N° P.24.1299.F
A. T.,
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Mélanie Bosmans, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 28 août 2024 par le juge du tribunal de l’application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport.
Le premier avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, du principe du contradictoire et du principe de légitime confiance.
Le demandeur reproche au juge de l’application des peines d’avoir rendu sa décision dès le 28 août 2024 alors qu’elle lui aurait été annoncée pour le 12 septembre 2024. Selon le moyen, le demandeur a été privé du droit de déposer des conclusions écrites pour répondre à l’avis négatif du ministère public concernant la demande de détention limitée.
L’article 6 de la Convention ne s’applique pas, en tant que tel au juge de l’application des peines, puisqu’il ne décide pas du bien-fondé d’une accusation en matière pénale.
A cet égard, le moyen manque en droit.
Le législateur a décidé d’ériger en principe la procédure écrite devant le juge de l’application des peines. Il en résulte que sur la demande d’octroi d’une détention limitée introduite par le condamné, le juge de l’application des peines décide souverainement s’il souhaite entendre le condamné. S’il estime que cette audition n’est pas utile, il décide de faire droit ou non à la demande du condamné simplement sur la base des pièces, en ce compris les avis exprimés mais sans audience ni possibilité de dépôt de conclusions.
Soutenant que le juge de l’application des peines doit laisser la possibilité au condamné de déposer des conclusions avant qu’il soit statué sur sa demande de détention limitée, le moyen, à cet égard également, manque en droit.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 28, § 1er, 2°, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté, ainsi que de la méconnaissance de la notion juridique de présomption de fait.
Le moyen reproche au jugement de retenir comme contre-indication le risque manifeste pour l’intégrité physique de tiers alors que, selon le demandeur, ce risque ne saurait découler uniquement des antécédents judiciaires et de la nature des faits commis. Il est fait grief au juge de l’application des peines d’avoir confondu les notions de risque de récidive et d’atteinte à l’intégrité physique.
Le juge de l’application des peines apprécie, en fait, l’existence des contre-indications énumérées à l’article 28, § 1er, précité, la Cour se bornant à vérifier si, de ses constatations en fait, le juge a pu déduire la conclusion qu’il en tire.
Le jugement relève notamment les éléments suivants :
- le demandeur présente un important parcours délinquant ainsi qu’en atteste son casier judiciaire qui révèle vingt-deux condamnations en majorité pour des vols dont plusieurs avec violences outre deux condamnations en matière de stupéfiants ;
- ce parcours est révélateur d’un ancrage dans une délinquance acquisitive qui s’explique par une situation précaire et qui est accentuée par une addiction aux produits stupéfiants ;
- un risque pour l’intégrité physique d’autrui est donc bien présent dès lors que le demandeur n’a aucun revenu et aucun milieu d’accueil.
Il se déduit de ce qui précède que le juge de l’application des peines a pris en considération, non pas le risque d’une récidive en général, mais bien celui, manifeste, d’une atteinte à l’intégrité de tiers.
La décision est régulièrement motivée et légalement justifiée.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de neuf euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, premier avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.