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24/06/2024 | BELGIQUE | N°S.23.0060.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 juin 2024, S.23.0060.F


N° S.23.0060.F
LES RIÈZES ET LES SARTS, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Saint-Jean, 32-38, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0429.081.379,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
AGENCE WALLONNE DE LA SANTÉ, DE LA PROTECTION SOCIALE, DU HANDICAP ET DES FAMILLES, en abrégé Aviq, organisme d’intérêt public, dont le siège

est établi à Charleroi (Montignies-sur-Sambre), rue de la Rivelaine, 21, inscrit à la b...

N° S.23.0060.F
LES RIÈZES ET LES SARTS, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Saint-Jean, 32-38, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0429.081.379,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
AGENCE WALLONNE DE LA SANTÉ, DE LA PROTECTION SOCIALE, DU HANDICAP ET DES FAMILLES, en abrégé Aviq, organisme d’intérêt public, dont le siège est établi à Charleroi (Montignies-sur-Sambre), rue de la Rivelaine, 21, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0646.877.855,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 22 mai 2024, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par le défendeur et déduite de la nouveauté :
Dans ses conclusions d’appel, la demanderesse soutenait qu’il existait une différence de traitement entre les infirmiers, selon qu’ils ont acquis leurs qualifications professionnelles en Belgique ou dans un autre État membre de l’Union européenne.
Le moyen qui reproche à l’arrêt de ne pas reconnaître l’existence de cette différence de traitement n’est pas nouveau, quand bien même il déduit de cette différence une discrimination indirecte alors que les conclusions d’appel en déduisaient une discrimination directe.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
Suivant l’article 1er de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, cette directive établit les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l’accès à une profession réglementaire ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession.
Conformément à l’article 21, paragraphe 1er, de la directive 2005/36/CE, s’agissant de la profession d’infirmier responsable des soins généraux, chaque État membre reconnaît certains titres de formations, qui sont conformes à des conditions minimales de formation, en leur donnant, en ce qui concerne l’accès aux activités professionnelles et leur exercice, le même effet sur son territoire qu’aux titres de formation qu’il délivre.
En vertu de l’article 50, paragraphe 1er, de la même directive, lorsqu’elles statuent sur une demande visant à obtenir l’autorisation d’exercer la profession réglementée concernée en application du titre III relatif à la liberté d’établissement, les autorités compétentes de l’État membre d’accueil peuvent exiger certains documents et certificats.
Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne que, ainsi que l’indique son considérant 1er, la directive 2005/36/CE poursuit l’objectif de contribuer à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union européenne.
Il s’ensuit, sans aucun doute raisonnable, que, ainsi que l’énonce le considérant 3 pour l’ensemble des dispositions de la directive, l’article 50 précité ne préjuge pas du respect par le professionnel migrant d’éventuelles conditions d’exercice non discriminatoires qui seraient imposées par l’État membre d’accueil, pour autant que ces conditions soient objectivement justifiées et proportionnées.
Conformément aux articles 21quater et 21sexies, § 1er, de l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé, et 25, § 1er, 1°, de la loi relative à l’exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015, les praticiens de l’art infirmier ne peuvent exercer leur art que s’ils ont fait viser leur diplôme par l’administration.
En vertu de l’article 104, alinéa 1er, de cette loi, en règle, le migrant, c’est- à-dire notamment le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, qui est détenteur d’une qualification professionnelle et qui désire exercer en Belgique l’art infirmier fait reconnaître cette qualification professionnelle par l’administration.
Suivant l’alinéa 2 du même article 104, le ressortissant d’un État membre fait viser l’acte par lequel il obtient la reconnaissance de sa qualification professionnelle.
Cet article 104, alinéa 2, règle la procédure suivant laquelle les autorités belges statuent sur une demande visant à obtenir l’autorisation d’exercer la profession d’infirmier, partant, conformément aux articles 50 et 21, paragraphe 1er, de la directive 2005/36/CE, qu’il transpose sur ce point, prohibe les conditions discriminatoires.
L’arrêt énonce que, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, la demanderesse employait sept infirmiers ressortissants français et titulaires de diplômes français, que les infirmiers diplômés par les établissements d’enseignement belges reçoivent en pratique le visa sans formalité après transmission des listes de diplômés par ces établissements à l’administration tandis que les infirmiers titulaires d’un diplôme d’un autre État membre de l’Union européenne doivent demander le visa, que les infirmiers en cause n’ont pas fait viser la reconnaissance de leur diplôme et qu’ils ne pouvaient donc exercer l’art infirmier à défaut du visa exigé par l’ « articl[e] 104 de la directive [lire : l’article 104 de la loi coordonnée le 10 mai 2015] ».
La demanderesse dénonçait l’existence d’une différence de traitement entre ces infirmiers, dès lors que seuls ceux qui sont diplômés dans un autre État membre de l’Union européenne doivent prendre l’initiative de faire viser l’acte reconnaissant leurs qualifications professionnelles.
L’arrêt exclut l’existence de cette différence de traitement par les considérations que « l’exigence du visa est identique pour les professionnels de santé disposant de qualifications professionnelles acquises en Belgique ou dans un autre État membre », qui est étrangère à la différence de traitement litigieuse, et qu’ « un diplômé belge pour lequel aucune information n’aurait été transmise sera également amené à devoir demander le visa », dont il ressort que, aux yeux de la cour du travail, les infirmiers diplômés en Belgique ne doivent qu’exceptionnellement demander le visa alors que ceux diplômés à l’étranger doivent toujours le faire.
En statuant de la sorte, l’arrêt viole l’article 104, alinéa 2, de la loi coordonnée le 10 mai 2015.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n’y a pas lieu d’examiner les autres branches du moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il dit l’appel recevable et décide que la huitième personne concernée ne peut être déclarée et comptabilisée comme personnel infirmier pour les périodes de référence litigieuses ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt-quatre par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.23.0060.F
Date de la décision : 24/06/2024
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-06-24;s.23.0060.f ?

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