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15/05/2024 | BELGIQUE | N°P.23.1041.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 mai 2024, P.23.1041.F


N° P.23.1041.F
I. B. Ch, R.
II. B. Ch., J.
III. H. B.,
IV. K. K.,
ayant pour conseils Maîtres Bernadette Sybille et Jean Paul Reynders, avocats au barreau de Liège-Huy,
V. ALAIN DONNAY, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Blégny, rue Troisfontaines 76, ayant pour mandataire ad hoc Maître Stéphane Gothot, avocat au barreau de Liège-Huy,
VI. D A.
ayant pour conseil Maître Jean Paul Reynders, avocat au barreau de Liège-Huy,
prévenus,
demandeurs en cassation,
les six pourvois contre
ETAT BELGE, représenté

par le ministre des Finances, poursuites et diligences du conseiller général désigné pour l’administra...

N° P.23.1041.F
I. B. Ch, R.
II. B. Ch., J.
III. H. B.,
IV. K. K.,
ayant pour conseils Maîtres Bernadette Sybille et Jean Paul Reynders, avocats au barreau de Liège-Huy,
V. ALAIN DONNAY, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Blégny, rue Troisfontaines 76, ayant pour mandataire ad hoc Maître Stéphane Gothot, avocat au barreau de Liège-Huy,
VI. D A.
ayant pour conseil Maître Jean Paul Reynders, avocat au barreau de Liège-Huy,
prévenus,
demandeurs en cassation,
les six pourvois contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, poursuites et diligences du conseiller général désigné pour l’administration en charge des contentieux,
partie poursuivante,
défendeur en cassation,
représenté par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise 65/11, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Les quatre premiers demandeurs invoquent deux moyens dans un mémoire commun annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Les deux derniers demandeurs invoquent trois moyens, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur les pourvois formés par Ch. R. B., Ch. J. B., B. H. et K. K. :
1. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions qui statuent sur les actions civiles exercées par le défendeur contre les demandeurs :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution et des articles 266, 280, 282 et 283 de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises.
Les demandeurs font grief à l’arrêt de décider que le tribunal correctionnel était compétent pour connaître de la cause malgré la circonstance qu’au moment de la citation directe lancée par le défendeur, l’action publique les visant était déjà éteinte en raison de la prescription : ils estiment que l’enseignement de la Cour constitutionnelle, selon lequel ce tribunal est valablement saisi de l’action civile dirigée contre un prévenu alors même que l’action publique exercée à sa charge était éteinte au moment de la citation directe, si le juge a été valablement saisi de la même affaire en cause d’autres prévenus, n’est pas pertinent, dès lors que cette saisine doit s’apprécier individuellement pour chaque prévenu concerné par une affaire distincte. Selon les demandeurs, l’action civile dirigée contre chacun d’entre eux ne concernait pas les mêmes faits que ceux reprochés aux coprévenus à l’égard desquels le tribunal avait été valablement saisi avant l’expiration du délai de la prescription de l’action publique. Les demandeurs reprochent également à l’arrêt de ne pas répondre à l’argument qui faisait valoir cette défense.
L’article 283 de la loi générale sur les douanes et accises prévoit que lorsque les infractions visées par les articles 281 et 282 donnent lieu au paiement de droits ou accises, et par conséquent à une action civile, indépendamment de la poursuite d’une peine, le juge compétent soit criminel soit correctionnel, connaît de l’affaire sous ce double rapport et juge l’une et l’autre cause.
L’action introduite par l’administration en recouvrement des droits éludés à la suite d’une infraction relative aux douanes et accises visée à l’article 283 de la loi est une action civile qui, certes, est exercée en même temps que l’action publique, mais qui est autonome de cette dernière. En effet, cette action civile ne résulte pas de l’infraction, mais trouve directement son fondement dans la loi qui impose l’obligation de paiement des droits.
La compétence du juge pénal pour statuer sur l’action civile en paiement des droits éludés suppose qu’au moment de sa saisine, les infractions visées aux articles 281 et 282 de la loi lui ont été régulièrement déférées et que celui qui est visé par cette action soit partie à la cause.
La fin de non-recevoir opposée à l’action publique exercée à charge d’un prévenu, débiteur en matière de douanes et accises, n’empêche dès lors pas le juge pénal, pour autant qu’il ait été régulièrement saisi des infractions aux articles 281 et 282 de la loi générale sur les douanes et accises, mises à charge d’autres prévenus poursuivis dans la procédure pénale, de connaître, en vertu de l’article 283 de cette même loi, de l’action civile en paiement des droits et accises dirigée contre ce prévenu.
Enfin, aux termes de son arrêt numéro 121/2021, du 30 septembre 2021, la Cour constitutionnelle a jugé que l’article 283 susvisé, ainsi interprété, ne violait pas l’article 13 de la Constitution au motif, notamment, que le maintien de la compétence du juge pénal pour statuer sur l’action civile en matière de douanes et accises, même en cas d’acquittement ou de prescription de l’action publique à l’égard de certains des prévenus, est raisonnablement justifié par un objectif d’efficacité et d’économie de procédure, dès lors que ce juge pénal a été régulièrement saisi de l’action publique qui n’était pas, au moment de sa mise en mouvement, prescrite à l’égard d’autres prévenus dans la procédure pénale relative à la même affaire.
L’arrêt attaqué relève qu’en l’espèce, le juge pénal a été saisi de l’action publique à l’égard de plusieurs prévenus, à un moment où elle n’était pas éteinte en raison de la prescription à l’égard de certains d’entre eux. Il énonce ensuite que le tribunal correctionnel a été régulièrement saisi de l’action civile exercée à charge des demandeurs, poursuivis dans la même affaire, du chef des mêmes préventions que celles retenues à charge de quatre coprévenus à l’égard desquels la prescription de l’action publique n’était pas acquise, préventions consistant dans le fait d’avoir acquis, détenu et utilisé de façon irrégulière du diesel d’origine fiscale inconnue, non marqué, destiné à l’alimentation des moteurs à combustion, sous le couvert de documents faux, mensongers ou inexacts destinés à tromper les services de l’administration.
Ainsi, le juge d’appel a régulièrement motivé et légalement justifié sa décision que, nonobstant l’extinction de l’action publique exercée à charge des demandeurs, dès avant la citation directe les visant, le tribunal correctionnel avait été valablement saisi de l’action civile exercée contre eux.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Et en tant qu’il critique la considération du juge d’appel selon laquelle les faits imputés par le défendeur aux demandeurs formaient avec ceux reprochés à des coprévenus à l’égard desquels la prescription de l’action publique n’était pas acquise, une même cause, le moyen critique l’appréciation en fait du juge d’appel et requiert, pour son examen, une vérification d’éléments de fait, laquelle n’est pas au pouvoir de la Cour.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
2. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions qui statuent sur les demandes reconventionnelles dirigées par les demandeurs contre le défendeur :
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 1382 de l’ancien Code civil. Il reproche au juge d’appel de ne pas avoir répondu aux conclusions des demandeurs qui postulaient l’octroi, à charge du défendeur, d’une indemnisation au motif que ce dernier avait commis une faute en tardant à exercer les poursuites.
Les demandeurs n’exposent pas en quoi l’arrêt violerait l’article 1382 de l’ancien Code civil.
À cet égard, imprécis, le moyen est irrecevable.
L’arrêt ne se borne pas à énoncer qu’il ne peut être fait droit à la demande d’indemnisation formulée par les demandeurs.
À la page 15 de cette décision, le juge d’appel a énoncé que l’article 283 de la loi générale sur les douanes et accises ne confère pas au juge pénal la compétence de statuer sur une action en dommages et intérêts pour mauvaise gestion, intentée à titre de demande reconventionnelle contre la partie poursuivante.
Dans cette mesure, procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
B. Sur les pourvois formés par A. D. et la société à responsabilité limitée Alain Donnay :
Développés dans deux mémoires distincts, l’un déposé pour A. D. et l’autre pour la société à responsabilité limitée Alain Donnay, les moyens sont similaires et appellent dès lors une réponse commune.
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution et des articles 281, 281/2, 282 et 283 de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises.
Le moyen n’indique pas en quoi l’arrêt attaqué méconnaîtrait les articles 281, 281/2 et 282 de la loi précitée.
À cet égard, imprécis, le moyen est irrecevable.
Le moyen fait valoir que l’article 283 susvisé, interprété comme autorisant le juge répressif à connaître de l’action civile exercée par l’État belge contre des prévenus à l’égard desquels l’action publique était prescrite dès avant sa mise en mouvement, lorsque ce juge avait été régulièrement saisi des poursuites à charge de coprévenus, revient à rompre l’égalité entre les prévenus poursuivis collectivement et ceux poursuivis isolément et pour lesquels l’action publique était prescrite dès avant la saisine du tribunal, ces derniers ne pouvant être jugés que par un tribunal composé d’un juge fiscal.
Critiquant la loi, le moyen, étranger à l’arrêt attaqué, est irrecevable.
Pour le surplus, pour les motifs énoncés en réponse au premier moyen proposé par les quatre premiers demandeurs, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 779 du Code judiciaire.
Alors que la première décision rendue le 16 janvier 2020 en cette cause l’avait été par la sixième chambre correctionnelle de la cour d’appel de Liège, les demandeurs font grief à cette juridiction d’avoir poursuivi l’examen de la cause, après le dépôt par le défendeur d’une requête en application de l’article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, devant la huitième chambre correctionnelle de cette cour, dont le siège était différent de celui qui avait rendu le premier arrêt.
En vertu de l’article 779 du Code judiciaire, applicable en matière répressive, le jugement ne peut être rendu que par des juges ayant assisté à toutes les audiences de la cause, et ce à peine de nullité.
Il ne résulte pas de cette disposition que, lorsque la juridiction du juge est épuisée sur un point litigieux et qu'une décision définitive a ainsi été rendue sur ce point, seuls les juges ayant statué sur ce premier point peuvent procéder à l'examen des autres points litigieux.
Aux termes de l'arrêt du 16 janvier 2020, les juges d’appel ont déclaré les appels recevables, ont statué sur l’action publique exercée à charge des demandeurs en la déclarant prescrite et, s’agissant de l’action civile exercée contre eux, ont posé à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle en réservant à statuer sur la demande de condamnation aux droits éludés. Enfin, ainsi que les demandeurs le relèvent aux termes de leur mémoire, la sixième chambre de la cour d’appel n’a pas statué sur l’imputabilité des faits aux demandeurs.
L’arrêt attaqué, rendu après la décision de la Cour constitutionnelle, constate que le juge d’appel n’est plus compétent pour statuer sur les questions définitivement tranchées le 16 janvier 2020 et énonce que, pour le surplus, les parties ont, devant la huitième chambre de la cour d’appel, conclu, déposé leur dossier et plaidé sur la demande de l’État belge tendant à la condamnation des demandeurs aux droits éludés.
Il ressort tant de cette décision que des conclusions des parties et du moyen lui-même, que l’ensemble des débats relatifs à cette dernière question, la seule qui concernait encore les demandeurs, ont eu lieu devant la huitième chambre de la cour d’appel.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Il reproche à la cour d’appel d’avoir fixé l’examen de la cause sur le fondement de la disposition précitée alors que celle-ci n’est applicable qu’à la condition que « l’imputabilité des faits reprochés au prévenu ait été établie au préalable, ce qui ne fut pas le cas en l’espèce ».
En vertu de l’article 4, alinéas 6 et 7, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, lorsqu'il a été statué sur l'action publique, toute partie peut solliciter du juge saisi de la cause qu'il détermine des délais pour la transmission et le dépôt des pièces et des conclusions et qu’il fixe la date de l'audience des plaidoiries. Cette demande est introduite par requête.
Il suit de cette disposition que, pour pouvoir ainsi solliciter la mise en état de la cause, il faut mais il suffit que le juge pénal ait statué sur l’action publique et qu’il demeure saisi de l’action civile.
Mais ni cette disposition ni aucune autre ne subordonne l’admissibilité de pareille requête à la condition que le juge répressif se soit au préalable prononcé sur l’imputabilité au prévenu des faits visés aux préventions.
Et sous réserve du respect de l’article 779 du Code judiciaire, cette disposition n’interdit pas davantage à la cour d’appel saisie d’une telle requête d’attribuer le jugement des suites de la cause à une autre chambre que celle qui a statué sur l’action publique.
Le moyen manque en droit.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de mille six cent vingt-deux euros quatre-vingt-huit centimes dont I) sur le pourvoi de Ch. R. B. : cinquante-trois euros vingt-six centimes dus et deux cent vingt-deux euros dix centimes payés par ce demandeur ; II) sur le pourvoi de Ch. J. B. : cinquante-trois euros vingt-six centimes dus et deux cent vingt-deux euros dix centimes payés par ce demandeur ; III) sur le pourvoi de B. H. : cinquante-trois euros vingt-six centimes dus et deux cent vingt-deux euros dix centimes payés par ce demandeur ; IV) sur le pourvoi de K. K. : cinquante-trois euros vingt-six centimes dus et deux cent vingt-deux euros dix centimes payés par ce demandeur ; V) sur le pourvoi de la société à responsabilité limitée Alain Donnay : cinquante-trois euros vingt-six centimes dus et deux cent sept euros quarante-six centimes payés par cette demanderesse et VI) sur le pourvoi d’A. D. : cinquante-trois euros vingt-six centimes dus et deux cent sept euros quarante-six centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.1041.F
Date de la décision : 15/05/2024
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-05-15;p.23.1041.f ?

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