Cour Suprême du Canada
Loose c. Spruce Holdings and Investments Limited, [1972] R.C.S. 653
Date: 1972-01-25
Carl William Loose Appelant;
et
Spruce Holdings and Investments Limited Intimée.
1971: les 15 et 16 novembre; 1972: le 25 janvier.
Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Laskin.
EN APPEL DE LA CHAMBRE D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE L’ALBERTA
APPEL d’un jugement de la Chambre d’appel de la Cour suprême de l’Alberta[1], infirmant un jugement du Juge Dechene. Appel rejeté.
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B.A. Crane, pour l’appelant.
E.M. Woolliams, c.r., et M.L. Moore, pour l’intimée.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE MARTLAND — En novembre 1966, l’intimée était demanderesse dans huit actions. De ces actions, deux étaient contre l’appelant et J.O. Guest Ranch Limited, deux autres étaient contre l’appelant et C.W. Loose Farms Limited (ci-après appelée «la Compagnie»), trois étaient contre l’appelant seulement et une avait été intentée contre la Compagnie seulement. Certaines de ces actions se fondaient sur des billets à ordre, une était une réclamation fondée sur un privilège de vendeur impayé et deux, celles dont il s’agit principalement dans la présente affaire, étaient des actions en saisie hypothécaire. Une des hypothèques était l’hypothèque «Buckhorn» sur laquelle l’appelant doit, d’après ce qui est allégué, un solde de $169,604. L’autre pourrait s’appeler l’hypothèque «V-V Ranch», sur laquelle la Compagnie se voyait poursuivie pour un solde de $453,320. Il s’agissait d’une sûreté hypothécaire de second rang. Le montant des réclamations en vertu de ces diverses actions dépassait largement le million de dollars.
Le 23 novembre 1966, l’appelant, la Compagnie et l’intimée signaient un accord de transaction. Après avoir énuméré les huit actions, l’accord stipule:
[TRADUCTION] Sur paiement de la somme de cent mille dollars ($100,000) en monnaie légale du Canada, Spruce convient que toutes les réclamations de Spruce contre M. Loose, Loose Farms et J.O. Guest Ranch Limited se trouveront réglées à la somme de cinq cent cinquante mille dollars ($550,000), payable en monnaie légale du Canada en la ville de Calgary, province de l’Alberta, de la façon suivante, à savoir:
a) La somme de cent mille dollars ($100,000) à la signature des présentes, dont quittance.
b) Le solde de quatre cent cinquante mille dollars ($450,000), sans intérêt, le 15 avril 1967 ou avant.
L’accord de transaction stipule encore que l’échéance pourra être reportée sur paiement de la somme de $100,000 ou plus avant le 15 avril
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1967, cette prorogation de délai étant d’un mois par tranche complète de $100,000 payée. Une autre disposition prévoit une nouvelle prorogation de délai aux mêmes conditions. Le solde impayé ne doit pas produire d’intérêt avant qu’il n’y ait eu défaut de paiement. A partir du défaut de paiement, l’intérêt est de 6 pour cent l’an sur le solde à compter du 1er novembre 1966.
L’accord de transaction prévoit diverses sûretés en faveur de l’intimée. Au sujet des actions en saisie hypothécaire concernant la propriété Buckhorn (n° 85985) et la propriété V-V Ranch (n° 85986), il prévoit notamment ceci:
[TRADUCTION] c) L’ordonnance de saisie prononcée en faveur de Spruce dans l’action n° 85985 ne sera pas inscrite, mais suspendue; toutefois, advenant défaut, cette ordonnance pourra être inscrite et l’action poursuivie, sous réserve cependant que toute somme provenant de la vente desdits biens-fonds sera créditée au solde impayé, ou que, si une ordonnance translative de propriété est rendue en faveur de Spruce, la valeur convenue ou, à défaut d’entente, celle fixée par arbitrage, sera créditée au solde impayé.
d) Il est convenu que toutes procédures ultérieures dans l’action en saisie hypothécaire n° 85986 contre la propriété V-V Ranch seront suspendues et que Loose Farms signera une ordonnance de décret Nisi sur consentement des parties dans ladite action, acceptant que le délai de rachat dans cette action soit de six (6) mois à compter de l’échéance, et il sera reconnu dans telle ordonnance sur consentement des parties que le solde impayé, dû et couru en vertu de ladite hypothèque et de ladite action, sera le solde impayé demeurant dû à Spruce sur la somme de cinq cent cinquante mille dollars ($550,000) avec intérêt calculé comme ci-dessus mentionné, et les frais et dépenses imputables.
L’alinéa qui suit immédiatement celui-ci porte sur ces deux actions autant que sur les autres et se lit ainsi:
[TRADUCTION] e) Nonobstant toute disposition contraire des présentes, il est entendu et convenu entre les parties aux présentes que le jugement sur consentement des parties susmentionné, dans l’action n° 86026, le transport de bien-fonds susdit relatif à la ferme Vulcan, les recours en vertu de l’action n° 85985 et les droits et recours en vertu de l’action n° 85986 relativement à la propriété
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V-V Ranch sont tous cédés en garantie du paiement du solde de toute somme due à Spruce en vertu de l’accord de transaction, et que Spruce pourra, après défaut de paiement, exercer tous et chacun des recours qui lui appartiennent indépendamment les uns des autres, et que nul acte de Spruce et nulle chose prise ou faite par elle ne constituera une renonciation à quelque recours lui appartenant dans toute autre affaire ci-dessus mentionnée ou à quelque recours lui étant acquis en droit ou en equity.
L’intimée a touché le premier versement de $100,000 et un second versement de $100,000 le 14 avril 1967. Nul autre versement n’a été fait. L’intimée a continué l’action en vue de la saisie hypothécaire de l’immeuble V-V Ranch et obtenu, le 16 avril 1968, une ordonnance de saisie hypothécaire lui transportant la propriété de l’immeuble; elle a enregistré cette ordonnance au bureau des titres de biens-fonds le 17 février 1969. L’intimée a revendu cette propriété et admet que le produit de la vente laisse un solde créditeur net de $129,902.46 à déduire du solde de $350,000, plus intérêts courus, qui restait dû en vertu de l’accord de transaction.
L’intimée a également continué les procédures en vue de réaliser la sûreté qu’elle détenait sur la propriété Buckhorn. Le 21 novembre 1968, soit après la date de l’ordonnance de saisie relative à la propriété V-V Ranch, elle a demandé la saisie hypothécaire et le transport à elle du droit de propriété. Deux questions ont alors fait l’objet d’un renvoi pour instruction; l’appel ne porte que sur l’une de ces questions, soit: quel est l’effet de l’ordonnance de saisie accordée dans l’action concernant la propriété V-V Ranch sur les droits de l’intimée d’obtenir la saisie hypothécaire dans l’action concernant la propriété Buckhorn, compte tenu de l’art. 110(1) du Land Titles Act, R.S.A. 1955, c. 170 (maintenant l’art. 109(1), R.S.A. 1970, c. 198)? Cette disposition est la suivante:
[TRADUCTION] 110. (1) L’effet d’une ordonnance de saisie fondée sur une hypothèque ou une charge, rendue par une cour ou un juge, est d’opérer le transport au créancier hypothécaire ou au bénéficiaire de la charge du droit de propriété dans le bien-fonds grevé, libre de tout droit ou faculté de rachat en equity en faveur du propriétaire, du débiteur hypothécaire ou du débiteur de la charge ou d’une personne se réclamant de lui postérieurement
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à l’hypothèque ou à la charge, et l’ordonnance a pour effet d’acquitter entièrement la dette garantie par l’hypothèque ou la charge; le créancier hypothécaire ou le bénéficiaire de la charge est alors censé être cessionnaire du bien-fonds, dont il devient propriétaire et pour lequel il a droit à un certificat de titre.
L’appelant a soutenu, et le jugement de première instance a maintenu sa prétention, que l’effet de ce paragraphe est que, du fait de la saisie hypothécaire du V-V Ranch, l’intimée ne peut avoir aucune autre réclamation à faire valoir contre l’appelant parce que l’hypothèque garantissait une dette réglée par l’accord amiable et que la saisie a totalement acquitté la dette.
En appel, la Chambre d’appel a infirmé cette décision[2]. Le Juge d’appel Clement qui a rédigé les motifs de l’arrêt unanime de la Cour, après avoir étudié le raisonnement adopté par cette Cour dans les affaires Krook et al. c. Yewchuk et al.[3], et Edmonton Airport Hotel Co. Ltd. et al. c. Le Crédit Foncier Franco-Canadien[4], et l’avoir rapproché des dispositions statutaires et des circonstances de la présente affaire, énonce la conclusion suivante, que j’accepte:
[TRADUCTION] Dans la présente affaire, nous avons à traiter des conditions prévues à l’accord de transaction, qui est le document déterminant comme l’était l’accord en vue de la vente dans l’affaire Krook. Dans les deux affaires, les sûretés et moyens d’exécuter les conditions stipulées sont rattachés et subordonnés à l’accord principal et n’ont pas, dans ce contexte, d’existence indépendante par eux-mêmes. Il n’y a aucun engagement de payer dans l’accord de transaction: quelles que soient les contraintes pouvant pousser M. Loose à dégrever les biens-fonds hypothéqués, elles n’équivalent pas à une dette au sens de la définition de ce terme. Je suis d’avis que le but de l’art. 110(1) est de libérer de l’obligation personnelle de rembourser une dette et que, s’il n’y a pas de dette, mais seulement une sûreté consentie sous réserve du droit de la racheter moyennant le paiement d’une somme déterminée, alors l’article ne s’applique pas du tout.
Je suis d’avis d’accueillir l’appel et de décider que la réponse à la question litigieuse instruite est que
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l’ordonnance de saisie quant à la propriété V-V Ranch n’a pas d’effet sur les procédures de saisie hypothécaire concernant la propriété Buckhorn Ranch, sauf quant à la reddition de compte.
Même en admettant que la convention du 23 novembre 1966 a créé une dette de l’appelant en faveur de l’intimée, il ne s’agit pas d’une dette garantie par hypothèque au sens du par. (1) de l’art. 110. Ce paragraphe a trait à une dette garantie par hypothèque dès sa création et dont on poursuit le paiement par voie de saisie hypothécaire lorsque la créance hypothécaire est en souffrance. Il ne s’applique pas à la situation présente, où un accord amiable réunissant diverses dettes, dont certaines étaient garanties lors de leur création par billet à ordre et d’autres, par hypothèque, fixe un endettement total garanti, notamment, par des procédures pendantes de saisie fondées sur une hypothèque, et où le manquement qui donne lieu à la continuation des procédures de saisie hypothécaire constitue un manquement aux termes de l’accord amiable lui-même.
Il y a également la particularité que la dette garantie par la prise de l’hypothèque sur l’immeuble V-V Ranch n’était due que par la Compagnie, et non par l’appelant, qui n’y a pas été partie. A mon avis, l’art. 110(1) ne peut s’interpréter comme signifiant que la saisie hypothécaire peut acquitter une dette autre que celle du débiteur hypothécaire.
Je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.
Appel rejeté avec dépens.
Procureurs de l’appelant: Moscovich, Moscovich, Spanos & Matisz, Lethbridge.
Procureurs de l’intimée: Woolliams, Korman & Moore, Calgary.
[1] [1971] 1 W.W.R. 121, 14 D.L.R. (3d) 201.
[2] [1971] 1 W.W.R. 121, 14 D.L.R. (3d) 201.
[3] [1962] R.C.S. 535.
[4] [1965] R.C.S. 441.