Cour Suprême du Canada
Podlaszecka c. Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration, [1972] R.C.S. 733
Date: 1972-01-25
Stefania Podlaszecka Appelante;
et
Le Ministre de la Main-d’Œuvre et de l’Immigration Intimé.
1971: le 27 octobre; 1972: le 25 janvier.
Présents: Les Juges Abbott, Martland, Hall, Pigeon et Laskin.
EN APPEL DE LA COMMISSION D’APPEL DE L’IMMIGRATION
APPEL d’une décision de la Commission d’appel de l’immigration rejetant un appel d’une ordonnance d’expulsion. Appel accueilli, les Juges Abbott et Pigeon étant dissidents.
J. Polika, pour l’appellante.
A.-M. Garneau et P. Bétournay, pour l’intimé.
Le jugement des Juges Abbott et Pigeon a été rendu par
LE JUGE PIGEON (dissident) — Le 17 novembre 1966, l’appelante était admise au Canada à titre de non-immigrante pour une période se terminant le 16 mai 1967. Elle avait un visa de visiteur délivré à Varsovie sur son passeport polonais. Le dernier jour de son séjour autorisé à titre de visiteuse, elle informait par lettre les autorités de l’immigration de son intention de demander d’être admise à résider en permanence au Canada. Le 14 juin 1967, elle signait une demande d’admission permanente en utilisant une formule fournie par les autorités de l’Immigration et intitulée «Demande d’admission aux fins de résidence permanente d’un non‑immigrant au Canada». Sous ce titre est imprimé ce qui suit:
IMPORTANT: Si votre demande est refusée, vous serez avisée de la date à laquelle vous devrez quitter volontairement le Canada, à défaut de quoi vous pourrez faire l’objet d’une enquête en vertu de la Loi sur l’immigration pour établir si vous avez le droit de rester au Canada.
Le 15 juin 1967, un fonctionnaire à l’immigration adressait à l’appelante une lettre recommandée dans laquelle il l’avisait que sa demande
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d’admission à titre d’immigrante ne pouvait être agréée et qu’elle devrait quitter le Canada avant le 5 juillet 1967.
Le décret C.P. 1967-1616 du 16 août 1967, en vigueur le 1er octobre 1967, a apporté des modifications importantes au Règlement sur l’immigration. Notamment, un nouvel article 34 définit l’expression «requérant se trouvant au Canada» et édicte que nonobstant l’art. 28, semblable requérant qui «n’est pas en possession d’un visa d’immigrant ou d’une lettre de pré-examen mais à qui, de l’avis d’un fonctionnaire à l’immigration, serait délivré sur demande un visa ou une lettre de pré-examen, s’il se trouvait hors du Canada» peut être admis au Canada en vue d’y résider en permanence sous réserve d’un certain nombre de conditions énumérées.
Le 6 mai 1968, l’appelante fait une nouvelle demande de résidence permanente au Canada en utilisant une formule officielle. Le 18 juillet 1968, un fonctionnaire à l’immigration lui envoie une lettre recommandée l’avisant que sa demande de demeurer au Canada en permanence [TRADUCTION] «a été étudiée à la lumière des règles de l’Immigration portant sur l’admission de requérants au Canada», que sa demande est rejetée et qu’on lui demande de quitter le Canada avant le 1er août 1968.
L’appelante ne quitte pas le Canada et, le 5 mai 1969, on lui adresse une nouvelle lettre recommandée l’avisant qu’elle a été examinée par un fonctionnaire à l’immigration lequel, conformément à l’art. 23 de la Loi sur l’immigration, a signalé son cas à un enquêteur spécial dans un rapport qui peut se résumer comme suit:
L’appelante ne peut être admise parce que:
a) elle n’aurait pas été admise si elle avait été examinée hors du Canada, parce qu’elle n’aurait conservé que 32 points à l’appréciation au lieu des 50 points requis au minimum;
b) elle n’est pas en possession d’un passeport non périmé;
c) elle n’est pas en possession d’un visa d’immigrant;
d) elle n’a pas un certificat médical tel que prescrit.
La lettre l’informe en outre de la tenue d’une enquête dont une ordonnance d’expulsion pour-
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rait résulter. L’enquête a lieu le 7 mai 1969 et une ordonnance d’expulsion fondée sur les quatre motifs précités est rendue.
En appel, la Commission d’appel de l’immigration, dans une décision datée du 26 septembre 1969, juge non fondés les deux premiers motifs. Sur le motif a), la Commission refuse de tenir compte de la demande faite en 1968, même si elle a été produite en appel, estimant que les dispositions autorisant la Commission à recevoir des renseignements supplémentaires ne lui permettent pas de tenir compte d’éléments de preuve dont n’a pas été saisi l’enquêteur spécial et qui sont nécessaires pour étayer l’ordonnance d’expulsion. Quant au motif b), la Commission le déclare sans fondement parce que le passeport de l’appelante était valide jusqu’au 19 septembre 1967 et que, par conséquent, il l’était lorsqu’elle a pour la première fois cherché à être admise au Canada en vue d’y résider en permanence, le 16 mai 1967. Cependant, la Commission juge valides les motifs c) et d), se fondant sur les décisions rendues dans Re Mannira[1] et Espaillat-Rodriguez c. La Reine[2].
Cette Cour a autorisé un pourvoi fondé sur ces deux derniers motifs et l’avocat du ministre n’a pas demandé que les autres motifs soient pris en considération pour étayer la conclusion de la Commission, advenant que sa décision soit infirmée quant aux deux autres. Vu ma conclusion sur ces motifs-là, je n’estime pas nécessaire de considérer si les conclusions de la Commission sur les deux autres devraient alors être traitées comme des questions distinctes qu’il est impossible de soulever de nouveau sauf dans un appel incident, ou s’il faudrait les traiter de la même façon que des moyens invoquant négligence qui, même après avoir été rejetés en instance inférieure, peuvent être plaidés de nouveau à l’appui d’une conclusion fondée sur d’autres imputations qui doivent être tenues pour mal fondées. Toutefois, je veux qu’il soit clair que je n’approuve en aucune façon l’attitude formaliste et paralysante de la Commission au sujet de son pouvoir de recevoir des renseignements
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supplémentaires. Cela, me semble-t-il, est en complet désaccord avec l’attitude prise par cette Cour et par les cours d’appel en général quant au pouvoir de recevoir des éléments de preuve supplémentaires comme en font foi des décisions comme Brown c. Gentleman[3].
A mon avis, la seule question qui se pose quant aux deux motifs sur lesquels l’ordonnance d’expulsion se fonde maintenant est celle de savoir si nous sommes liés par la décision de cette Cour dans la cause Espaillat-Rodriguez. Depuis la décision rendue en cette affaire-là, le libellé de l’art. 7(3) de la Loi sur l’immigration n’a subi aucune modification et les dispositions pertinentes du Règlement sur l’Immigration n’en ont pas non plus subi d’importante, si l’on retient que la cause de l’appelante s’appuie sur le Règlement en vigueur lorsqu’elle a produit sa première demande d’admission permanente. Elle ne prétend pas avoir droit à l’admission en vertu des modifications apportées en 1967. La seule raison pour laquelle on soutient qu’il ne faudrait plus être lié par l’arrêt Espaillat-Rodriguez est que cette affaire-là a été jugée sur une requête en certiorari, alors qu’il existe maintenant un droit d’appel à la Commission d’appel de l’immigration, avec aussi un droit de se pourvoir devant cette Cour, moyennant autorisation, sur des questions de droit.
A mon avis, cette dernière modification apportée à la loi ne peut rien changer. L’affaire Espaillat-Rodriguez n’a pas été décidée en se fondant sur la portée restreinte de la revision judiciaire possible par voie de certiorari. La décision a porté sur l’interprétation de l’art. 7(3) qui s’est faite d’après ses termes mêmes et sans l’adjonction d’un mutatis mutandis. La partie essentielle des motifs de la majorité est la suivante (aux pp. 7, 8):
[TRADUCTION] Dans ses caractéristiques essentielles, le présent appel ne diffère sur aucun point important de celui d’Ex parte Mannira. Dans les deux cas, l’appelant est entré au Canada à titre de non-immigrant. Comme tel, en vertu de l’art. 7(3) de la Loi, il n’avait pas plus de droits qu’un immigrant éventuel qui se présente à un port d’entrée pour être admis en vue d’établir sa résidence permanente au Canada. Dans les deux cas, l’appelant n’était pas en
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possession du visa d’immigrant ou du certificat médical que prescrivent les règlements. Ces règlements ont été adoptés sous le régime de l’art. 61 dont les termes autorisent le gouverneur en conseil à établir des règlements concernant «les conditions et prescriptions relatives à la possession de… passeports, visas ou autres documents portant sur l’admission». Le règlement 28(1) est un de ceux-là…
* * *
Dans la Loi sur l’immigration, le Parlement a prévu la réglementation de l’immigration au Canada et la sélection des immigrants éventuels. Les règlements adoptés sous le régime de la Loi envisagent clairement que l’examen des personnes cherchant à être admises au Canada en permanence, lequel a pour but d’établir si elles sont aptes tant du point de vue médical que de celui de la sécurité intérieure ou autrement, doit se faire à l’étranger, dans la patrie de l’immigrant éventuel. Sans doute y a-t-il de bonnes raisons à une telle exigence.
La responsabilité administrative concernant l’octroi ou le refus d’un visa d’immigrant, exigé par les règlements comme condition préalable à la réception au Canada, a été confiée à certains fonctionnaires désignés, en poste hors du Canada. Les fonctionnaires à l’immigration, de service aux points d’entrée au Canada, n’ont pas reçu le pouvoir de délivrer semblable visa.
Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration détient des pouvoirs discrétionnaires étendus en vertu de la Loi et il se peut fort bien qu’il ait celui de relever des obligations touchant les visas. Il est en preuve qu’en l’espèce il n’était pas disposé à en agir ainsi.
Ces conclusions sur l’interprétation et la portée de l’art. 7(3) de la Loi et de l’art. 28(1) du Règlement ne dépendent aucunement du fait que les procédures ont été entamées par voie de certiorari. Elles sont plus une partie essentielle du raisonnement qui a abouti à la conclusion que l’ordonnance d’expulsion avait été validement rendue sur les motifs énoncés, qui sont les mêmes que dans la présente affaire.
Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.
Le jugement des Juges Martland, Hall et Laskin a été rendu par
Le JUGE LASKIN — Je suis d’avis que les procédures suivies en l’espèce relativement à la demande d’admission permanente au Canada de
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l’appelante sont conformes aux prescriptions applicables de la Loi sur l’immigration, S.R.C. 1952, c. 325, modifiée, et que, par conséquent, l’allégation de défaut de compétence est mal fondée. Lorsqu’elle a fait une demande d’admission permanente au Canada alors qu’elle était au pays à titre de non-immigrante, l’appelante s’est elle-même soustraite aux dispositions de l’art. 19(1)e)(vi) de la Loi pour tomber sous le coup de l’art. 7(3) l’obligeant à se présenter pour examen. La prescription de l’art. 7(3) qu’elle «est réputée, pour les objets de l’examen et à toutes autres fins de la présente Loi, une personne qui cherche à être admise au Canada» a fait entrer en jeu l’art. 23 et les articles connexes qui suivent.
Même si l’art. 7(3) ne le dit pas expressément, le renvoi qu’il comporte à d’autres dispositions de la Loi doit être entendu mutatis mutandis. Rien n’est axé sur cette partie de l’art. 23 qui parle de «(l’examen) d’une personne qui cherche à entrer au Canada». Ces mots visent à la fois le non-immigrant qui cherche à entrer au Canada pour une fin temporaire spéciale ou limitée (selon les définitions de l’art. 7(1) et (2)) et l’immigrant qui cherche à être admis en vue d’une résidence permanente (selon la définition de l’art. 2 i)); et c’est ce que confirme l’art 23 pris dans son ensemble.
Les deux motifs invoqués par la Commission d’appel de l’immigration pour confirmer l’ordonnance d’expulsion rendue le 7 mai 1969 contre l’appelante sont (1) qu’elle n’était pas en possession d’un visa valable et non périmé délivré par un préposé aux visas, conformément à l’art. 28(1) du Règlement sur l’immigration, Partie 1; et (2) qu’elle n’était pas en possession du certificat médical prescrit par l’art. 29(1) dudit Règlement. L’autorisation de se pourvoir devant cette Cour a été accordée sur ces deux points. Pour les raisons énoncées ci-après, j’ai conclu qu’aucun de ces deux motifs ne peut être invoqué contre l’appelante et que l’ordonnance d’expulsion ne peut donc subsister. Avant de passer à l’exposé de mes motifs, je veux faire ressortir, comme l’a fait la Commission d’appel de l’immigration, que l’appelante n’est pas assujettie à l’art. 34 du Règlement qui est entré en vigueur le 1er octobre
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1967. Elle a fait sa demande d’admission permanente dans une lettre datée du 16 mai 1967, et officiellement le 17 juin 1967, et il faut examiner sa situation juridique en conséquence.
Étant donné que l’art. 28 du Règlement mentionne à la fois un visa d’immigrant (au par. 1) et un visa de non-immigrant (au par. 3), selon qu’une personne cherche à être reçue en permanence ou temporairement, et qu’on peut obtenir l’un ou l’autre visa seulement hors du Canada d’un préposé aux visas à l’extérieur du pays, je suis d’autant plus convaincu que l’art. 7(3) de la Loi et le Règlement s’appliquent mutatis mutandis. L’appelante avait un visa valable et non périmé lorsqu’elle est entrée au Canada. Elle avait le droit, au cours de son séjour temporaire au Canada, de faire une demande de résidence permanente, et c’est ce qu’elle a fait. L’article 28(1) du Règlement ne saurait s’appliquer à elle sans abolir son statut en vertu de l’art. 7(3) de la Loi, et je ne lui donnerais pas cet effet lorsqu’il vise un objet dans son contexte approprié.
L’article 29(1) du Règlement, dans la mesure où il s’applique ici, se lit comme suit:
Aucun immigrant n’obtiendra la réception au Canada
b) s’il n’est pas en possession d’un certificat médical, en la forme prescrite par le Ministre, indiquant qu’il ne fait pas partie d’une des catégories décrites aux alinéas a), b), c) ou s) de l’article 5 de la Loi.
Les derniers alinéas mentionnés se réfèrent, dans l’ordre, aux catégories interdites suivantes: les personnes atteintes de déficience mentale, de maladie, de déficience physique, et les anormaux reconnus médicalement comme tels.
L’octroi de la réception au Canada, sous le régime de l’art. 29(1), signifie (aux termes de la définition de «réception» à l’art. 2 n) de la Loi) l’admission légale d’un immigrant au Canada aux fins de résidence permanente. Bien que «admission» soit aussi défini (voir l’art. 2 a)) et comprenne également «entrée au Canada» et «réception au Canada», son application à l’appelante dans son sens d’entrée au Canada était dépassée lorsque l’appelante a été admise à la faveur d’un visa de non-immigrant. C’est ce qui découle manifestement de la définition de
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«entrée» à l’art. 2 f). Il faut donc établir si l’art. 29(1)b) s’applique à une personne comme l’appelante qui, visée par l’art. 7(3) de la Loi, est «réputée une personne qui cherche à être admise au Canada».
L’art. 29(1)b) s’applique à un «immigrant», terme que l’art. 2 i) de la Loi définit comme «une personne qui cherche à être admise au Canada en vue d’une résidence permanente». Bien que l’effet soit le même en l’espèce, une personne qui acquiert un statut en vertu de l’art. 7(3) n’est pas désignée spécifiquement comme un «immigrant». Il est compréhensible qu’on éprouve quelque hésitation à classer une personne, déjà au Canada légalement et qui cherche à y demeurer, de la même façon à toutes fins qu’une personne qui, étant en dehors du Canada, cherche à y entrer légalement en vue d’une résidence permanente.
L’art. 29(1) ne présente aucune difficulté d’application si, à l’instar de l’art. 28(1), il a trait à la première admission légale en vue d’une résidence permanente. Que ce soit là son application générale ressort des art. 29(2) et (3) du Règlement, tout comme de l’art. 30. Voici le texte de ces dispositions:
29. (2) Lorsque, pendant l’examen d’un immigrant sous le régime de la Loi, le fonctionnaire à l’immigration a quelque doute sur l’état physique ou mental de ladite personne, il peut renvoyer l’immigrant à un médecin du Ministère pour lui faire subir un autre examen.
(3) Est coupable d’une infraction une compagnie de transport amenant au Canada un immigrant qui est tenu, en vertu du présent article, d’être en possession d’un certificat médical et n’est pas en possession d’un tel certificat et qui, après constatation, appartient à la catégorie de personnes décrite aux alinéas a), b) ou c) de l’article 5 de la Loi.
30. Le fait de subir un test ou un examen médical à l’extérieur du Canada, ou la délivrance d’un visa, d’une lettre de pré-examen ou d’un certificat médical, selon qu’il est prévu dans le présent règlement, n’est pas considéré comme concluant dans toute question qui est de nature à déterminer l’admissibilité d’une personne au Canada.
Par conséquent, dans la mesure où l’art. 29(1)b) fait de la possession d’un certificat médical qu’on peut obtenir hors du Canada une condition
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de la première admission d’une personne au Canada en vue d’une résidence permanente, il ne peut s’appliquer à une personne comme l’appelante.
Je n’exclus cependant pas l’application mutatis mutandis de l’art. 29(1)b) à une personne qui, comme l’appelante, est visée par l’art. 7(3). C’est, à mon sens, ce qu’indique l’art. 21 de la Loi qui prévoit que «lorsqu’elle en est requise en vertu des règlements, une personne cherchant admission au Canada, ou une personne mentionnée à l’article 19, doit subir un examen mental ou un examen physique, ou les deux, devant un médecin». Le terme «médecin» n’est pas défini dans le Règlement, comme l’est le «préposé aux visas», mais il l’est dans la Loi qui, à son art. 2 p), indique qu’il peut s’agir d’une personne qui, au Canada, est autorisée à signer un certificat médical. Il s’ensuit donc que la Loi envisagerait qu’une personne déjà légalement au Canada puisse être tenue de produire un certificat médical lorsqu’elle cherche à obtenir la résidence permanente.
Dans le cas qui nous occupe, le dossier fait voir que l’appelante a rempli la formule n° 690, la formule de demande d’admission permanente d’un non-immigrant au Canada. Elle y a répondu aux questions portant entre autres sur les infirmités, la santé mentale et la tuberculose. Personne n’a mis en question l’exactitude des renseignements ainsi donnés et faisant état de l’absence de toute maladie. On ne trouve nulle part dans cette formule mention qu’il soit nécessaire de présenter en plus un certificat médical. On aurait pu demander à l’appelante de fournir un tel certificat et, sur ce point, l’art. 29(1)b) du Règlement pourrait s’appliquer en fonction de l’art. 21 de la Loi. Mais le fait qu’elle a omis d’inclure un tel certificat dans sa demande ne constitue pas, à mon avis, un facteur d’irrecevabilité, si la formule ne l’exige pas ou s’il n’y a eu ni avis ni demande de fournir semblable certificat. On ne peut se servir de l’art. 29(1)b) pour faire trébucher un requérant couvert par l’art. 7(3).
La Commission d’appel de l’immigration a conclu à la confirmation de l’ordonnance d’expulsion, pour se conformer à l’arrêt de cette Cour
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dans Espaillat-Rodriguez c. La Reine[4]. La Cour avait été saisie de cette affaire à la suite de procédures par voie de certiorari prises en Ontario. A l’époque où elle fut engagée et finalement jugée par cette Cour, le seul appel possible d’une ordonnance d’expulsion était celui que prescrivait l’art. 31 de la Loi sur l’immigration, S.R.C. 1952, c. 325. En vertu de cette disposition, la Commission d’appel de l’immigration pouvait considérer un appel seulement sur instructions du Ministre, qui n’en avait pas moins le pouvoir de reviser la décision de ladite Commission. En dehors de cela, il n’y avait de revision possible que par voie de certiorari, limitée par les termes privatifs de l’art. 39 de la Loi. L’article 39 fut abrogé lors de l’établissement de la Commission d’appel de l’immigration.
En 1967 était adoptée la Loi sur la Commission d’appel de l’immigration (voir 1966-67 (Can.), c. 90) qui entrait en vigueur le 13 novembre 1967, date fixée par proclamation. Elle accordait beaucoup de latitude en matière d’appel d’ordonnance d’expulsion devant la Commission créée par la Loi et, en outre, elle prévoyait des droits d’appel plus restreints, avec autorisation et sur des questions de droit et de compétence, devant cette Cour. Il ne fait pas de doute qu’il existe de plus grandes possibilités d’appel (et partant de revision) en vertu de cette loi-là qu’il n’y en avait auparavant. On doit envisager Espaillat-Rodriguez c. La Reine (précitée) comme une décision sur la portée de la revision par voie de certiorari lorsqu’elle est limitée par une clause privative. Le jugement de la majorité dans cette affaire-là concluait ainsi (à la p. 9) [TRADUCTION]: «L’ordonnance d’expulsion ayant été rendue contre l’appelante aux termes et en conformité des dispositions de la Loi sur l’immigration, en vertu de l’art. 39 nulle cour n’a compétence pour modifier l’ordonnance». M. le Juge Cartwright (alors juge puîné) était dissident, ayant considéré que les questions de droit présentées à la Cour qui faisaient, comme ici, entrer en jeu l’interprétation et l’application des art. 28(1) et 29(1) du Règlement à un requérant demandant l’admission en vertu de l’art. 7(3), étaient sujettes à
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revision, par voie de certiorari, malgré les termes privatifs de l’art. 39 de la Loi alors en vigueur. Qu’elles soient sujettes à revision en la présente instance sous le régime de la Loi sur la Commission d’appel de l’immigration ne fait aucun doute; et cette Cour peut donc écarter des ordonnances de la Commission lorsqu’il y a eu erreur de droit.
Le fait que les procédures d’expulsion ont été entamées en cette affaire antérieurement à l’adoption de la Loi de la Commission d’appel de l’immigration et avant son entrée en vigueur est prévu dans les dispositions transitoires de cette loi. L’article 33 a) prescrit que la loi «s’applique… à toute ordonnance d’expulsion rendue après l’entrée en vigueur de la présente loi, et à toute ordonnance d’expulsion rendue avant l’entrée en vigueur de la présente loi qui n’a pas été exécutée, dans le cas où il n’en a pas été interjeté appel en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’immigration». Aucun appel semblable n’a été interjeté; on a plutôt invoqué les dispositions de la Loi sur la Commission d’appel de l’immigration visant les appels.
Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer la décision de la Commission d’appel de l’immigration et d’annuler l’ordonnance d’expulsion.
Appel accueilli, les JUGES ABBOTT et PIGEON étant dissidents.
Procureur de l’appellante: Julian Polika, To-
Procureur de l’intimé: D.S. Maxwell, Ottawa. ronto.
[1] (1959), 17 D.L.R. (2d) 482.
[2] [1964] R.C.S. 3.
[3] [1971] R.C.S. 501.
[4] [1964] R.C.S. 3.