N° P.22.0797.F
ACTIVA, société anonyme,
partie civile,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. B. F.,
2. S. O.,
prévenus,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 23 mai 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle, statuant comme juridiction de renvoi ensuite d’un arrêt de la Cour du 3 juin 2020.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’audience du 17 avril 2024, le premier président Eric de Formanoir a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la deuxième branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil et 9 de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel.
Il reproche à l’arrêt de déclarer la demande en réparation du dommage résultant des délits commis par les défendeurs non fondée au motif que les indemnités complémentaires payées à la défenderesse en vertu de l’article 9 de la loi du 19 mars 1991 doivent rester définitivement à charge de la demanderesse et que la débition de l’indemnité complémentaire par l’employeur ne constitue pas un dommage réparable au sens de l’article 1382 de l’ancien Code civil.
Selon la demanderesse, la disposition précitée ne porte pas atteinte au droit à la réparation du dommage qu’elle a subi par le versement de ladite indemnité complémentaire à la suite de sa décision de licencier la défenderesse, candidate déléguée du personnel, pour motif grave, consistant dans des faits de faux, d’usage de faux et d’escroquerie.
L’article 9, alinéa 1er, de la loi du 19 mars 1991 dispose que si le président du tribunal du travail a décidé, à titre de mesure provisoire, pour un délégué du personnel, ou si l'employeur a décidé, pour un candidat délégué du personnel, que l'exécution du contrat de travail doit être suspendue jusqu'à ce que soit notifiée une décision passée en force de chose jugée sur la gravité des motifs invoqués par l'employeur ou, s'il n'y a pas eu appel, jusqu'à l'échéance du délai d'appel, l'employeur est tenu de payer, à l'échéance de chaque période normale de paie, une indemnité complémentaire aux allocations de chômage assurant au délégué du personnel ou au candidat-délégué du personnel un revenu égal à sa rémunération nette.
L'employeur qui est privé des prestations de son employé parce que celui-ci a commis à son détriment un délit rendant impossible la poursuite de la relation de travail, et qui est tenu de verser à cet employé, en vertu de son statut de travailleur protégé, pendant la durée de la procédure de licenciement, les indemnités prescrites par la loi, peut subir de ce fait un dommage consistant dans le fait de devoir consentir à des décaissements sans obtenir de prestation de travail.
Ne porte pas atteinte au droit à la réparation dudit dommage le quatrième alinéa de l’article 9 précité, aux termes duquel l'indemnité complémentaire versée par l’employeur reste acquise au délégué du personnel, quelle que soit la décision de la juridiction du travail sur les motifs invoqués par l'employeur.
Par la considération que les indemnités complémentaires payées par la demanderesse à la défenderesse doivent rester définitivement à charge de la première en vertu de l’article 9 de la loi du 19 mars 1991, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision de débouter la demanderesse de son action.
Le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au surplus du moyen qui ne saurait entraîner une cassation dans des termes différents de ceux énoncés au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, premier président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux mai deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.