N° P.23.1735.F
W. F.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Onur Yurt, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 21 novembre 2023 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 23 mai 2024, l’avocat général délégué Véronique Truillet a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 12 juin 2024, le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LES FAITS
Par un jugement rendu par défaut le 17 novembre 2020, le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles a notamment confirmé la condamnation du demandeur à une déchéance du droit de conduire tout véhicule à moteur pour une période de quatre mois.
Par exploit du 13 janvier 2021, ce jugement a été signifié à domicile, conformément à l’article 38, § 1er, du Code judiciaire.
Le 20 août 2021, le demandeur a signé un document par lequel il reconnait avoir reçu d’un agent de police la copie d’un avertissement ayant pour objet la mise à exécution de la déchéance du droit de conduire prononcée le 17 novembre 2020, ainsi qu’un exemplaire de la notification des droits de la personne ayant été condamnée par défaut en Belgique.
Le demandeur a fait opposition au jugement précité par un exploit signifié le 24 octobre 2022 au procureur du Roi de Bruxelles.
Par un jugement prononcé le 21 novembre 2023, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable l’opposition formée par le demandeur en dehors du délai légal, sans qu’un cas de force majeure ne puisse justifier le non-respect de ce délai.
Il s’agit du jugement attaqué.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Pris de la violation de l’article 187, § 1er, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle, le moyen soutient que les juges d’appel n’ont pu déduire, des constatations en fait énoncées dans le jugement attaqué, que le demandeur avait connaissance, dès le 20 août 2021, de l’acte de signification du jugement du 17 novembre 2020 le condamnant par défaut. Selon le moyen, l’avertissement donné par le ministère public en application de l’article 40 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière ne mentionne en effet nulle part la signification du jugement rendu par défaut.
Aux termes de l’article 187, § 1er, alinéas 1 et 2, du Code d’instruction criminelle, la personne condamnée par défaut pourra faire opposition au jugement dans les quinze jours qui suivent celui de la signification de ce dernier. Lorsque la signification du jugement n'a pas été faite à sa personne, le condamné par défaut pourra faire opposition, quant aux condamnations pénales, dans les quinze jours qui suivent celui où il aura eu connaissance de la signification.
Le délai extraordinaire d’opposition ne prend donc cours qu’à la date à laquelle le prévenu a pris connaissance, non du jugement rendu par défaut à sa charge et de son contenu, mais de la signification régulière de celui-ci.
Le juge apprécie souverainement en fait si l'opposant avait connaissance de la signification de la décision rendue par défaut, la Cour vérifiant s'il n'a pas déduit de ses constatations des conséquences qu'elles ne sauraient justifier.
Cette connaissance ne nécessite l’accomplissement d’aucune formalité et, en matière de roulage, peut donc résulter, le cas échéant, de l’avertissement visé à l’article 40, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968.
Cependant, cet avertissement n’implique pas nécessairement la connaissance de la signification du jugement mis à exécution si l’existence de cette signification n’est pas mentionnée lors de la notification.
Pour décider que le délai extraordinaire d’opposition pouvait dès lors courir à partir de la date de signature de la notification de la déchéance, les juges d’appel ont énoncé que « l’avertissement ayant pour objet la mise à exécution de la déchéance du droit de conduire prononcée le 17 novembre 2020 et versé au dossier, est daté du 20 août 2021 et signé par [le demandeur] » et que « en outre, cet avertissement comporte la mention quant à la notification des droits de la personne ayant été condamnée par défaut ».
Il ne ressort pas de ces énonciations que le demandeur a eu connaissance, dès le 20 août 2021, de la signification du jugement rendu par défaut.
Le tribunal n’a pas légalement justifié sa décision selon laquelle, le délai extraordinaire d’opposition ayant commencé à courir à partir de la date précitée, l’opposition introduite le 24 octobre 2022 est irrecevable pour cause de tardiveté.
Le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner la première branche du moyen, laquelle ne saurait entraîner une cassation dans d’autres termes que ceux libellés ci-après.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause au tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, siégeant en degré d’appel, autrement composé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Véronique Truillet, avocat général délégué, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.