N° C.23.0323.F
PROXIMUS, société anonyme de droit public, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 27, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0202.239.951,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
A. H.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 16 juin 2021 par le tribunal de première instance du Luxembourg, statuant en degré d’appel.
Le 29 mars 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Quant au premier rameau :
À défaut de conclusions de la demanderesse contestant, à propos de l’article VI.2 du Code de droit économique, la condition relative à l’existence d’un contrat autre qu’un contrat à distance, un contrat hors établissement ou un contrat visé à l’article VI.66 de ce code, le jugement attaqué n’était pas tenu de constater l’existence de cette condition pour justifier légalement sa décision.
Le moyen, en ce rameau, ne peut être accueilli.
Quant au second rameau :
L’article I.18, 1° et 3°, du Code de droit économique définit le service de la société de l’information comme tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire du service, et le prestataire comme toute personne physique ou morale qui fournit un service de la société de l’information.
En vertu de l’article XII.6, § 1er, de ce code, tout prestataire d’un service de la société de l’information assure un accès facile, direct et permanent pour les destinataires du service aux informations qu’il énumère ; il précise, en son paragraphe 2, que, sans préjudice des autres exigences légales et réglementaires en matière d’indication des prix, lorsque les services de la société de l’information mentionnent des prix, ces derniers sont indiqués de manière claire et non ambiguë.
Conformément à l’article XII.11 de ce code, à l’égard des consommateurs, la preuve du respect des exigences prévues à l’article XII.6 incombe au prestataire.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu’un opérateur de téléphonie donne accès à son abonné à un service de communications téléphoniques vers des numéros gérés par des tiers, dont il assure la facturation, il est tenu d’informer cet abonné, de manière claire et non ambiguë, du prix lié à de telles communications.
Le jugement attaqué relève que la demande de la demanderesse porte sur « des factures de téléphonie pour un montant en principal de 11 698, 56 euros », que « la somme en principal de 1 290,24 euros correspondant au coût ‘normal’ de l’abonnement n’est pas contestée par [le défendeur] », que, selon « les factures de [la demanderesse], les créances litigieuses concernent des ‘services fournis par des tiers’, et plus précisément des ‘services 090x/070’ » et que la demanderesse « ne s’explique guère sur la nature de ces services, ni sur l’identité de tous les tiers qui les lui facturèrent et qu’elle entend refacturer à son tour [au défendeur] ».
Il considère que la demanderesse, « dans l’exécution [de ce] service et de son coût subséquent, […] endosse un rôle de partie intervenante et non d’intermédiaire passif, puisqu’elle n’œuvre pas seulement en tant que prestataire d’un service de simple transport, mais également en tant qu’opérateur se chargeant de la (re)facturation des communications », qu’il s’agit « d’un service, en l’espèce, des communications téléphoniques à destination de numéros gérés et exploités par un tiers », en sorte qu’« il appartient à l’opérateur de téléphonie d’établir que l’abonné a été averti du tarif [de ce] service » et qu’« il importe peu que [cet opérateur] se borne à (re)facturer des services payants dont il ne fut ni l’auteur ni le bénéficiaire économique direct ».
Le jugement attaqué, qui, sur la base de ces énonciations, considère ensuite qu’« il n’est pas établi que [le défendeur] ait été informé des surcoûts lui facturés par [la demanderesse et] qu’il les ait acceptés », justifie légalement sa décision que « seule est due la somme en principal de 1 290,24 euros relative à l’abonnement ‘ordinaire’ [du défendeur] ».
Pour le surplus, dans la mesure où il critique l’imprécision de la référence du jugement attaqué aux autres règles de droit civil, le moyen, en ce rameau, est dirigé contre une considération surabondante.
Le moyen, en ce rameau, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Le jugement attaqué, qui relève que la demanderesse « se charg[e] de la (re)facturation des communications » provenant de numéros gérés par des tiers, ne constate pas que la demanderesse ne demande aucun surcoût et cela ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard.
Le moyen, qui, en cette branche, est fondé sur l’affirmation de l’absence de toute facturation d’un surcoût par la demanderesse, invite la Cour à vérifier des faits, ce qui n’est pas en son pouvoir.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la troisième branche :
Le jugement attaqué, qui considère que l’« exonération légale [prévue par l’article XII.18 du Code de droit économique] ne peut bénéficier à [la demanderesse], car ce n’est pas la responsabilité des informations transmises qui est en cause, mais uniquement l’exécution du service et de son coût subséquent, dans lesquels [la demanderesse] endosse un rôle de partie intervenante et non d’intermédiaire passif, puisqu’elle n’œuvre pas seulement en tant que prestataire d’un service de simple transport, mais également en tant qu’opérateur se chargeant de la (re)facturation des communications » et décide dès lors que la demanderesse n’assume pas une simple activité de transport, n’était pas tenu de répondre plus amplement aux conclusions de la demanderesse qui prétendait au bénéfice de l’exonération de responsabilité prévue par l’article XII.17 du même code, fondée sur ce que « son activité […] est une activité de ‘simple transport’ visée par l’article XII.17 », que sa décision privait de pertinence.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent septante et un euros quarante-trois centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-six avril deux mille vingt-quatre par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.