N° P.24.0612.F
F. M.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Oriane Todts, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 avril 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur invoque une violation de ses droits de défense : à l’audience du 29 mars 2024 de la chambre des mises en accusation, le ministère public a déposé une pièce qui ne lui a pas été communiquée préalablement à l’audience ni à l’occasion de celle-ci, de sorte qu’il n’a pas eu la possibilité d’y répliquer.
Il ressort du procès-verbal de ladite audience que le ministère public a fait rapport, donné son avis et déposé des pièces, que l’étranger a été entendu ensuite, que son conseil l’a assisté, a développé les moyens de sa défense et déposé un écrit de conclusions.
Du procès-verbal précité, il n’apparaît pas que le demandeur se soit opposé au dépôt de la pièce litigieuse, qu’il ait sollicité son écartement ou, à tout le moins, une suspension de l’audience afin de pouvoir la consulter.
Invoqué pour la première fois devant la Cour, le moyen est nouveau et, partant, irrecevable.
Il ressort des pièces de la procédure que l’Office des étrangers a motivé le maintien en vue d’éloignement en se référant à la circonstance que le demandeur « a été interpellé à Anderlecht en flagrant délit de vol dans une habitation ». L’arrêt relève la présence, au dossier, d’un rapport administratif identifiant le service de police qui a procédé à l’interpellation, et précisant le numéro du procès-verbal établi à cette occasion, ainsi que la date, l’heure, le lieu et le motif de l’arrestation.
Si le contrôle de la légalité de la privation de liberté d’un étranger en séjour illégal et soupçonné de vol englobe celui de l’exactitude des motifs de fait sur lesquels la décision repose, il ne s’en déduit pas que la juridiction d’instruction doive se prononcer en outre sur la persistance de l’état de flagrance au moment de l’arrestation, ou sur les circonstances et l’objet du vol dont le rapport administratif fait état.
L’absence du procès-verbal de police, dont seul le numéro est renseigné dans le rapport administratif, n’a dès lors pas pour effet d’entacher la décision de l’Office des étrangers d’un défaut de motivation, ni d’obliger la juridiction d’instruction à conclure à l’impossibilité d’en vérifier la légalité.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur invoque une violation de l’article 74/6 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, interprété à la lumière de l’article 7.4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier.
Le demandeur reproche à l’arrêt de considérer qu’il peut être conclu à l’existence d’une menace pour l’ordre public en se bornant à la mentionner sans aucune motivation qui en démontrerait la réalité et la gravité.
Porte atteinte à l’ordre public l’acte constitutif d’une menace réelle et suffisamment grave affectant un droit fondamental de la société.
L’arrêt constate que le vol dont le demandeur est soupçonné est visé dans la décision de maintien et prend appui sur un rapport administratif donnant les précisions évoquées ci-dessus dans la réponse à la première branche.
Sur ce fondement, les juges d’appel ont pu conclure à la réalité de la menace.
L’arrêt ne se borne pas à énoncer que le demandeur est soupçonné d’avoir commis un acte punissable. Sur la foi du rapport qui en fait état, les juges d’appel ont caractérisé cet acte comme étant, à le supposer établi, un vol commis dans une habitation. L’inviolabilité du domicile, le respect de la vie privée et la propriété pouvant être considérés comme des valeurs fondamentales de la société où le demandeur souhaite être accueilli, les juges d’appel ont pu considérer qu’à le supposer établi, l’acte dont il est soupçonné constitue une menace grave pour l’ordre public, au sens de l’article 74/6, § 1er, 4°, de la loi du 15 décembre 1980.
Les juges d’appel ont, dès lors, légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-quatre euros trente et un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du huit mai deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.