La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/09/2024 | BELGIQUE | N°P.24.0684.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 septembre 2024, P.24.0684.F


N° P.24.0684.F
D. F.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Madleen Vanhamme, avocat au barreau de Mons, et Maxime Chomé, avocat au barreau de Bruxelles,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 10 avril 2024 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISIO

N DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Con...

N° P.24.0684.F
D. F.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Madleen Vanhamme, avocat au barreau de Mons, et Maxime Chomé, avocat au barreau de Bruxelles,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 10 avril 2024 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 66, 67, 196 et 197 du Code pénal.
Quant à la première branche :
Le moyen soutient que l’arrêt attaqué est ambigu car il ne précise pas si les faits de faux et d’usage de ces faux, visés sous les préventions B.1 et B.2, consistent à avoir établi des faux matériels ou des faux intellectuels. Il soutient que si les juges d’appel devaient avoir considéré que ces actes constituent des faux matériels, l’arrêt violerait l’article 196 du Code pénal, dès lors que le fait de compléter un formulaire en y indiquant des mentions exactes ne saurait relever de la notion d’altération matérielle de la vérité.
Mais à la page 20 de l’arrêt, les juges d’appel ont dit admettre la thèse selon laquelle le demandeur pourrait ne pas être l’auteur des fausses signatures apposées sur les procurations visées auxdites préventions B.1 et B.2. Ils ont considéré que même si le demandeur n’était pas l’auteur de ces altérations matérielles de la vérité, le fait, tenu pour établi par l’arrêt, qu’il ait ensuite complété lesdits documents en y indiquant l’identité des prétendus mandants suffit, en « donn[ant] à un fait mensonger l’apparence de la vérité », à constituer l’infraction de faux.
Dès lors, l’arrêt considère que les faits déclarés établis ont consisté à avoir commis deux faux intellectuels et à avoir fait usage de ces actes.
Procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur reproche aux juges d’appel de ne pas avoir légalement constaté l’existence, dans son chef, de l’élément moral requis. Le moyen soutient que l’intention frauduleuse qui doit avoir animé l’auteur du faux et de son usage ne peut consister dans le seul mobile du faussaire ou dans l’intérêt qu’il a retiré de l’acte, ni dans la circonstance que le demandeur avait connaissance, s’agissant de certaines procurations dont il fit usage, du fait qu’un tiers, qui en détenait beaucoup, les avait complétées lui-même et ce, précisément le jour du suffrage. Enfin, la méconnaissance éventuelle des règles applicables au mandat ou à l’usage de procurations lors d’élections ne saurait davantage, selon le demandeur, suffire à établir l’existence de l’intention frauduleuse. Ainsi, selon le moyen, pareils motifs, énoncés par les juges d’appel, sont inaptes à justifier la décision que le demandeur a agi sciemment et avec l’intention spéciale incriminée.
L'infraction de faux en écritures visée aux articles 193, 196, 213 et 214 du Code pénal, consiste en ce que, dans un écrit protégé par la loi, la réalité est déguisée avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, d'une manière déterminée par la loi.
L'intention frauduleuse qui rend le faux punissable est réalisée lorsque l'auteur, trahissant la confiance commune dans l'écrit, cherche à obtenir un avantage ou un profit, de quelque nature qu'il soit, qu'il n'aurait pas obtenu si la vérité et la sincérité de l'écrit avaient été respectées.
À cet égard, les juges d’appel ne se sont pas bornés à énoncer les motifs que le moyen critique.
Aux pages 25 et 26 de son arrêt, la cour d’appel a estimé, à propos des faux visés sous la prévention A, que même en considérant que le demandeur n’ait pas été l’auteur des fausses procurations, il n’avait pas ignoré qu’en détenant autant de convocations d’électeurs auxquelles étaient annexés des certificats médicaux et des procurations, la prévenue B., qui en avait remis au demandeur, « détournait » ces mandats, la pratique qualifiée de « chasse aux procurations » n’étant pas conforme aux intérêts du mandant mais servant seulement ceux de leur détenteur. Après avoir décidé que cette pratique, qui simule l’existence de mandats, emportait l’établissement de faux intellectuels, l’arrêt considère qu’en ses qualités de bourgmestre et d’avocat, le demandeur n’avait pu ignorer son illégalité, de sorte qu’en invitant des proches à recevoir les procurations et à les utiliser, il s’était, comme coauteur, rendu coupable des faux et de leur usage. L’arrêt précise encore que le demandeur a d’autant moins pu ignorer le caractère répréhensible de sa participation, qu’il avait lui-même déjà commis les faux visés sous la prévention B. Il ajoute qu’en remettant ces procurations aux membres de son entourage et en invitant ceux-ci à les utiliser, le demandeur a participé à l’usage de faux au préjudice des prétendus mandants et des candidats concurrents au suffrage. Enfin, s’agissant des faux visés sous la prévention B, l’arrêt précise à la page 21 que non seulement le demandeur avait connaissance de l’altération de la vérité, pour en avoir été l’auteur, mais qu’il l’avait souhaitée, le but de ces faux consistant précisément à le favoriser, lui-même ou des candidats de son parti, dans le cadre des élections, dès lors qu’il a ensuite remis les documents concernés à son épouse et à sa fille, soit des personnes de confiance.
Ainsi, l’arrêt donne à connaître les raisons pour lesquelles il considère que si la vérité et la sincérité des écrits avaient été respectées, le demandeur n’aurait pas obtenu, lors du suffrage, les votes favorables auxquels ont donné lieu ces actes, soit le résultat recherché par lui.
Dès lors, l’arrêt motive régulièrement et justifie légalement la décision que l’élément moral requis par l’incrimination du faux et de son usage était présent.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Et contrairement à ce que le moyen soutient à propos des faux visés à la prévention B, les juges d’appel n’ont pas trouvé la preuve de cet élément moral dans la circonstance que le demandeur se serait abstenu de prendre contact avec les époux R.-S., soit les électeurs au nom desquels les procurations visées à ladite prévention avaient prétendument été émises.
De même, la circonstance que des irrégularités auraient été commises au regard de la réglementation électorale relative aux procurations n’a pas constitué la motivation des juges d’appel à propos de l’existence de l’élément moral des faux.
Les juges d’appel y ont vu, ce qui est différent, la démonstration du fait que si ces règles avaient été respectées, il n’y aurait pas eu d’altération de la vérité et l’intérêt des mandants n'aurait pas été méconnu.
Dans cette mesure, procédant d’une lecture erronée de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 12 et 14 de la Constitution, et 196 et 197 du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance du principe de légalité en matière pénale. Il reproche à l’arrêt, sous le couvert du recours à l’incrimination du faux et de son usage, de déclarer le demandeur coupable de cette infraction pour avoir omis de rencontrer les personnes au nom desquelles les procurations litigieuses avaient été établies. Or, selon le moyen, pareil mode de captation des suffrages, aujourd’hui prohibé et puni par l’article L4168-15 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, n’était pas incriminé à l’époque des faits.
L’article L4168-15. § 1er, du code précité, prévoit que relèvent de la captation des suffrages, divers actes commis par un électeur, soit le fait de :
- donner procuration en application de l'article L4132-1, § 1er, dudit code, en l'absence des conditions requises à cet effet ;
- ayant donné procuration, laisser voter son porteur malgré l'absence, au moment du vote, des conditions prévues à l'article L4132-1, § 1er ;
- voter sciemment au nom de son mandant alors que celui-ci était décédé, ou alors qu'il était possible au mandant d'exercer lui-même son droit de vote ;
- accepter ou donner plusieurs mandats en application de l'article L4132-1, § 1er.
Mais, d’une part, cette disposition ne punit pas celui qui, comme en l’espèce, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, aura, d’une manière prévue par la loi, falsifié une telle procuration et elle ne remplace ni n’exclut cette incrimination. D’autre part, le demandeur n’a pas été reconnu coupable de captation des suffrages selon un des modes ainsi dorénavant incriminés.
Dans cette mesure, procédant d’une lecture erronée de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Le demandeur soutient enfin que n’ayant pas lui-même employé les procurations litigieuses, puisqu’il n’en fut pas le porteur, il ne pourrait avoir été l’auteur ou le coauteur de pareils faux ou de leur usage.
D’une part, pour qu'un prévenu puisse être légalement condamné comme coauteur d'une infraction de faux en écritures et d'usage de faux, il n'est point requis qu’il en ait été personnellement l’utilisateur.
D’autre part, l'auteur d'un faux en écritures est pénalement responsable de l'usage de la pièce fausse qui est la continuation du faux prévue ou voulue par lui, même lorsque c'est un tiers qui fait usage de cette pièce fausse.
À cet égard, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, premier président, le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.0684.F
Date de la décision : 25/09/2024
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-09-25;p.24.0684.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award