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29/06/1972 | CANADA | N°[1973]_R.C.S._120

Canada | Succession Woodward c. Ministre des Finances, [1973] R.C.S. 120 (29 juin 1972)


Cour suprême du Canada

Succession Woodward c. Ministre des Finances, [1973] R.C.S. 120

Date: 1972-06-29

Les exécuteurs testamentaires de la succession de Percival Archibald Woodward, de cujus Appelants;

et

L’honorable ministre des Finances Intimé.

1972: Les 14 et 15 février; 1972: le 29 juin.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Hall, Judson, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], accueill

ant un appel d’un jugement du Juge Munroe. Appel rejeté.

[Page 122]

J.J. Robinette, c.r., et D.M.M. Goldie, c.r....

Cour suprême du Canada

Succession Woodward c. Ministre des Finances, [1973] R.C.S. 120

Date: 1972-06-29

Les exécuteurs testamentaires de la succession de Percival Archibald Woodward, de cujus Appelants;

et

L’honorable ministre des Finances Intimé.

1972: Les 14 et 15 février; 1972: le 29 juin.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Hall, Judson, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], accueillant un appel d’un jugement du Juge Munroe. Appel rejeté.

[Page 122]

J.J. Robinette, c.r., et D.M.M. Goldie, c.r., pour les appelants.

J.I. Bird, c.r., et B.J. MacKinnon, c.r., pour l’intimé.

John D. Hilton, c.r., pour le Procureur Général de l’Ontario.

Jean Leahy, c.r., pour le Procureur Général de Québec.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — Dans le testament qu’il a fait le 21 août 1962, feu Percival Archibald Woodward, ci-après appelé «le testateur», a ordonné à ses exécuteurs testamentaires d’octroyer, transférer, céder, livrer et remettre à la Fondation de M. et Mme P.A. Woodward, ci‑après appelée «la Fondation», pour qu’elle l’emploie à la réalisation de ses objectifs, tout le reste de sa succession. Il est décédé le 27 août 1968.

La Fondation est une société qui a été constituée en compagnie le 29 octobre 1951 en vertu du Societies Act de la Colombie-Britannique. Elle a pour objet d’opérer, exclusivement dans cette province, comme organisme de charité. Chaque année, elle doit affecter tout son revenu net aux fins de nature charitable définies dans la déclaration en vertu de laquelle elle a été constituée.

Après le décès du testateur, les exécuteurs testamentaires de ce dernier ont déposé une déclaration sous serment relativement à la valeur et aux liens de parenté, selon les prescriptions du Succession Duty Act, R.S.B.C. 1960, c. 372, ci-après appelé «la Loi». En conformité de l’art. 20 de la Loi, le ministre des Finances, qui est le ministre désigné dans la Loi, a fixé à $1,730, 536.88 le montant des droits successoraux à payer. Ce faisant, il a évalué la donation résiduaire qui était faite à la Fondation comme s’il s’agissait d’une donation faite à une personne n’ayant aucun lien de parenté avec le testateur.

L’article 5(1) de la Loi, tel qu’il existait au décès du testateur, prévoyait certaines exemptions à l’obligation de payer des droits successoraux. L’alinéa h) du par. (1) édictait que la Loi ne

[Page 123]

s’appliquait pas, pour autant que l’obligation de payer des droits successoraux était en cause,

[TRADUCTION] (h) à tout bien transféré par octroi ou donation, à cause de mort ou autrement, ou légué ou transmis par toute personne à des fins religieuses, charitables ou éducatives devant être réalisées dans la Province, ou à l’égard de toute somme destinée à toute fin semblable, souscrite et non payée par le défunt, et que la succession de ce dernier est tenue de payer;

Le paragraphe (2) de cet article édictait ensuite ce qui suit:

[TRADUCTION] (2) Aux fins du paragraphe (1), le ministre, à sa discrétion absolue, peut déterminer si une fin ou un organisme est d’ordre religieux, charitable ou éducatif.

L’article 43 de la Loi prévoyait un droit d’interjeter appel au ministre contre l’état des droits à payer que le ministre devait envoyer après avoir déterminé le montant des droits successoraux en vertu de l’art. 20. L’article 44 prévoyait un droit d’en appeler de la décision que le ministre avait rendue en vertu de l’art. 43, devant un juge de la Cour suprême ou un juge d’une cour de comté située dans les mêmes limites territoriales que la résidence ou le commerce de l’appelant. Un appel subséquent, sur une question de droit, pouvait être porté devant la Cour d’appel en vertu de l’art. 45.

Les appelants, exécuteurs testamentaires de la succession du testateur, ont interjeté appel au ministre, en vertu de l’art. 43; l’appel a entraîné une révision de l’évaluation des droits successoraux sur une question qui n’est pas en litige dans les présentes procédures. Par la suite, un autre appel a été interjeté devant le ministre, mais il n’a entraîné aucune action. Un appel à la Cour suprême, interjeté en vertu de l’art. 44, a été rejeté pour le motif qu’il était prématuré, car, à cette époque-là, le ministre n’avait encore rendu, en vertu de l’art. 43, aucune décision à l’encontre de laquelle un appel aurait pu être porté. Un appel a été interjeté devant la Cour d’appel à l’encontre de cette décision, mais avant son audition, des modifications ont été apportées à l’art. 5 de la Loi, en raison desquelles il a été convenu devant la Cour d’appel que l’appel n’avait plus de fondement. L’appel a été rejeté pour ce motif.

[Page 124]

Les modifications étaient renfermées dans An Act to Amend the Succession Duty Act, 1970 (B.C.), c. 45, qui a reçu la sanction royale le 3 avril 1970. Les dispositions pertinentes de cette loi sont les suivantes:

[TRADUCTION] 5. Le paragraphe (2) de l’article 5 de la Loi est modifié par l’addition, à la fin, de ce qui suit: «et la décision du ministre est finale et concluante et lie toutes les personnes et, nonobstant l’article 43 ou 44 ou toute autre disposition contraire de la présente loi, elle n’est sujette à aucun appel, examen ou révision en quelque cour que ce soit, et toute décision que le ministre a rendue en vertu du présent paragraphe est par les présentes ratifiées et confirmée et lie toutes les personnes.

6. L’article 5 de la Loi est en outre modifié par l’insertion, après le paragraphe (2) dans sa forme modifiée, de la disposition suivante à titre de paragraphe (2a): —

(2a) Le paragraphe (2) ne s’applique pas aux successions dans lesquelles le décès du défunt survient le 1er avril 1970 ou après cette date.

12. (1) A l’exception de l’article 5, la présente loi entrera en vigueur le 1er avril 1970.

(4) L’article 5 est réputé être entré en vigueur le 1er avril 1968 et son effet est rétroactif dans la mesure nécessaire pour donner plein effet à cette date ou après cette date aux dispositions qu’il modifie; il s’applique aux biens transmis lors du décès d’une personne morte à cette date ou après cette date.

Comme le dit le Juge d’appel Bull dans ses motifs en Cour d’appel:

[TRADUCTION] Ces modifications ont pour étrange effet qu’à l’égard des personnes décédées avant le 1er avril 1968, les anciennes exemptions prévues à l’art. 5(1) et à l’ancien art. 5(2) et donnant au ministre la discrétion absolue de rendre une décision (sous réserve de tous les droits d’appel), s’appliquaient, que la décision ait été prise avant ou après le 1er avril 1970. Quant aux personnes décédées après le 31 mars 1968, mais avant le 1er avril 1970, les anciennes exemptions s’appliquaient, mais toute décision, qu’elle ait été prise au cours de cette période ou à tout autre moment par la suite, était déclarée finale, concluante et obligatoire et sujette à aucun appel, examen ou révision devant quelque Cour que ce soit et toute décision prise par le ministre en vertu de l’art. 5(2) était ratifiée et confirmée. Étant donné que le défunt est décédé après

[Page 125]

le 31 mars 1968, et avant le 1er avril 1970, la deuxième catégorie s’appliquait à sa succession, et la décision que le ministre a prise le 1er mai 1969, selon laquelle le legs résiduaire à la Fondation n’était pas fait à des fins charitables, devenait assujettie aux dispositions privatives à effet rétroactif ajoutées à l’art. 5(2) par la modification de 1970.

Les présentes procédures ont été engagées le 18 mars 1970, par voie d’avis de requête en vue d’obtenir un bref de certiorari. Quatre motifs étaient énoncés dans l’avis, mais la principale question, que le savant juge de première instance a décidée en faveur de l’appelant, était le premier motif énoncé, soit:

[TRADUCTION] 1. Que l’honorable ministre des Finances n’était pas compétent pour décider que ladite donation à ladite Fondation n’était pas exempte des droits successoraux, car ladite décision, étant de nature judiciaire ou quasi judiciaire, a été prise sans que soit donné un avis aux exécuteurs testamentaires de la succession de Percival Archibald Woodward, de cujus, en contravention des principes de la justice naturelle.

Dans ses motifs de jugement, le savant juge de première instance dit:

[TRADUCTION] L’avocat du ministre a admis au cours de l’audition qu’aucun avis semblable n’avait été donné; il a également admis, avec raison selon moi, que lorsque le ministre a rendu sa décision, il remplissait des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, particulièrement en égard aux modifications de 1970: Giese v. Williston (1963), 41 W.W.R. 331. Par conséquent, il est clairement établi en droit qu’il doit agir de bonne foi et donner aux exécuteurs testamentaires et à la Fondation une occasion raisonnable de corriger ou de contredire toute déclaration pertinente qui est préjudiciable à leur avis: Board of Education v. Rice, [1911] A.C. 179; Western Mines Ltd. v. Greater Campbell River Water District (1967), 58 W.W.R. 705.

Il a également décidé qu’étant donné qu’il y avait eu déni de justice naturelle, la modification apportée à l’art. 5(2) ne pouvait pas donner effet à la décision prise par le ministre le 1er mai 1969, laquelle constituait en droit une nullité.

Par une majorité de deux contre un, la Cour d’appel a infirmé cette décision. Les Juges d’appel Tysoe et Bull étaient d’avis que la modification

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apportée à l’art. 5(2) rendait valide la décision du ministre, qui aurait autrement été nulle. Le Juge d’appel Branca, dissident, s’est dit d’avis que l’art. 5(2) dans sa forme modifiée ne visait pas et ne pouvait pas viser une décision prise sans qu’un avis soit donné aux parties intéressées et sans que les prétentions de ces dernières soient entendues.

Lors de l’audition en cette Cour, un nouveau moyen d’appel a été soulevé, soit que le par. (2) de l’art. 5 de la Loi, adopté par la Législature de la Colombie-Britannique, était ultra vires car il empiétait sur les pouvoirs de nomination du gouverneur en conseil et sur les pouvoirs législatifs conférés au Parlement du Canada en vertu des art. 96 à 100 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Il a été soutenu qu’en vertu de ce paragraphe, le ministre exercerait des pouvoirs analogues à ceux d’un juge d’une cour supérieure, de district ou de comté. Le procureur général de l’Ontario et le procureur général du Québec sont intervenus quant à cette question pour faire opposition à la prétention des appelants.

Nous étions tous d’avis, après avoir entendu la plaidoirie présentée pour le compte des appelants relativement à cette prétention, que celle-ci n’était pas valable et, par conséquent, qu’il était inutile d’entendre les plaidoiries pour le compte de l’intimé ou des intervenants relativement à cette question.

La question à déterminer dans le présent appel est celle de la signification et de l’effet des termes ajoutés à l’art. 5(2) de la Loi par la modification de 1970. A la suite de cette modification, l’art. 5(2), à compter du 1er avril 1968, édictait ce qui suit, le texte ajouté par la modification étant souligné:

[TRADUCTION] Aux fins du paragraphe (1), le ministre, à sa discrétion absolue, peut déterminer si une fin ou un organisme est d’ordre religieux, charitable ou éducatif, et la décision du ministre est finale et concluante et lie toutes les personnes et, nonobstant l’art. 43 ou 44 ou toute autre disposition contraire de la présente loi, elle n’est sujette à aucun appel, examen ou révision en quelque cour que ce soit, et toute décision que le ministre a rendue en vertu du présent paragraphe est par les présentes ratifiée et confirmée et lie toutes les personnes.

[Page 127]

La dernière partie de cette disposition ne ressemble à aucune autre disposition déjà étudiée par les tribunaux. Le passage qui édicté que la décision du ministre n’est sujette à aucun appel, examen ou révision en quelque cour que ce soit, est une disposition privative semblable à bien d’autres dispositions de même nature, dont l’effet a été étudié dans un certain nombre d’arrêts. L’effet qui a été donné à une disposition de ce genre est que même si elle empêche une cour supérieure de réviser, par voie de certiorari, la décision d’un tribunal inférieur pour erreur de droit manifeste à la lecture du dossier, si pareille erreur est commise dans l’exercice approprié de la compétence de ce dernier tribunal, elle n’empêche pas cette révision si le tribunal inférieur a outrepassé les limites de sa compétence définie. Le fondement de ces arrêts est que si le tribunal a excédé sa compétence dans une décision, cette dernière n’est pas une décision du tout, selon la loi qui définit les pouvoirs du tribunal, parce que le Parlement ne pouvait pas avoir l’intention de conférer à pareil tribunal le pouvoir d’étendre sa compétence légale au moyen d’une décision erronée quant à l’étendue de ses propres pouvoirs.

En cette Cour, le principe a été énoncé par le Juge Kerwin (alors juge puîné) dans l’affaire Toronto Newspaper Guild c. Globe Printing Company[2], p. 23:

[TRADUCTION] Nous partons du principe selon lequel, lorsqu’un tribunal administratif est constitué par un organisme législatif suprême, l’intention est que ce tribunal reste dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés. En Angleterre et au Canada, il a été uniformément décidé que les cours supérieures ont le pouvoir et l’obligation de voir à ce que des tribunaux comme le Ontario Labour Relations Board n’agissent pas sans avoir la compétence voulue.

La Chambre des Lords a exprimé des vues semblables dans l’affaire Anisminic Ltd. v. Foreign Compensation Commission[3]. Dans cette cause-là, Lord Wilberforce a dit, pp. 207 et 208:

[TRADUCTION] On dit parfois, selon les termes mêmes de la plaidoirie, que la clause privative ne s’applique pas aux décisions qui débordent le cadre des pouvoirs conférés parce qu’elles constituent une

[Page 128]

nullité. L’emploi de ce dernier terme est dangereux s’il sous-entend la distinction subtile entre ce qui est nul et ce qui est annulable, et je ne veux certainement pas que l’on s’imagine que je reconnais l’existence de cette distinction ou que j’analyse celle-ci, si elle existe. Mais ce terme peut être commode tant qu’on l’utilise pour désigner une décision débordant le cadre des pouvoirs conférés, en d’autres termes, comme un mot descriptif plutôt que comme entière en soi.

Lorsqu’elles décident qu’une «décision» est une «nullité», les cours ne méconnaissent pas la clause privative. En effet, tout comme elles sont tenues d’attribuer au tribunal une autonomie de décision d’action dans le domaine concerné, elles doivent, d’autre part, s’assurer que les limites établies de ce domaine sont respectées (voir l’énoncé de Lord Summer dans Rex v. Nat Bell Liquors Ltd. [1922] 2 A.C. 128, 156). Dans chaque tâche, elles donnent suite à l’intention du législateur et il serait erroné de décrire la situation comme une lutte entre les cours de justice et le pouvoir exécutif. Quelle serait l’utilité de définir par une loi la limite des pouvoirs d’un tribunal si, au moyen d’une clause insérée dans la loi même, on pouvait légitimement passer outre à ces limites?

Il n’y a pas lieu de passer en revue les nombreux autres précédents en la matière, mais je dois dire que cette Cour, dans l’affaire The Board of Health for the Township of Saltfleet c. Knapman[4], a décidé qu’un article privatif d’une loi n’empêchait pas la révision, par voie de certiorari, d’une décision d’une commission locale d’hygiène qui avait enfreint la règle de justice naturelle audi alteram partem.

Toutefois, ces précédents ne font rien d’autre que d’appuyer le principe selon lequel la partie de l’art. 5(2), dans sa forme modifiée, qui interdit toute révision d’une décision du ministre en quelque cour que ce soit, n’en empêche pas la révision, par voie de certiorari, si le ministre a outrepassé les limites de sa compétence ou n’a pas observé les règles de la justice naturelle en rendant sa décision.

Toutefois, la disposition législative présentement à l’étude ne s’arrête pas là. Elle ajoute [TRADUCTION] «toute décision que le ministre a rendue en vertu du présent paragraphe est par les présentes ratifiée et confirmée et lie toutes les

[Page 129]

personnes». A mon avis, ces termes assurent une ratification législative à toute décision que rend le ministre en vertu de l’art. 5(2), dans sa forme modifiée, même si pareille décision serait invalide en l’absence de cette disposition.

Les appelants soutiennent que parce que le ministre n’a pas reconnu les règles de la justice naturelle en l’espèce, sa «décision» est une nullité, et, par conséquent, n’est pas une «décision», et que pareille «décision» n’est pas une décision «en vertu du présent paragraphe», susceptible d’être ratifiée et confirmée. A mon avis, cette interprétation de la dernière partie du paragraphe n’est pas conforme à l’intention du législateur, que reflètent les mots qu’il a employés, quand on les considère à la lumière des dispositions du paragraphe dans son ensemble.

Le bref de certiorari est le moyen par lequel une cour supérieure peut contrôler les actes d’un tribunal inférieur dans deux cas: (1) lorsque le tribunal a excédé sa compétence, et (2) lorsqu’il ressort manifestement du dossier qu’une erreur de droit a été commise. Selon la jurisprudence, une disposition privative a l’effet d’empêcher une révision dans ce dernier cas. Une telle disposition privative existe en l’espèce. Ce qui reste, et c’est ce à quoi la dernière partie du paragraphe peut s’appliquer, c’est une décision outrepassant la compétence conférée. La Législature a édicté que pareille décision est ratifiée et confirmée.

Sans ces termes, la décision du ministre n’aurait eu aucun effet légal, mais on ne peut considérer qu’elle n’a jamais été rendue. Une décision, en soi sans effet, a été rendue le 1er mai 1969. Mais la Législature avait clairement le pouvoir d’y donner effet, de la confirmer législativement. L’expression «en vertu du présent paragraphe» montre clairement que les dispositions de l’art. 5(2) s’appliquent aux seules décisions ministérielles rendues en vertu de cet article. Une décision administrative qui a reçu une confirmation législative ne peut pas être révisée par voie de certiorari.

Comme l’a signalé la majorité de la Cour d’appel, l’interprétation avancée par les appelants enlèverait tout effet aux derniers mots de l’art. 5(2). Il s’ensuivrait que la disposition de ratification pourrait uniquement s’appliquer à une décision rendue par le ministre dans les limites de

[Page 130]

ses attributions et après avoir observé les règles de la justice naturelle. Mais pareille décision n’exige aucune ratification ou confirmation. Étant donné les dispositions privatives antérieures du paragraphe, la décision n’est sujette à aucune révision par suite d’une erreur manifeste à la lecture du dossier et, par conséquent, elle serait obligatoire sans aucune ratification ou confirmation. A mon avis, la Législature voulait ratifier, confirmer et rendre obligatoire toute décision du ministre rendue en vertu de l’art. 5(2), et qui, autrement, aurait été invalide.

Cette Cour n’a pas pour fonction d’étudier les principes directeurs d’une loi validement adoptée. Pareille loi doit être mise en application en conformité de ses termes. A mon avis, la décision que le ministre a rendue le 1er mai 1969 a été ratifiée et confirmée par la loi et lie toutes les personnes.

Étant donné ma conclusion quant à la principale question, il est inutile que je me prononce sur la demande des appelants que, si leur appel est accueilli, le jugement de première instance soit modifié par une déclaration que la donation à la Fondation est exempte des droits successoraux, au lieu que l’affaire soit renvoyée au ministre.

Je suis d’avis de rejeter l’appel.

Appel rejeté.

Procureurs des appelants: Russell & DuMoulin, Vancouver.

Procureurs de l’intimé: Owen, Bird & McDonald, Vancouver.

[1] [1971] 3 W.W.R. 645, 21 D.L.R. (3d) 681, [1971] C.T.C. 341.

[2] [1953] 2 R.C.S. 18.

[3] [1969] 2 A.C. 147.

[4] [1956] R.C.S. 877.


Synthèse
Référence neutre : [1973] R.C.S. 120 ?
Date de la décision : 29/06/1972
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté

Analyses

Certiorari - Disposition privative - Décision du Ministre - Donation à un organisme de charité non exempte des droits successoraux - Décision prise sans avis donné aux exécuteurs testamentaires - Déni de justice naturelle - Excès de juridiction - Effet d’une disposition législative ratifiant «toute décision» du Ministre - Succession Duty Act, R.S.B.C. 1960, c. 372, art. 5(1)(h), (2); 1970 (B.C.), c. 45, art. 5, 6, 12(1), (4).

Dans son testament, le testateur a ordonné à ses exécuteurs testamentaires de transférer à la «Fondation de M. et Mme P.A. Woodward» pour qu’elle l’emploie à la réalisation de ses objectifs, tout le reste de sa succession. Il est décédé le 27 août 1968. En fixant, en conformité de l’art. 20 du Succession Duty Act, R.S.B.C. 1960, c. 372, le montant des droits successoraux à payer, le ministre a évalué la donation résiduaire qui était faite à la Fondation comme s’il s’agissait d’une donation faite à une personne n’ayant aucun lien de parenté avec le testateur.

L’article 5(1) de la Loi prévoyait qu’elle ne s’appliquait pas, pour autant que l’obligation de payer des droits successoraux était en cause, «à tout bien transféré… à des fins religieuses, charitables ou éducatives…». Le paragraphe (2) de cet article édictait qu’ «aux fins du paragraphe (1), le ministre, à sa discrétion absolue, peut déterminer si une fin ou un organisme est d’ordre religieux, charitable ou éducatif». Ce paragraphe a été modifié par le statut de 1970 (B.C.), c. 45, pour prévoir que «la décision du ministre est finale et concluante et lie toutes les personnes et… n’est sujette à aucun appel, examen ou révision en quelque cour que ce soit, et toute décision que le ministre a rendue en vertu du présent paragraphe est par les présentes ratifiées et confirmée et lie toutes les personnes». La modification ne s’applique pas aux successions dans lesquelles le décès du

[Page 121]

défunt survient le 1er avril 1970 ou après cette date, mais est réputée être entrée en vigueur le 1er avril 1968.

Sur la requête des exécuteurs testamentaires en vue d’obtenir un bref de certiorari, la principale question, que le juge de première instance a décidé en faveur des requérants, était de savoir si le ministre était compétent pour décider que la donation à la Fondation n’était pas exempte des droits successoraux, car ladite décision, étant de nature judiciaire ou quasi judiciaire, a été prise sans que soit donné un avis aux exécuteurs testamentaires, en contravention des principes de la justice naturelle. Il a décidé qu’étant donné qu’il y avait eu déni de justice naturelle, la modification apportée à l’art. 5(2) ne pouvait donner effet à la décision prise par le ministre, laquelle constituait en droit une nullité.

Par un jugement majoritaire, la Cours d’appel a infirmé cette décision. La majorité était d’avis que la modification apportée à l’art. 5(2) rendait valide la décision du ministre, qui aurait autrement été nulle. Les exécuteurs testamentaires ont appelé à cette Cour du jugement de la Cour d’appel.

Arrêt: L’appel doit être rejeté.

Les précédents judiciaires appuient le principe selon lequel la partie de l’art. 5(2), dans sa forme modifiée, qui interdit toute révision d’une décision du ministre en quelque cour que ce soit, n’en empêche pas la révision, par voie de certiorari, si le ministre a outrepassé les limites de sa compétence ou n’a pas observé les règles de la justice naturelle en rendant sa décision. Toutefois, la disposition législative présentement à l’étude ne s’arrête pas là. Les termes «toute décision que le ministre a rendue en vertu du présent paragraphe est par les présentes ratifiée et confirmée et lie toutes les personnes» assurent une ratification législative à toute décision que rend le ministre en vertu de l’art. 5(2), dans sa forme modifiée, même si pareille décision serait invalide en l’absence de cette disposition.

Arrêts mentionnés: Toronto Newspaper Guild c. Globe Pinting Co., [1953] 2 R.C.S. 18, Anisminic Ltd. c. Foreign Compensation Commission, [1969] 2 A.C. 147, et The Board of Health for the Township of Saltfleet c. Knapman, [1956] R.C.S. 877.


Parties
Demandeurs : Succession Woodward
Défendeurs : Ministre des Finances
Proposition de citation de la décision: Succession Woodward c. Ministre des Finances, [1973] R.C.S. 120 (29 juin 1972)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1972-06-29;.1973..r.c.s..120 ?
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