Cour suprême du Canada
Mechanical Pin Resetter c. Canadian Acme, [1971] R.C.S. 628
Date: 1970-11-27
Mechanical Pin Resetter Company Limited (Demanderesse) Appelante;
et
Canadian Acme Screw & Gear Limited (Défenderesse) Intimée.
1970: le 29 mai; 1970: le 27 novembre.
Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL D’ONTARIO.
APPEL d’un jugement de la Cour d’appel d’Ontario[1], infirmant un jugement du Juge Lacourcière. Appel accueilli.
J.J. Carthy et B. Finlay, pour la demanderesse, appelante.
D.K. Laidlaw, c.r., et G.W. Glass, pour la défenderesse, intimée.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE JUDSON — L’appelante, la Mechanical Pin Resetter Company Limited, est propriétaire de brevets pour des planteurs automatiques utilisés dans les salles de quilles. L’intimée, la Canadian Acme Screw & Gear Limited, détient une licence de la Mechanical pour la fabrication de ces planteurs. Ce qu’il faut décider, dans ce litige, c’est si la redevance payable pour chaque planteur est de $375, ou bien du plus élevé des deux montants suivants: 10 pour cent du prix net de vente ou $250. Au cours de la période en cause, l’Acme a versé 10 pour cent du prix net de vente. La Mechanical lui réclame $54,824.58, soit la différence entre le montant qu’aurait payé l’Acme au taux de $375 par planteur, et la somme réellement versée. Le juge de première instance a ordonné le paiement de la somme la plus élevée. Sa décision a été infirmée en appel et l’action rejetée. La Mechanical demande maintenant le rétablissement du jugement de première instance qui avait ordonné le paiement de la somme de $54,824.58.
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Pour résoudre le problème, il faut examiner quatre conventions écrites:
1. Par une convention en date du 30 décembre 1957, la Mechanical a accordé à la Brunswick‑Balke‑Collender Company of Canada Limited le droit exclusif de vendre les planteurs automatiques au Canada pour la durée des brevets et de tout renouvellement de ceux-ci. La Brunswick et la Mechanical devaient chercher un fabricant acceptable qui paierait à la Mechanical une redevance de $375 par machine vendue.
2. La Mechanical a octroyé à l’Acme la licence pour la fabrication des planteurs automatiques; par une convention datée du 27 janvier 1959 intervenue entre la Brunswick et l’Acme, il a été convenu que la Brunswick achèterait de l’Acme tous les planteurs automatiques fabriqués par celle-ci et que l’Acme ne fabriquerait lesdits planteurs que suivant les commandes passées par la Brunswick. La durée de cette convention était de 15 ans à compter de sa date, sous réserve de renouvellement par consentement mutuel.
3. Par une convention datée du 19 mars 1959, la Mechanical a accordé à l’Acme le droit exclusif de fabriquer les planteurs automatiques, et l’Acme a convenu de payer à la Mechanical un droit de licence de $375 pour chaque planteur vendu à la Brunswick. L’Acme ne devait fabriquer les planteurs que suivant les commandes reçues de la Brunswick. La durée de cette convention était de 15 ans à compter de sa date, sous réserve de renouvellement par consentement mutuel.
En 1962, les mêmes parties signèrent trois conventions semblables relativement à un nouveau planteur automatique pour petites quilles inventé par la Mechanical et pour lequel la redevance était légèrement différente. Il est inutile de reprendre ces conventions en détail et il ne sera pas nécessaire d’y revenir dans les présents motifs.
4. La dernière convention en cause, entre la Mechanical et l’Acme, est datée du 12 mars 1963. La Brunswick n’y est pas partie mais elle y est naturellement mentionnée à maintes reprises, par suite des conventions 1 et 2 ci-dessus résumées. Voici les attendus du premier paragraphe et mes observations à leur sujet:
[TRADUCTION] ATTENDU que la Mechanical a accordé à la Brunswick of Canada Limited le droit de vendre des planteurs automatiques au Canada; et
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ATTENDU que la Mechanical a accordé à l’Acme une licence l’autorisant à fabriquer des planteurs par des conventions datées du 19 mars 1959 et du 30 mai 1962 (cette dernière étant relative aux petites quilles) en vertu desquelles l’Acme vendra des planteurs pour revente dans les limites territoriales du Canada seulement à la Brunswick of Canada Limited et que les parties souhaitent signer la présente convention qui, dans la mesure ou leurs engagements envers la Brunswick of Canada Limited le permettent, remplacera et sera censée remplacer lesdites conventions du 19 mars 1959 et du 30 mai 1962; et
ATTENDU que l’Acme souhaite entreprendre la fabrication et la vente de planteurs automatiques dans le monde entier, sauf au Japon, sous réserve des droits déjà accordés par la Mechanical à la Brunswick of Canada Limited.
A CES CAUSES, en considération des conventions et ententes mutuelles stipulées aux présentes, les parties conviennent de ce qui suit:
1. Par les présentes, la Mechanical accorde à l’Acme, sous réserve des droits de la Brunswick of Canada Limited ci-dessus mentionnés, une licence unique et exclusive pour la fabrication de planteurs automatiques, sous réserve des conditions stipulées aux présentes, pour la durée des brevets qui ont fait l’objet d’octrois de licences ou de toute prolongation de ceux-ci, ainsi que pour la vente desdits planteurs dans le monde entier sauf au Japon.
La Mechanical soutient que cette nouvelle convention s’applique et ne peut s’appliquer qu’aux exportations, vu la convention intervenue entre elle et la Brunswick et celle intervenue entre la Brunswick et l’Acme, qui sont mentionnées ci-dessus aux alinéas 1 et 2. L’Acme soutient que cette nouvelle convention vise également le Canada.
En ce qui a trait à la clause 1, je suis d’avis que la licence par laquelle la Mechanical autorise l’Acme à fabriquer et à vendre les planteurs automatiques dans le monde entier, ne peut s’appliquer au Canada, de par le jeu des quatre conventions. Voici la position de la Mechanical et de l’Acme en ce qui concerne le marché canadien: en vertu de la convention 2, l’Acme ne peut fabriquer les planteurs automatiques que suivant les commandes passées par la Brunswick et ne peut les vendre qu’à cette dernière. Aucune convention ultérieure entre la Mechanical et l’Acme ne peut modifier cet état de choses. Les droits dont jouit
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la Brunswick aux termes de cette convention ont une durée minimum de 15 ans. En vertu de la convention 1, la Brunswick avait des droits de vente exclusifs au Canada pour la durée des brevets et de tout renouvellement de ceux-ci. Par conséquent, les termes de la clause 1 de la nouvelle convention, savoir «la fabrication [et] la vente…dans le monde entier», ne peuvent, à mon avis, comprendre le Canada.,
Je passe maintenant aux paragraphes 2 et 3(a) de la nouvelle convention:
[TRADUCTION] 2. L’Acme doit tenir des comptes exacts de tous les planteurs automatiques fabriqués par elle et doit, dans les trente jours qui suivent la fin de chaque mois, faire un rapport complet et détaillé à la Mechanical de tous les planteurs automatiques fabriqués et vendus par elle au cours de ce mois.
3. A la date de ce rapport, l’Acme doit payer à la Mechanical les droits de licence suivants:
(a) pour chaque planteur automatique complet fabriqué et vendu par l’Acme au cours du mois visé par le rapport, dix pour cent (10%) du prix net de vente ou deux cent cinquante dollars ($250), si ce dernier montant est le plus élevé, et
La clause 3(a), qui fixe la redevance, ne peut imposer à la Brunswick une redevance de plus de $375, fort possible au cours de la durée de la convention. Je remarque dans les conclusions que, déjà, le paiement est de 10 pour cent du prix net de vente, somme évidemment supérieure à celle de $250, l’autre élément de la formule. Je ne dis pas que l’Acme ne peut diminuer la redevance au-dessous du premier montant de $375. Cela n’aurait évidemment aucun sens. En l’absence d’une nouvelle convention, cela ne ferait qu’enrichir la Brunswick. Toutefois, si la somme que représentent 10 pour cent du prix net de vente vient jamais à dépasser $375, la Brunswick ne pourra être tenue de payer un prix qui comprendrait cette partie de la redevance dépassant $375 par planteur.
Examinons maintenant l’alinéa 8 qui prévoit une redevance minimum.
[TRADUCTION] 8. A compter de l’année civile 1964, si les droits de licence payables par l’Acme à la
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Mechanical en vertu des présentes au cours d’une année civile quelconque sont inférieurs au total des droits de licence que l’Acme devra payer à la Mechanical pour tous les planteurs automatiques qu’elle aura vendus à la Brunswick of Canada Limited durant l’année civile 1964 et de la somme de $25,000 (ledit total étant ci-après appelé la «redevance minimum»), la Mechanical aura le droit, sur préavis de six mois donné à l’Acme lui enjoignant de verser à la Mechanical la différence entre les droits de licence payables en vertu des présentes et la redevance minimum de résilier la présente convention si ladite différence n’est pas versée à la Mechanical par l’Acme au cours de la période de six mois susdite.
En vertu de la nouvelle convention, la redevance minimum est la suivante: (a) les droits de licence payables par l’Acme pour tous les planteurs automatiques vendus par elle à la Brunswick plus, (b) $25,000. Cette disposition ne modifie pas les droits de licence payables pour les ventes faites à la Brunswick, soit $375 par planteur ou la somme calculée d’après la nouvelle formule de la clause 3(a), si cette dernière peut s’appliquer aux ventes de l’Acme à la Brunswick.
Au paragraphe 17, on lit:
[TRADUCTION] 17. La licence qui est accordée par les présentes s’appliquera exclusivement à l’Acme et la Mechanical s’engage par les présentes à n’accorder ni licence ni autre droit sur les brevets qui ont fait l’objet d’octrois de licences, ou sur un brevet ou une demande de brevet portant sur des perfectionnements visés par une ou plus d’une revendication de tels brevets, à une autre personne, société ou corporation pour la durée de la présente licence, sauf dans la mesure, s’il y a lieu, où elle est actuellement tenue de le faire en vertu de toute convention conclue avec la Brunswick of Canada Limited.
Ce paragraphe reconnaît les droits de la Brunswick, s’il en est, et par conséquent limite la portée de la nouvelle convention.
Le paragraphe 19 se lit ainsi:
[TRADUCTION] Les parties conviennent que lesdites conventions du 19 mars 1959 et du 30 mai 1962 seront, et elles le sont, résiliées et remplacées par la présente convention; toutefois, dans la mesure où elles sont liées par conventions passées avec la Brunswick of Canada Limited et, par conséquent,
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dans l’impossibilité de résilier lesdites conventions, celles-ci demeureront en vigueur; les parties s’engagent à coopérer en vue de modifier toute convention passée avec la Brunswick of Canada Limited afin de donner effet aux dispositions des présentes.
On reconnaît dans ce paragraphe qu’il fallait entamer des négociations avec la Brunswick pour donner effet aux dispositions de la convention. Ces négociations se rapporteraient de toute évidence (a) aux droits de vente exclusifs à l’intérieur du Canada et au droit de faire fabriquer et (b) au montant de la redevance.
J’ai examiné la nouvelle convention et je ne puis dire qu’elle est claire et sans ambiguïté en ce qui concerne le Canada. Sur certains points, elle ne peut certes pas s’appliquer à la fabrication et à la vente au Canada. Où il y a vraiment ambiguïté c’est quand il s’agit de déterminer si la nouvelle redevance peut s’appliquer aux ventes à l’intérieur du Canada tant qu’elle n’excède pas $375 par planteur, chiffre qui, à mon sens, est de toute évidence le montant maximum auquel la Brunswick peut être assujettie. Je crois donc qu’une preuve extrinsèque est recevable pour déterminer si cette convention écrite s’applique de quelque façon aux ventes à l’intérieur du Canada. Après examen de cette preuve extrinsèque, le savant juge de première instance a décidé en faveur de la Mechanical et conclu que la nouvelle convention «n’avait aucune portée sur les ventes à l’intérieur du Canada.» Il a eu raison de recevoir cette preuve, qu’il a justement appréciée. Je conclus que les ventes à l’intérieur du Canada ne sont aucunement touchées par ladite convention et que la redevance qui leur est applicable reste de $375.
Voici en quoi consiste cette preuve extrinsèque:
Après la signature de ces conventions, des représentants de la Mechanical et de l’Acme ont entamé des pourparlers sur trois points. Premier point, l’amélioration du marché canadien au moyen d’un accord tripartite entre la Mechanical, l’Acme et la Brunswick, chaque partie s’engageant à diminuer ses profits dans l’espoir d’accroître les
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ventes. Les pourparlers à ce sujet n’ont pas abouti et étaient encore en cours le 14 février 1964.
Deuxième point, qui n’intéressait pas la Brunswick, la fabrication par l’Acme, sous réserve d’une licence octroyée par la Mechanical, de planteurs automatiques (pour jeux à cinq quilles ou à petites quilles) destinés à être vendus à l’extérieur du Canada; les pourparlers à ce sujet aboutirent à la nouvelle convention du 12 mars 1963 entre la Mechanical et l’Acme, laquelle prévoyait une redevance de $250 par planteur automatique, ou de 10 pour cent du chiffre net des ventes.
Troisième point, qui n’intéressait pas la Brunswick, le projet «Hasty», c’est-à-dire la mise au point d’un nouveau planteur automatique combiné que l’Acme vendrait dans le monde entier. Ce projet n’a pas abouti mais le par. 14 de la nouvelle convention en fait état.
Selon la preuve, il était alors nécessaire de négocier avec la Brunswick pour que l’Acme puisse vendre des planteurs automatiques à des tiers et pour qu’on puisse se servir à cette fin de l’outillage fabriqué aux frais de la Brunswick. Le paragraphe 19 précité est clair sur ce point. Toutefois, rien ne montre que de telles négociations aient jamais été engagées.
Aucun planteur automatique n’a été vendu hors du Canada; le 18 juillet 1963, bien après la date de la nouvelle convention, l’Acme paya à la Mechanical les redevances prévues dans les anciennes conventions de 1959, à raison de $375 par planteur. Par la suite, un nouvel employé de l’Acme a fait remarquer au trésorier adjoint que la nouvelle convention du 12 mars 1963 devrait s’interpréter comme diminuant la redevance; le 27 août 1963, l’Acme a versé ce qu’elle a dit être des droits de licence pour des planteurs vendus au Canada fondés sur le taux inférieur prévu dans la convention du 12 mars 1963.
La Mechanical a immédiatement informé l’Acme que les ventes à l’intérieur du Canada n’avaient jamais été destinées à être incluses dans le calcul de la redevance en vertu de cette convention. L’Acme ne lui fit pas connaître sa position à cet égard sauf qu’elle continua à envoyer
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des états fondés sur le taux de redevance moins élevé. L’Acme n’a produit aucune preuve, si ce n’est le témoignage de son comptable, qui n’était pas au courant des pourparlers mentionnés ci-dessus.
Toutes les ventes postérieures au 12 mars 1963 ont été faites au Canada, à la Brunswick. Le bref a été lancé le 1er novembre 1965.
La Cour d’appel a infirmé le jugement du savant juge de première instance en décidant que la nouvelle convention n’était pas ambiguë et que les termes «dans le monde entier sauf au Japon» devaient s’interpréter selon leur sens propre. Ce raisonnement est faux parce qu’on ne peut considérer ces mots isolément. La nouvelle convention doit s’interpréter en regard de la convention 1, entre la Mechanical et la Brunswick, et de la convention 2, entre la Brunswick et l’Acme. Dans cette optique, on peut soutenir et il y a même prépondérance à cet égard, que les termes en question ne peuvent s’appliquer au Canada et aux ventes à l’intérieur du Canada. Le véritable point en litige ici a trait à la portée de la nouvelle convention, prise non pas isolément mais au regard des autres conventions et de ce que l’on sait de la situation des parties elles-mêmes et d’un tiers, que la convention intéresse indubitablement. Tant le juge de première instance que la Cour d’appel ont parlé d’«ambiguïté». A mon sens, c’est là une description guère exacte du problème.
A l’examen, les trois documents, soit les conventions 1, 2 et 4, contiennent des dispositions qui sont en conflit. Bien que par la convention 4, la Mechanical et l’Acme aient tenté de remplacer tant la convention 3, relative à la concession initiale de licence pour planteurs automatiques, que celle relative à la concession de licence pour planteurs de petites quilles, les dispositions incompatibles sont telles qu’il y a lieu d’autoriser la production de preuves extrinsèques relativement à leur portée. J’ai déjà exprimé l’avis que si on lit les conventions elles-mêmes, on peut y voir une prépondérance des éléments qui tendent à limiter la portée de la convention 4 de façon à en exclure le Canada jusqu’à ce que des arrangements soient conclus avec la Brunswick. La preuve extrinsèque, qui n’a pas été contredite, montre clairement qu’on n’a jamais eu l’intention d’inclure les ventes à l’intérieur du Canada.
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Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens en cette Cour et en la Cour d’appel, et de rétablir le jugement de première instance.
Appel accueilli avec dépens.
Procureurs de la demanderesse, appelante: Arnup, Foulds, Weir, Boeckh, Morris & Robinson, Toronto.
Procureurs de la défenderesse, intimée: Rosenfeld, Schwartz, Glass & Malcolmson, Toronto.
[1] [1969] 2 O.R. 61, 4 D.L.R. (3d) 359, 58 C.P.R. 226.