N° P.24.0290.F
LE PROCUREUR GENERAL DE MONS,
demandeur en cassation,
contre
B. L.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 2 février 2024 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le moyen est pris de la violation des articles 417/43 et 417/46 du Code pénal. Il fait grief aux juges d’appel d’avoir acquitté le défendeur de la prévention E de « détention d’images d’abus sexuels de mineurs », au motif qu’il lui est reproché d’en avoir détenu une seule, alors que l’article 417/46 du Code pénal sanctionne la détention de plusieurs images rencontrant les caractéristiques visées par la loi.
Conformément à l’article 417/46, alinéa 1er, du Code pénal, la détention et l'acquisition d'images d'abus sexuels de mineurs consistent à détenir ou acquérir des images d'abus sexuels de mineurs pour un tiers ou non. L’article 417/43 du même code énumère les différentes catégories d’images dont la détention et l’acquisition sont ainsi interdites.
A condition de ne pas appliquer la loi pénale à des hypothèses que le législateur a entendu exclure de son champ d’application, le juge, interprétant une disposition de cette loi, n’est pas tenu de lui conférer une portée restrictive lorsqu’il apparaît que la formulation employée est équivoque ou imprécise mais recouvre de manière certaine les faits dont le tribunal est saisi. Dès lors, donner d'une disposition pénale une interprétation qui n'est pas exclusivement littérale ne constitue pas nécessairement une interprétation extensive de cette règle.
En maintenant l’incrimination de la détention et de l'acquisition d'images d'abus sexuels de mineurs, le législateur n’a pas voulu soustraire, du champ de la répression, l’hypothèse où l’auteur n’en aurait détenu ou acquis qu’une seule.
Ainsi, cette infraction peut être constituée par la détention ou l’acquisition d’une seule image, parmi celles visées par l’article 417/43 du Code pénal.
L’arrêt énonce que la prévention concerne la détention, par le défendeur, d’une image montrant « notamment une photo de la poitrine d’une mineure d’âge », alors que, selon les juges d’appel, l’article 417/46 du Code pénal ne vise que l’infraction consistant à détenir ou acquérir « des images ». L’arrêt ajoute que le dossier ne fait pas apparaître la détention d’une ou de plusieurs autres images illicites. Et les juges d’appel d’en conclure que le droit pénal étant de stricte interprétation, l’un des éléments constitutifs de l’infraction fait défaut.
Par ces motifs qui reviennent à excepter du champ d’application de l’article 417/46 du Code pénal des faits que le législateur n’a pas entendu en exclure, l’arrêt viole cette disposition.
Le moyen est fondé.
La cassation de la décision relative aux faits de la prévention E entraîne l’annulation de la décision d’appliquer au défendeur la suspension probatoire du prononcé de la condamnation et de celle relative à la peine accessoire d’interdiction des droits visés à l’article 31, alinéa 1er, du Code pénal.
Et pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il acquitte le défendeur de la prévention E, ordonne la suspension probatoire du prononcé de la condamnation et statue sur l’interdiction des droits visés à l’article 31, alinéa 1er, du Code pénal ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Laisse la moitié des frais à charge de l’Etat et réserve le surplus pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Liège.
Lesdits frais taxés à la somme de cent vingt euros trente-sept centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.