts accrus dans l’accomplissement de ses tâches professionnelles mais aussi, le cas échéant, en une perte de revenus professionnels.
Quant à la première branche :
La demanderesse demandait d’évaluer le dommage matériel résultant de l’incapacité permanente passée sur la base de la rémunération perdue et, faisant valoir la circonstance que la victime était demeurée agent du secteur public depuis l’accident, ne travaillant plus qu’à temps partiel, demandait de prendre en compte l’indexation des rémunérations appliquée dans le secteur public depuis la consolidation intervenue en 2008.
Le jugement attaqué évalue ce dommage sur la base de la rémunération de la victime.
Par la considération qu’ « évalue[r] [sa] capacité économique […] uniquement au regard de son emploi dans le secteur public […] n’est pas conforme au principe de l’évaluation sur le marché général du travail », le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision d’apprécier cette rémunération sur la base de rémunérations perçues avant la consolidation.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Quant à la deuxième branche :
La demanderesse demandait d’évaluer le dommage matériel résultant de l’incapacité permanente future sur la base de la rémunération perdue et, faisant valoir que la victime était demeurée agent du secteur public depuis l’accident, mais à temps partiel, demandait de prendre en compte l’indexation des rémunérations appliquée dans le secteur public depuis la consolidation en 2008 et des majorations ou indexations à venir dans le secteur public.
Le jugement attaqué évalue ce dommage sur la base de la rémunération de la victime.
Par la considération citée en réponse à la première branche du moyen, le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision d’apprécier cette rémunération sur la base de rémunérations perçues avant la consolidation.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n’y a pas lieu d’examiner la troisième branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu’il condamne la défenderesse à payer à la demanderesse, à titre provisionnel, 76 213,58 euros pour le préjudice permanent passé et 107 513,18 euros pour le préjudice permanent futur, et les intérêts, et qu’il statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-deux avril deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.