N° C.24.0071.F
SEGA-BOIS, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Dinant (Lisogne), Charreau-de-Lisogne, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0456.748.254,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
1. COMMUNE DE GREZ-DOICEAU, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Grez-Doiceau, place Ernest Dubois, 1,
2. BOURGMESTRE DE GREZ-DOICEAU, dont les bureaux sont établis à Grez-Doiceau, place Ernest Dubois, 1,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
La faute de l’autorité administrative pouvant, sur la base des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, engager sa responsabilité consiste en un comportement qui, ou bien s’analyse en une erreur de conduite devant être appréciée suivant le critère de l’autorité normalement soigneuse et prudente, placée dans les mêmes conditions, ou bien, sous réserve d’une erreur invincible ou d’une autre cause de justification, viole une norme de droit national ou international ayant des effets directs dans l’ordre interne qui impose à cette autorité de s’abstenir ou d’agir d’une manière déterminée.
Il ne s’ensuit pas que la violation de toute norme légale ou réglementaire constitue en soi une faute de l’autorité administrative.
Il faut que la norme impose à cette autorité de s’abstenir ou d’agir d’une manière déterminée.
Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
L’arrêt énonce que, « le 13 juillet 2015, un procès-verbal de constat d’infraction avec ordre d’arrêt des travaux fut établi à charge de [la demanderesse] et [d’une propriétaire] sur la base d’une infraction à l’article 3 du règlement communal [du 16 décembre 2014] » et que, « s’agissant de la parcelle appartenant à un [autre propriétaire], les travaux n’ont jamais été réalisés », la défenderesse maintenant l’application du règlement litigieux.
Il relève d’abord que ce règlement « était effectivement en vigueur depuis avril 2015, […] faute de décision prise dans [le] délai [de 90 jours] par l’autorité de tutelle et [ayant] été dûment affiché le 9 avril 2015 ».
S’agissant du moyen de la demanderesse tenant à « l’illégalité du règlement communal », il relève ensuite que, « dans [la] mesure [où il vise] de fait l’exploitation forestière de tous les bois ou forêts privés hors des zones forestières du plan de secteur, [ce règlement] outrepasse l’habilitation conférée par l’article 58quinquies de la loi sur la conservation de la nature » et est ainsi « illégal ».
Il considère toutefois que l’illégalité n’est révélée que « sur la base d’une analyse des travaux préparatoires de [la loi], dans le cadre d’un débat juridique contradictoire, qui ne devait pas intervenir au stade de la décision de dresser procès-verbal […] ou de décider d’appliquer ledit règlement […], faute de recours administratif à l’encontre de cet acte », et que « le premier juge n’a, quant à lui, pas analysé le règlement litigieux dans le même sens que la cour [d’appel] ».
Il en déduit que « le fait de se prévaloir d’un règlement communal en vigueur et qui n’est pas manifestement illégal ne constitue pas une faute dans le chef de [la défenderesse] ».
Par ces énonciations, l’arrêt donne à connaître que, dès lors qu’il est reproché à l’autorité administrative, non d’adopter, mais d’appliquer un règlement illégal, son comportement doit être examiné à l’aune de celui d’une autorité normalement soigneuse et prudente placée dans les mêmes conditions et que, l’illégalité n’étant pas manifeste, le fait de se prévaloir du règlement ne constitue pas une faute.
Il ne ressort en revanche pas de ces énonciations que l’arrêt considère qu’en adoptant un règlement outrepassant l’habilitation légale, la défenderesse a certes commis une faute, mais qui ne lui serait pas imputable en raison d’une erreur invincible.
Le moyen, qui, en cette branche, est fondée sur l’hypothèse contraire, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent septante-sept euros deux centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-six septembre deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.