La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/1969 | CANADA | N°[1969]_R.C.S._818

Canada | Massicotte c. Boutin, [1969] R.C.S. 818 (16 juin 1969)


Cour suprême du Canada

Massicotte c. Boutin, [1969] R.C.S. 818

Date: 1969-06-16

Dame Françoise Massicotte Requérante;

et

Joseph Raphaël Boutin Intimé.

1969: Mai 20; 1969: Juin 16.

Coram: Les Juges Fauteux, Abbott et Pigeon.

REQUÊTE POUR PERMISSION D’APPELER

Cour suprême du Canada

Massicotte c. Boutin, [1969] R.C.S. 818

Date: 1969-06-16

Dame Françoise Massicotte Requérante;

et

Joseph Raphaël Boutin Intimé.

1969: Mai 20; 1969: Juin 16.

Coram: Les Juges Fauteux, Abbott et Pigeon.

REQUÊTE POUR PERMISSION D’APPELER


Synthèse
Référence neutre : [1969] R.C.S. 818 ?
Date de la décision : 16/06/1969
Sens de l'arrêt : La requête pour permission d’appeler doit être rejetée

Analyses

Relations domestiques - Jugement conditionnel de divorce - Requête pour permission d’appeler à la Cour suprême du Canada - Délais prescrits par la Loi sur le divorce expirés - Délais prescrits par loi spéciale priment ceux de la loi générale - Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1952, c. 259, art. 41, 64 - Loi sur le divorce, 1968 (Can.), Eliz. II, c. 24, art. 18.

Le 29 novembre 1968, l’intimé a obtenu un jugement conditionnel de divorce, qui a été confirmé en appel le 19 mars 1969. Dans une requête datée du 25 avril 1969 et présentée à cette Cour le 20 mai, la requérante demande la permission d’en appeler à cette Cour. L’intimé soutient que le délai de 30 jours prévu à l’art. 18 de la Loi sur le divorce, 1968 (Can.), 16-17 Eliz. II, c. 24, est expiré et que la Cour n’a pas le pouvoir d’accorder la permission. La requérante soutient au contraire que les art. 41 et 64 de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1952, c. 259, s’appliquent et que les délais ne sont pas expirés.

Arrêt: La requête pour permission d’appeler doit être rejetée.

La Cour n’a pas juridiction pour accorder la requête. Les dispositions de l’art. 18 de la Loi sur le divorce s’appliquent en vertu du principe que les dispositions d’une loi spéciale, dans le cas où elles sont inconciliables avec celles d’une loi générale, priment celles de la loi générale.

[Page 819]

Domestic relations - Conditional divorce decree - Motion for leave to appeal to the Supreme Court of Canada - Delays prescribed by Divorce Act expired - Delays of special law overriding those of general law - Supreme Court Act, R.S.C. 1952, c. 259, ss. 41, 64 - Divorce Act, 1968 (Can.), Eliz. II, c. 24, s. 18.

On November 29, 1968, the respondent was granted a conditional divorce decree which was affirmed by the Court of Appeal on March 19, 1969. In a petition dated April 25, 1969, and presented to this Court on May 20, the petitioner asked leave to appeal to this Court. The respondent argued that the delay of 30 days prescribed by s. 18 of the Divorce Act, 1968 (Can.), 16-17 Eliz. II, c. 24, were expired and that this Court did not have the power to grant leave. The petitioner argued that ss. 41 and 64 of the Supreme Court Act, R.S.C. 1952, c. 259, applied and that the delays therein mentioned were not expired.

Held: The motion for leave to appeal must be dismissed.

The Court had no jurisdiction to grant the motion. The provisions of s. 18 of the Divorce Act were applicable by virtue of the principle that the provisions of a special law, in case of conflict with those of a general law, override those of the general law.

APPLICATION for leave to appeal in a divorce matter. Application dismissed.

REQUÊTE pour permission d’appeler en matière de divorce. Requête rejetée.

E. Colas, c.r., pour la requérante.

B. Lacombe, pour l’intimé.

Le jugement de la Cour fut rendu par

LE JUGE FAUTEUX: — Dans une requête, datée du 25 avril 1969 et présentée à cette Cour le 20 mai dernier, dame Massicotte, épouse de l’intimé Boutin, demande la permission d’interjeter appel d’une décision rendue le 19 mars 1969 par la Cour d’appel de la province de Québec. Par cette décision, la Cour d’appel a rejeté le pourvoi que dame Massicotte avait logé à l’encontre d’un jugement conditionnel de divorce, prononcé à Montréal, le 29 novembre 1968, par M. le juge Hector Perrier, siégeant en Cour supérieure (Division des divorces), en vertu de la Loi sur le divorce, 16-17 Eliz. II, c. 24.

L’intimé s’oppose à cette demande. Il représente qu’aux termes de la loi particulière qui régit la matière, soit la Loi sur le divorce, la Cour suprême n’a plus, en l’espèce, le pouvoir d’accorder la permission demandée. Au soutien de cette prétention, l’intimé invoque les dispositions du deuxiè-

[Page 820]

me alinéa de Tart. 18 de cette loi, lesquelles prescrivent qu’une telle permission peut être accordée dans les trente jours du jugement ou de l’ordonnance frappés d’appel ou dans le délai plus long que la Cour suprême ou un juge de cette Cour peuvent, avant l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder; et l’intimé signale que ce délai de trente jours est expiré en l’espèce.

D’autre part, la requérante se retranche sur les dispositions de l’art. 41 de la Loi sur la Cour suprême.

Il convient de juxtaposer le texte de l’art. 41(1) et (2) de la Loi sur la Cour suprême et celui de l’article 18 de la Loi sur le divorce.

Loi sur la Cour suprême:

41. (1) Sous réserve du paragraphe (3), il peut être interjeté appel à la Cour suprême, avec l’autorisation de cette Cour, contre tout jugement définitif ou autre de la plus haute cour de dernier ressort dans une province, ou de l’un de ses juges, où jugement peut être obtenu dans la cause particulière dont on veut appeler à la Cour suprême, qu’une autre cour ait refusé ou non l’autorisation d’en appeler à la Cour suprême.

(2) L’autorisation d’appel aux termes du présent article peut être accordée pendant la période fixée par l’article 64 ou dans les trente jours qui la suivent, ou dans tel autre délai prorogé que la Cour suprême ou un juge peut fixer ou accorder, soit avant, soit après l’expiration desdits trente jours.

Notons que la période fixée par l’art. 64 est de soixante jours, les mois de juillet et août étant exclus dans le calcul de ces soixante jours.

Loi sur le divorce:

18. (1) Appel d’une décision de la Cour d’appel rendue en vertu de l’article 17 peut être interjeté, sur une question de droit, devant la Cour suprême du Canada, avec la permission de cette Cour.

(2) La permission d’interjeter appel en vertu du présent article peut être accordée dans les trente jours du jugement ou de l’ordonnance frappés d’appel ou dans le délai plus long que la Cour suprême du Canada ou un juge de cette Cour peuvent, avant l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

Les soulignés sont de moi.

Il est manifeste que ces dispositions de l’art. 41 sont inconciliables avec celles de l’art. 18, et ce, non seulement quant à la nature des questions sur lesquelles un appel peut être interjeté avec la permission de la Cour, mais aussi quant au délai dans lequel la Cour a le pouvoir d’accorder cette permission et quant à la période de temps pendant laquelle la Cour ou un juge de la Cour a le pouvoir d’étendre ce délai.

[Page 821]

Généralement, lorsque le Parlement donne à cette Cour ou à Tun de ses juges le pouvoir d’étendre le délai dans lequel une permission d’appeler peut être accordée, il permet que ce pouvoir puisse être exercé même après l’expiration du délai fixé. Tel est le cas, par exemple, dans la Loi sur la Cour suprême, cf. art. 41(2), dans le Code criminel, cf. art. 599 et dans la Loi sur la Cour de l’Échiquier, cf. art. 82(3).

Telle n’est pas la situation sous la Loi sur le divorce. Sous cette loi, la Cour ou l’un de ses juges n’ont aucun pouvoir d’étendre le délai de trente jours, après son expiration. La disposition de l’art. 18 sur le point est claire et précise.

La requérante peut-elle, dans les circonstances, invoquer victorieusement les dispositions de l’art. 41 de la Loi sur la Cour suprême? En présence de deux lois du Parlement, dont l’une, générale, a pour objet l’établissement de la Cour suprême et la définition de la juridiction d’appel de cette Cour et l’autre, spéciale, a exclusivement pour objet le divorce et épuise, sur le sujet, la matière de la loi, nous devons, à mon avis, appliquer le principe voulant que les dispositions de la loi spéciale, dans le cas où elles sont inconciliables avec celles de la loi générale, priment celles de la loi générale. Maintes fois, ce principe et sa raison d’être ont été rappelés. On en trouve l’expression dans Re Township of York and Township of North York[1]:

It is, of course, elementary that special legislation overrides general legislation in case of a conflict — the general maxim is Generalia specialibus non derogant — see Lancashire Asylums Board v. Manchester Corporation, (1900) 1 Q.B. 458, at p. 470, per Smith, L.J. — even where the general legislation is subsequent; Barker v. Edgar, (1898) A.C. 748, at p. 754, in the Judicial Committee. The reason is that the Legislature has given attention to the particular subject and made provision for it, and the presumption is that such provision is not to be interfered with by general legislation intended for a wide range of objects: Craies on Statute Law, 3rd ed., p. 317.

Je dirais donc que nous n’avons pas juridiction pour accorder la demande de dame Massicotte et, pour cette raison, je rejetterais avec dépens la requête pour permission d’appeler.

Requête rejetée avec dépens.

Procureurs de la requérante: Deschesnes, de Grandpré, Colas, Godin et Lapointe, Montréal.

Procureurs de l’intimê: Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Phelan et Tetley, Montréal.

[1] (1925), 57 O.L.R. 644 at 648.


Parties
Demandeurs : Massicotte
Défendeurs : Boutin
Proposition de citation de la décision: Massicotte c. Boutin, [1969] R.C.S. 818 (16 juin 1969)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1969-06-16;.1969..r.c.s..818 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award