Cour suprême du Canada
Renvoi touchant la constitutionnalité de la loi concernant la juridiction de la Cour de Magistrat, [1965] S.C.R. 772
Date: 1965-06-24
Le Procureur général de la province de Québec Appelant;
et
Le Barreau de la province de Québec et le Procureur général du Canada (Intervenants en Cour du banc de la Reine) Intervenants;
et
Le Procureur général de la province de Saskatchewan Intervenant.
1965: 2, 3, 4 février; 1965: 24 juin.
Coram: Le juge en Chef Taschereau et les Juges Cartwright, Fauteux, Abbott, Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.
EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE PROVINCE DE QUÉBEC
APPEL d'un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec [2], sur une question soumise par le Lieutenant — Gouverneur en conseil. Appel maintenu.
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Laurent E. Bélanger, C.R., Roger Thibodeau, C.R., et Gérald E. LeDain, C.R., pour le procureur général de Québec.
Jean Turgeon, C.R., et Jules Deschênes, C.R., pour le Barreau de Québec.
Rodrigue Bédard, C.R., et Gérard Beaudoin pour le procureur général du Canada.
W. G. Doherty, Q.C., pour le procureur général de Saskatchewan.
Le jugement de la Cour fut rendu par
Le JUGE FAUTEUX: — Le 22 mai 1963, la législature du Québec adoptait la Loi concernant la juridiction de la Cour de Magistrat, 11-12 Eliz. II, c. 62. L'objet de cette loi modifiant le Code de Procédure Civile est de porter de $200 à $500 la limite pécuniaire touchant la juridiction de cette Cour. La date d'entrée en vigueur de cette loi demeure sujette à détermination par une proclamation du Lieutenant-Gouverneur en conseil.
Avant que ne soit lancée cette proclamation, la législature, ainsi qu'il appert du préambule d'une autre loi sanctionnée le même jour, 11-12 Eliz. II, c. 61, considéra qu'il importait d'obtenir, par un renvoi à la Cour d'Appel de la province susceptible d'appel au plus haut tribunal du pays, la certitude que la constitutionnalité de la loi concernant la juridiction de la Cour de Magistrat est indiscutable. Aussi bien l'art. 1 du c. 61 prescrit-il que:
1. L'avis qui sera prononcé par la Cour du banc de la reine sur toutes questions qui lui seront soumises par le lieutenant-gouverneur en conseil, touchant la constitutionnalité de la Loi concernant la juridiction de la Cour de magistrat, devra être considéré comme un jugement de la dite Cour et on pourra en interjeter appel comme d'un jugement dans une action.
La question que le Lieutenant-Gouverneur en conseil jugea par la suite à propos de soumettre à la Cour du Banc de la reine appert à l'arrêté en conseil suivant, qu'il importe de citer au texte vu le désaccord des parties sur la véritable portée de cette question:
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ARRÊTÉ EN CONSEIL
CHAMBRE DU CONSEIL EXÉCUTIF
Numéro 99
Québec, le 22 janvier 1964
PRÉSENT:
Le Lieutenant-gouverneur en conseil
CONCERNANT un renvoi à la Cour du Banc de la Reine
ATTENDU QU'à sa dernière session régulière, la Législature a adopté la Loi concernant la juridiction de la Cour de magistrat (11-12 Elizabeth II, chapitre 62) à l'effet de donner juridiction à cette cour sur toute demande dans laquelle la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée est inférieure à cinq cents dollars, sauf les demandes de pension alimentaire et celles réservées à la Cour de l'Échiquier du Canada et sur toute demande en résiliation de bail lorsque le montant du loyer et des dommages réclamés n'atteint pas cinq cents dollars;
ATTENDU QUE cette loi n'entrera en vigueur que sur proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil et qu'avant de lancer cette proclamation, il importe d'obtenir la certitude que la constitutionnalité de cette législation est indiscutable;
ATTENDU QUE pour obtenir cette certitude, il y a lieu de soumettre la question à la Cour du banc de la reine, suivant la Loi des renvois à la Cour du banc de la reine (Statuts refondus, 1941, chapitre 8);
ATTENDU QUE, pour le cas où il y aurait lieu, pour statuer sur cette question, de tenir compte de la fluctuation de la valeur de la monnaie depuis 1867, les faits suivants doivent être signalés:
La statistique officielle ne contient qu'un seul indice calculé pour toutes les années à partir de 1867, savoir: l'indice général des prix de gros présentement établi sur les bases 1935-1939=100.
Cet indice s'établissait au mois de mai 1963 à 244.4 alors que pour l'année 1867, on l'a fixé à 80.2.
Quant à l'indice des prix à la consommation, il est présentement calculé sur la base 1949=100 et des indices antérieurs du coút de la vie ont été calculés sur les bases 1925-1939=100, 1926=100 et 1913=100.
Au mois de mai 1963, il s'établissait à 132.3 sur la base actuelle, alors que le chiffre de 1913, par conversion arithmétique à la base actuelle, équivaudrait à 49.2.
Pour fins de comparaison, l'indice général des prix de gros pour la même année s'établit à 83.4.
IL EST ORDONNÉ en conséquence, sur la proposition du Procureur général: —
QUE la question suivante soit soumise a la Cour du banc de la reine, juridiction d'appel, savoir:
La Loi concernant la juridiction de la Cour de magistrat, 11-12 Elizabeth II, chapitre 62, est-elle inconstitutionnelle en tout ou en partie?
Avant l'audition en Cour d'Appel, il est apparu que le Procureur Général du Canada, tout comme le Procureur Général de la Province de Québec, soutiendrait — comme
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d'ailleurs ce fut le cas — la constitutionnalité de la loi. Dès lors, il y avait danger que, personne n'argumentant la thèse opposée, la question ne soit pas éventuellement portée devant la Cour suprême du Canada. C'est dans ces circonstances, décrites au factum du Barreau de la Province de Québec, que le Conseil du Barreau décida d'intervenir pour soutenir, en Cour du banc de la reine, la thèse opposée à celle défendue par l'appelant et le Procureur Général du Canada et ce, ajoute-t-on au factum, « non pas afin de combattre à outrance une législation que tous souhaitent voir entrer en vigueur le plus tôt possible, » mais afin d'assurer que tous les aspects du problème soient présentés et qu'éventuellement la question soit portée devant la Cour suprême du Canada.
Après avoir entendu les arguments de part et d'autre et délibéré, la Cour d'Appel[3] (M. le Juge en chef Tremblay, MM. les Juges Rinfret, Choquette, Montgomery et Rivard) exprima son avis dans les termes suivants:
La loi concernant le juridiction de la Cour de Magistrat, 11-12 Elizabeth II, chapitre 62, est inconstitutionnelle en autant que les juges de la Cour visée par cette loi ne sont pas nommés conformément à l'article 96 de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord.
Le Procureur Général de la Province de Québec en appelle maintenant à cette Cour, ainsi que le permet l'art. 37 de la Loi sur la Cour suprême du Canada. Dans cet appel, le Procureur Général du Canada et celui de la Province de Saskatchewan sont intervenus pour soutenir la constitutionnalité de la loi en question alors que, toujours dans le même esprit, le Barreau de la Province de Québec est intervenu pour soumettre les arguments militant en faveur de la thèse opposée.
Il convient de citer les articles de la loi dont la constitutionnalité fait l'objet de cette référence:
1. L'article 54 du Code de procédure civile, remplacé par l'article 12 de la loi 1-2 Elizabeth II, chapitre 18, est modifié en remplaçant les paragraphes 1 et 4 par les suivants:
« 1. De toute demande dans laquelle la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée est inférieure à cinq cents dollars, sauf les demandes de pension alimentaire et celles réservées à la Cour de l'Échiquier du Canada; »
« 4. De toute demande en résiliation de bail lorsque le montant réclamé pour loyer et dommages n'atteint pas cinq cents dollars. »
2. Le dit code est modifié en insérant, après l'article 58, le suivant:
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« 58a. Sauf dans les causes où l'objet du litige est d'une valeur inférieure à deux cents dollars, un juge de la Cour du banc de la reine peut, en la manière prévue à l'article 1211, accorder la permission d'interjeter appel de tout jugement final de la Cour de magistrat.
Cet appel est régi par toutes les dispositions relatives à l'appel des jugements interlocutoires de la Cour supérieure.
Il ne permet de soulever que les questions de droit qui peuvent être décidées au vu du jugement, des actes de procédure et des écrits versés au dossier. »
3. Du consentement des parties, toute cause qui a été intentée devant la Cour supérieure avant l'entrée en vigueur de la présente loi et qui, par l'article 1, est maintenant de la compétence de la Cour de magistrat est déférée à cette Cour pour y être instruite et jugée, comme si elle y avait été intentée et tous les jugements interlocutoires y avaient été rendus.
4. La présente loi entrera en vigueur à la date qui sera fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil.
En somme, l'art. 1 porte de $200 à $500 la limite pécuniaire de la compétence de la Cour de Magistrat; l'art. 2 donne à la Cour du banc de la reine une juridiction d'appel d'un jugement de la Cour de Magistrat, sauf dans le cas où la valeur de l'objet en litige est inférieure à $200; l'art. 3 contient une disposition transitoire relative aux causes pendantes, et enfin, l'art. 4 statue sur la date d'entrée en vigueur de la loi. Ainsi donc, c'est l'art. 1 qui dénonce l'objet véritable de la loi et qui donne une raison d'être aux autres articles. Seul à modifier la compétence de la Cour de Magistrat, l'art. 1 est aussi le seul article de cette loi auquel peut vraiment se rapporter la question soumise par l'arrêté en conseil.
En Cour d'Appel, cependant, on a jugé que cette question soumise par le Lieutenant-Gouverneur en conseil n'est pas, comme l'ont prétendu l'appelant et le Procureur Général du Canada, de savoir si le fait d'augmenter la juridiction de la Cour de Magistrat de $200 à $500 a pour effet d'en faire une Cour visée par l'art. 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, c'est-à-dire une Cour dont les Juges contrairement à ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, doivent être nommés par le Gouverneur général en conseil. On a plutôt jugé que la question, ainsi que l'a suggéré le Barreau de la Province de Québec, est de savoir si la Cour de Magistrat, avec toute la juridiction qui lui est conférée, non pas seulement par la loi sous étude mais par toutes les lois présentement en vigueur, est une Cour visée par l'art. 96. C'est donc en donnant à la question soumise une interprétation extensive dont la validité est mise en question dans cet
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appel, et en faisant entrer particulièrement dans la considération de la question ainsi interprétée l'historique de la Cour de Circuit et de la Cour de Magistrat, les nombreuses lois attribuant une compétence à la Cour de Magistrat, la comparaison de cette Cour avec la Cour de Circuit et les « District and County Courts » mentionnées en l'art. 96, qu'on est arrive à former l'opinion que si, lors de son établissement en 1869, la Cour de Magistrat n'était pas une des Cours visées par l'art. 96, la législature en a graduellement changé le caractère, au cours des années, au point d'en faire, éventuellement et à un moment qu'on ne peut déterminer, une Cour visée par cet article, tout en retenant, par ailleurs, le contrôle sur la nomination de ses Juges. Et dès lors, la Cour d'Appel a conclu que la loi sous étude « était inconstitutionnelle en autant que les juges de la Cour visée par cette loi ne sont pas nommés conformément à l'article 96 ».
En droit, il était parfaitement loisible au Lieutenant-Gouverneur en conseil de soumettre l'une ou l'autre des questions que la Cour d'Appel a ainsi mises en contraste pour ensuite écarter la première et retenir la seconde comme étant, à ses vues, celle qui lui était référée. En effet, l'art. 2 de la Loi concernant les questions soumises à la Cour du banc de la reine par le Lieutenant-Gouverneur en conseil S.R.Q. 1941 c. 8, sur lequel se fonde le pouvoir du Lieutenant-Gouverneur en conseil de référer des questions à la Cour d'Appel, édicte que:
2. Le Lieutenant-Gouverneur en conseil peut soumettre à la Cour du banc du roi, juridiction d'appel, pour audition et examen, toute question quelconque qu'il juge à propos, et, sur ce, la Cour les entend et les examine.
Le Lieutenant-Gouverneur en conseil a donc l'exclusive et la plus grande discrétion en ce qui concerne le choix et la définition des questions qu'il désire soumettre; et il s'ensuit que la décision qu'il prend à cet égard délimite la juridiction de la Cour d'Appel aussi bien que la juridiction de cette Cour. Le judiciaire n'a pas la responsabilité de sonder les desseins de l'exécutif; il doit s'en tenir à la question spécifique sur laquelle on requiert son avis. Il n'est pas sans à propos de référer ici à l'extrait suivant du jugement du Comité Judiciaire du Conseil Privé dans Lord's Day Alliance of Canada v. Attorney-General for Manitoba (Attorney
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General for Canada, Intervener)[4] qui apparaît au bas de la page 226:
The Lieutenant-Governor in Council expresses a desire to be informed as to the legality of the excursions to which he refers only on the assumption that that Act has been made operative, and no question as to their legality apart from the Act is propounded. Their Lordships were, however, strongly urged by the appellants to deal with and dispose of the view that such excursions were lawful in Manitoba independently of the Act altogether — a view expressed by some of the learned Judges of the Court of Appeal in this case and foreshadowed in an earlier decision of the same Court.
Their Lordships will refrain from taking this course, for one compelling reason, which they name out of several which would justify reserve in this matter.
Statutes empowering the executive Government, whether of the Dominion of Canada or of a Canadian province, to obtain by direct request from the Court answers to questions both of fact and law, although intra vires of the respective Legislatures, impose a novel duty to be discharged, but not enlarged, by the Court. See Attorney-General for Ontario v. Attorney-General for Canada (28 The Times L.R., 446; (1912) A.C. 571). It is more than ordinarily expedient in the case of such references that a Court should refrain from dealing with questions other than those which on executive responsibility are in express terms referred to it, and their Lordships will here act upon that view.
Je dirais donc, et ce avec le plus grand respect pour la Cour d'Appel, qu'à mon avis, le texte des considérants sur lesquels se fonde l'ordonnance de l'arrêté en conseil, aussi bien que le texte de la question définie en cette ordonnance manifestent que l'avis recherché par le conseil exécutif ne vise d'autre loi que la loi qui y est spécifiquement mentionnée et n'a d'autre fin que celle de savoir si, en raison de l'objet qui lui est propre — soit le changement de la limite pécuniaire — cette loi serait inconstitutionnelle en autant que les Juges de la Cour visée par cette loi ne sont pas nommés conformément à l'art. 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique. Nulle part en l'arrêté en conseil peut-on trouver, à mon avis, une intention expresse ou implicite de la part du Conseil Exécutif de livrer indirectement à l'examen des tribunaux, en bloc et sans les spécifier, pour en mettre la constitutionnalité en question, les diverses lois de la province attribuant une compétence à la Cour de Magistrat présidée par des Juges nommés par le Lieutenant-Gouverneur en conseil. La nature et les dimensions d'une telle référence seraient pour le moins inusitées et encore aurait-il fallu, si vraiment c'était là l'intention du Conseil
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Exécutif, que cette intention apparaisse clairement des termes de la référence. Mais, soumet-on, on ne peut présumer que le Conseil Exécutif ait posé une question dont la réponse est élémentaire et tel serait le cas si on assigne à la question la portée que lui donne l'appelant. La facilité de la réponse ne justifie pas per se l'extension de la question au-delà des termes de la référence; d'autant plus que la véritable raison de cette référence apparaît du préambule et de l'art. 1 de la Loi, 11-12 Eliz. II, c. 61, supra, et du texte de l'arrêté en conseil. Ce que la législature a voulu, c'est de conditionner la mise en vigueur de la loi sous étude à l'obtention d'un avis des tribunaux en affirmant la validité, afin de prévenir qu'une fois en force, la validité de cette loi soit mise en question et que, par suite, son opération et la bonne administration de la justice en soient gênées. L'arrêté en conseil donne effet à cette intention de la législature.
En terminant ces considérations sur la véritable portée de la question soumise par le Conseil Exécutif, il convient d'ajouter qu'il se peut qu'avec toute la juridiction que lui confèrent les lois provinciales, la Cour de Magistrat soit devenue une Cour au sens de ou analogue à celles qui sont décrites en l'art. 96 du statut impérial et que, par suite, la loi sous étude soit ultra vires de la législature en autant que les Juges de la Cour visée par cette loi ne sont pas nommés conformément à cet article. Il se peut aussi qu'en raison de la matière sur laquelle elles confèrent une juridiction à la Cour de Magistrat, tel par exemple les injonctions, certaines de ces lois soient ultra vires de la législature et ce toujours en autant que les Juges de la Cour visée par ces lois ne sont pas nommés conformément à l'art. 96. Autant de questions non comprises dans le cadre de cette référence et auxquelles, en conséquence, il ne nous est pas loisible de répondre en l'espèce.
Au mérite, l'unique point, que soulève la question ainsi replacée dans les limites que lui assigne l'arrêté en conseil, se résume à savoir si le fait d'augmenter de $200 à $500 la limite pécuniaire de la juridiction de la Cour de Magistrats — Cour qui était incontestablement une Cour échappant aux dispositions de l'art. 96 lors de sa création en 1869 et qui a été considérée comme telle jusqu'à ce jour — est un fait qui, en soi et sans plus, soit apte à changer le caractère de cette Cour pour en faire une Cour au sens de l'art. 96 ou analogue
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à celles qui y sont mentionnées. C'est là l'un des aspects du problème classique né de la conjoncture des dispositions des arts. 92(14) et 96, qui accordent respectivement, d'une part, à la législature de la province la compétence législative relativement à l'administration de la justice dans la province, y compris la création, le maintien et l'organisation des tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle, et y compris aussi la procédure civile dans ces tribunaux, et, d'autre part, au Gouverneur Général, le droit de nommer les Juges des Cours Supérieures, de District et de Comté, dans chaque province. Ce problème a été considéré par cette Cour dans Re Adoption Act[5]. Et l'autorité de cette décision a été maintes fois reconnue et nulle part en des termes plus positifs qu'au jugement du Conseil Privé dans Labour Relations Board of Saskatchewan v. John East Iron Works Ltd.[6] alors que, parlant au nom du Comité Judiciaire, Lord Simonds s'exprima comme suit à la page 152:
But before parting with the case their Lordships think it proper to observe on two cases which have recently come before them, O. Martineau v. City of Montreal ((1932) A.C. 113) and Toronto Corporation v. York Corporation ((1938) A.C. 415), of which passing mention has already been made, and more particularly also upon Re Adoption Act of Ontario ((1938) S.C.R. (Can.) 398), in which will be found a judgment of Sir Lyman Duff, lately Chief Justice of Canada, so exhaustive and penetrating both in historical retrospect and in analysis of this topic, that their Lorships would respectfully adopt it as their own, so far as it is relevant to the present appeal.
Dans Re Adoption Act of Ontario, supra, on a jugé que la juridiction des Cours inférieures, qu'il s'agisse de Cours visées ou non par l'art. 96, n'est pas à jamais figée par l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique à ce qu'elle était à la date de la Confédération; que la prétention qu'une législation provinciale est incompatible avec les dispositions de l'art. 96 si, sous quelque aspect que ce soit, cette législation augmente la juridiction des Cours de juridiction sommaire existant à la date de la Confédération est une prétention inadmissible en principe aussi bien qu'incompatible avec la pratique et les autorités depuis la Confédération; et, enfin, que l'augmentation de la limite pécuniaire affectant la juridiction d'une de ces Cours inférieures n'a pas, en soi, pour effet de transformer le caractère de cette Cour.
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Dans le cas qui nous occupe, la Cour d'Appel paraît avoir accepté comme prémisse que la Cour de Magistrat, reconnue lors de son établissement en 1869 comme une Cour inférieure échappant aux dispositions de l'art. 96, est devenue par suite d'une série de lois provinciales, dont chacune en a étendu la juridiction, une Cour au sens de ou analogue à celles indiquées à l'art. 96 dont les Juges doivent être nommés par le Gouverneur Général. On a dès lors conclu qu'une législation qui étend encore la juridiction d'une telle Cour, dont les Juges ne sont pas actuellement nommés par le Gouverneur Général, est inconstitutionnelle.
En toute déférence, je dirais qu'à mon avis une Cour inférieure validement constituée et non visée par l'art. 96 ne perd pas son caractère initial du fait que par une législation provinciale on prétend lui conférer une juridiction qui est propre aux Cours visées par cet article. Une telle législation est invalide; mais la Cour demeure et retient son statut de Cour inférieure échappant aux dispositions de l'art. 96.
En l'espèce, et à cela se limite mon opinion, l'extension, par l'augmentation du nombre de dollars, de cette juridiction de la Cour de Magistrat, considérée à la lumière de la valeur courante du dollar n'a pas en soi pour effet, lorsque ajoutée à la juridiction qui lui est propre comme Cour inférieure non visée par l'art. 96, de faire de cette Cour une Cour tombant sous cet article. Il s'ensuit que la loi sous étude n'est pas inconstitutionnelle. De cette conclusion, on ne doit pas inférer que je tienne comme constitutionnellement valides les diverses lois provinciales qui étendent — sauf par l'augmentation du nombre de dollars — la juridiction de la Cour de Magistrat, lois que la Cour d'Appel a considérées. Sur les opinions données à ce sujet en Cour d'Appel, je n'exprime ici aucune dissidence et aucun accord.
Je maintiendrais l'appel, infirmerais le jugement de la Cour du banc de la reine, Division d'Appel, et répondant à la question soumise par le Lieutenant-Gouverneur en conseil, je dirais que la Loi concernant la juridiction de la Cour de Magistrat, 11-12 Eliz. II, c. 62, n'est pas inconstitutionnelle.
Appel maintenu.
[1] [1965] B.R. 1.
[2] [1965] B.R. 1.
[3] [1965] B.R. 1.
[4] (1924-25), 41 T.L.R. 225, [1925] A.C. 384.
[5] [1938] S.C.R. 398, 71 C.C.C. 110, 3 D.L.R. 497.
[6] [1949] A.C. 134.