N° P.24.1078.F
A. R.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Pierre Chomé, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 2 juillet 2024 par la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport.
L’avocat général Bénédicte Inghels a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 22, alinéa 7, 23, 4°, 30, §§ 3 et 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Dans ses conclusions d’appel, le demandeur a sollicité que la détention préventive soit poursuivie sous la modalité de la surveillance électronique. Sa demande était étayée par plusieurs éléments dont notamment son âge et ses problèmes de santé, sa collaboration lors de la reconstitution, l’absence d’inculpation du chef de participation à une organisation criminelle, les éléments de personnalité favorables découlant du rapport d’expertise du 5 décembre 2023 et de l’enquête de moralité.
Le moyen reproche à l’arrêt de répondre de manière abstraite à la demande d’octroi du bracelet.
Le juge n’est tenu de répondre qu’aux moyens, c’est-à-dire à l’énonciation par une partie d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d’une demande, d’une défense ou d’une exception. Le juge n’est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. Il en est singulièrement ainsi devant les juridictions d’instruction, tenues de décider dans un délai bref s’il y a lieu de maintenir la détention préventive.
En ayant considéré, d’une part, que la détention préventive sous surveillance électronique, même assortie d’une interdiction de contact, que propose l’inculpé, n’est pas susceptible de garantir la sécurité publique, ni de supprimer le risque de récidive pré-décrit, d’autre part, que ni les problèmes de santé, ni les autres éléments vantés par l’inculpé dans ses conclusions ne sont de nature à remettre en cause ce qui précède, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le moyen fait également grief aux juges d’appel d’avoir, par adoption des motifs du réquisitoire, considéré que le risque de récidive était renforcé par le fait que le demandeur occupait une fonction subalterne dans une organisation criminelle établie de longue date alors qu’il n’a jamais été inculpé de participation à une organisation criminelle.
Le constat de l’existence du risque de récidive ne requiert pas que ce dernier soit mis en relation avec une inculpation visant la personne placée en détention préventive.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 634 du Code d’instruction criminelle, de la foi due aux actes, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la présomption d’innocence.
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir considéré, par adoption des motifs du réquisitoire, que le casier judiciaire de l’inculpé comportait la mention d’une condamnation par un tribunal de police, mais qu’il apparaissait qu’il avait pu bénéficier d’une réhabilitation, « de telle sorte qu’il [était] permis de se demander quelle leçon il [avait] pu retenir de condamnations antérieures et de la procédure de réhabilitation ».
Selon le moyen, il n’apparaît ni du dossier de la procédure ni de l’extrait de casier judiciaire que le demandeur aurait bénéficié d’une procédure de réhabilitation.
Dans la mesure où il invoque une violation de la foi due aux pièces du dossier sans identifier celle dont l’arrêt méconnaitrait la foi qui lui est due, le moyen, imprécis, est irrecevable.
Quant à l’extrait de casier judiciaire du demandeur, la cour d’appel ne s’y est pas référée pour énoncer qu’il a bénéficié d’une réhabilitation. Dès lors, les juges d’appel n’ont pu violer la foi due à cet acte.
A cet égard, le moyen manque en fait.
Le demandeur soutient également que l’arrêt viole la présomption de son innocence en associant un risque de récidive à l’existence d’un antécédent pour lequel le demandeur a été réhabilité.
La réhabilitation dont les conséquences juridiques sont énumérées à l'article 634 du Code d'instruction criminelle est une mesure qui, si elle bénéficie au condamné, est prise toutefois dans l'intérêt général. Cette disposition légale non limitative n'a cependant pas pour effet d'occulter, comme s'ils n'avaient jamais existé, les faits qui, constatés judiciairement, ont fondé la condamnation de la personne réhabilitée.
Partant, aucune disposition légale ou principe général du droit n’interdit à la juridiction d’instruction chargée de statuer sur le maintien de la détention préventive, d’avoir égard au risque de récidive attesté par la mention dans le casier judiciaire d’une condamnation qui aurait donné lieu à une réhabilitation.
De même, il n’est pas interdit à cette juridiction d’instruction de constater qu’une réhabilitation a bénéficié à l’inculpé et que, à supposer qu’il ait commis de nouvelles infractions, il s’en déduirait que l’intéressé n’a pas pris la mesure de l’opportunité dont il a bénéficié.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quarante-trois euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, président, Geert Jocqué et Mireille Delange, présidents de section, Ignacio de la Serna et Myriam Ghyselen, conseillers, et prononcé en audience publique du seize juillet deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Bénédicte Inghels, avocat général, avec l’assistance de Patricia De Wadripont, greffier.