Cour suprême du Canada
Bayshore Shopping Centre c. Nepean (Township), [1972] R.C.S. 755
Date: 1972-03-30
Bayshore Shopping Centre Limited (Plaignant) Appelante;
et
The Corporation of the Township of Nepean et William Bourne et March Ridge Developments Limited (Défendeurs) Intimés.
1972: le 10 mars; 1972: le 30 mars.
Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall, Spence et Pigeon.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.
APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario infirmant une ordonnance du Juge Keith, ordonnant la délivrance d’un permis de construction. Appel accueilli.
D.K. Laidlaw, c.r., pour l’appelante.
Walter D. Baker, c.r., pour les intimés, William Bourne et Township of Nepean.
W.B. Williston, c.r., et L.H. Mandel, pour l’intimée, March Ridge Developments Ltd.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE SPENCE — Il s’agit d’un appel interjeté par Bayshore Shopping Centre Limited à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario rendu le 15 décembre 1971. Par cet arrêt, la Cour d’appel de l’Ontario accueillait un appel de l’ordonnance du Juge Keith prononcée le 12 décembre 1971 et ordonnant aux intimés William Bourne et The Corporation of the Township of Nepean de délivrer à l’appelante un permis de construction pour l’érection d’un centre commercial sur les terrains en question. Ledit Bourne, inspecteur de construction dans le canton de Nepean, était sur le point d’accorder le permis quand l’intimée, March Ridge Developments Limited, a intenté une action contre l’intimé The Township of Nepean, alléguant que les règlements de cette municipalité applicables aux terrains en question n’autorisaient pas l’érection d’un centre commercial. Par conséquent, les intimés Bourne et The Township of Nepean se sont abstenus de délivrer le permis de construction demandé par l’appelante. L’appelante a alors signifié un avis de requête pour obtenir ledit mandamus pour que soit ordonnée la délivrance du permis; elle désignait non seulement lesdits Bourne et The Township of Nepean comme inti-
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més dans cette requête mais aussi ladite March Ridge Developments Ltd. Les intimés Bourne et The Township of Nepean n’ont jamais fait opposition à la délivrance du permis ou d’une ordonnance de la Cour ordonnant qu’ils délivrent ledit permis et c’est la position qu’ils ont prise devant le Juge Keith, devant la Cour d’appel de l’Ontario et devant cette Cour. L’intimée March Ridge Developments Ltd. a fait opposition à la délivrance du permis et à la demande de l’appelante tout au long des procédures. Le Juge Keith, dont la décision a été rendue sans motifs écrits, a accueilli la demande de l’appelante et a rejeté la demande de cette intimée pour l’obtention d’un sursis. Dans un arrêt unanime prononcé le 15 décembre 1971, la Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel interjeté par l’intimée March Ridge Developments Ltd. à l’encontre de l’ordonnance du Juge Keith et elle a annulé cette ordonnance. D’où l’appel en cette Cour.
Devant cette Cour, les avocats de toutes les parties ont convenu qu’en l’espèce, il s’agissait essentiellement de trouver la juste interprétation du règlement 39-62 de l’intimé The Township of Nepean et de décider si, d’après l’interprétation appropriée dudit règlement, l’appelante avait le droit d’obliger les intimés Bourne et The Township of Nepean à lui délivrer un ou des permis de construction pour l’érection du centre commercial conformément à sa demande à cet effet. D’autres questions ont été débattues devant le Juge Keith et la Cour d’appel de l’Ontario, mais, en cette Cour, les avocats de toutes les parties ont laissé de côté ces autres questions et ont limité leur plaidoirie à l’unique question de la juste interprétation dudit règlement n° 39-62.
L’avocat de l’appelante a d’abord allégué que la Cour d’appel de l’Ontario a fait une erreur en croyant que l’interprétation dudit règlement n° 39-62 pouvait être régie par un arrêt analogue rendu par la même Cour dans Oshawa Wholesale Ltd. et al. v. Canadia Niagara Falls Ltd. et al., affaire plaidée immédiatement avant l’appel en l’espèce et maintenant publiée dans [1972] 1 O.R. 481. Cet appel avait aussi pour objet une demande pour que soit ordonnée la délivrance d’un permis de construction pour un centre commercial. Cette décision-là et la décision en l’espèce sont les plus récents de quelques appels interjetés
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en Cour d’appel de l’Ontario, dont au moins un a été entendu en cette Cour et qu’il y a lieu de mentionner à ce sujet.
Dans Thomas C. Watkins Ltd. c. Cambridge Leaseholds et al.[1], le savant juge de première instance avait accordé un mandamus ordonnant la délivrance d’un permis de construction pour l’érection d’un grand magasin. La majorité de la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté un appel de cette ordonnance, mais le Juge d’appel McGillivray, dans ses motifs de dissidence, aurait accueilli l’appel et annulé l’ordonnance pour le motif que le règlement de zonage en question avait établi cinq zones commerciales distinctes dont une seulement désignait comme usage permis un grand magasin, bien que toutes cinq désignaient comme usage permis des magasins de détail. La demande présentée devant la Cour visait l’érection d’un grand magasin dans l’une des quatre autres zones. Le Juge d’appel McGillivray a dit dans ses motifs:
[TRADUCTION] Il est raisonnable de croire que, étant donné que ces deux éléments sont séparés et distincts dans le règlement, ils doivent avoir une signification différente et que le sens de l’expression «magasin de détail» n’est pas assez large pour comprendre un grand magasin.
Lors de l’appel en cette Cour le 10 juin 1966, l’appel a été accueilli dans un jugement oral qui reprenait expressément les motifs de la dissidence du Juge d’appel McGillivray.
Le Juge Houlden a été saisi d’une question semblable dans l’affaire Oshawa Wholesale Ltd., une action visant à faire déclarer nul un permis de construction déjà délivré pour l’érection de ce qu’un témoin expert a appelé un [TRADUCTION] «centre commercial sous-régional». Le règlement de zonage en question ne désignait nulle part comme usage permis «un centre commercial sous-régional», ni même un centre commercial tout court, mais il permettait l’érection d’un [TRADUCTION] «centre commercial local». Le règlement définissait cette expression comme [TRADUCTION] «un groupe de petits magasins aux activités connexes, situés de façon à desservir directement un quartier domiciliaire donné». Dans de longs motifs soigneusement pesés, le Juge Houlden a traité
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plusieurs questions qui ne sont pas pertinentes en l’espèce et il a statué que, puisque le règlement permettait précisément une sorte de centre commercial, et la plus petite, selon l’opinion de l’expert qu’il a retenue, il ne pouvait être interprété comme permettant un centre commercial beaucoup plus grand en vertu des usages permis intitulés «magasins de détail» ou «super-marchés». Le Juge Houlden a donc rendu jugement en faveur de la demanderesse en rendant une ordonnance déclaratoire que le permis de construction était nul et non avenu. J’ai mentionné plus haut l’appel interjeté par le promoteur immobilier en Cour d’appel de l’Ontario et c’est sur le jugement rendu dans cet appel-là que cette dernière Cour s’est fondée pour rejeter l’appel, en l’espèce, de la présente appelante Bayshore Shopping Centre Ltd. Dans ses motifs oraux, le Juge d’appel Aylesworth n’a pas simplement fait siens les motifs du Juge Houlden, bien que le savant juge d’appel ait effectivement signalé l’usage permis très limité d’un «centre commercial local». Il est allé beaucoup plus loin et, s’appuyant sur le témoignage du témoin expert et sur une décision américaine où il était question de centres commerciaux, ainsi que sur les commentaires du Juge d’appel Roach sur le même sujet dans Re Hamilton & Dominion Stores Ltd.[2], ni l’une ni l’autre de ces affaires ne traitant de règlements de zonage, il a statué qu’un centre commercial était [TRADUCTION] «d’un usage distinct et séparé ne tombant pas sous le coup du règlement en question…». Malgré la portée très étendue de la déclaration dans les motifs de la décision, je pense comme l’avocat de l’appelante que l’arrêt Oshawa Wholesale, ayant trait à un règlement dont j’ai signalé l’aspect unique, ne peut être considéré comme ayant déterminé l’interprétation des dispositions tout à fait différentes du règlement n° 39-62 en l’espèce.
J’aborde donc l’interprétation du règlement en question. Il s’agit du règlement n° 39-62 du Canton de Nepean, adopté le 11 juin 1962, tel que modifié. Ce règlement est un règlement général de zonage concernant la partie nord du canton et interdisant l’usage de tout terrain ou l’érection de tout bâtiment ou de toute structure en contravention des dispositions du règlement. Les terrains à
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l’égard desquels Bayshore, à titre d’agent pour le propriétaire enregistré Ivanhoe Corporation, a demandé le permis de construction, et qui sont situés à l’intersection de la route provinciale n° 7 (Richmond Road) et de Bayshore Drive, dans le Canton de Nepean, sont compris dans la région désignée dans le règlement de zonage comme Zone C1 Commerciale-Régionale. C’est la plus générale des zones commerciales visées par le règlement et si la construction d’un centre commercial est permise dans la partie nord du canton de Nepean, la permission quant à l’érection et à l’usage doit se fonder sur les usages permis énumérés à l’égard de cette Zone C1 Commerciale-Régionale.
Les articles 7:1, 7:1:1 et 7:1:2 du règlement, en partie, prévoient les usages permis suivants dans la zone Cl:
[TRADUCTION]
ZONE Cl — COMMERCIALE-RÉGIONALE
7:1:1 Usages permis.
Un magasin de détail, un magasin de services et un grand magasin pour exercer tout commerce de détail. Un garage commercial et public, une clinique, une école commerciale, un atelier d’artisan, un centre de distribution pour le nettoyage à sec et une boutique de confection. Une église, une bibliothèque, un bureau d’affaires, un établissement où Ton sert des repas, un salon et une chapelle funéraire et un établissement de loisir. Un hôtel, une taverne et un cabaret. Une station-service, sous réserve des dispositions de l’article 5:10. (Règlement n° 63-63).
7:1:2 Conditions du zonage:
Pour usages autres que les stations-service.
(Règlement n° 63-63)
Superficie du lot (minimum)
néant
Façade du lot (minimum)
néant
Surface occupée (minimum)
a) Commercial
80%
b) au 1er étage
50% du lot
Hauteur (maximum)
60 pi.
Espace libre à l’avant
(minimum)
75 pi.
Espace libre sur le côté
(minimum)
néant
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Sauf le cas où une zone commerciale est contiguë à une zone d’habitation, un espace libre de 20 pieds est requis du côté adjacent.
Espace libre à l’arrière 20% de la
profondeur du lot
mais pas nécessairement plus de 30 pieds ni moins de 20 pieds.
Stationnement en retrait de la rue — Voir articles 5:17 et 5:18
Chargement en retrait de la rue — Voir articles 5:19 a)
L’article 2.87 définit ainsi un magasin de détail:
[TRADUCTION] 2.87 «Magasin de détail» signifie un bâtiment ou une partie d’un bâtiment où des biens, articles, marchandises, substances, objets ou choses sont mis en vente en détail ou conservés à cette fin, et comprend l’entreposage sur les lieux mêmes ou à proximité d’une quantité limitée de ces biens, articles, marchandises, substances, objets ou choses qui suffit aux fins du magasin, mais ne comprend aucun commerce de détail autrement classé ou défini dans le présent règlement;
L’article 2.92 définit ainsi un magasin de services:
[TRADUCTION] 2.92 «magasin de services» signifie un bâtiment ou une partie d’un bâtiment où des services sont dispensés, par exemple un salon de barbier, salon de coiffeur pour dames, un salon de cirage de chaussures et autres services semblables;
L’article 2.26 définit ainsi un grand magasin:
[TRADUCTION] 2.26 «Grand magasin» signifie l’usage d’un bâtiment couvert dans lequel diverses marchandises sont conservées pour la vente au détail dans différentes parties du bâtiment sur deux étages ou plus;
Il n’est pas nécessaire de citer les nombreuses autres définitions qui figurent dans le règlement n° 39-62. Lors de l’interrogatoire de C.J. Magwood, secrétaire de Bayshore; sur sa déclaration sous serment, on a produit comme pièce un document intitulé Confidential Memorandum for Institutional Investors Bayshore et l’avocat de l’appelante a cité des extraits de ce document pour illustrer ce qui devait composer le centre commercial projeté. En voici quelques extraits:
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[TRADUCTION] LE PROJET
Introduction
Le Centre Commercial Bayshore («Bayshore») sera un centre commercial régional situé dans la région métropolitaine d’Ottawa. Bayshore sera composé de grands magasins exploités par The T. Eaton Company Limited («Eaton’s») et par la Hudson’s Bay Company Limited («The Bay»), d’un magasin d’alimentation Steinberg et d’un grand magasin Miracle Mart exploités par Steinberg’s Limited («Steinberg’s»), et d’un mail climatisé de deux étages desservant environ 100 autres magasins. Le centre aura un parc de stationnement unique à étages multiples pour environ 3,200 voitures; plus de la moitié du parc sera recouverte pour faciliter le magasinage; chaque étage de stationnement donnera directement accès à l’un des deux étages réservés aux magasins. L’emplacement
Le Bayshore sera situé sur un terrain de 23.4 acres à environ 7 milles à l’ouest du centre-ville d’Ottawa, du côté nord-ouest à l’intersection de Richmond Road (la route n° 7) et du Queensway, deux artères importantes du secteur ouest de la région métropolitaine d’Ottawa. A la page 4, la carte indique l’emplacement de Bayshore par rapport à la Ville d’Ottawa et aux localités environnantes et elle indique les voies d’accès au Bayshore à partir de ces localités.
La compagnie achètera le terrain le 31 octobre 1971 ou vers cette date à Ivanhoe Corporation, en conformité et sous réserve des conditions établies dans une option d’achat en date du 14 juin 1971.
Pour faire place au Bayshore, on procédera à la démolition d’un petit centre commercial qui, à l’heure actuelle, occupe une partie de l’emplacement. Les règlements de zonage en vigueur permettent l’aménagement et la construction du Bayshore vu la disponibilité de services municipaux organisés et suffisants.
Nous voyons que les divers éléments du centre commercial projeté sont visés par les trois définitions susmentionnées. L’avocat de l’appelante a allégué qu’aucun élément du centre commercial projeté ne pouvait ne pas être compris dans les usages permis énumérés à l’art. 7:1:1 susmentionné et former à la fois une entité propre à un centre commercial. Après une étude des usages permis, je souscris à cette allégation.
Il reste à déterminer si un centre commercial est compris dans ces usages permis, même si
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chaque élément du centre commercial projeté se retrouve dans l’un deux. Les décisions qui tendent à indiquer l’attitude philosophique que la Cour devrait adopter dans l’interprétation des règlements de zonage ne m’aident pas beaucoup. Il n’est pas nécessaire de citer de précédents pour affirmer qu’un propriétaire peut employer son bien comme il l’entend tant qu’il ne crée pas de nuisance, ne trompe pas l’imprudent ou ne viole pas une interdiction légale, et, par conséquent, il faut interpréter strictement les règlements qui limitent ce droit. Néanmoins, il a été dit que les dispositions modernes en matière de zonage ont été adoptées pour protéger toute la collectivité et qu’il fallait les interpréter libéralement en tenant compte de l’intérêt public. R. v. Brown Camps Estate[3]; Re Bruce and City of Toronto et al.[4], p. 67. Mais ces déclarations ont habituellement été faites quand la Cour était saisie d’une demande en vue d’autoriser l’empiétement sur une zone d’habitation d’un bâtiment quelconque qui, prétendait-on, gênerait sérieusement les agréments de la vie des habitants intéressés. En l’espèce, les terrains en question sont situés dans une zone commerciale générale et chaque élément du centre commercial projeté pourrait faire l’objet d’un permis de construction à titre d’usage permis en vertu du règlement n° 39-62. J’aborde donc la question de l’interprétation et de l’application du règlement sans essayer de considérer ses dispositions soit restrictivement soit libéralement.
Il faut remarquer ce fait de la plus haute importance que l’expression «centre commercial» ne figure ni seule ni accompagnée d’un qualificatif dans les articles du règlement n° 39-62 qui traitent des usages permis. La situation est nettement différente de celle qui existait dans l’affaire Thomas C. Watkins Ltd. c. Cambridge Leaseholds Ltd. et al., précitée, dans laquelle on demandait un permis pour l’érection d’un grand magasin dans une zone C1, où il n’était pas mentionné comme usage permis, tandis qu’il l’était dans la zone C5. Elle est différente aussi de la situation exposée dans l’affaire Oshawa Wholesale,
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dans laquelle on demandait un permis pour l’érection d’un «centre commercial sôus-régional» dans une zone où il n’était pas un usage permis tandis que, dans une autre zone, un «centre commercial local» était mentionné comme usage permis. Vu la présence d’une telle mention expresse dans d’autres articles du règlement se rapportant aux usages permis et son omission dans la zone à l’égard de laquelle la demande de permis a été présentée, l’expression «magasin de détail» ne pouvait être considérée comme comprenant dans le premier cas un «grand magasin» et, dans le dernier, un «centre commercial sous-régional». En l’espèce, il n’est pas fait mention d’un «centre commercial» dans un article relatif aux usages permis de quelque zone que ce soit, mais, au sujet de cette zone C1 Régionale‑commerciale, on mentionne comme usage permis un «magasin de services» et un «grand magasin». Dans les motifs qu’il a rendus dans l’affaire Cambridge Leaseholds, que cette Cour, comme je l’ai signalé, a adoptés, le Juge d’appel McGillivray a dit:
[TRADUCTION] Il fait peu de doute, et je crois que l’avocat de l’appelant est d’accord avec moi, que «magasin de détail», en tant qu’expression générique, comprend un grand magasin qui exploite un commerce de détail, mais, à mon avis, une étude des divers articles de la loi révèle une intention de faire une distinction entre un grand magasin et un magasin de détail.
En faisant le même genre d’analyse, je suis d’avis que les expressions «magasin de détail», «magasin de services» et «grand magasin», en tant que termes génériques, comprennent un centre commercial, quand les articles du règlement se rapportant aux usages permis ne font pas de distinction entre ces expressions et un «centre commercial» — distinction que le Juge d’appel McGillivray a constatée dans l’affaire Cambridge Leaseholds. Je conclus que, loin de révéler l’intention du conseil d’interdire l’érection de ce genre de structure, l’omission de l’expression «centre commercial» dans tous les articles du règlement se rapportant aux usages permis indique que, selon le Conseil, ce genre de structure était déjà compris dans les trois différents usages permis que j’ai mentionnés.
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Les derniers mots de la définition d’un «magasin de détail» sont révélateurs:
[TRADUCTION] mais, ne comprend aucun commerce de détail autrement classé ou défini dans le présent règlement
(C’est moi qui ai mis un mot en italique)
Ces mots, selon moi, indiquent clairement que le Conseil avait l’intention d’inclure dans la définition non seulement un «magasin de détail», mais tous les commerces de détail qui n’étaient pas autrement classés ou définis. Il ne fait pas de doute qu’un centre commercial n’est rien d’autre qu’un groupe de «commerces de détail».
Cependant, l’avocat de l’intimée March Ridge Developments Limited allègue qu’un, «centre commercial» est autrement «classé». Il admet que l’expression n’est pas définie dans le règlement, mais il signale les dispositions de l’art. 7:1:2… «stationnement en retrait de la rue — Voir les articles 5:17 et 5:18» et il cite l’art. 5:17 dont l’annexe se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] ANNEXE
Type ou nature du bâtitiment ou de lastructure
Minimum d’espace requis pour le stationnement
6. Un magasin de détail, un magasin de services ou autre magasin semblable, un centre commercial organisé ou un grand magasin
1 espace de stationnement par 180 pieds carrés d’aire de plancher
Il convient de remarquer que l’art. 5:17 se trouve dans une partie du règlement qui est intitulée [TRADUCTION] ARTICLE 5 DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES À TOUTES LES ZONES et qui comprend un très grand nombre de dispositions mais qui ne traite pas des usages permis. Deuxièmement, comme je l’ai déjà souligné, il n’est fait mention d’un centre commercial dans aucun article concernant les usages permis et le fait d’établir des règlements relatifs au stationnement pour un usage qui est interdit semble non seulement superflu mais contradictoire. Je ne puis admettre la suggestion selon laquelle l’expression «centre commercial organisé» a été insérée dans les conditions relatives au stationnement en vue d’une modification future
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qui permettrait ces structures qui, allègue-t-on, sont présentement interdites. Le moment de fixer ces conditions est certainement le moment où l’usage devient permis. Je ne suis donc pas disposé à admettre que la présence de l’expression «centre commercial organisé» dans l’art. 5:17 signifie qu’un centre commercial est «autrement classé». A mon avis, cette expression signifie [TRADUCTION] «autrement un usage permis dans le présent règlement».
D’autre part, je considère que «centre commercial organisé» à l’art. 5:17 indique clairement que le Conseil avait les centres commerciaux à l’esprit quand il a adopté le règlement n° 39‑62 et croyait que les usages permis «magasin de détail», «magasin de services» et «grand magasin», de même que «bureau d’affaires», «établissement où l’on sert des repas» et «station-service», suffisaient à autoriser la délivrance d’un permis pour un centre commercial. Cependant, le Conseil s’est rendu compte qu’un centre commercial posait des problèmes particuliers de stationnement. Il se peut fort bien que le stationnement qui convient à un magasin de détail ne convient pas à plusieurs magasins de détail, magasins de services et grands magasins groupés ensemble et partageant un grand parc de stationnement commun, et que la condition relative au stationnement se rapporte à la surface totale d’occupation et qu’elle ne se limite pas à la superficie d’occupation de chaque magasin de détail, magasin de services ou grand magasin. Le Conseil a donc adopté la disposition relative aux conditions du stationnement qui se trouve à l’article 5:17.
Je n’ai rien trouvé dans le règlement n° 39-62 qui empêche de faire différents usages permis d’un lot qui, en l’espèce, a une superficie de presque vingt-quatre acres. Un lot peut servir à tous lesgenres d’usages permis et, en fait, le même bâtiment peut être consacré à divers usages permis, bien qu’il semblerait qu’un grand magasin doive occuper son propre bâtiment.
Dans Maxwell on Interpretation of Statutes, 12e éd., p. 264, on cite des textes, s’il est nécessaire d’en citer, qui appuient la thèse selon laquelle il peut être tenu compte du comportement de ceux qui sont responsables de la création d’une disposition pour déterminer le sens qu’ils prêtaient à cette disposition. Comme je l’ai déjà dit, le règle-
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ment n° 39-62 a été adopté le 11 juin 1962. Même si nous ne prenons pas judiciairement connaissance des nombreux centres commerciaux qui ont été érigés dans le canton de Nepean depuis cette date, le secrétaire de l’appelante a témoigné qu’à l’heure actuelle, les terrains mêmes qui font l’objet de la demande d’un permis de construction pour un centre commercial sont occupés par un centre commercial beaucoup plus petit, érigé en 1962. Il est donc évident que le Conseil qui a adopté le règlement n° 39-62 et l’inspecteur de construction qui a agi selon ses directives, ont toujours pensé qu’un autre centre commercial était un usage permis dans la zone C-2 Régionale-Commerciale. A l’appui de ce qui précède, je fait remarquer que le Conseil du canton de Nepean a déposé, lors du présent appel, un factum dans lequel il allègue ce qui suit:
[TRADUCTION] Le règlement n° 39-62 est en vigueur depuis 1962 et, sous son régime, un centre commercial a été aménagé sur le terrain en question et sur d’autres terrains dans les limites du canton de Nepean.
et, de plus:
[TRADUCTION]… les intimés Nepean et Bourne n’ont jamais eu et n’ont toujours pas de motif sur lequel ils peuvent fonder le rejet de la demande du permis de construction.
Pour ces motifs, je conclus qu’il y a lieu d’accueillir l’appel et de rétablir l’ordonnance rendue par le Juge Keith le 12 novembre 1971. L’appelante et les intimés The Township of Nepean et William Bourne ont droit de recouvrer leurs dépens en toutes les Cours de l’intimée March Ridge Developments Limited.
Appel accueilli avec dépens.
Procureurs de l’appelante: McCarthy & McCarthy, Toronto.
Procureurs des intimés, Township of Nepean et William Bourne: Bell, Baker, Thompson & Oyen, Ottawa.
Procureurs de l’intimée, March Ridge Developments Ltd.: Thomson, Rogers, Toronto.
[1] [1966] R.C.S.v.
[2] [1962] O.W.N. 227.
[3] [1970] 1 O.R. 388.
[4] [1971] 3 O.R. 62.