Cour Suprême du Canada
Cull c. Canadian Superior Oil Ltd., [1972] R.C.S. 89
Date: 1971-04-27
Ida Armilda Cull (Défenderesse) Appelante;
et
Canadian Superior Oil Ltd. (Demanderesse) Intimée.
1971: le 18 mars; 1971: le 27 avril.
Présents: Les Juges Abbott, Martland, Judson, Hall et Laskin.
EN APPEL DE LA CHAMBRE D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME D’ALBERTA
APPEL d’un jugement de la Chambre d’appel de la Cour suprême d’Alberta[1], rejetant un appel d’un jugement du Juge Sinclair. Appel rejeté.
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R.A. McLennan et J.W.K. Shortreed, c.r., pour la défenderesse, appelante.
D.O. Sabey et J.P. Peacock, pour la demanderesse, intimée.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE MARTLAND — La question à décider dans le présent appel porte sur la validité d’un bail du droit d’exploitation du pétrole et du gaz naturel daté du 30 décembre 1947, accordé par l’appelante à l’intimée. Ce bail met en cause le quart nord-ouest de la section 17, dans le 39e canton et le 26e rang à l’ouest du 4e méridien, dans la province de l’Alberta, sous réserve de certaines exceptions précises, et une partie de la moitié sud de cette section. Le bail est pour une période initiale de dix ans; les dispositions pertinentes de celui-ci sont les suivantes:
[TRADUCTION] 1. Moyennant la somme de $306.00, en monnaie légale du Canada, que le locateur reconnaît avoir reçue, et les engagements et conventions ci-après énoncés, le locateur a accordé, cédé à bail, loué et donné en location et par les présentes accorde, cède à bail, loue et donne en location exclusivement au locataire, en vue de forer des puits, de les exploiter et d’en faire extraire de l’huile, du gaz, du gaz de pétrole, de l’essence naturelle et des hydrocarbures connexes, avec droits exclusifs à cet égard et avec le droit de récupérer tout tubage et les droits et servitudes permettant de passer sur, par-dessus et à travers ledit terrain et d’installer des pipe-lines, des lignes téléphoniques, télégraphiques et d’énergie, des réservoirs, usines de force motrice, stations, usines de dégazolinage, étangs, routes, appareils fixes et structures en vue d’extraire, d’emmagasiner, de traiter et de conserver ces substances, et de fournir logement et pension aux employés, et avec tous les autres droits et privilèges nécessaires, accessoires ou utiles à une exploitation rentable sur ledit terrain, en ce qui concerne l’extraction d’huile, de gaz, de gaz de pétrole, d’essence naturelle et d’hydrocarbures connexes, et à la construction de structures sur ledit terrain en vue d’extraire, d’emmagasiner, de traiter et de conserver lesdites substances, toute l’étendue de terrain ci-après décrite:…
2. Sous réserve des autres dispositions des présentes, ce bail est pour un terme de dix ans à compter de ce jour (appelé le «terme initial») et aussi longtemps par la suite que de l’huile, du gaz ou une autre substance minérale seront extraits
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dudit terrain en vertu du présent bail, ou aussi longtemps par la suite que le locataire fera des travaux de forage, d’extraction ou de remise en exploitation sur ledit terrain tel que prévu ci-après, et pendant la production d’huile, de gaz ou autre substance minérale en découlant.
La clause 6 stipule que les travaux de forage doivent commencer sur le terrain loué dans un délai d’au plus un an à compter de la date de la signature du bail, à défaut de quoi un loyer de $306 doit être payé pour le retard. Le bail prévoit d’autres ajournements annuels des travaux de forage durant le terme initial, moyennant paiement du loyer convenu pour le retard.
Les passages pertinents de la cl. 7 du bail sont les suivants:
[TRADUCTION] 7. Si antérieurement à la découverte d’huile ou de gaz dans lesdits terrains le locataire y fore un ou plusieurs puits stériles, ou si après la découverte d’huile ou de gaz la production d’huile ou de gaz cesse pour quelque raison que ce soit, le présent bail demeurera en vigueur durant le terme initial, si le jour de l’échéance du loyer suivant immédiatement l’expiration d’une période de quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la date où le puits stérile est terminé ou à compter de la date où la production cesse, ou auparavant, le locataire commence des travaux de forage ou de remise en exploitation ou commence à payer le loyer, se remet à le payer ou offre de le payer, ou après le terme initial, si le locataire commence d’autres travaux de forage ou de remise en exploitation dans les soixante (60) jours qui suivent la date où le puits stérile est terminé ou celle où la production cesse, et, s’il y a alors production, tant que continuera cette production.
La clause 12 du bail stipule ce qui suit:
[TRADUCTION] 12. Si le locataire commence à forer un puits pendant la durée du présent bail ou pendant la prolongation d’icelui, le locataire peut terminer le forage de ce puits, avec diligence raisonnable, et si de l’huile ou du gaz y sont découverts en quantités rentables le présent bail demeurera en vigueur comme si le forage de ce puits s’était terminé au cours du terme stipulé ci-dessus.
Le forage sur le terrain loué a commencé le 28 novembre 1957 et s’est poursuivi jusqu’au 23 décembre 1957, la profondeur voulue ayant été atteinte. Les 24 et 25 décembre, des échantillons carottés ont été pris en vue de déterminer la
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porosité et la perméabilité du calcaire dans la région visée; en se fondant sur les échantillons, on a procédé à un essai aux tiges depuis le fond du trou de sonde et récupéré, dans la tige de forage, 2,180 pieds de gaz et d’huile de même que 150 pieds d’huile et de boue émulsionnée. C’est à ce moment-là que l’intimée a décidé de prendre les mesures nécessaires pour terminer le puits.
Le forage a repris et s’est poursuivi jusqu’au 29 décembre, une profondeur totale de 6,958 pieds ayant été atteinte. Un diagramme a été fait, la colonne de production a été posée et une tête a été mise sur le puits. Le 30 décembre, le principal appareil de sondage a été retiré et, une fois celui-ci démonté et emporté, un appareillage de service plus petit a été apporté à l’emplacement. Ce dernier a été monté le 2 janvier 1958. Le 3 janvier, du tubage s’est perdu dans le puits; il n’a été récupéré que le 5 janvier. Le trou fut alors nettoyé et un carottage radio-actif effectué; des perforations furent faites afin d’accroître le débit d’huile depuis la formation productive et le dernier tube de production fut mis en place. Le 6 janvier, 500 gallons d’acide ont été injectés dans le puits, ce qui a fait jaillir quatre ou cinq barils d’huile à la surface, et a confirmé le fait que la formation avait été ouverte. L’acide fut ensuite refoulé au dehors au moyen de 150 barils d’huile «de charge» transportés jusqu’à l’emplacement et déversés dans le puits. Le 7 janvier l’on retira six pistons, ce qui fit jaillir du puits une quantité indéterminée d’huile de charge et d’huile de formation. Le puits pouvait alors produire de l’huile, mais, aucun équipement n’étant disponible pour traiter et emmagasiner les substances extraites, le puits a été fermé.
Il a été ouvert de nouveau le 11 janvier, après qu’un réservoir d’une capacité de 500 barils, un séparateur et divers appareils auxiliaires eurent été construits et installés sur l’emplacement. Au début, l’huile qui jaillissait dans le réservoir collecteur était un mélange d’huile de charge et d’huile nouvelle provenant de la formation. Aux fins de sa comptabilité, l’intimée a considéré toute l’huile extraite les 11 et 12 janvier comme étant de l’huile de charge qui avait été récupérée, estimant donc que l’extraction n’a réellement commencé que le 13 janvier 1958. Par la suite, la quantité d’huile autorisée pour le puits pour le
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mois de janvier 1958 en vertu des règlements du Oil and Gas Conservation Board a été extraite. Sous réserve de cette production mensuelle autorisée, l’extraction s’est faite de façon continuelle depuis lors. L’appelante a reçu tous les chèques de redevance payables à l’égard de la production du puits en question.
En décembre 1957, l’intimée a tenté d’obtenir le consentement de l’appelante à l’incorporation d’une clause de mise en commun dans le bail. Elle a également tenté d’obtenir certaines corrections dans la description des terrains loués. Après un long échange de lettres, un accord a été signé le 11 juillet 1958. L’intimée a payé à l’appelante une contrepartie de $1,000 pour la signature de cet accord, qui substituait une nouvelle description des terrains à la première description énoncée au bail et y supprimait certaines exceptions. L’accord incorporait au bail une clause de mise en commun. Il prévoyait qu’il entrerait en vigueur le 21 novembre 1957, toutes les autres dispositions, engagements et conditions énoncées au bail demeurant en vigueur et gardant leur plein effet.
En vertu du Land Titles Act, maintenant R.S.A. 1970, c. 198, l’intimée a déposé un caveat contre les terrains loués, donnant avis du droit qu’elle alléguait y avoir. En vertu de cette même loi, l’appelante a donné avis qu’elle demandait la radiation du caveat à moins que l’intimée n’engage des procédures en vue de faire valoir son droit. La présente action fut alors instituée, demandant une déclaration que le bail est valide et en vigueur. Dans sa défense, l’appelante allègue que le bail est expiré.
En premier lieu, l’appelante a soutenu que le «forage» du puits avait pris fin le 28 décembre 1957 et que la cl. 12 du bail n’est jamais devenue applicable. Par conséquent, faute d’une production en cours lors de l’expiration du terme initial, le bail avait automatiquement expiré. Le savant juge de première instance a conclu que le forage du puits n’était pas «terminé» à l’expiration du terme initial, et que la cl. 12 accordait à l’intimée le droit de terminer le forage après l’expiration. Contrairement à la prétention de l’appelante, le juge a également conclu que l’intimée avait fait ses travaux de forage avec diligence raisonnable, comme l’exigeait la cl. 12. Je ne modifierai pas ces conclusions.
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Il a conclu en outre que le puits avait été terminé le 7 janvier 1958 et qu’il aurait été matériellement possible, à cette date-là, d’extraire de l’huile directement du puits et de la mettre dans des camions, mais qu’aucun exploitant prudent n’aurait envisagé de le faire étant donné le risque créé par l’hydrogène sulfuré. Selon lui, il aurait été possible de commander et d’installer le réservoir, le séparateur et l’équipement auxiliaire et de les relier au puits de façon à extraire, traiter et emmagasiner l’huile en toute sécurité dans les quelques heures qui ont suivi l’enlèvement de l’appareillage de service, le 7 janvier. Les installations sont en réalité devenues disponibles à cette fin pour la première fois le 11 janvier.
Toutefois, il a jugé que le réservoir, le séparateur et l’équipement auxiliaire avaient effectivement été commandés et installés conformément à la pratique recommandée dans les champs pétrolifères et avec diligence raisonnable, et que l’exploitante n’a pas eu l’intention de cesser les travaux ou de fermer le puits. Elle avait eu, de bonne foi, l’intention de déployer la diligence requise pour mettre le puits en exploitation, ce qu’elle avait fait avec diligence raisonnable; et le puits a commencé à produire le 13 janvier.
La principale prétention de l’appelante, acceptée par le savant juge de première instance, est que le bail avait expiré parce que, même s’il s’était prolongé au-delà du terme initial en application de la cl. 12, il ne pouvait être continué que jusqu’à ce que le puits soit terminé, soit le 7 janvier. Par la suite, il ne pouvait être prolongé que si la production était en cours sur les terrains loués, et aucune production n’avait été amorcée avant le 13 janvier.
Le savant juge de première instance a jugé ensuite que même si le bail avait expiré pour la raison alléguée par l’appelante, cette dernière était irrecevable à soulever ce moyen parce qu’elle avait signé l’entente modificative du 11 juillet 1958. C’est pourquoi il s’est prononcé en faveur de l’intimée dans un jugement déclarant que le bail était toujours valide et en vigueur.
L’appel interjeté par l’appelante contre ce jugement a été rejeté. La Chambre d’appel, qui ne partageait pas l’avis du savant juge de pre-
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mière instance sur ce point, a décidé que le bail n’avait jamais expiré. Par conséquent, il n’était pas nécessaire de considérer si, en admettant qu’il avait expiré, le bail avait été prolongé par l’entente modificative, ou, comme le juge de première instance l’avait décidé, par l’effet d’une fin de non-recevoir en découlant.
L’avis de la Chambre d’appel est résumé dans les passages suivants des motifs du juge d’appel Johnson, qui a rendu l’arrêt de la Cour. Après avoir fait mention de l’arrêt de la Chambre d’appel dans l’affaire Canadian Superior Oil Ltd. et al. v. Murdoch[2], (l’appel interjeté devant cette Cour contre l’arrêt en question ayant été rejeté sans motifs écrits) et des arrêts de cette Cour dans Canadian Superior Oil of California, Ltd. c. Kanstrup et al.[3] et Canadian Superior Oil Ltd. et al. c. Hambly[4], il poursuit:
[TRADUCTION] Remarquons qu’ici le problème est très différent; réduit à sa plus simple expression, il se résume ainsi: si l’on présuppose l’existence d’un marché pour l’huile, le jeu des clauses en question a-t-il pour effet d’exiger qu’une production soit tirée au moment même où le puits est terminé. J’ai dit «au moment même» parce qu’il faut bien reconnaître qu’il y a toujours une période, si brève soitelle, où, alors que le puits est relié aux réseaux collecteurs et que les vannes sont ouvertes, il y a absence de production. L’avocat de l’appelante soutient que si pareille période existe, cette Cour doit, vu ces décisions antérieures, décider que le bail ne s’est pas prolongé. À coup sûr, rien dans la preuve ne porte à croire qu’eu égard à la pratique suivie habituellement dans les champs pétrolifères, la production pourrait être commencée au moment même où le puits est terminé. Si cet argument était valable, les locataires ne pourraient jamais profiter de la cl. 12.
Je suis d’avis qu’il ne serait pas raisonnable de recourir à une interprétation aussi stricte. Il est interdit de tirer des puits une production ininterrompue. Le Conservation Board établit un quota pour chaque puits. Pour atteindre ce quota, les puits ne produisent que durant quelques heures par jour. Personne ne soutiendrait qu’il ne pourrait y avoir de prolongation en vertu de la cl. 2 du bail si à l’expiration du terme initial le puits était fermé et laissé improductif pour avoir déjà atteint la pro-
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duction mensuelle autorisée. En vertu de cette clause, le locataire est autorisé à faire «des travaux de forage, d’extraction ou de remise en exploitation». S’il fallait désassembler le système d’emmagasinage du puits, il y aurait, ici encore, une période, brève ou longue, entre, d’une part, la fin de ces travaux, et d’autre part, le raccord des réservoirs d’emmagasinage et la reprise de l’écoulement de l’huile. Si l’appelante a raison, un tel retard aurait une fois encore pour effet de mettre fin au bail, parce qu’aucune extraction ne pourrait avoir lieu durant cette brève période.
…
Le savant juge de première instance a, entre autres conclusions, énoncé la suivante:
«Le réservoir, le séparateur et l’équipement auxiliaire ont effectivement été commandés et installés en conformité de la pratique recommandée dans les champs pétrolifères et avec diligence raisonnable.»
Cette conclusion est largement étayée par la preuve. Ce n’était que le deuxième puits qui était foré dans cette région; même s’il était impossible de parler de forage de recherche, on ne peut pas dire que cette région était devenue productive. D’après la preuve, en forant pareils puits, il n’est pas habituel de construire la batterie de réservoirs avant d’avoir déterminé si l’extraction peut se faire. L’huile renfermait une quantité appréciable de gaz nocif qui constituait un danger pour ceux qui venaient en contact avec lui. Un expert a témoigné qu’il est prudent lorsqu’un gaz de la sorte est présent de limiter le nombre de personnes aux environs du puits.
Ce que je considère être d’une importance primordiale, c’est qu’au mois de janvier le puits a produit son plein quota d’huile, que celle-ci a été mise en marché et que le cessionnaire du locateur a reçu la redevance stipulée en faveur du locateur.
D’après la clause 12, le forage du puits doit être terminé «avec diligence raisonnable» et si l’on constate que ce qui a été fait par la suite l’a été en conformité de la pratique recommandée dans les champs pétrolifères, dans un délai raisonnable et avec la «diligence raisonnable», l’on peut raisonnablement conclure que les exigences du bail sont satisfaites et que le bail est prolongé durant tout le temps que le puits continue à produire.
Je souscris à la conclusion de la Chambre d’appel que le bail n’a pas expiré, et je conviens que le jugement de cette Cour dans les affaires Kanstrup et Hambly ne vont pas à l’encontre de
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ce point de vue. Dans l’affaire Kanstrup, un puits avait été foré au cours du terme initial. C’était un puits de gaz; le marché étant inexistant, l’on ne procéda pas à l’extraction. Le puits fut recouvert avant l’expiration du terme initial. Bien que le locataire ait eu le droit, mais non l’obligation, d’effectuer un versement en argent au lieu d’en tirer une production réelle, ce qui avait le même effet que s’il y avait eu production, il n’a fait de versement qu’après l’expiration du terme initial. Par conséquent, le bail ne s’est pas prolongé au-delà du terme en vertu des mots: [TRADUCTION] «et aussi longtemps par la suite que de l’huile, du gaz ou autre substance minérale seront extraits dudit terrain».
Dans l’affaire Hambly, le bail renfermait une disposition semblable à la cl. 12 du présent bail. Le locataire a commencé à forer un puits peu après l’expiration du terme initial et l’a par la suite terminé. C’était un puits de gaz et, à ce moment-là, il n’existait aucun marché pour le gaz qui en était extrait. Le puits n’était pas destiné à être mis en exploitation et il n’a pas été exploité. Le locataire n’a cherché à se prévaloir du privilège qu’il avait de payer une somme d’argent à défaut de production qu’une semaine après l’achèvement du puits.
En l’espèce, l’intimée a terminé le forage d’un puits; comme l’a conclu le juge de première instance, elle avait eu, de bonne foi, l’intention de déployer la diligence requise pour mettre le puits en exploitation, ce qu’elle avait fait avec diligence raisonnable. Le puits a commencé à produire de l’huile le 13 janvier 1958; durant le reste du mois, il a atteint la quantité mensuelle autorisée.
La clause 12 du bail accorde à l’intimée, si elle commence à forer un puits avant l’expiration du terme initial du bail, le droit de terminer le forage du puits avec diligence raisonnable. C’est ce qu’elle a fait. La clause 12 prévoit alors que si de l’huile ou du gaz sont découverts en quantités rentables, le bail demeurera en vigueur. C’est là une disposition destinée à prolonger le bail au-delà de la date à laquelle le puits est terminé lorsque la condition requise est remplie, comme elle l’a été en l’espèce, soit lorsqu’il y a découverte d’huile ou de gaz en quantités rentables.
D’après le reste de la cl. 12, le bail: [TRADUCTION] «demeurera en vigueur comme si le
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forage de ce puits s’était terminé au cours de la période stipulée ci-dessus» (soit au cours du terme initial). Quelle aurait été la situation de l’intimée, en vertu du bail, si elle avait terminé un puits pouvant produire de l’huile en quantités rentables au cours du terme initial? Sa position aurait été la suivante: si le puits avait été mis en exploitation, le bail se serait prolongé aussi longtemps après le terme initial que de l’huile aurait été extraite du terrain loué.
La clause 12 ne nous oblige pas nécessairement à considérer que le puits devait être tenu pour terminé au moment de l’expiration du terme initial. Ce que l’on doit considérer c’est un puits qui est terminé au cours du terme initial.
A mon avis, la prétention de l’appelante est erronée en ce qu’elle interprète la cl. 12 comme n’entraînant une prolongation du bail que jusqu’au moment où est terminé le puits dont elle autorise le forage. Elle ne tient pas compte de la disposition additionnelle relative à la prolongation si le puits dont le forage est autorisé produit de l’huile ou du gaz en quantités rentables. Dans l’arrêt Hambly, cette disposition n’était pas en jeu parce que le locataire n’avait pas voulu procéder à la mise en exploitation et n’avait pas pris, une fois le puits terminé, des mesures additionnelles pour le mettre en exploitation. En l’espèce, les mesures nécessaires ont été prises avec diligence raisonnable et le puits a été mis en exploitation.
L’examen de la cl. 12 me confirme dans l’opinion que j’ai quant à son effet si je la considère en regard de la cl. 2. Cette clause, qui définit la durée du bail, contient, après la déclaration que «ce bail est pour un terme de dix ans à compter de ce jour», les mots suivants: «et aussi longtemps par la suite que de l’huile, du gaz ou une autre substance minérale seront extraits dudit terrain en vertu du présent bail, ou aussi longtemps par la suite que le locataire fera des travaux de forage, d’extraction ou de remise en exploitation sur lesdits terrains tel que prévu ci-après, et pendant la production d’huile, de gaz ou autre substance minérale en découlant.»
La dernière partie de cette clause, soit la disposition dans laquelle l’expression «aussi longtemps par la suite» est employée pour la deuxième fois, commence par le terme «ou». Cette partie de
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la clause prévoit entre autres la possibilité de prolonger le terme initial non seulement lorsqu’il y a extraction mais également lorsqu’il y a forage «tel que prévu ci-après».
Le savant juge de première instance s’est dit d’avis que l’expression «tel que prévu ci-après» est censée désigner la cl. 7 du bail. Je suis respectueusement d’avis qu’elle ne devrait pas s’interpréter comme étant aussi limitée. Il est vrai que la cl. 7 traite de «travaux de forage ou de remise en exploitation» alors que la cl. 12 ne traite que du forage, mais aucune des deux clauses ne traite de travaux «d’extraction», et l’expression «travaux de forage, d’extraction ou de remise en exploitation» pourrait s’appliquer à n’importe laquelle de ces trois opérations. L’expression «tel que prévu ci-après» est de portée assez étendue pour englober toute disposition ultérieure du bail relative à l’accomplissement de travaux de forage, d’extraction ou de remise en exploitation dont on autoriserait l’exécution après le terme initial. Pour ces motifs je crois que ces termes s’appliquent autant à la cl. 12 qu’à la cl. 7.
Par la clause 2, le bail se prolonge après le terme initial pendant tout le temps que des travaux de forage sont faits en conformité de la cl. 12 et, également, «pendant la production d’huile, de gaz ou autre substance minérale en découlant». Je n’interprète pas ces termes comme signifiant que la production, pour qu’elle puisse prolonger le bail pendant qu’elle est en cours, doit commencer immédiatement après la fin des travaux de forage. Exiger qu’il en soit ainsi, comme le voudrait l’appelante, priverait cette partie de la cl. 2, ainsi que la cl. 12, de tout effet quel qu’il soit. Comme il a été signalé dans le jugement de la Chambre d’appel, rien dans la preuve ne permet de croire qu’eu égard à la pratique suivie habituellement dans les champs pétrolifères, il serait possible de tirer une production dès l’instant où le puits est terminé. Il suffit qu’une production soit obtenue avec diligence raisonnable, une fois le puits terminé.
Pour ces motifs, je suis d’avis que le bail n’a jamais expiré et qu’il est valide et en vigueur. Vu cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres prétentions de l’intimée fondées sur l’entente modificative du 11 juillet 1958.
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Je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.
Appel rejeté aves dépens.
Procureurs de la défenderesse, appelante: Ross, McLennan, Ross, Geddes & Ranson, Edmonton.
Procureurs de la demanderesse, intimée: Saucier, Jones & Co., Calgary.
[1] (1970), 75 W.W.R. 606, 16 D.L.R. (3d) 709.
[2] (1969), 68 W.W.R. 390, 4 D.L.R. (3d) 629.
[3] [1965] R.C.S. 92.
[4] [1970] R.C.S. 932.