N° S.23.0043.F
ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES, dont le siège est établi à Schaerbeek, chaussée de Haecht, 579, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0411.702.543,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 20 février 2023 par la cour du travail de Mons.
Le 4 avril 2024, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
En vertu de l’article 24, alinéa 4, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, dans la version applicable aux faits, si son état exige absolument l'assistance régulière d'une autre personne, la victime peut prétendre à une allocation annuelle complémentaire, fixée en fonction du degré de nécessité de cette assistance sur la base du revenu minimum mensuel moyen garanti tel qu’il est déterminé, au moment où l'incapacité présente le caractère de la permanence, par convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail pour un travailleur occupé à temps plein d’un certain âge et ayant au moins six mois d'ancienneté dans l'entreprise qui l'occupe.
En vertu de l’article 28 de la même loi, la victime a droit aux soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers.
Ces soins sont distincts de l’assistance dont il est question à l’article 24, alinéa 4, de cette loi.
En vertu de l’article 34, alinéa 1er, première phrase, et deuxième phrase, 11°, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, les prestations de santé, portant tant sur les soins préventifs que sur les soins curatifs, comprennent entre autres les prestations qui sont fournies par des maisons de repos et de soins agréées par l’autorité compétente.
L’article 37, § 12, alinéa 1er, de cette loi, dispose, à la première phrase, que le ministre fixe, sur proposition du comité de l'assurance, l'intervention pour les prestations visées à l'article 34, alinéa 1er, 11°, ainsi que les conditions de cette intervention.
Suivant l’article 147, § 3, de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, l'intervention de l'assurance soins de santé pour les prestations visées à l'article 34, alinéa 1er, 11°, de la loi coordonnée consiste en une allocation journalière appelée allocation pour soins et assistance dans les actes de la vie journalière.
Pour les maisons de repos et de soins destinées aux patients répondant aux conditions visées à l'article 148 de l'arrêté royal du 3 juillet 1996, l'intervention est fixée de manière forfaitaire par l’arrêté ministériel du 6 novembre 2003 fixant l'intervention visée à l'article 37, § 12, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, dans les maisons de repos et de soins et dans les maisons de repos pour personnes âgées.
Un patient remplit les conditions visées à l’article 148 précité lorsqu’il ne nécessite plus ni surveillance médicale journalière ni traitement médical spécialisé permanent mais est fortement tributaire de soins et de l'assistance de tierces personnes pour les actes essentiels de la vie journalière, est soigné par un service ou admis dans une institution spécialement agréés pour certains soins, et est dépendant physiquement et psychiquement.
L’article 147, § 1er, 1°, 2°, 4° et 5°, de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 prévoit que les prestations visées à l’article 34, alinéa 1er, 11°, de la loi coordonnée comprennent, en ce qui concerne les maisons de repos et de soins :
- les soins dispensés par les praticiens de l'art infirmier ;
- les prestations de kinésithérapie et de logopédie effectuées par les dispensateurs de soins qualifiés à cet effet ;
- l'assistance dans les actes de la vie journalière et tout acte de réactivation et intégration sociale, y compris l'ergothérapie ;
- les produits et le matériel destinés à prévenir les maladies nosocomiales, ainsi que les produits dont une liste détaillée est établie par le comité de l’assurance.
Il ressort de cette disposition que les prestations qui sont fournies dans une maison de repos et de soins et qui donnent lieu au paiement du forfait fixé par l’arrêté ministériel du 6 novembre 2003 sont plus larges que l’assistance d’une autre personne au sens de l’article 24, alinéa 4, de la loi du 10 avril 1971 et englobent les soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers au sens de l’article 28 de cette loi.
Ni les dispositions précitées de la loi du 10 avril 1971 ni aucune autre disposition ne mettent fin à l’allocation pour tierce personne due en vertu de l’article 24, alinéa 4, de cette loi en cas d’admission de la victime en maison de repos ou en maison de repos et de soins, quand bien même cette admission donnerait lieu à l’intervention de l’assurance soins de santé au titre de l’allocation forfaitaire pour soins et assistance dans les actes de la vie journalière.
En décidant que le recours subrogatoire de la demanderesse n’est fondé que jusqu’à concurrence d’une partie de ce forfait, qu’elle paie à la maison de repos et de soins où séjourne la victime, soit la partie correspondant aux prestations de soins médicaux et infirmiers, et qu’il n’est pas fondé pour la partie correspondant aux « prestations non médicales pouvant être dispensées par un personnel non qualifié », l’arrêt attaqué viole les dispositions légales précitées.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour du travail de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Eric de Formanoir, les présidents de section Christian Storck, Koen Mestdagh et Mireille Delange, le conseiller Bruno Lietaert, et prononcé en audience publique du dix juin deux mille vingt-quatre par le premier président Eric de Formanoir, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.