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12/12/2024 | BELGIQUE | N°C.22.0391.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 décembre 2024, C.22.0391.F


N° C.22.0391.F
R. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. BELFIUS ASSURANCES, société anonyme, dont le siège est établi à Saint- Josse-ten-Noode, place Charles Rogier, 11, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0405.764.064,
défenderesse en cassation,
2. BÂLOISE BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Anvers
(Berchem), Posthofbrug, 16, i

nscrite à la banque-carrefour des entreprises
sous le numéro 0400.048.883,
défenderesse en...

N° C.22.0391.F
R. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. BELFIUS ASSURANCES, société anonyme, dont le siège est établi à Saint- Josse-ten-Noode, place Charles Rogier, 11, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0405.764.064,
défenderesse en cassation,
2. BÂLOISE BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Anvers
(Berchem), Posthofbrug, 16, inscrite à la banque-carrefour des entreprises
sous le numéro 0400.048.883,
défenderesse en cassation ou, à tout le moins, partie appelée en déclaration d’arrêt commun.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 11 février 2021 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- principe général du droit suivant lequel le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;
- article 19.4 de l’arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique ;
- en tant que de besoin, article 1382 de l’ancien Code civil.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué décide qu’aucune faute n’est établie dans le chef du conducteur du véhicule B, de sorte que la demande d’indemnisation formée par le demandeur est non fondée, aux motifs suivants :
« Quant à la faute du conducteur du véhicule B
[Le demandeur] sollicite son indemnisation, considérant que le conducteur du véhicule B a violé les articles 19.1, 12.4, 12.3.1 et 12.2 du code de la route ;
Il ressort du croquis que le conducteur B effectuait un changement de direction au sens de l’article 19 du code de la route, plus précisément un changement vers la droite régi par l’article 19.2 de ce code ;
Il découle des articles 19.1 et 19.2 du code de la route que le conducteur B devait respecter plusieurs obligations : s'assurer qu'il pouvait exécuter ce changement de direction sans danger pour les autres usagers ; indiquer son intention suffisamment à temps au moyen de son feu indicateur de direction ; serrer le plus possible le bord droit de la chaussée ; exécuter le mouvement à allure modérée, et exécuter le mouvement le plus court possible ;
Il appartient [au demandeur] de prouver que le conducteur B n'a pas respecté les conditions ci-dessus énoncées ;
En l'occurrence, [le demandeur] ne reproche pas au conducteur du véhicule B de ne pas avoir usé de son clignotant ; ne formule aucune critique quant à la position du véhicule B sur la chaussée lors de son mouvement ; ne critique pas non plus sa vitesse, et ne formule aucune observation quant au mouvement exécuté ;
[Le demandeur] soutient que le conducteur du véhicule B n'aurait pas fait montre de prudence puisqu'il ne s'est pas assuré qu'il pouvait effectuer son changement de direction sans danger et particulièrement compte tenu des possibilités de ralentissement pour les personnes qui le suivent. Cette affirmation ne repose toutefois que sur ses déclarations unilatérales ; partant, cette faute n'est pas à suffisance établie ;
[Le demandeur] invoque en outre à l'appui de sa demande la violation de l'article 12.4 du code de la route qui a trait aux manœuvres. Cette disposition ne trouve toutefois à s'appliquer qu'aux manœuvres qui ne sont pas entièrement régies par des dispositions particulières. Les changements de direction étant spécifiquement réglementés par l'article 19, l'article 12.4 du code de la route ne leur est pas applicable […] ;
Ce fondement manque dès lors en droit et il n'y a pas lieu d'examiner le comportement du conducteur du véhicule B à l'aune de l'article 12.4 du code de la route ;
[Le demandeur] invoque également l’article 12.3.1 du code de la route. Cet article dispose que ‘tout conducteur doit céder le passage à celui qui vient à sa droite, sauf s'il circule dans un rond-point ou si le conducteur qui vient de droite vient d'un sens interdit’ ;
Toutefois, cet article a une vocation générale et ne trouve pas à s'appliquer lorsque des dispositions plus spécifiques et précises viennent régir les mouvements incriminés ;
L'inverse reviendrait à vider complètement de sa substance l'article 19.2.2, alinéa 3, du code de la route ;
[Le demandeur] invoque également la violation de l'article 12.2, estimant que le conducteur du véhicule B a manqué de prudence. Cette faute ne repose que sur les déclarations unilatérales [du demandeur]. Il n'est dès lors pas démontré que le conducteur du véhicule B a manqué de prudence ;
Il résulte des considérations qui précèdent qu'aucune faute n'est établie dans le chef du conducteur du véhicule B, de sorte que la demande d'indemnisation est non fondée ».
Griefs
1. Le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et a, dès lors, l'obligation de déterminer ces règles.
Il doit examiner la nature juridique des faits et actes invoqués par les parties et, quelle que soit la qualification juridique que celles-ci leur ont donnée, peut suppléer d'office aux motifs invoqués devant lui, dès lors qu'il n'élève aucune contestation dont les parties ont exclu l'existence par conclusions, qu'il se fonde uniquement sur des éléments régulièrement soumis à son appréciation, qu'il ne modifie pas l'objet de la demande et qu'il respecte, ce faisant, les droits de la défense.
Il est tenu de relever d'office les moyens de droit dont l'application est commandée par les faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions. Il y a lieu d'y assimiler les faits que le juge met lui-même en avant et qu'il puise dans les éléments qui lui ont été régulièrement soumis.
2. La circonstance que le dommage subi par la victime d'un accident trouve une de ses causes dans sa propre faute ne la prive pas de son droit d'agir en responsabilité contre un tiers dont la faute aurait concouru à la survenance de ce dommage. Elle conduit seulement à un partage de responsabilité (article 1382 de l'ancien Code civil).
3. Il suit des constatations du jugement attaqué que l'accident est intervenu entre une camionnette tournant à droite et une moto circulant sur la piste cyclable le long du bord droit de la chaussée que la camionnette s'apprêtait à quitter.
Le mouvement consistant à tourner à droite pour quitter la chaussée est régi par l'article 19 du code de la route. En vertu de l'article 19.4 de ce code, le conducteur qui change de direction doit céder le passage aux usagers circulant sur les autres parties de la même voie publique. Ce devoir de céder la priorité vaut quel que soit le comportement des conducteurs créanciers de priorité, sauf lorsque ce comportement peut constituer un obstacle imprévisible.
4. Le jugement attaqué relève qu'il ressort du croquis que le conducteur du véhicule B effectuait un changement de direction au sens de l'article 19 du code de la route, plus précisément un changement de direction vers la droite, et que les articles 12.4 et 12.3.1 du code de la route ne trouvent pas à s'appliquer dans cette hypothèse.
Le jugement attaqué indique que le demandeur ne prouve pas que le conducteur du véhicule B n'a pas respecté les conditions énoncées par les articles 19.1 et 19.2 du code de la route, dès lors qu'il « ne reproche pas au conducteur du véhicule B de ne pas avoir usé de son clignotant, ne formule aucune critique quant à la position du véhicule B sur la chaussée lors de son mouvement, ne critique pas non plus sa vitesse et ne formule aucune observation quant au mouvement exécuté », et qu’il ne démontre pas que le conducteur du véhicule B a manqué de prudence. Une violation de l'article 12.2 du code de la route n'est pas non plus établie à suffisance.
Il en déduit qu'aucune faute ne peut être mise à charge du conducteur du véhicule B qui tournait à droite.
Le jugement attaqué qui, sur la base de ces énonciations, déclare non fondée la demande d'indemnisation formulée par le demandeur, sans vérifier si le conducteur du véhicule B a commis une faute au regard de l'article 19.4 du code de la route précité, viole le principe général du droit suivant lequel le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, ledit article 19.4 du code de la route qui avait vocation à s'appliquer en l'espèce et, dès lors, l'article 1382 de l'ancien Code civil.
À tout le moins, à supposer même que le juge ait fait application de l'article 19.4 du code de la route, il reste que, de ces énonciations, il ne ressort ni que le conducteur du véhicule B ne changeait pas de direction au moment où l'accident s'est produit ni que le comportement du demandeur, créancier de priorité, ait déjoué les prévisions normales du conducteur du véhicule B, débiteur de priorité, au point de constituer pour ce dernier un cas de force majeure l'exonérant de son obligation de céder le passage, en sorte que, par les énonciations susdites, le juge d'appel n'a pas légalement justifié sa décision (violation de l'article 19.4 du code de la route et des autres dispositions visées au moyen).
III. La décision de la Cour
Le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable et a, dès lors, l’obligation de déterminer cette règle.
Il ressort du jugement attaqué que l’accident litigieux est survenu alors que le demandeur circulait à moto sur une piste cyclable longeant le bord droit d’une chaussée que suivait dans le même sens une camionnette qui a changé de direction en tournant à droite.
Aux termes de l’article 19.4 de l’arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique, le conducteur qui change de direction doit céder le passage aux conducteurs et aux piétons qui circulent sur les autres parties de la même voie publique.
Le jugement attaqué qui, après avoir écarté tout manquement du conducteur de la camionnette aux dispositions des articles 12.2, 12.3.1, 12.4 et 19.2 de l’arrêté royal du 1er décembre 1975, dont se prévalait le demandeur, s’abstient d’examiner si ce conducteur n’a pas contrevenu à l’article 19.4 dudit arrêté, ne justifie pas légalement sa décision qu’« aucune faute n’est établie dans le chef [de ce] conducteur, de sorte que la demande d’indemnisation [du demandeur] est non fondée ».
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu’il dit l’appel du demandeur recevable mais non fondé, qu’il confirme à son égard le jugement entrepris et qu’il statue sur les dépens entre lui et la première défenderesse ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du douze décembre deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.22.0391.F
Date de la décision : 12/12/2024
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2025
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-12-12;c.22.0391.f ?

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