Cour suprême du Canada
McCormick c. Marcotte, [1972] R.C.S. 18
Date: 1971-04-27
Donald McCormick (Demandeur) Appelant;
et
Gaston Marcotte (Défendeur) Intimé.
1970: les 27 et 28 octobre; 1971: le 27 avril.
Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Judson et Pigeon.
EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC
APPEL d’un jugement majoritaire de la Cour du banc de la reine, province de Québec[1], infirmant un jugement du Juge Cannon. Appel accueilli.
François Lajoie, c.r., pour le demandeur, appelant.
L.P. de Grandpré, c.r., et Pierre Sébastien, pour le défendeur, intimé.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE ABBOTT — L’appelant a poursuivi l’intimé en dommages-intérêts pour faute médicale. Les motifs de jugement des cours d’instance inférieure énoncent en détail les faits, qui, dans l’ensemble, ne sont pas contestés. Les voici en bref:
Le 7 août 1960, l’appelant, qui a alors 29 ans, subit une fracture de la cuisse par suite de la collision entre l’automobile dans laquelle il voyageait comme passager et une autre voiture. On le transporte à l’hôpital Cloutier, au Cap-de-la-Madeleine et il est confié aux soins du Dr Marcotte, l’intimé, qui fait partie de l’équipe médicale de l’hôpital. A la demande de l’appelant, le Dr Marcotte, qui n’est pas spécialiste, appelle en consultation le Dr Normand, chirurgien‑orthopédiste de l’équipe médicale d’un des hôpitaux de Trois-Rivières, une ville voisine.
Le Dr Normand conseille une traction cutanée suivie de l’introduction d’un clou intra‑médullaire. L’appelant est laissé en traction jusqu’au 22 août,
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jour où l’intimé procède à l’intervention chirurgicale. L’intervention n’est cependant pas celle que le Dr Normand a recommandée. L’intimé installe plutôt une plaque métallique sur les deux parties de l’os et place la jambe du patient dans un plâtre. L’intimé n’avait pas la compétence voulue pour pratiquer l’intervention recommandée et on n’a pas établi qu’il a exposé à l’appelant les avantages respectifs des deux méthodes.
M. le Juge Montgomery, de la Cour d’appel[2], a relaté de la façon suivante ce qui est survenu par la suite:
[TRADUCTION] Après l’intervention chirurgicale l’appelant a continué à se plaindre de douleurs et sa température a commencé à s’élever (voir les graphiques, pièce P-1, pp. 51 et 52). Le 31 au soir, elle atteint 101.4° F. C’était là un indice d’infection, quoique non concluant. Le 2 octobre, le défendeur a enlevé le plâtre et examiné la plaie, qui lui a paru en bonne condition. Il a renouvelé le plâtre et semble avoir écarté l’idée d’infection. Bien que le défendeur ait fait 101.2°F de température le même soir, il lui a permis de quitter l’hôpital le lendemain.
Le demandeur est retourné chez-lui, au Cap-de-la-Madeleine, où son épouse a pris soin de lui. Le défendeur ne paraît pas avoir cherché à suivre son patient de près. Ce dernier était toujours souffrant et avait par moments des sueurs abondantes. Personne, semble‑t-il, n’a recommandé à sa femme de noter la température de son mari. Lorsque celle-ci a appelé le défendeur, quelques jours après le retour de son mari à la maison, il a simplement prescrit des médicaments pour atténuer la douleur. (Le défendeur affirme qu’il n’a gardé aucune note des soins prodigués au demandeur à domicile). Environ deux semaines après le retour du demandeur chez lui, l’abcès qui s’était formé a abouti. L’épouse du demandeur a appelé de nouveau le défendeur, qui a examiné la plaie et, semble-t-il, prescrit un antibiotique. Environ deux semaines plus tard, le 4 octobre, l’épouse du demandeur a rappelé le défendeur. Ce dernier a fait transporter le demandeur à l’hôpital pour faire prendre de nouvelles radiographies, qui ont permis de constater que d’un côté de la fracture, les vis s’étaient arrachées de l’os, qui n’était plus dans une position satisfaisante. Le défendeur a installé un nouveau plâtre et laissé le demandeur retourner chez lui. A ce stade, le demandeur avait perdu toute confiance dans le défendeur; il s’est fait admettre à l’hôpital Ste-Marie. sous les soins du Dr Yves Normand.
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L’appelant a été traité à Trois-Rivières jusqu’au 22 février 1961, puis transporté à l’Hôpital Général de Montréal pour y recevoir d’autres soins. Il a souffert d’invalidité totale pendant dix‑neuf mois et c’est un fait admis qu’il souffre d’une invalidité partielle permanente de 27.5 pour cent.
Le critère de diligence raisonnable s’applique aux affaires de responsabilité médicale comme aux autres affaires où il y a allégation de faute. Le médecin doit posséder et utiliser le même degré raisonnable de science et d’habileté que possèdent ordinairement les praticiens de milieux semblables dans des cas semblables. Savoir si l’on a satisfait ou non à ce critère dépend bien entendu des circonstances particulières de chaque affaire.
L’appelant avait le fardeau d’établir que l’intimé a été négligent. Le savant juge de première instance a conclu que l’appelant a satisfait à cette exigence et il a accueilli l’action en dommages-intérêts à concurrence de $41,566.72. La Cour d’appel[3] a, à la majorité, infirmé ce jugement, avec dissidence du Juge Montgomery. Il y a appel à cette Cour de cet arrêt, mais le montant des dommages n’est plus en litige.
Dans l’ensemble, je souscris aux motifs de M. le Juge Montgomery, de la Cour d’appel, et je ne vois rien d’utile à y ajouter. Après une étude attentive et complète de la preuve médicale, il arrive aux conclusions suivantes que j’adopte:
[TRADUCTION] A mon avis, le demandeur n’a pas reçu des soins médicaux conformes aux normes applicables à ceux auxquels il avait droit de la part d’un médecin exerçant dans un hôpital situé dans un territoire bien organisé de la province, à proximité des grands centres urbains. Je ne considère nullement comme un moyen de défense que le défendeur ait été personnellement incapable de mettre la recommandation du Dr Normand en pratique… Soit par ignorance, soit par cupidité, il a exposé son patient à un risque d’échec beaucoup plus grand que si l’on avait utilisé la méthode recommandée par le spécialiste. Le résultat est un exemple typique d’échec de l’intervention par plaque et vis comme l’a décrit le Dr Favreau, et le risque d’arriver précisément à ce résultat est une des raisons principales qui ont fait tomber la méthode de la plaque et des vis en discrédit.
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En plus de choisir une méthode qui tombe en désuétude, le défendeur paraît avoir traité le demandeur de façon maladroite et inattentive. On peut se demander à quel point tel acte ou telle omission particulière a contribué au dommage, mais je n’estime pas nécessaire de trancher cette question. A mon avis, le juge de première instance a eu raison de conclure à la responsabilité du défendeur, bien que je n’admette pas tout à fait ses motifs.
Je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens en cette Cour et en Cour d’appel et de rétablir le jugement de première instance.
Appel accueilli avec dépens.
Procureurs du demandeur, appelant: Lajoie, Lajoie, Gouin & Vigeant, Trois-Rivières.
Procureurs du défendeur, intimé: Lafleur & Brown, Montréal.
[1] [1969] B.R. 454.
[2] [1969] B.R. 454.
[3] [1969] B.R. 454.