Cour Suprême du Canada
Stewart & Morrison Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1974] R.C.S. 477
Date: 1972-01-25
Stewart & Morrison Limited Appelante;
et
Le Ministre du Revenu national Intimé.
1971: les 5 et 8 novembre; 1972: le 25 janvier.
Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Pigeon.
EN APPEL DE LA COUR DE L’ECHIQUIER DU CANADA
APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier infirmant une décision de la Commission d’appel de l’impôt. Appel rejeté.
J.G. Edison, c.r., et R.D. Dalgarno, pour l’appelante.
G.W. Ainslie, c.r., et J.R. Power, pour l’intimé.
Le jugement de la Cour a été rendu par
[Page 478]
LE JUGE JUDSON — Dans le présent appel, il s’agit de déterminer si la contribuable appelante, Stewart & Morrison Limited, en calculant son revenu pour l’exercice financier se terminant le 30 juin 1966, a le droit de déduire le montant de $72,345 à titre de dépense. Elle avait défalqué ce montant comme mauvaise créance à l’égard de prêts qu’elle avait consentis à une filiale américaine qu’elle possédait en propriété exclusive. Ces prêts avaient été consentis du mois de mars 1964 au mois d’avril 1966. La Commission d’appel de l’impôt a donné gain de cause à la contribuable. Cette décision a été infirmée en appel à la Cour de l’Échiquier.
Les faits ont été exposés au long dans les motifs qu’a rendus la Cour de l’Échiquier. J’adopte le résumé des faits qui se trouve à la fin des motifs du savant juge de première instance. Les faits sont les suivants:
Après étude, je crois que la preuve se résume aux faits suivants. L’intimée avait décidé qu’une filiale américaine, dont elle serait la seule propriétaire, serait constituée en corporation et ferait des affaires aux États-Unis; cette filiale constituerait également pour l’intimée une source de revenus et de bénéfices. La filiale devait faire des affaires en son nom propre, en qualité de compagnie américaine distincte, mais elle devait, pour reprendre les mots de M. Stewart, être «dirigée» par la compagnie mère, les opérations et la gestion des deux entreprises devant être étroitement liées. La filiale avait besoin d’une mise de fonds, mais n’avait pas de capitaux. L’intimée fournirait la mise de fonds requise ou prendrait des mesures pour qu’elle soit fournie. Elle a obtenu et garanti un prêt bancaire qui a été consenti directement à la filiale et a également effectué directement des avances afin de permettre à la filiale de démarrer et de poursuivre ses opérations. Les avances ont été considérées, tant par les deux compagnies que par leurs experts-comptables, dans leurs livres et leurs comptabilités respectifs, comme des prêts consentis par l’intimée. Les écritures comptables n’indiquent pas nécessairement la nature véritable des transactions, mais je pense qu’on a eu raison de traiter les avances en question comme des prêts. Le fait que la filiale ait utilisé les fonds ainsi fournis pour payer ses frais d’exploitation et qu’ils aient été perdus dans une mauvaise affaire, ne fixe ni ne change en rien la nature de l’opération de prêt consenti par l’intimée à la filiale.
[Page 479]
A mon avis, les avances constituaient en l’espèce des dépenses de capital faites par l’intimée, dont la déduction est interdite par l’article 12(1) b) de la Loi et l’appel peut être jugé sur cette seule constatation.
Le savant juge de première instance a bien qualifié ces opérations que la compagnie mère a conclues avec sa filiale américaine. La compagnie mère fournissait un fonds de roulement à sa filiale au moyen de prêts. Ces derniers constituaient le seul fonds de roulement que la filiale américaine ait jamais eu à l’exception de la somme de $1,000 que Stewart & Morrison Limited avait investie pour l’acquisition de tout le capital-actions émis de sa filiale. Cet investissement a été perdu, ce qui constituait une perte en capital pour Stewart & Morrison Limited. C’est avec raison qu’il a été conclu que l’art. 12(1) b) de la Loi de l’impôt sur le revenu interdisait la déduction de ces pertes.
Dans le présent appel, nous n’avons pas à nous demander quelles auraient été les conséquences si la contribuable appelante avait décidé d’ouvrir sa propre succursale à New York. Pour des raisons personnelles, elle n’a pas décidé de procéder de cette façon. Elle a financé une filiale et elle a perdu l’argent investi.
A mon avis, l’affaire L. Berman & Co. Ltd. v. M.N.R.[1], que la présente appelante a invoquée, ne s’applique pas. Dans l’affaire Berman, la contribuable avait volontairement effectué des paiements à des tiers, soit aux fournisseurs de sa filiale, afin que sa propre clientèle n’ait pas à subir d’inconvénients du fait que la filiale avait manqué à ses obligations. Le fondement de la décision de la Cour de l’Échiquier était le suivant:
[TRADUCTION] Elle a déboursé les sommes parce qu’elle traitait avec les fournisseurs et allait continuer de traiter avec eux. Elle avait effectué les paiements à ses propres fins et leurs montants n’ont jamais été considérés comme des dettes de la United envers l’appelante (Berman).
Je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.
[Page 480]
Appel rejeté avec dépens.
Procureurs de l’appelante: Edison, Aird & Berlis, Toronto.
Procureur de l’intimée: D.S. Maxwell, Ottawa.
[1] [1961] C.T.C. 237.