N° P.24.0729.F
LA REGION WALLONNE, représentée par le fonctionnaire sanctionnateur régional délégué du Service public de Wallonie Mobilité et Infrastructures, dont les bureaux sont établis à Namur, boulevard du Nord, 8,
partie poursuivante,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marc Uyttendaele et Bieke Vanmarcke, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
1. N. L.,
prévenue,
2. LOGISTIQUE TRANSPORT BLEGNY, société anonyme,
civilement responsable,
défenderesses en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 16 avril 2024, sous le numéro 122, par le tribunal correctionnel de Liège, division Huy, statuant en premier et dernier ressort sur une requête des défenderesses en contestation d’une amende administrative infligée par la demanderesse.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
Le premier avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution.
Les défenderesses se sont vues infliger une amende administrative sanctionnant la conduite d’un camion affecté, selon la partie poursuivante, d’une surcharge dépassant la masse maximale autorisée.
Contestant cette amende, elles ont invoqué notamment le Règlement européen du 12 décembre 2012 portant application du Règlement (CE) n° 661/2009 du Parlement européen et du Conseil pour la réception par type relative aux masses et dimensions des véhicules à moteur et de leurs remorques. Elles ont fait valoir que l’annexe IV de ce Règlement admet une surcharge de trente pourcents pour certains véhicules équipés d’un système dénommé « Opti-turn », lequel permet d’améliorer la maniabilité des remorques de camion.
En réplique à cette défense, la partie poursuivante a déposé des conclusions soutenant, d’une part, que le Règlement susdit a été abrogé et, d’autre part, qu’il fixe des règles applicables aux constructeurs de camions et n’a dès lors pas vocation à régir les masses pouvant être tolérées lorsque les véhicules circulent sur la voie publique.
Le moyen fait valoir que le jugement ne répond pas auxdites conclusions.
Le jugement considère qu’indépendamment du Règlement invoqué, le système automatique « Opti-turn » peut, s’il est enclenché, influencer le mesurage de la charge des essieux. Or, la demanderesse ne démontre pas, d’après le tribunal correctionnel, que ce système n’a pas été enclenché, et les agents qui ont effectué le contrôle n’ont pas vérifié s’il l’était ou pas.
Ces considérations rendent sans pertinence l’affirmation relative à l’abrogation ou à la non-application du Règlement européen en la cause.
Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation du Règlement européen du 12 décembre 2012 précité, ainsi que du Règlement 2019/2144 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 relatif aux prescriptions applicables à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs remorques.
La demanderesse fait valoir que le Règlement de 2012 susdit, destiné aux seuls constructeurs, ne s’applique pas dans les conditions normales de circulation et n’est donc pas supposé interférer dans les masses contrôlées.
Le jugement ne contredit pas la norme invoquée. S’il annule l’amende querellée, ce n’est pas au motif que les défenderesses pourraient se prévaloir de la surcharge de trente pourcents admise par ledit Règlement, mais parce que la demanderesse ne démontre pas que le système « Opti-turn » équipant le camion contrôlé ne s’est pas enclenché.
Pour le surplus, il est fait grief au jugement de violer les articles 18 et 19 du Règlement de 2019, au motif qu’il se fonde sur celui du 12 décembre 2012, abrogé.
Mais le jugement ne décide pas que le Règlement de 2012 régit l’utilisation du camion verbalisé.
Reposant sur une interprétation inexacte du jugement, le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 18 et suivants de l’arrêté royal du 15 mars 1968 portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles, leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité.
Dans la mesure où, hormis l’article 18, il n’identifie pas les autres dispositions que le jugement violerait, le moyen, imprécis, est irrecevable.
L’article 18 prévoit qu’un véhicule ne peut se trouver sur la voie publique lorsque le poids au sol sur chacun des essieux ou, éventuellement, le poids maximal au point d’appui, dépasse de plus de cinq pourcents le maximum légal pour lequel il a été agréé.
Il est reproché au jugement d’annuler la sanction alors qu’il existe, quant aux essieux de la semi-remorque, deux surcharges supérieures à cinq pourcents.
D’après le jugement, les agents de la Région wallonne ont constaté un dépassement de la masse maximale autorisée de 11,6 pourcents sur l’essieu 1 et de 23,7 pourcents sur l’essieu 2.
Le jugement relève que, d’après les défenderesses, le contrôle de pesage s’effectue en faisant avancer et reculer le camion à faible allure, ce qui a pour effet de déclencher le système dit « Opti-turn », lequel est un mécanisme d’amélioration de la maniabilité du véhicule. Or, selon le juge du fond, une fois enclenché, le système précité transfère la charge du troisième essieu sur les deux premiers, et fausse donc les résultats de la pesée.
Le jugement en déduit que, pour justifier la sanction, la partie poursuivante doit démontrer que le système automatique susdit ne s’est pas enclenché.
Constatant que cette preuve n’est pas rapportée, le tribunal en a conclu que l’infraction n’était pas établie.
Pareille décision ne viole pas l’article 18 de l’arrêté royal du 15 mars 1968.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de soixante euros nonante et un centimes dont vingt-cinq euros nonante et un centimes dus et trente-cinq euros payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs, Ignacio de la Serna, conseillers, et Sidney Berneman, conseiller honoraire, magistrat suppléant, et prononcé en audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, premier avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.