Cour Suprême du Canada
Dau c. Murphy Oil Company Ltd., [1970] R.C.S. 861
Date: 1970-04-28
Bertha Margaret Dau et Donald Christian Dau Appelants;
et
Murphy Oil Company Ltd. Intimée.
1970: les 27 février et 3 mars; 1970: le 28 avril.
Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.
EN APPEL DE LA CHAMBRE D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME D’ALBERTA
APPEL et APPEL INCIDENT d’un jugement de la Chambre d’appel de la Cour suprême d’Alberta[1], infirmant un jugement du Juge Tavender de la Cour de district. Appel rejeté et appel incident accueilli.
R.S. Dinkel, pour les appelants.
M.A. Putnam, pour l’intimée.
B.A. Crane, pour l’intervenant, le Procureur général de l’Alberta.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE MARTLAND — Le pourvoi est à l’encontre d’un jugement de la Chambre d’appel de la Cour suprême d’Alberta1. Cette dernière a accueilli l’appel de l’intimée à l’encontre d’un jugement de la Cour de district et a confirmé l’adjudication faite par le Conseil d’arbitrage à la demande de l’intimée en vertu des dispositions de The Right of Entry Arbitration Act, S.R.A. 1955, c. 290 (ci-après appelée «la Loi»). La Chambre d’appel a aussi ordonné que l’affaire soit renvoyée au Conseil pour considérer quelle somme additionnelle, s’il en est, devrait être ajoutée à sa première adjudication en raison du fait que l’utilisation la meilleure et la plus profitable des terrains en litige semble être l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz. Le jugement de la Cour de district avait augmenté substantiellement l’indemnité déterminée par le Conseil et payable par l’intimée aux appelants. Le Procureur général de l’Alberta est partie intervenante au pourvoi en cette Cour.
A la fin du plaidoyer fait au nom des appelants, la Cour a informé les avocats que nous étions d’accord avec les parties du jugement de la
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Chambre d’appel où il est décidé que le jugement du Juge de la Cour de district doit être infirmé, et que les montants d’indemnité adjugés par le Conseil doivent être confirmés.
Il ne reste plus en litige que cette directive que [TRADUCTION] «l’affaire soit renvoyée au Conseil qui devra considérer quelle somme additionnelle, s’il en est, devrait être ajoutée à l’adjudication en raison du fait que l’utilisation la meilleure et la plus profitable des terrains en litige semble être l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz.»
A mon avis, lorsque l’art. 20 de la Loi prévoit qu’en déterminant l’indemnité, le Conseil d’arbitrage peut considérer [TRADUCTION] «la valeur du terrain», ceci signifie la valeur du terrain pour le propriétaire. Les procédures que prévoit cette Loi sont de même nature que les procédures d’expropriation, même si une ordonnance du Conseil ne confère pas la pleine propriété de la surface des terrains visés; dans certaines circonstances, le Conseil peut résilier les droits octroyés par l’ordonnance et il a compétence pour réviser, annuler, changer, réformer ou modifier ses ordonnances.
Dans les affaires d’expropriation, il est bien établi que la valeur à payer est la valeur pour le propriétaire, et non la valeur pour l’acquéreur. En lisant la loi pertinente en son ensemble, je ne vois aucune raison d’interpréter différemment les mots «valeur du terrain» dans l’art. 20(2)(a). A mon avis, la valeur que le Conseil peut considérer est la valeur pour le propriétaire.
S’il en est ainsi, il ne convient pas que le Conseil, comme l’a ordonné la Chambre d’appel, considère une adjudication supplémentaire en raison du fait que l’utilisation la meilleure et la plus profitable des terrains en litige serait l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz. Les appelants ne pouvaient pas faire un tel usage du terrain puisqu’ils n’étaient pas propriétaires des gisements de pétrole et de gaz. Seule l’intimée, qui avait le droit d’exploiter le pétrole et le gaz, pouvait l’utiliser à cette fin. En un mot, la surface du terrain en litige ne possédait aucun trait caractéristique ou potentiel particulier autre que le potentiel qui existerait si l’intimée obtenait le droit d’utiliser ce terrain aux fins prévues par la
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Loi. Toute augmentation de sa valeur en tant qu’emplacement possible d’un puits serait entièrement due au plan sous-jacent à son acquisition.
En définitive, je ne pense pas que l’utilisation du terrain comme emplacement d’un puits présente un potentiel particulier pour quiconque, sauf pour l’acquéreur. Les principes applicables ici ont été énoncés dans Pointe Gourde Quarrying and Transport Company, Limited v. Sub-Intendent of Crown Lands[2], et la présente affaire n’est pas analogue à Vyricherla Narayana Gajapatiraju v. Revenue Divisional Officer, Vizagapatam[3], ni à Fraser c. La Reine[4].
Par conséquent, je suis d’avis de rayer du jugement de la Chambre d’appel le paragraphe qui ordonne le renvoi de l’affaire au Conseil pour ré-examen.
En conclusion, je suis d’avis de rejeter le pourvoi, d’accueillir le pourvoi incident et de modifier le jugement de la Chambre d’appel en rayant le troisième paragraphe du dispositif. Il n’y a pas d’adjudication de dépens.
Appel rejeté et contre-appel accueilli, les deux sans dépens.
Procureurs des appelants: McLaws & Co., Calgary.
Procureurs de l’intimée: MacKimmie, Matthews, Wood, Phillips & Smith, Calgary.
[1] (1969), 70 W.W.R. 339, 7 D.L.R. (3d) 512.
[2] [1947] A.C. 565 à la p. 572.
[3] [1939] A.C. 302.
[4] [1963] R.C.S. 455.