Cour suprême du Canada
Woolaston c. Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration, [1973] R.C.S. 102
Date: 1972-06-29
Leslie Leonard Woolaston et Roslyn Pamela Woolaston Appelants;
et
Le ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration Intimé.
1972: les 8 et 9 mai; 1972: le 29 juin.
Présents: Les Juges Abbott, Judson, Ritchie, Pigeon et Laskin.
EN APPEL DE LA COMMISSION D’APPEL DE L’IMMIGRATION
APPELS de deux jugements de la Commission d’appel de l’immigration confirmant des ordonnances d’expulsion rendues contre les appelants. Appels rejetés.
J.A. Ryder, pour les appelants.
S.F. Froomkin, pour l’intimé.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE LASKIN — Les époux appelants se pourvoient en cette Cour sur autorisation de cette même Cour après avoir présenté des requêtes séparées pour permission d’appeler et interjeté appel séparément à l’encontre de deux décisions de la Commission d’appel de l’immigration, datées du 4 novembre 1970, confirmant les ordonnances d’expulsion rendues contre eux le 20 mars 1969 et le 23 juin 1969 respectivement.
L’époux, qui n’était pas encore marié à ce moment-là, a présenté une demande le 30 août 1968, dans les délais prescrits, en vue d’obtenir son admission pour résider en permanence au Canada. Aucune opposition n’est soulevée à l’encontre des procédures qui ont suivi et au cours desquelles on a procédé à son appréciation en vertu des normes exposées à l’Annexe A du Règlement sur l’immigration, tel qu’adopté par C.P. 1967 — 1616 du 16 août 1967. Selon le fonctionnaire à l’immigration devant qui il a com-
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paru la première fois le 7 octobre 1968 et selon l’enquêteur spécial devant qui il a comparu le 20 mars 1969, l’appelant ne répondait pas aux normes minimum requises. La Commission d’appel de l’immigration a entendu son appel le 6 octobre 1970 et révisé l’appréciation; bien qu’elle ait modifié celle-ci à l’avantage de l’appelant, ce dernier ne répondait toujours pas aux normes minimums requises.
Il a épousé l’appelante le 2 novembre 1968, peu de temps après avoir été examiné par le fonctionnaire à l’immigration. Comme son époux, l’appelante est entrée au Canada avec un visa de visiteur non-immigrant. Elle a fait changer son statut en celui d’étudiant non-immigrant en vertu d’un certificat qui lui permettait de demeurer au Canada jusqu’au 5 décembre 1968. Ce n’est qu’après qu’une ordonnance d’expulsion a été rendue contre son époux le 20 mars 1969 (l’épouse n’étant pas visée par cette ordonnance) qu’elle a elle-même fait une demande le 3 avril 1969 en vue d’obtenir son admission pour résidence permanente. Elle violait alors clairement le Règlement, la période permise de son séjour ayant déjà expiré. Il semble qu’à cause de cette violation, sa demande n’ait pas été entendue par les autorités de l’immigration qui, au lieu de cela, ont entamé contre elle des procédures en expulsion. L’ordonnance d’expulsion rendue contre elle le 23 juin 1969 était fondée sur la violation précitée du Règlement et sur le motif supplémentaire qu’elle faisait partie d’une catégorie interdite en vertu de l’alinéa (o) de l’article 5 de la Loi sur l’immigration, maintenant S.R.C. 1970, C.I-2, comme membre d’une famille accompagnant un membre de celle-ci qui n’était pas admissible au Canada, et l’enquêteur spécial étant d’avis que leur séparation entraînerait une privation.
Son appel à la Commission d’appel de l’immigration a été entendu, sans qu’on s’y oppose, concurremment avec celui de son époux. La Commission a confirmé l’ordonnance d’expulsion rendue contre elle pour le motif, entre autres, qu’elle ne pouvait demander son admission en vue de la résidence permanente en vertu du Règlement vu qu’elle était illégalement au Canada à l’époque de sa demande en bonne et due forme d’admission. Ce point a sapé à la base la prétention de l’avocat de l’appelante à la Commission
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selon laquelle, en vertu de la Déclaration canadienne des droits, sa cliente pouvait exiger que sa demande d’admission en vue de la résidence permanente soit examinée selon ses propres droits, et indépendamment des droits de son époux. La Commission a fait remarquer avec raison que les faits de l’affaire n’ont donné lieu à aucune question de discrimination basée sur le sexe ou autrement.
Le prétention exposée devant cette Cour au nom de l’épouse se retrouve dans la question à l’égard de laquelle permission d’appeler a été accordée. Elle se lit comme suit:
[TRADUCTION] La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en décidant que la requérante n’était pas habilitée à faire examiner une demande de résidence permanente en conformité de la Loi sur l’immigration et des règlements d’application pour l’unique motif que cette demande a été déposée le 3 avril 1969 alors que la période de séjour temporaire au Canada autorisée par un fonctionnaire à l’immigration avait expiré le 5 décembre 1968, sans tenir compte de la preuve incontroversée suivant laquelle, avant cette date-là, la requérante s’est présentée au bureau de l’immigration et y a déclaré que son mariage ayant été célébré le 2 novembre 1968, elle se proposait de faire une demande de résidence permanente; on lui a signalé que son mariage lui interdisait, à elle, une demande officielle et que celle-ci serait incluse dans la demande faite par son époux le 7 octobre 1968?
En formulant cette prétention, l’avocat des époux a admis que l’appel de l’époux ne pouvait être accueilli à moins que celui de l’épouse ne le soit; dans ce cas, il se proposait de plaider que si la demande de l’épouse avait été entendue, celle-ci aurait eu le droit, si elle avait eu gain de cause, de parrainer l’admission de son époux en vertu de l’article 31(1)(a) du Règlement. Je signale, sans statuer sur la question, la réplique de l’avocat du ministre que l’époux, en tant que personne expulsée à l’époque pertinente, n’aurait pu être parrainé. Cependant, il n’est pas nécessaire que je statue sur cette réplique parce que je suis d’avis que la prétention de l’épouse en cette Cour, doit échouer.
L’avocat des époux s’appuie sur le témoignage peu concluant de l’épouse à l’audition que l’enquêteur spécial a tenue le 23 juin 1969 sur la
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légalité de son séjour prolongé au Canada. Elle a témoigné comme suit:
[TRADUCTION] Q. Étiez-vous incluse dans la demande originale de votre époux en vue d’obtenir la résidence permanente?
R. Non, je ne l’étais pas.
Q. Est-ce parce que vous n’étiez pas mariés à ce moment-là?
R. Oui.
Q. Après votre mariage, vous êtes-vous présentée au bureau de l’immigration pour les aviser de votre mariage et de votre intention d’être incluse dans la demande de votre époux?
R. Je m’y suis rendue plus tard, mais je me suis présentée au bureau de réception et elle m’a dit que je ne pouvais faire de demande parce que j’étais mariée à ce moment‑là, et que je serais incluse dans la demande de mon époux.
Q. Vous seriez incluse dans la demande de votre époux?
R. Oui, c’est ce qu’elle m’a dit au bureau de réception.
Q. Vous y êtes-vous présentée avant l’expiration de votre statut de non-immigrante le 5 décembre 1968?
R. Non.
Q. Vous pensez que c’était après cela?
R. Oui, je crois — non, il fallait que ce soit avant parce que j’ai pu me rappeler que la période expirait.
Q. Vous vous êtes aperçue qu’elle tirait à sa fin et vous êtes venue pour qu’on y voie, n’est-ce pas?
R. Oui.
L’appelante n’était pas à ce moment-là représentée par un avocat, mais elle l’était devant la Commission d’appel de l’immigration, et le témoignage sur lequel elle s’appuie maintenant pour soulever le point de droit à l’égard duquel permission d’appeler a été accordée, a été présenté à la Commission comme partie de la transcription des procédures engagées devant l’enquêteur spécial. A la fin de l’audition devant l’enquêteur spécial, l’appelante avait manifesté le désir d’interjeter un appel à la Commission et d’y comparaître personnellement. Elle a témoigné devant la Commission et son avocat s’est reporté à la transcription de l’enquête spéciale au cours de son interrogatoire, mais sans mentionner la partie du
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témoignage sur lequel elle s’appuie maintenant. Elle n’a pas elle-même évoqué ce témoignage en déposant devant la Commission.
Je ne puis conclure que la Commission a méconnu ce témoignage et a ainsi commis une erreur de droit que cette Cour doit corriger. Le fait qu’il n’est pas mentionné dans les motifs de la Commission n’entache pas sa décision de nullité. Il figurait au dossier; sa crédibilité et sa force probante pouvaient être appréciées avec les autres témoignages en l’espèce et la Commission avait la faculté de ne pas en tenir compte ou de ne pas y ajouter foi.
Après avoir étudié tout le dossier, je suis convaincu que ce qui a été présenté comme une erreur de droit est effectivement une question de fait à l’égard de laquelle aucun appel ne peut être interjeté à cette Cour. Il s’ensuit que l’appel de l’épouse doit être rejeté et, par conséquent, que celui de l’époux doit l’être aussi.
Appels rejetés.
Procureurs des appelants: Cameron, Brewin & Scott, Toronto.
Procureur de l’intimé: S.F. Froomkin, Ottawa.