Cour suprême du Canada
Deakins c. Aarsen et al., [1971] R.C.S. 609
Date: 1970-12-21
Ellen Deakins (Défenderesse) Appelante;
et
Otto Aarsen et Mary Aarsen (Demandeurs) Intimés;
et
Lois Elaine Deakins (Défenderesse) Intimée.
1970: les 4 et 5 novembre; 1970: le 21 décembre.
Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Spence, Pigeon et Laskin.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.
APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario, confirmant un jugement du Juge Grant. Appel rejeté.
W.B. Williston, c.r., et J.S. Armstrong, pour la défenderesse, appelante.
V.K. McKewan, pour la défenderesse, intimée.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE RITCHIE — Il s’agit ici d’un pourvoi interjeté par Ellen Deakins à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario qui a rejeté, sans motifs écrits, un appel formé à l’encontre du jugement rendu en première instance par le Juge Grant, dans lequel celui-ci avait décidé que ladite Ellen Deakins, à titre de propriétaire d’un sedan Meteor 1959, était responsable des dommages subis par Otto et Mary Aarsen par suite d’une collision entre deux véhicules automobiles causée, ainsi qu’il a été reconnu, par la négligence de Lois Elaine Deakins dans l’utilisation dudit sedan Meteor.
Toutes les parties à cette action reconnaissent et conviennent que:
(a) par suite de la collision, les intimés, Otto et Mary Aarsen, ont subi des dommages d’un montant total de $18,053.46;
(b) la seule cause de l’accident a été la conduite négligente de l’intimée, Lois Elaine Deakins; et
(c) l’appelante, Ellen Deakins, était la propriétaire de l’automobile conduite par l’intimée, Lois Elaine Deakins, au moment de l’accident.
Les dommages-intérêts ont été répartis de telle façon qu’il fut adjugé à Mary Aarsen $10,000 en dommages-intérêts généraux et à son époux, Otto, $2,500 en dommages-intérêts généraux et $5,553.46 en dommages-intérêts spéciaux. Compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, cette Cour a accordé la permission d’appeler de l’adjudication en faveur d’Otto Aarsen.
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Dans ce pourvoi, il s’agit uniquement de déterminer si, au moment de l’accident, le sedan Meteor était [TRADUCTION] «sans le consentement du propriétaire, en la possession d’une personne autre que le propriétaire ou son chauffeur», ce qui permettrait à Ellen Deakins d’invoquer l’exception contenue dans la dernière partie de l’art. 105(1) du Highway Traffic Act, S.R.O. 1960, c. 172, qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] 105. (1) Le propriétaire d’un véhicule automobile est responsable de toute perte ou dommage subi par une personne et attribuable à l’utilisation négligente du véhicule automobile sur un chemin public à moins que le véhicule automobile n’ait été, sans le consentement du propriétaire, en la possession d’une personne autre que le propriétaire ou son chauffeur, et le conducteur d’un véhicule automobile qui n’en est pas propriétaire est responsable dans la même mesure que le propriétaire.
Il incombe à l’appelante Ellen Deakins de prouver que le sedan Meteor 1959 immatriculé à son nom, le véhicule impliqué ici, était conduit sans son consentement. Il n’y a pas de preuve que l’appelante ait expressément consenti à ce que le véhicule automobile soit utilisé par l’intimée et le juge de première instance devait donc déterminer si, d’après les circonstances, Lois Elaine Deakins était, au moment de l’accident, en possession du véhicule automobile en question avec le consentement implicite de l’appelante. (Voir Palsky et al. c. Humphrey et al.[1], motifs présentés par le Juge Spence, pp. 582 et 583.)
La preuve révèle que Robert, âgé de 19 ans, fils de l’appelante et de son époux, Lloyd, habitait chez ses parents et avait la permission de se servir dudit sedan Meteor 1959 quand il le voulait pour ses fins personnelles. Le jeune homme était apparemment peu sérieux et s’enivrait fréquemment; l’appelante, qui s’est révélée une mère tolérante sinon indulgente, savait que son fils buvait lorsqu’il avait la voiture et ne s’opposait pas à ce qu’un ami le reconduise à la maison quand il était trop ivre pour conduire lui-même. Bien que l’appelante ait affirmé avoir dit à son fils de ne pas conduire après avoir bu et de ne pas laisser d’autres conduire la Meteor, à mon
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avis, le savant juge de première instance, à bon droit, n’a pas tenu compte du témoignage de l’appelante relativement à cette interdiction. Elle savait que son fils avait l’habitude de boire le soir lorsqu’il se servait de la Meteor et que pour rentrer à la maison, il devait nécessairement conduire lui-même la voiture ou laisser le volant à l’un de ses amis.
Onze semaines environ avant la date de l’accident, Robert Deakins s’est épris d’une jeune fille du nom de Lois Elaine Parker et a commencé à sortir avec elle environ six soirs par semaine. La jeune fille et Mme Deakins sont devenues bonnes amies et, quelque temps après l’accident, Robert l’a épousée. Elle est l’intimée dans la présent pourvoi.
Bien que le sedan Meteor ait été immatriculé au nom de Mme Deakins, je suis convaincu qu’il s’agissait, à toutes fins utiles, de la voiture de Robert et que la mère de ce dernier n’exerçait aucune autorité quant à qui pourrait la conduire. Elle savait fort bien que Lois Parker était la compagne assidue de son fils et qu’elle l’accompagnait dans la Meteor; et, bien qu’elle ait ignoré que la jeune fille détenait un permis de débutant et que Robert lui avait appris à conduire la Meteor à levier de vitesses, à mon avis, elle a néanmoins toujours permis tacitement que la voiture soit conduite par ceux à qui Robert la confiait.
Le soir de l’accident, Robert et Lois s’étaient, avec deux amis, rendus en voiture à un restaurant de Port Credit. Lorsqu’ils sont entrés dans le restaurant, les portes de la Meteor n’étaient pas fermées à clé, les clés ayant été laissées dans le cendrier; au cours de la soirée, Lois a quitté le restaurant pour conduire son amie quelque part. C’est au cours de cette sortie que l’accident s’est produit.
Rien ne démontre que Robert a expressément permis à Lois de prendre la voiture le soir en question; cependant, il était très intime avec cette jeune fille et, à mon avis, l’insouciance qu’il a manifestée en laissant les clés où elles étaient, jointe au fait qu’il avait appris à la jeune fille à conduire la voiture et qu’il savait qu’elle l’avait déjà conduite de son propre chef au moins une fois auparavant, autorisait clairement le savant juge de première instance à conclure qu’il y avait
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eu consentement tacite de la part de Robert et, par ricochet, de sa mère, à ce que la jeune fille conduise la voiture.
Le savant juge de première instance a analysé minutieusement les faits et il est évident que la Cour d’appel a souscrit à sa conclusion, savoir, que Ellen Deakins n’avait pas réussi à s’acquitter de l’obligation de prouver qu’au moment de l’accident, la Meteor était en la possession de Lois sans son consentement.
Nonobstant l’analyse minutieuse et critique des motifs de jugement du savant juge de première instance faite par le procureur de l’appelante, je suis d’avis que ces motifs ne renferment aucune erreur de nature à autoriser cette Cour à modifier la conclusion du tribunal de première instance.
Je suis d’avis de rejeter ce pourvoi avec dépens.
Appel rejeté avec dépens.
Procureurs de la défenderesse, appelante: Cox & Armstrong, Toronto.
Procureurs des demandeurs, intimés: Jackson, Watson, Gillespie, Lane & Greenwood, Port Credit.
Procureurs de la défenderesse, intimée: Thomson, Rogers, Toronto.
[1] [1964] R.C.S. 580.