Cour suprême du Canada
Kalinin c. Metro. Toronto, [1972] R.C.S. 564
Date: 1971-12-20
Peter Kalinin (Réclamant) Appellant;
et
The Municipality of Metropolitan Toronto (Expropriante) Intimée.
1971: le 28 octobre; 1971: le 20 décembre.
Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Hall, Spence et Pigeon.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.
APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario[1], modifiant partiellement la sentence d’un arbitre, qui avait accordé à l’appelant une
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indemnité à l’égard de sa propriété que la municipalité intimée avait expropriée. Appel accueilli en partie, le Juge Judson étant dissident en partie.
James A. Taylor, c.r., et James Wallace, pour le réclamant, appelant.
George M. Mace, c.r., et H.B. Ibsen, pour l’expropriante, intimée.
LE JUGE JUDSON (dissident en partie) — Dans le présent pourvoi, la question des intérêts est la même que dans l’affaire Judson c. The Governors of the University of Toronto; Dunn c. The Governors of the University of Toronto[2]. De nouveau, je souscris aux motifs de la majorité de la Cour d’appel selon lesquels les intérêts ne sont payables qu’à compter de la date à laquelle le réclamant a cédé la possession du terrain, et je les ferais miens.
Le jugement des Juges Ritchie, Hall, Spence et Pigeon a été rendu par
LE JUGE RITCHIE — L’appel est à I’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (le Juge Laskin, alors juge d’appel, dissident en partie) qui a modifié partiellement la sentence de l’arbitre, Son Honneur le Juge G.H.F. Moore, prononcée le 11 juin 1969, laquelle accordait à l’appelant une indemnité à l’égard de sa propriété de Scarborough que la municipalité du Toronto métropolitain avait expropriée le 9 novembre 1966. La propriété contenait .873 d’acre environ; elle était sise au nord du lac Ontario, dont elle était séparée par une bande de terre large d’environt 15 pieds, propriété de la municipalité. Sur la partie nord de son terrain, l’appelant avait construit une résidence; il avait aménagé la partie sud, où il avait érigé une petite construction sans étage appelée «pavillon» dans les témoignages, une remise à outils, et des installations de mise à l’eau pour les embarcations, avec terrain de stationnement éclairé.
Dans sa sentence, l’arbitre a considéré le terrain comme étant formé de deux parcelles: la parcelle située au nord, sur laquelle la résidence occupait une superficie de 75 pi. sur 100 pi., et
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l’autre parcelle, qui a été définie comme «le reste du terrain». L’arbitre a alloué une indemnité de $70,089.90, répartie comme suit:
Résidence sur un lot de 75 pi. sur 100 pi. .............. $26,000.00
Allocation de 5% pour désagrément en vertu
de l’art. 18(1) (a) (i) de l’Expro-
priations Act, 1968-69. ................................................. 1,300.00
Allocation de 10% pour hausse de prix
jusqu’à 1967. .................................................................. 2,600.00
Frais de déménagement. ................................................ 211.50
Frais juridiques et d’arpentage. ...................................... 434.40
Reste du terrain. .......................................................... 15,000.00
Pavillon. ........................................................................ 10,925.00
Atelier (remise à outils). ................................................ 1,500.00
Patio et trottoirs. ............................................................ 1,000.00
Éclairage, grue et dispositif de mise à
l’eau. ................................................................................ 3,500.00
Déplacement d’un bateau, remise à
outils, entreposage. ....................................................... 5,719.00
Aménagement paysager. ............................................. 1,900.00
________
$70,089.90
L’arbitre a en outre décrété que cette somme porterait intérêt au taux de 6 pour cent par année, à compter de la date de l’enregistrement du plan.
On verra que le présent appel a plusieurs points communs avec les appels Judson c. The Governors of the University of Toronto; Dunn c. The Governors of the University of Toronto[3], qui ont été entendus ensemble, juste avant celui-ci. Dans tous ces appels, la loi The Expropriations Act, 1968-69 (Ont.), c. 36, a été adoptée entre le jour de l’enregistrement du plan et celui de l’audience, et les mêmes questions se posent sur l’effet des dispositions transitoires de cette loi lorsqu’elles sont lues en regard de la loi The Expropriation Procedures Act, 1962-63 (Ont.), c. 43, qui était en vigueur lors de l’enregistrement du plan.
Pour les motifs énoncés par M. le Juge Schroeder dans le jugement qu’il a rendu au nom de la majorité de la Cour d’appel, je n’admettrais pas le montant de $2,600 alloué à titre d’«allocation de 10% pour hausse de prix jusqu’à 1967», et je suis également d’accord avec M. le Juge Schroeder quand il décide que nulle allocation ne peut être accordée pour l’élément «éclairage, grue et dispositif de mise à l’eau», à l’égard duquel le savant arbitre a adjugé $3,500.
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Une proportion de l’élément «déplacement d’un bateau, remise à outils, entreposage — $5,719.00» consistait en une allocation de $1,800 pour l’entreposage pendant deux ans du bateau de 25 tonnes que l’appelant était à se construire sur son terrain, et là encore je pense comme M. le Juge Schroeder, pour les motifs qu’il a exposés, que ce montant ne devrait pas être alloué.
Lorsqu’il a traité de la conclusion de l’arbitre que le montant adjugé devrait porter intérêt au taux de 6 pour cent, calculé à compter de la date de l’enregistrement du plan, M. le Juge Schroeder a fait entrer en jeu les dispositions de l’article 34(1) de la loi The Expropriations Act, 1968-69 et a décidé que:
[TRADUCTION] L’article 34(1) de la Loi, qui prévoit le paiement d’un intérêt, édicte que l’intérêt est alloué «au taux de 6 pour cent par an calculé à compter du jour où le propriétaire cesse d’habiter les lieux ou d’en faire une utilisation productive». La preuve indique qu’au jour de l’arbitrage, le réclamant occupait toujours la propriété, et qu’il en faisait encore le même usage qu’avant l’expropriation. Cette question a également dû être réglée dans l’affaire Re Judson and Governors of the University of Toronto (précitée), dans laquelle il a été décidé qu’aucun intérêt ne devait être attribué, nonobstant le fait qu’aucune offre visée par l’art. 8 de la loi The Expropriation Procedures Act, 1962-63 (Ont.), c. 43, n’avait été faite dans le délai y prescrit. On a jugé que vu qu’aucun intérêt n’était payable au propriétaire, les dispositions de l’art. 8 ne pouvaient s’appliquer. Il s’ensuit que l’intérêt ne devrait être payable qu’à compter de la date à laquelle l’intimé a cédé la possession des terrains. Nul doute que les parties peuvent s’entendre sur cette date-là.
Étant d’avis que la disposition appropriée quant à l’intérêt est celle qui était en vigueur le jour de l’enregistrement du plan, je ne puis adopter les vues exposées par M. le Juge Schroeder dans l’alinéa que je viens de citer et je crois au contraire que les dispositions qui s’appliquent sont celles de l’art. 8 de la loi The Expropriation Procedures Act, dont le par. 3 se lit comme suit:
[TRADUCTION] 8. (3) Si l’offre qui doit être signifiée conformément au paragraphe 1 n’est pas signifiée dans le délai fixé par le paragraphe 1 ou l’ordonnance d’un juge sous le régime du paragraphe 2,
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l’intérêt sur toute indemnité payable au propriétaire enregistré doit être calculé à compter de la date de l’enregistrement du plan.
Je pense également que le taux d’intérêt applicable est celui qui était en vigueur à la date à laquelle l’indemnité a été fixée, et pour cette raison j’appliquerais les dispositions de l’article 14(1) de la loi The Expropriation Procedures Act, 1962-63:
[TRADUCTION] 14. (1) Sous réserve du paragraphe 3 de l’article 8, le tribunal chargé de fixer l’indemnité peut allouer un intérêt sur le montant de l’indemnité au taux de 5 pour cent par année à compter de la date fixée par le tribunal.
Il s’ensuit que j’allouerais un intérêt au taux de 5 pour cent par année, à compter de la date d’expropriation, sur le montant adjugé, tel qu’il a été modifié par la Cour d’appel, sauf que, à mon avis, les allocations moins importantes pour les frais de déménagement et les frais juridiques et d’arpentage devraient porter intérêt à 6 pour cent à compter de la date de la sentence.
L’appelant a produit une demande reconventionnelle alléguant qu’il avait dépensé une forte somme pour combler un ravin et installer des égouts pluviaux dans le but d’aménager la partie de propriété qui fut évaluée à $15,000 par l’arbitre comme «reste du terrain». A cet égard, je suis encore une fois d’accord avec M. le Juge Schroeder qui a conclu que l’indemnité de $15,000 adjugée par l’arbitre tient compte de façon adéquate des dépenses faites par l’appelant pour aménager ces terrains.
En définitive, je suis d’avis de confirmer l’arrêt de la Cour d’appel, sauf en ce qui a trait à la date à compter de laquelle il faut calculer l’intérêt.
Vu que l’appelant a eu partiellement gain de cause, il devrait avoir droit à ses dépens de l’appel en cette Cour.
Appel accueilli en partie, le JUGE JUDSON étant dissident en partie.
Procureur de l’appelant: James A. Taylor, Toronto.
Procureur de l’intimée: A.P.G. Joy, Toronto.
[1] [1970] 3 O.R. 536, 13 D.L.R. (3d) 432.
[2] [1972] R.C.S. 553.
[3] [1972] R.C.S. 553.