Cour suprême du Canada
Guy Towers Inc. c. Cité de Montréal, [1969] R.C.S. 738
Date: 1969-05-16
Guy Towers Inc. Appelante;
et
La Cité De Montréal Intimée.
1969: février 11, 12; 1969: mai 16.
Coram: Les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Hall et Pigeon.
EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC
APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec1, confirmant l’évaluation municipale d’un immeuble. Appel rejeté.
Gordon L. Echenberg, pour l’appelante.
Roger Pigeon, c.r., et Pierre Godbout, c.r., pour l’intimée.
Le jugement de la Cour fut rendu par
LE JUGE PIGEON: — Le litige a trait à l’évaluation municipale d’un immeuble. Les griefs de l’appelante ont été suc-
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cessivement rejetés par le Bureau de revision, la Cour de magistrat et la Cour d’appel[2]. Comme il s’agit essentiellement d’une question de fait, il est clair qu’il n’y a pas lieu d’intervenir à moins d’une erreur manifeste. De tous les moyens soumis par l’appelante, deux seulement soulèvent une telle question.
Il y a en premier lieu le moyen qui fait l’objet de la dissidence du juge en chef de la Province. Après avoir rectifié comme il lui paraît à propos de le faire la base du calcul de la «valeur économique», il obtient en prenant la moyenne de cette valeur et de la «valeur de remplacement» un montant de $3,050,000, soit pratiquement le même chiffre que l’évaluation contestée de $3,127,000 pour le rôle déposé le 1er décembre 1955 et sensiblement plus que l’évaluation portée au rôle antérieur. Cependant, il dit ensuite:
Même en tenant compte des baux existants, je ne crois pas qu’ «un acheteur qui n’est pas obligé d’acheter, mais qui désire acheter» accepte de payer $3,050,000 pour un immeuble alors qu’il peut en obtenir un semblable mais vacant pour $2,500,000.
Et il conclut que pour rendre justice aux parties, il faudrait fixer la valeur réelle à $2,650,000.
A l’encontre de ce raisonnement, l’intimée a fait valoir que la valeur de remplacement fixée au chiffre ci-dessus mentionné est, tout comme la valeur économique, une estimation théorique faite selon des critères adoptés dans un but d’uniformité. Elle ne signifie pas que l’on puisse acheter un terrain semblable et construire un immeuble identique à ce prix. Au contraire, on a la preuve au dossier qu’alors que dans cette «valeur de remplacement» le terrain est estimé à $86,900, c’est $350,000 que l’appelante a déboursé pour s’en porter acquéreur. Quant au bâtiment, il est démontré qu’il aurait fallu en 1955 débourser plus que les $2,500,000 pour le reconstruire. Il faut donc dire que la «valeur de remplacement» comme elle a été établie ne peut pas équitablement servir de base au raisonnement ci-dessus relaté lequel suppose qu’il s’agit vraiment du prix courant.
Le second moyen découle d’une erreur incontestable dans le long jugement du Bureau de revision. On y a dit que la superficie louée par étage était de 14,810 p.c. alors que les
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baux démontrent 13,810 p.c. En étudiant la décision on se rend compte, cependant, que cette erreur n’a pas causé préjudice à l’appelante parce qu’elle n’a pas influé sur le calcul de la valeur locative servant à déterminer la «valeur économique». Ce calcul a été fait correctement. C’est seulement en critiquant la méthode de calcul proposée par l’appelante que l’on s’est servi du chiffre inexact pour en déduire que la superficie non comprise dans les baux à chaque étage représente 7.5 pour-cent de la superficie totale. Si l’on avait employé le chiffre exact, on aurait trouvé 13.6 pour-cent. Vu que ce calcul avait pour seul objet de démontrer que le chiffre de 25 pour-cent proposé par l’appelante était excessif, la conclusion aurait été la même sans l’erreur, l’écart demeurant encore très appréciable.
Je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.
Appel rejeté avec dépens.
Procureurs de l’appelante: Chait, Aronovitch, Salomon, Gelber, Reis & Bronstein, Montréal.
Procureurs de l’intimée: Pagé, Mercier & Beauregard, Montréal.
[1] [1968] B.R. 277.
[2] [1968] B.R. 277.