N° C.23.0363.F
2D GROUPE, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Tournai (Orcq), chaussée de Lille, 442, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0883.298.529,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Colonies, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
BNP PARIBAS FORTIS, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, Montagne du Parc, 3, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.199.702,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 15 février 2023 par la cour d’appel de Mons.
Le 3 mai 2024, l’avocat général Thierry Werquin a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général Thierry Werquin a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le juge des saisies, qui, en vertu des articles 1395, alinéa 1er, et 1498 du Code judiciaire, connaît d’une demande ayant trait aux voies d’exécution sur les biens du débiteur, apprécie la légalité et la régularité de l’exécution ; il n’est pas compétent pour statuer sur des contestations qui, tout en concernant l’exécution, ne portent pas sur la légalité ou la régularité de celle-ci, et ne peut statuer, sauf les cas prévus par la loi, sur les droits des parties elles-mêmes.
Il ne peut ainsi statuer sur la légalité de la dénonciation d’un crédit constaté dans un acte notarié ou sur la qualification de la convention entre les parties.
Cette interdiction ne fait pas obstacle à ce que le juge des saisies examine si de telles contestations sont sérieuses et susceptibles d’affecter l’existence même de la créance et, dans ce cas, suspende la force exécutoire de l’acte notarié dans l’attente d’une décision au fond.
L’arrêt relève que, « par un acte notarié du 12 juillet 2011, [la défenderesse] a fait acter l’aménagement d’une ouverture de crédit existante en ses livres accordée à [la demanderesse] par lettre du 7 juin 2011 » et comportant deux crédits d’investissement, dont l’un d’un montant de 350 000 euros, et un crédit de caisse, que « les ouvertures de crédit sont consenties pour une durée indéterminée mais [que] la durée des formes d’utilisation est limitée » pour les crédits d’investissement, que « les conditions générales des ouvertures de crédit aux entreprises de [la défenderesse] sont également jointes », que, « par lettre du
28 mai 2019, [la défenderesse] a informé [le gérant de la demanderesse] de son intention de mettre un terme aux relations commerciales qui les lient, conformément à l’article 14 des conditions générales », que « les relations commerciales ont effectivement pris fin [le] 29 août 2019 avec pour conséquence que tous les services en lien avec les comptes mentionnés […] ont été supprimés », que la défenderesse a invoqué un arriéré de paiement, qu’« en l’absence de régularisation complète, le crédit [d’investissement d’un montant de 350 000 euros] a finalement été dénoncé le 11 février 2020 » et qu’« une citation au fond a été signifiée [le] 6 janvier 2021 », la demanderesse contestant la régularité de la dénonciation du crédit.
Après avoir énoncé que « les compétences du juge des saisies se limitent […] au contentieux de l’exécution et qu’il ne peut, sauf exception légalement prévue, connaître du fond du litige », l’arrêt, qui refuse d’examiner les contestations de la demanderesse relatives à la régularité de la dénonciation du crédit et à la qualification de la convention entre les parties au seul motif que « toutes les considérations relevant du fond du litige […] ne peuvent être examinées par la cour [d’appel] », viole les articles 1395 et 1498 du Code judiciaire.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n’y a pas lieu d’examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel principal ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du sept juin deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.