Cour suprême du Canada
Carl M. Halvorson, Inc. c. Robert McLellan & Co. Ltd., [1973] R.C.S. 65
Date: 1972-06-29
Carl M. Halvorson, Inc. (Demanderesse) Appelante;
et
Robert McLellan & Co. Ltd. (Défenderesse) Intimée;
et
Wrights’ Canadian Ropes Ltd. (Défenderesse) Intimée;
1972: les 17, 18 et 19 mai; 1972: le 29 juin.
Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Hall, Pigeon et Laskin.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, confirmant un jugement du Juge McIntyre. Appel accueilli.
W.G. Burke-Robertson, c.r., et J.G. Alley, pour la demanderesse, appelante.
W.J. Wallace, c.r., et Marshall Bray, pour la défenderesse, intimée, Wrights’ Canadian Ropes Ltd.
Harvey Grey, c.r., pour la défenderesse, intimée, Robert McLellan & Co. Ltd.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE PIGEON — La présente affaire découle de difficultés éprouvées dans le montage d’un téléphérique pour le compte de la Jackson Hole Ski Corporation, à Jackson (Wyoming). L’intimée Robert McLellan & Co. Ltd. (McLellan &
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Co.) est une firme d’ingénieurs-conseils qui se spécialise dans ce genre de travaux. A ce titre, elle a conçu le téléphérique qui devait être monté par Willamette Construction Company (Willamette) et elle s’est aussi engagée à fournir à cette dernière des services d’ingénieur pour le montage. En juillet 1965, Willamette a dû se retirer du projet et, le 26 juillet 1965, l’appelante Carl M. Halvorson Inc. (Halvorson Inc.) s’est engagée à achever les travaux à temps pour un essai le 1er novembre 1965.
L’opération majeure était la mise en place de quatre gros câbles sur lesquels les deux cabines devaient monter et descendre le long de la montagne sur une distance de plus de deux milles, jusqu’à une altitude de près de 10,500 pieds. Ces câbles avaient été fabriqués en Suisse, mesuraient 13,000 pieds de long, environ 1¾″ de diamètre et pesaient plus de 50 tonnes chacun. Le plan de montage consistait à haler l’extrémité supérieure par tracteur sur une distance de quelque 3,000 pieds, et au moyen d’un câble de halage relié à un treuil installé au sommet, pour les 10,000 pieds restants. Willamette prévoyait obtenir de l’intimée Wrights’ Canadian Ropes Ltd. (Wrights’) un personnel qualifié et le matériel spécial qu’exige ce travail difficile. Quand elle a pris la relève, Halvorson Inc. a immédiatement fait des arrangements avec McLellan & Co. pour obtenir des services d’ingénieur pour le montage du téléphérique et avec Wrights’ pour le personnel et le matériel. Comme on ne pouvait trouver un treuil qui convenait, on en a, sur les instructions de Halvorson Inc., acheté un, appelé «treuil Drenka», conçu à l’origine pour 3,000 pieds de câble de 1⅜″ et qui a été modifié suivant les indications de McLellan & Co. de façon à contenir 10,000 pieds de câble de 1¼″ en ajoutant 24″ à la longueur du tambour et 6″ au diamètre des joues.
Les deux premiers câbles ont été montés sans incident, mais le tambour du treuil s’est brisé du côté des engrenages lorsque le troisième câble arrivait au sommet, la joue s’étant séparée du cylindre à la soudure. Après avoir été réparé, le tambour s’est encore brisé avant que le halage du câble soit terminé. Il a aussi cédé du côté du frein avant que le halage du quatrième câble soit terminé.
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Le juge de première instance a rejeté l’action en dommages-intérêts que Halvorson a intentée contre McLellan & Co. et Wrights’ et sa décision a été confirmée en appel. Quant à Wrights’, les motifs du juge de première instance adoptés en appel sont essentiellement les suivants:
[TRADUCTION] D’après la preuve, je ne puis conclure que Wrights a recommandé d’utiliser ce treuil. …Je ne puis conclure que Wrights a pris part à la conception ou à l’exécution des modifications… Je conclus que McLellan a conçu les modifications et surveillé leur exécution et que Wrights n’y a aucunement pris part.
A mon avis, lorsqu’elle a fait l’acquisition du treuil, la demanderesse Halvorson ne s’est pas fiée à Wrights qui a joué un rôle plus ou moins passif dans son choix. Halvorson a acquis le treuil de sa propre initiative, sur le conseil de McLellan, selon qui le treuil ainsi modifié ferait l’affaire…
Je conclus aussi que Wrights n’a pas vendu le treuil à la demanderesse. Par conséquent, aucune question de garantie en vertu du Sale of Goods Act ne peut se poser…Je conclus donc qu’en ce qui concerne l’acquisition du treuil, la défenderesse Wrights était simplement l’agent de Halvorson à cette fin et la vente a eu lieu entre Drenka, le vendeur, et Halvorson, l’acheteur. Je ne puis imputer aucune responsabilité à Wrights pour la rupture du treuil.
A mon avis, la correspondance échangée entre les parties confirme largement ces conclusions. Elle avait expressément pour but de consigner par écrit leurs arrangements et il faudrait une preuve claire de leur intention, par la suite, de déroger à ces arrangements pour établir une position en droit différente. Rien dans les dépositions des témoins ne permet de déduire une telle intention. Au contraire, tout, à mon avis, corrobore la conclusion du juge de première instance sur ce point.
La correspondance susmentionnée débute par une longue lettre du 30 juillet 1965 adressée par W.S. Aman, secrétaire de Halvorson Inc., à John Clark, gérant des ventes de Wrights’ et contenant ce qui suit:
[TRADUCTION] …La présente confirme les ententes suivantes intervenues entre vous‑même et M. Halvorson:
1. Wrights est intéressée à fournir les connaissances techniques, y compris la surveillance sur les
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lieux et le matériel autre que celui que nous avons déjà affecté au projet ou qui est actuellement disponible, pour le halage des câbles et les travaux connexes, et elle peut fournir sur demande la personne ou les personnes expérimentées pour le travail.
2. Halvorson a passé un contrat avec Jackson Hole Ski Corporation pour l’exécution du projet et est intéressée à ce que Wrights exécute l’installation des câbles et le travail connexe.
3. Il est entendu que Wrights prendra immédiatement les dipositions nécessaires en vue de l’installation des câbles et des travaux connexes en fabriquant ou en faisant fabriquer la quincaillerie nécessaire et le matériel ou les outils spéciaux, et fera en sorte qu’ils soient prêts le 1er septembre 1965. Wrights demandera à son technicien, M. Pacey, de visiter le projet au cours des deux prochaines semaines afin de se familiariser avec les conditions du chantier et de communiquer au surintendant des travaux les renseignements dont il a besoin pour préparer l’installation des câbles.
4. M. Pacey sera responsable de l’installation et il sera sur le chantier pour toute la durée des travaux.
5. Wrights ne désire pas fixer un prix forfaitaire pour l’installation, mais elle convient de produire dans environ deux semaines une estimation du temps et des coûts nécessaires à l’exécution des travaux, y compris l’achat, la modification et la fabrication de la quincaillerie et des pièces spéciales, et de soumettre son plan proposé de rémunération pour sa participation aux travaux.
6. Halvorson convient qu’elle a autorisé et engagé Wrights à procéder comme il est prévu aux présentes et elle s’attend que Wrights soit prête à exécuter le travail le 1er septembre 1965 ou vers cette date, sur le chantier.
7. Halvorson et Wrights ont convenu qu’au retour de M. Halvorson d’Europe, dans environ deux semaines, elles se rencontreront pour conclure une entente sur la base véritable de la rémunération de Wrights et sur les méthodes mêmes qu’emploie Wrights.
8. L’ordre de procéder immédiatement à l’organisation et aux arrangements que Halvorson a donné à Wrights et qui est confirmé aux présentes, n’est pas un ordre conditionnel, même si l’entente finale n’est pas encore parachevée. Après un long entretien, Wrights et Halvorson conviennent être en parfait accord quant à la base de telle entente, et Wrights doit
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procéder avec diligence à l’organisation et à la préparation, et elle est autorisée et engagée à agir ainsi.
9. M. Robert McLellan travaille déjà pour Halvorson à l’établissement de méthodes de montage et d’installation de câbles, et il continuera de faire ce travail. Tout le travail qu’a exécuté McLellan pour Halvorson et Willamette Construction Co. est à la disposition de Wrights, et on a aussi dit à M. McLellan de fournir, à la demande de Wrights, tout autre renseignement ou aide dont Wrights peut avoir besoin. La responsabilité de la rémunération de M. McLellan pour ces services incombera directement à Halvorson.
…
La réponse de Clark, datée du 2 août, se lit comme suit:
Nous accusons réception de votre lettre du 30 juillet exposant les points discutés avec M. Halvorson dans la soirée du mercredi 28 juillet 1965. Nous acceptons tous ces points à l’exception du paragraphe n° 4.
Nous estimons et convenons que nous devons proposer un plan pour le montage des câbles et réunir le matériel nécessaire à cette fin. De plus, nous devons déterminer le temps que requiert l’exécution de ce plan.
Il est entendu que le surintendant en résidence de Carl M. Halvorson, Inc. sera chargé des opérations et que M. Pacey agira à titre de conseiller du surintendant et collaborera entièrement avec lui en tout temps; que M. Pacey pourra s’absenter quelque temps si des engagements antérieurs l’exigent.
Vient ensuite la lettre adressée à Clark le 16 août et qui contient le passage suivant:
[TRADUCTION] Carl est revenu d’Europe en fin de semaine et nous avons étudié hier les conditions de l’achat du treuil. Aujourd’hui, nous avons discuté avec Vic Hamblin, un employé de Bob McLellan, qui nous a communiqué le résultat des autres entretiens qu’il a eus avec le service des estimations de Burard. Comme vous le savez sans doute, il a maintenant obtenu un prix maximum d’un peu moins de $5,000 (fonds canadiens) pour leurs services.
Après avoir pesé cette information, Carl estimait qu’il n’avait pas le choix et qu’il devait procéder immédiatement et avec promptitude à la modification du treuil Drinka. Même si l’on établit un programme de travail très favorable, le travail sera retardé de cette façon, et la construction d’un nouveau treuil
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demanderait sans doute un mois de plus que la modification du présent treuil.
Les jours étant comptés, nous avons chargé Vic de dire à Burard d’aller chercher le treuil à votre chantier et de procéder immédiatement aux modifications. Vu que vous avez conduit toutes les discussions avec Drinka personnellement, nous ne voulons pas intervenir et nous avons pensé qu’il serait préférable d’attendre votre retour et de vous demander de lui confirmer que nous achetons le treuil. Auriez-vous l’obligeance de vous en occuper et aussi de demander à Burard de procéder aux modifications; ces frais vous seront évidemment remboursés ou, si vous le préférez, seront payés directement aux parties.
Le 24 septembre 1965, une lettre adressée par Clark à Halvorson Inc. énonçait l’entente relative à la base réelle de rémunération comme suit:
[TRADUCTION] En confirmation de nos discussions du 23 août 1965, il a été convenu que:
…
(3) Carl M. Halvorson paierait à Wrights Canadian Ropes Ltd. une commission de 15% sur toute la machinerie et tout le matériel achetés au Canada pour l’installation des câbles de Jackson Hole.
…
(5) Tous les câbles métalliques, suspenseurs et garnitures requis pour tirer les câbles des cabines seront achetés à Wrights Canadian Ropes Ltd.
La facture que Wrights’ a établie pour le treuil, datée du 7 septembre 1965, comprend une «commission de 15%» conformément à l’entente mentionnée dans cette lettre.
Compte tenu de tout ce qui précède et surtout du dernier alinéa précité de la lettre du 16 août, je ne puis voir comment on pourrait s’écarter de la conclusion des Cours inférieures que Wrights’ a agi en tant que mandataire lorsqu’elle a obtenu le treuil et l’a fait modifier, et non en tant que vendeur ou entrepreneur.
On a vigoureusement prétendu dans la plaidoirie que McLellan & Co. a agi pour Wrights’ plutôt que pour Halvorson Inc. lorsqu’elle a établi les modifications aptes à augmenter la capacité du treuil. Le seul fondement de cette prétention, c’est que McLellan l’a dit. Cependant, il n’a cité
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aucun fait permettant de conclure à bon droit que c’est à ce titre qu’il agissait. Il a admis que, après avoir reçu son état de compte daté du 21 septembre 1965, Clark lui a téléphoné pour lui dire qu’il pensait qu’il agissait pour le compte de Halvorson Inc. et il n’a pas insisté davantage sur ce point. Il est clair que McLellan & Co. détenait un mandat général de Halvorson Inc. quant à l’aspect technique du montage du téléphérique de Jackson Hole. En même temps qu’il exposait ces faits à Wrights’ dans une autre lettre, Aman écrivait à McLellan le 30 juillet 1965, lui disant:
[TRADUCTION] La présente confirme mes directives verbales de ce jour, soit que vous fournissiez à Wrights Canadian Ropes tous les renseignements que vous pouvez posséder, ainsi que les résultats de toutes les études et recherches que vous avez effectuées relativement à l’installation des câbles pour le téléphérique de Jackson Wyoming.
…
Nous avons prévenu Wrights que ces services et renseignements leur seront fournis sans frais.
McLellan lui-même dit qu’il a reçu cette lettre le 2 août. Le dossier indique que, le même jour, Hamblet, son employé, a effectué les premiers calculs en vue de l’utilisation du «treuil Drenka», alors appelé le «treuil Checkamus». D’autres calculs ont été effectués le 4 août, le 9 août et le 10 août, y compris un calcul montrant qu’en augmentant le rayon de la joue de trois pouces et en élargissant le tambour de deux pieds, le tambour pourrait emmagasiner 11,000 pieds de câble de 1¼″. Ces calculs se rapportaient seulement à l’espace disponible et au couple, dans lesquels n’entraient pas de calculs relatifs au dessin ou à l’effort. Dans son propre témoignage, McLellan a dit que, le 11 août, il a demandé à Aman de l’accompagner chez Wrights’ [TRADUCTION] «parce qu’il importait de prendre une décision rapidement sur le choix du treuil». Au cours de cette rencontre, comme il l’a dit lui-même, [TRADUCTION] «nous avons discuté… de treuils, et, je crois, d’autres aspects du montage…» A la fin, il a dit, [TRADUCTION] «On nous a dit d’y aller et de voir à préparer les modifications de dessin proposées». Mais l’ordre de procéder à la modification est parvenu à sa firme directement de
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Halvorson le 16 août, comme il est déclaré dans la lettre précitée d’Aman. Ce n’est qu’à ce moment que McLellan a effectivement procédé aux modifications du treuil et aux calculs connexes de l’effort et de la flexion, en date du 18 août. McLellan a adressé une lettre datée du 15 septembre à Halvorson Inc., dans laquelle il dit ce qui suit: (c’est moi qui ai mis des mots en italique)
[TRADUCTION] Veuillez trouver ci-incluse la facture des services d’ingénieurs pour le montage, et des dépenses, depuis le 31 janvier 1965. Ce travail comprend la préparation des dessins suivants:
1020 — 3C
Détails des sabots de câble
— 5
Pince d’agrippement pour câble de 1¾″
— 6
Palonniers et quincaillerie
— 9
Détails du câblage — Lazy Bar
— A1
Pince d’agrippement à douille pour câble de 1¾″
— A2
Pince d’agrippement pour câble de 1¼″
1243 — E — 2
Détails des poulies de montage
G — 6
Profil du montage
E — SK—41
Montage du câble au pylône n° 1
—42
Montage du câble au pylône n° 2
—43
Montage du câble au pylône n° 3
—44
Montage du câble au pylône n° 4
—45
Montage du câble au pylône n° 5
—47
Treuil Drenka
En l’absence de preuve précise qu’il a été expressément convenu d’effectuer une partie déterminée du travail sur le «treuil Drenka» pour le compte de Wrights’, laquelle preuve est totalement inexistante, la seule conclusion possible est que tout ce travail a été effectué pour le compte de Halvorson Inc. Wrights’ pouvait évidemment se servir de ces données dans l’exécution de ses fonctions en tant que mandataire et on ne peut conclure à sa négligence pour l’avoir fait.
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Cela signifie aussi que la seule réclamation possible de Halvorson est contre McLellan & Co., pour négligence dans l’exécution de son contrat pour services de montage, et non pour délit, comme on l’a prétendu. Cette situation suscite une difficulté parce que, tandis que l’avocat de Wrights’ a nié l’existence de tout contrat avec McLellan & Co., l’avocat de Halvorson Inc. s’est appuyé jusqu’à la fin sur l’affirmation de McLellan qu’il y avait un tel contrat et, par conséquent, n’a demandé une condamnation contre McLellan & Co. que pour délit, bien que, dans l’action, le recours fût aussi contractuel.
Vu les plaidoiries écrites, je ne crois pas que cette position erronée, au cours des débats, puisse empêcher l’appelante d’avoir gain de cause contre McLellan & Co. si, en fait, on a établi qu’il y avait eu négligence de sa part, c’est-à-dire qu’elle n’a pas fourni le degré nécessaire de compétence professionnelle dans l’exécution de son contrat de services de montage. Les conclusions de juge de première instance sur cette question sont les suivantes:
[TRADUCTION] Le professeur Hooley et le professeur Holt sont des hommes dont les connaissances et l’expérience sont très étendues et qui ont œuvré de nombreuses années dans ce domaine. Les autres ingénieurs convoqués sont tous des personnes réputées et estimées. En ce qui a trait particulièrement au témoignage de Hooley et de Holt, je puis dire qu’aucun de ces messieurs n’a témoigné d’une manière dogmatique. Chacun paraissait disposé à considérer et à traiter objectivement des théories différentes de la sienne. Je reviens aux commentaires du professeur Holt que j’ai cités plus haut et je me demande si je peux ou devrais exiger de McLellan, un ingénieur‑conseil, un degré de compétence si élevé en l’occurrence, quand des hommes du calibre de Hooley et de Holt reconnaissent leur confusion et leur incertitude dans ces matières. Ai-je raison de faire subir à un ingénieur professionnel toutes les conséquences d’un jugement prononcé contre lui pour négligence, en me fondant sur des données aussi peu solides?
Le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse. Suis-je capable de dire, eu égard à toute la preuve dont je dispose, que je suis convaincu, selon la balance des probabilités, que la rupture du treuil est due aux modifications apportées par la défenderesse McLellan? Devant l’ensemble de la preuve, si des ingénieurs du calibre du professeur Holt ont des
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doutes, je crois qu’on me pardonnera d’en avoir aussi. Je me reporte à l’affaire Owners of S.S. Australia and Owners of Cargo of S.S. Nautilus, [1927] A.C. 145, où Lord Sumner a dit à la page 153, en discutant la façon de traiter l’opinion d’assesseurs dans les affaires de droit maritime qui, selon moi, est analogue à la façon appropriée de traiter les témoignages d’experts dans des affaires semblables à celle dont je suis saisi:
«S’il advient qu’un juge ne peut décider en lui-même si, oui ou non, l’opinion qui lui est donnée est valable, il conclut simplement que le point n’est pas prouvé, aux dépens de la partie à qui incombe le fardeau de la preuve sur cette question. C’est tout comme si la preuve nécessaire n’avait pas été établie».
Cette affaire a été citée dans un article sur les témoignages d’experts, de H.A. Hammelmann, dans Modern Law Review, numéro de janvier 1947, page 35, où l’on trouve ce commentaire approprié:
«Si, dans une affaire comportant des détails scientifiques et techniques complexes que la Cour ne peut régler sans l’aide d’un expert, la Cour ne peut conclure si, oui ou non, l’opinion ou les opinions d’experts qui lui ont été données sont valables, ou si elle ne se sont pas capable d’éliminer la confusion des experts, elle conclut simplement que le point n’est pas prouvé aux dépens de la partie à qui incombe le fardeau de la preuve sur cette question» (Lord Summer dans Australia v. Nautilus [1927] A.C. 153)» (J’ai souligné des mots).
J’ai retardé le prononcé du jugement dans cette affaire pour pouvoir examiner et ré‑examiner toute la preuve qui a été présentée et pour étudier le plus complètement possible les questions soulevées. Après avoir pesé tous les témoignages des experts, je crois devoir adopter la position qu’a choisie Lord Sumner et statuer que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve en ce qui a trait à sa demande relativement au treuil et, sur cet aspect de l’affaire, sa demande contre McLellan doit être rejetée.
Cette partie des motifs du savant juge de première instance a été effectivement adoptée en appel. Je conviens avec l’avocat de l’appelante qu’il ne s’agit pas d’une conclusion de fait. Aux prises, comme c’est habituellement le cas dans les affaires de ce genre, avec des opinions scientifiques contradictoires, le juge de première instance
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s’est dit incapable d’éliminer la confusion créée par les témoignages divergents des experts. Dans ces circonstances, la justice demande qu’on s’efforce d’éliminer la confusion.
A mon avis, la réclamation pour négligence contre McLellan peut être réglée sans plonger profondément dans des théories scientifiques.
McLellan a dit lui-même:
[TRADUCTION] Le dessin des tambours comporte beaucoup de subtilités et je ne prétends pas être un expert dans le dessin des tambours, et je crois que les seules personnes à l’être sont celles qui les fabriquent. Je ne connais aucun ingénieur-conseil qui soit expert dans le dessin des tambours…
Je ne pourrais calculer les efforts exacts sur le cylindre du tambour; je ne pourrais calculer les efforts exacts sur les joues et éléments de cette nature.
Cependant, il a pris un treuil conçu pour 3,000 pieds de câble de 1⅜″ et l’a fait modifier de façon que le tambour emmagasine 10,000 pieds de câble de 1¼″.
D’autre part, le témoin H.A. Brown a dit:
[TRADUCTION] Si vous me le permettez, j’aimerais faire un commentaire au sujet des couches ou rangs supplémentaires sur un treuil, étant un ingénieur spécialisé dans les treuils, j’ai l’habitude d’accepter les exigences d’un client pour un treuil et je le conçois en fonction de ces exigences; et nous concevons un treuil qui pourra contenir une longueur déterminée de câble que peut emmagasiner ce treuil. Si le treuil doit être, doit s’écarter de quelque façon de ces exigences, alors, il nous faut faire de nouveaux calculs et notre treuil n’est pas garanti. La capacité prévue du treuil est dépassée.
Bien que les critères de tracé que ce témoin a appliqués aient été dits excessifs, la déclaration qui précède n’a pas été contestée. Elle est en outre corroborée par la déclaration suivante d’un autre expert en matière de treuils, S. Ward:
[TRADUCTION] à mon avis, si vous élargissez une joue, vous devez être d’une prudence extrême en élargissant et en soudant, parce qu’en pratique, je ne fais pas cela.
L’avocat de McLellan & Co. a prétendu qu’un ingénieur pouvait se fier aux caractéristiques indiquées par le manufacturier. En supposant que
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ce soit vrai, le fait est qu’on n’a pas utilisé ce treuil conformément aux caractéristiques. On ne l’a pas utilisé tel quel, mais après y avoir apporté d’importantes modifications. Quand McLellan a accepté de conseiller Halvorson Inc. sur l’utilisation de ce treuil pour le montage du téléphérique, il s’est clairement engagé à s’assurer que le treuil, tel que modifié, suffirait à la tâche. Il a parfaitement bien compris que telle était la situation parce qu’il a fait des calculs sur quelques-uns des efforts et des flexions à prévoir par suite des modifications au tambour du treuil et il a aussi calculé la pression sur les coussinets. Cependant, il n’a pas calculé les efforts sur les joues du tambour, bien qu’il en ait fait augmenter le diamètre de 6″ et qu’il ait projeté d’emmagasiner 15 couches de câble au lieu des 9, ou 10 au plus, prévues dans le plan et les caractéristiques originales: 3,000 pieds de câble de 1⅜″. L’explication qu’il a offerte, c’est que les modifications du tambour principal auraient un effet «négligeable» sur ces efforts.
Il convient ici d’indiquer en quoi consistaient les modifications. Pour allonger le tambour, on a jugé nécessaire d’en couper l’arbre qui mesurait 6¼″, parce qu’on ne pouvait le dégager des moyeux de 10″ auxquels étaient soudées les extrémités du tambour, ou joues, et leurs douze nervures de 6″ de profondeur. On n’a rien fait pour relier de nouveau les deux bouts de l’arbre après la soudure d’une section supplémentaire de cylindre de deux pieds au milieu du tambour. On a simplement fait cette nouvelle section légèrement plus épaisse (1½″ au lieu de 1¼″). Pour maintenir en place les bouts de l’arbre, des diaphragmes en tôle d’acier de 1″ ont été soudés à l’intérieur des extrémités coupées du cylindre avant d’y souder la nouvelle section. Du côté des engrenages, la joue a été agrandie en soudant autour de sa circonférence un anneau de 1″ X 3″. Puisque c’était impossible de faire la même chose du côté du frein, une autre plaque circulaire de ¾″, au diamètre extérieur requis, a été soudée au cylindre à l’intérieur de la joue originale. Il convient de remarquer que toutes ces modifications ont été effectuées dans un chantier maritime et non par le manufacturier du treuil qui est de Vancouver.
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Comme il a été précédemment mentionné, McLellan a admis qu’il n’était pas expert dans le dessin des tambours de treuil et qu’il ne pouvait pas non plus calculer «les efforts exacts sur les joues et éléments de cette nature». Malgré cela, il a pris la responsabilité de dessiner les modifications décrites plus haut, lesquelles modifications ont eu pour effet de transformer un tambour d’un modèle éprouvé et construit autour d’un arbre rigide en un tambour plus grand, d’un modèle non éprouvé, inusité, et muni d’un arbre discontinu. Ward, ingénieur expert dans le dessin de treuils, a dit:
[TRADUCTION] Je dis que le plus grand danger pour un treuil — quand il est conçu pour contenir neuf couches et que vous augmentez sa capacité à quinze couches en laissant les joues à peu près intactes, je crois que vous vous attirez des ennuis.
Dans les circonstances, les ruptures répétées qui se sont produites quand les efforts sur le tambour, comme il a été reconnu, approchaient du maximum, démontrent assez clairement que ces accidents résultent de la négligence de McLellan qui a modifié le tambour du treuil sans avoir suffisamment considéré tous les efforts que devrait subir le tambour modifié, les joues en particulier. Comme il a été dit plus haut, il a simplement présumé que les changements seraient négligeables quoique, de son propre aveu, il eût été incapable de faire les calculs qui s’y rapportaient.
Le professeur Hooley, ingénieur-conseil spécialisé dans l’analyse élasticimétrique des structures, a tenté de justifier McLellan en prétendant que la charge exercée sur les joues par le câble tendu, dans les conditions qui existaient à Jackson Hole, était moindre que la charge maximum prévue dans les caractéristiques du treuil. Ces dernières permettaient une charge de travail normale de 44,000 lbs tandis que la tension du câble à Jackson Hole, selon les chiffres acceptés, débutait à 24,000 lbs. Il a prétendu que la force totale exercée sur une joue lorsque quinze couches étaient enroulées à la tension alors exercée, n’était que de 250,000 lbs, tandis que la force exercée par dix couches enroulées à une tension constante de 44,000 lbs serait de 350,000 lbs. Ces chiffres sont loin de concorder avec ceux que Ward et Brown ont fournis. Leur inexactitude a été démontrée d’une façon concluante.
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Le professeur Holt, qui a témoigné pour le compte de Wrights’, n’a pas hésité à dire à propos des résultats de la méthode dont Hooley se servait pour calculer la force exercée sur la joue: [TRADUCTION] «c’est ridicule». Il est expert en génie mécanique et spécialisé dans [TRADUCTION] «le dessin approprié de la quincaillerie mécanique». Il a expliqué pourquoi certaines théories de Hooley, valables pour de nombreux problèmes de structure, ne le sont pas pour le dessin de machines. Il a démontré que même si ses théories étaient valides, les calculs de Hooley étaient erronés et que la force réelle exercée sur les joues à Jackson Hole, à ce compte-là, était plus grande, et non plus petite, que la force exercée par neuf ou dix couches enroulées suivant les caractéristiques. Ensuite, il a expliqué comment Hooley avait considérablement sous-estimé la charge sur les joues:
[TRADUCTION] le point important est que le professeur Hooley ne tient compte que des tensions résiduelles du câble ou des charges résiduelles du câble pour le maintien de l’effet de compression. En fait, il considère que les charges de tension sont les seules qui exercent une pression sur la joue, tandis que, dans mon exposé, je dis que ce n’est pas l’effort résiduel demeuré dans les spires qui exerce une pression sur la joue, mais les pressions transmises de couche en couche par les spires. Et c’est là la différence fondamentale et capitale entre le travail du professeur Hooley et le mien: je tiens compte des charges réelles transmises tandis qu’il tient compte de l’effort résiduel comme étant, dans les spires, la seule pression exercée.
Selon cette théorie, le professeur Holt a présenté deux calculs comparant la pression exercée sur la joue par quinze couches, dans les conditions existant à Jackson Hole, et celle exercée par dix couches, avec la charge prescrite. Le premier calcul, qui ne tenait pas compte du frottement, aboutissait à 1,710,000 lbs, à Jackson Hole, contre 1,230,000 lbs dans les conditions prescrites dans les caractéristiques. En partant d’un coefficient de frottement de 0.2, le second calcul arrivait à 1,275,000 lbs contre 954,000 lbs, c’est-à-dire, dans les deux cas, une augmentation d’environ un tiers ou se situant entre 300,000 et 500,000 lbs pour un seul des facteurs que MeLellan considérait négligeables. La circonférence du cylindre
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étant d’environ 80 pouces, ce facteur ajoutait un effort de quelque 4,000 à 6,000 lbs par pouce dans une soudure à l’égard de laquelle l’effort permis était censé être aussi peu que 12,000 lbs par pouce. Ce qui n’est pas tout à fait négligeable.
L’exactitude de la théorie et des calculs du professeur Holt a été confirmée d’une manière frappante par les résultats d’une expérience faite par un certain Harlander et déposée comme contre-preuve. Après une extrapolation appropriée, ces calculs arrivent à 1,500,000 lbs pour quinze couches, à la tension exercée à Jackson Hole, et à 1,000,000 lbs pour dix couches, à la charge étalonnée, soit une augmentation de 50 pour cent. Ces résultats sont assez près de la moyenne des calculs du professeur Holt. Ils confirment aussi la critique sévère qu’il a faite du chiffre ridiculement bas de 250,000 lbs auquel est arrivé Hooley et qui s’est trouvé être le sixième seulement de la charge véritable de la joue, dans les conditions qui existaient à Jackson Hole. La corrélation étroite entre les chiffres du professeur Holt et les résultats du test dont il a pris connaissance par la suite confirme à tel point la validité de ces résultats qu’il ne paraît pas nécessaire de s’arrêter à l’objection que le test a été fait à une échelle réduite et avec une joue rigide et un tambour court. Il suffit de dire que le témoignage des professeurs Harlander et Holt établit clairement que cette objection est mal fondée.
Cependant, il y a lieu de commenter davantage le chiffre extrêmement élevé de 3,700,000 lbs que Brown, l’expert en treuils, a donné, et le chiffre encore plus élevé auquel aboutit la formule de Ward. On a énergiquement prétendu que le témoignage de ces témoins était sans valeur parce que si leurs calculs quant à la forte pression sur la joue et au faible effort que pouvait supporter la soudure du tambour avaient été exacts, le treuil se serait brisé au premier câble, et non au troisième. Ce raisonnement n’est pas scientifique car il ne tient pas compte de l’effet du cœfficient de sécurité dans la construction du treuil et de la limite d’élasticité lorsque le treuil en marche est assujetti à un effort extrême auquel s’ajoutent les variations de température. Le professeur Holt a dit:
[TRADUCTION] Je crois que M. Brown, par exemple, fabrique et conçoit des treuils et qu’il les voit en
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fonction de leur construction. S’il se sert de son analyse, il s’ensuivra que ses treuils excéderont les normes requises; ils donneront un bon service et dureront très longtemps; il y met plus de métal que nécessaire, mais ce sont des machines d’un rendement sûr et satisfaisant; lourdes, mais fiables.
Les remarques précédentes ont été prononcées au cours d’une discussion sur le cœfficient approprié de frottement. Quelques-uns des chiffres élevés relatifs à la charge sur les joues ont été obtenus au moyen de formules qui ne tenaient pas compte du frottement. Évidemment, une surestimation de la charge en est résultée. Par contre, Hooley a supposé un cœfficient de frottement de 1.0 qui, de façon aussi manifeste, a eu pour effet de sous‑estimer cette charge. Interrogé là-dessus au cours du contre-interrogatoire, il a répondu que ses calculs étaient basés sur son expérience. On n’a apparemment pas saisi que cela signifiait qu’ils ne s’appuyaient sur rien, car l’expérience de Hooley se rattachait à la construction et non à la mécanique.
Vers la fin du procès, au cours du contre-interrogatoire de Harlander, le juge de première instance a dit:
[TRADUCTION] La preuve importante apportée en réplique, c’est-à-dire en contre‑preuve, est cette partie de la preuve qui, à mon avis, porte sur la mesure dans laquelle l’accident est attribuable, s’il y est attribuable, à la compression, et je reconnais que cette preuve concorde presque totalement avec la théorie du professeur Hooley et qu’elle l’appuie.
Vu cette remarque, il paraît souhaitable de commenter davantage le témoignage de Hooley. En résumé, selon sa théorie la rupture du tambour est due à la rigidité insuffisante du cylindre, qu’il a qualifiée de marginale. Il a signalé que la force de compression du câble enroulé sous tension sur le cylindre exerce un effort sur la soudure entre le cylindre et la joue en plus de l’effort résultant de la poussée axiale des couches de câble qui le recouvrent et de l’effort de torsion dû au couple appliqué par l’intermédiaire des engrenages pour tirer le câble en faisant tourner le tambour. Comme nous l’avons vu, il a sous-estimé la charge sur la joue et prétendu qu’elle était en réalité plus faible avec quinze couches à la tension appliquée à Jackson Hole qu’avec neuf ou
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dix couches, à la tension étalonnée. Le résultat du test a effectivement réfuté cette théorie en établissant que la poussée axiale sur la joue, à Jackson Hole, était six fois plus grande que celle qu’il avait calculée. Cependant, le test comprenait aussi le calcul de la force de compression sur le tambour et ce calcul a bien établi que la force de compression atteignait son maximum à neuf couches et qu’elle n’augmentait pas pour quinze couches. Apparemment, on a considéré que ce résultat confirmait la théorie de Hooley quand, en fait, il n’en confirmait qu’un seul facteur et n’établissait aucunement l’exactitude des autres. D’abord, il n’a pas prouvé que cette force de compression causait un effort aussi grand que celui que Hooley a calculé. Mais même là, le fait que l’effort provenant de la force de compression n’a pas été accru n’a pas réduit l’effet de l’augmentation de la poussée axiale et de la charge du couple. Si la soudure était déjà surchargée du fait de la force de compression, il était d’autant plus imprudent de la charger davantage en augmentant substantiellement les efforts dus à la charge sur la joue et au couple.
A l’audition devant cette Cour, on a beaucoup insisté sur le fait qu’un témoin de la demanderesse, un nommé Barlow, a estimé la poussée axiale totale sur la joue, dans les conditions qui existaient à Jackson Hole, à seulement 208,900 lbs, soit un peu moins que les 250,000 lbs calculées par Hooley. Ce calcul était accompagné de la remarque suivante:
[TRADUCTION] Bien que ce chiffre soit basé sur de nombreuses hypothèses, il donne au moins une idée de l’ampleur de la force.
Il est difficile de comprendre pourquoi la demanderesse a ainsi affaibli sa preuve en demandant à un ingénieur en construction de présenter des chiffres qui s’écartent tellement de ceux fournis par les experts en treuils Brown et Ward, deux ingénieurs mécaniciens. Cette attitude explique peut-être pourquoi, à la fin du procès, après un long ajournement au cours duquel le test a été effectué, le juge de première instance est demeuré perplexe même après avoir admis en contre-preuve les résultats du test. Cependant, je dois dire respectueusement qu’il ne s’est pas ren-
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du compte à quel point le témoignage du professeur Holt et les résultats du test réfutaient d’une manière concluante la théorie de Hooley.
Dans sa plaidoirie, l’avocat de McLellan & Co. s’est appuyé sur la réponse de Hooley à la question suivante qui lui fut posée en contre-interrogatoire:
[TRADUCTION]
Q. En d’autres mots, je vous pose ainsi la question: dites-vous que vous n’avez pas attaché la même importance à toutes les indications du manufacturier?
R. Je vais essayer de m’exprimer autrement: lorsque je lis 3,000 pieds, ce chiffre ne m’indique pas, à moins de faire des calculs, la proportion du tambour occupée par le câble, mais en consultant les caractéristiques, je vois qu’il peut contenir 0510 tours, ce qui correspond environ aux deux tiers du tambour. Je peux trouver ces chiffres dans les caractéristiques mêmes et je conclus que s’il peut supporter 180 kips lorsqu’il est chargé aux deux tiers, il peut certainement supporter 40 kips lorsqu’il est chargé jusqu’au bord. Voilà mon raisonnement.
Les caractéristiques sont les suivantes;
Charge de travail normale 44,000 lbs. Les pièces du treuil ne céderont pas sous une charge soudaine accidentelle de moins de 90 tonnes, soit le point de rupture d’un câble de 1⅜″. Capacité 3,000′ — câble de 1⅜″.
On remarquera que les 180 kips (90 tonnes) ne représentent qu’une charge soudaine accidentelle, mais que le treuil supportera (charge de travail normale) 44 kips avec 3,000 pieds de câble de 1⅜″. Le raisonnement qui ne fait pas de distinction entre la charge soudaine accidentelle et la charge de travail contraste étrangement avec l’analyse soignée du professeur Holt et il ne fait pas honneur à un homme qui occupe un poste de responsabilité.
Il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle l’impression créée par l’attitude d’un témoin à la barre peut servir de critère dans l’appréciation de la preuve. Après une analyse exhaustive, j’en arrive à la conclusion qu’une preuve nettement prépondérante démontre que la rupture du treuil est attribuable à la négligence de McLellan & Co.
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L’appel devarit être accueilli quant à l’intimée Robert McLellan & Co. Ltd., avec dépens en toutes les cours et le dossier renvoyé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique pour l’évaluation des dommages. L’intimée Wrights’ Canadian Ropes Ltd. a droit à ses dépens en cette Cour sur l’appel principal, mais vu les circonstances, je suis d’avis de rejeter son appel incident sans dépens.
Appel accueilli avec dépens.
Procureurs de la demanderesse, appelante: Davis & Company, Vancouver.
Procureurs de la défenderesse, intimée McLellan: Harper, Grey, Easton & Company, Vancouver.
Procureurs de la défenderesse, intimée Wrights’: McMaster, Bray, Moir, Cameron & Jasich, Vancouver.