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31/01/1973 | CANADA | N°[1973]_R.C.S._466

Canada | Russo c. Field, [1973] R.C.S. 466 (31 janvier 1973)


Cour suprême du Canada

Russo c. Field, [1973] R.C.S. 466

Date: 1973-01-31

Mario Russo et AIdo Russo (Demandeurs) Appelants;

et

Henry Field, Ann Field et Menat Construction Limited (Défendeurs) Intimés.

1972: le 8 novembre; 1973: le 31 janvier.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEJL DE L’ONTARIO.

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario[1], infirmant un jugement du Juge Fraser. Appel accueilli.

G.J. Smith, pour les demandeurs, appelants.

S. B

orins, pour les défendeurs, intimés, Henry et Ann Field.

G.D. Watson, pour la défenderesse, intimée, Menat Construction Ltd.

...

Cour suprême du Canada

Russo c. Field, [1973] R.C.S. 466

Date: 1973-01-31

Mario Russo et AIdo Russo (Demandeurs) Appelants;

et

Henry Field, Ann Field et Menat Construction Limited (Défendeurs) Intimés.

1972: le 8 novembre; 1973: le 31 janvier.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEJL DE L’ONTARIO.

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario[1], infirmant un jugement du Juge Fraser. Appel accueilli.

G.J. Smith, pour les demandeurs, appelants.

S. Borins, pour les défendeurs, intimés, Henry et Ann Field.

G.D. Watson, pour la défenderesse, intimée, Menat Construction Ltd.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE SPENCE — Le présent appel est à rencontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario rendu le 8 mai 1970 et accueillant, par une décision majoritaire, l’appel d’un jugement rendu par le Juge Fraser le 17 mars 1969.

[Page 468]

Le savant juge de première instance avait accordé une injonction empêchant l’intimée Ann Field d’exploiter l’entreprise qu’elle possédait au 664 de l’Avenue Finch Est, dans la municipalité du Toronto Métropolitain:

[TRADUCTION] d’exploiter l’entreprise qu’elle possède au 664 de l’Avenue Finch Est, dans la municipalité du Toronto Métropolitain, dont l’activité consiste à mesurer, ajuster, peigner, arranger, vendre ou entretenir en bon état des perruques, postiches, toupets, ou tous autres genres de cheveux postiches et tous articles ou préparations nécessaires à leur entretien.

Le savant juge de première instance avait également accordé aux demandeurs la somme de $2,000 en dommages-intérêts à rencontre des intimées Ann Field et la société Menat Construction Limited. L’action a été rejetée à rencontre de l’intimé Henry Field sans dépens, et il n’y a pas eu d’appel de ce dernier arrêt.

La société intimée Menat Construction Limited avait construit à l’angle des avenues Bayview et Finch Est dans la municipalité du Toronto Métropolitain un centre commercial comprenant un vaste magasin qui pouvait être utilisé par un supermarché ainsi que neuf autres magasins, et elle avait entrepris d’aménager l’endroit en un petit centre commercial connu sous le nom de Bayview Woods Plaza. Un bail a été accordé le 9 septembre 1966 à la Sunnybrook Food Markets (Keele) Limited pour l’utilisation du vaste magasin comme supermarché, et un autre bail a été accordé le 29 septembre 1966 à la Baywood Pharmacy Limited pour l’un des autres magasins, où elle se proposait d’installer une pharmacie. Le troisième bail accordé relativement au centre commercial, l’a été aux demandeurs Mario Russo et Aldo Russo. Les locataires avaient présenté une proposition de bail datée du 16 août 1965, proposition qui a été acceptée à une date non précisée par la société intimée Menat Construction Limited. La proposition de bail a été ultérieurement modifiée à la suite d’une entente intervenue entre les parties le 16 août 1966, après quoi le bail a été signé le 30 septembre 1966 par la Menat Construction Limited en tant que bailleresse et par les demandeurs en tant que locataires. Ce bail, qui porte

[Page 469]

sur les lieux désignés dans l’annexe jointe, c’est-à-dire le magasin situé au numéro municipal 660 de l’avenue Finch Est, contenait les dispositions suivantes, qui sont en jeu dans le présent appel:

[TRADUCTION] 6. LE LOCATAIRE S’ENGAGE ET CONVIENT AVEC LE PROPRIÉTAIRE CE QUI SUIT:

(1) Les lieux cédés à bail ne doivent être utilisés à aucune autre fin que celle de salon de coiffure et de beauté.

Et sans limiter de quelque manière la généralité des dispositions du présent paragraphe, le locataire s’engage formellement à ne pas exercer, ni directement ni indirectement, le commerce d’épicier ou de détaillant en viande, fruits, légumes, poisson, volaille ou charcuterie fine ou tout commerce dans lequel les produits habituellement vendus par des épiciers ou par des détaillants en viande, fruits ou légumes, ou des détaillants en volaille, poisson ou charcuterie fine sont offerts à la vente ou sont vendus, sur une partie quelconque des lieux cédés à bail, et à ne pas exploiter l’une quelconque des entreprises suivantes:

(i) Un magasin exploité principalement en vue de vendre des marchandises d’occasion, des articles provenant de surplus de guerre, des stocks d’objets récupérés par les compagnies d’assurance à la suite d’un sauvetage ou à la suite d’un incendie, ou exploité essentiellement comme magasin de vente au rabais,

(ii) Une vente aux enchères,

(iii) Une maison de prêt sur gage.

(iv) Toute entreprise qui par le fait des méthodes de commercialisation qu’elle serait susceptible d’employer, tendrait à nuire au caractère propre du centre commercial.

11…

Le propriétaire et le locataire étant l’un et l’autre d’accord pour que les magasins situés dans le centre commercial, dont font partie les lieux cédés à bail, ne se fassent pas concurrence, le propriétaire convient par les présentes de ne tolérer ni permettre, à aucun moment pendant la durée de ce bail ou tout renouvellement de celui-ci, que l’un quelconque des autres magasins du centre commercial exploite une entreprise de salon de coiffure et de beauté.

Les demandeurs ont commencé à exploiter leur entreprise en février 1967, et ils ont déclaré qu’il l’avait exploitée conformément à la marche normale d’une telle entreprise dans le Toronto

[Page 470]

Métropolitain. Au mois de mai 1967, ou vers cette époque, l’intimé Henry Field a entamé avec les fonctionnaires de la société intimée Menat Construction Limited des négociations, qui ont abouti à la location du local contigu à ceux que les demandeurs occupaient. Quelque temps auparavant, les demandeurs avaient fait connaître qu’ils étaient intéressés à louer ce magasin en plus de celui qu’ils louaient déjà, mais ils avaient décidé ensuite de ne pas donner suite à leur projet d’agrandissement. L’intimé Henry Field, au cours d’un entretien avec l’un des deux demandeurs, et la preuve ne précise pas avec lequel, a indiqué qu’il avait l’intention de louer les lieux pour y exploiter une entreprise de fabrication, de vente, en gros et en détail, et d’entretien de perruques. On retrouve les variations habituelles dans la preuve quant à la réponse des demandeurs, mais ceux-ci prétendent qu’ils ont précisé qu’ils faisaient également le commerce de perruques et qu’ils s’opposaient à cette concurrence. Je mentionnerai ci-après les conclusions du juge de première instance quant à la crédibilité.

L’intimée Ann Field a bien signé un bail concernant les lieux attenants; ce bail a été présenté au procès.

Le bail accordé à la Sunnybrook Food Market ainsi que le bail accordé à la Baywood Pharmacy contenaient tous les deux la contrepartie exacte des clauses du bail des demandeurs que j’ai citées ci-dessus, avec les modifications appropriées aux commerces déterminés que les locataires se proposaient d’exercer. D’autre part, le bail de l’intimée Ann Field, au par. 6, énonce ce qui suit:

[TRADUCTION] 6. LE LOCATAIRE S’ENGAGE ET CONVIENT AVEC LE PROPRIÉTAIRE CE QUI SUIT:

(1) Les lieux cédés à bail ne doivent être utilisés à aucune autre fin que celle de fabriquer des perruques et de vendre au détail des perruques et des articles connexes.

Et sous forme manuscrite, à l’encre, ont été ajoutés les mots suivants: «et l’entretien de perruques».

Le reste de la clause ne faisait que répéter les termes que j’ai déjà cités.

[Page 471]

Quant au paragraphe 11, au lieu du libellé figurant dans le bail des demandeurs que j’ai cité ci-dessus, il contenait les termes suivants:

[TRADUCTION] Le propriétaire s’engage et convient par les présentes à ne tolérer ni permettre, à aucun moment pendant la durée de ce bail ou tout renouvellement de celui‑ci, que l’un quelconque des autres magasins du centre commercial ait comme entreprise principale la fabrication et la vente au détail de perruques.

Et ici également on été ajoutés, sous forme manuscrite, à l’encre, les mots suivants: «et l’entretien de perruques».

Il convient de noter ici que seule l’intimée Ann Field a signé le bail bien qu’il semblerait, et c’est la conclusion du juge de première instance, que les intimés Ann Field et Henry Field étaient associés à part égale et la preuve indique très clairement que c’est l’intimé Henry Field qui effectuait toutes les négociations commerciales.

La différence entre les baux accordés aux demandeurs et aux autres locataires du centre commercial, d’une part, et celui qui a été accordé à l’intimée Ann Field, d’autre part, est tout à fait évidente. Pour ce qui est de la clause 6, dans l’un et l’autre cas, les locataires s’engagent à exercer une entreprise donnée. Dans le cas du demandeur, il s’agit d’un salon de coiffure et de beauté, et dans celui de l’intimée Ann Field, de la fabrication, de la vente au détail et de l’entretien de perruques. Cependant, la clause 11, telle qu’elle figure dans le bail des demandeurs et dans celui des autres locataires, précise l’intention commune du propriétaire et du locataire que les magasins du centre commercial ne se fassent pas concurrence. Cette déclaration apparaît sur une page imprimée et seuls les mots «un salon de coiffure et de beauté» ont été tapés à la machine. Par contre, la page 11 du bail de l’intimée Ann Field est entièrement dactylographiée. La clause que j’ai citée ci-dessus ne contient aucune déclaration d’intention et elle n’est simplement qu’une convention par laquelle le propriétaire s’engage à ne pas permettre aux autres magasins d’avoir comme «entreprise principale la fabrication et la vente au détail de perruques et l’entretien de perruques». (C’est moi qui souligne.)

[Page 472]

Il ressort du témoignage fourni par l’intimée Ann Field qu’elle n’a pas engagé les services d’un procureur dans cette opération et qu’elle n’a effectué aucune recherche au Bureau des titres de Biens-fonds, le bien étant enregistré en vertu de ce régime, ni ne s’est renseignée sur la protection dont jouissaient les autres magasins du centre commercial, en particulier celui de son voisin, le demandeur, par l’effet des clauses figurant sur leurs baux. On a examiné au cours du procès cette variation intéressante dans la formulation des conventions que l’on retrouve d’une part dans le bail des demandeurs et des précédents locataires, et d’autre part dans le bail accordé à l’intimée Ann Field. Nathan Arback qui témoignait au nom de la société intimée Menat Construction Limited, dont il était le président, a donné une réponse plutôt vague. Prié d’expliquer cette variation, il a simplement affirmé que l’offre de bail avait été confiée au procureur avec toutes les directives nécessaires, et qu’il appartenait au procureur de choisir la formulation qui a été employée. Le témoignage de l’intimé Henry Field a cependant été plus instructif. Il ressort de ce témoignage qu’Henry Field s’était rendu compte que les frères Russo pouvaient très bien ajouter à leur entreprise de coiffure la vente au détail et l’entretien de perruques. Je traiterai ci-après de la raison pour laquelle cette conclusion s’imposait. Henry Field redoutait par conséquent de voir les frères Russo faire de cette partie de leur entreprise la partie principale, et il fit part de cette crainte à MM. Arback et Strul, fonctionnaires de la société intimée Menat Construction Limited. Poursuivant son témoignage, il a déclaré:

[TRADUCTION] Et MM. Arback et Strul nous ont assurés que cela ne pouvait pas se réaliser vu que le bail qu’ils accordaient avait uniquement pour objet l’exploitation d’une entreprise de coiffure, et non la vente de perruques, et qu’une clause serait insérée dans le bail afin de nous protéger en ce sens. Et c’est ce qu’il a fait.

Et il a encore déclaré:

[TRADUCTION] Je ne voulais pas qu’elle (l’entreprise des Russo) s’agrandisse de façon à devenir une entreprise complètement concurrentielle, et pour ce motif

[Page 473]

je n’ai pas voulu que ma femme signe le bail avant que nous soyons assurés que nous pouvions nous lancer dans cette affaire en toute sécurité.

La clause que je viens de citer et qui figure au paragraphe 11 du bail des intimés a finalement été insérée. Mais cela n’explique toujours pas l’omission de la déclaration d’intention visant à empêcher que les magasins situés dans le centre commercial se fassent concurrence. Ainsi que je l’ai déjà déclaré, M. Arback, dans son témoignage, n’a donné absolument aucune explication sur cette omission, et cette absence d’explication devrait être examinée concurremment avec la conclusion du juge de première instance sur la crédibilité.

Cependant, M. Arback, en réponse à la question directe «votre intention était-elle qu’il n’y eût aucune concurrence dans la Plaza?» a répondu «non».

Les intimés ont occupé les lieux et lancé leur entreprise en juin 1967. Mais presque immédiatement après, les demandeurs se sont opposés énergiquement à la location à l’intimée Ann Field des locaux voisins ainsi qu’à l’entreprise qu’elle y exploitait avec l’intimé Henry Field, aux motifs que cette entreprise était en concurrence avec leur propre entreprise et que le bail des intimés constituait une violation des engagements que le propriétaire avait formulés dans leur propre bail, celui des demandeurs. Le procureur des demandeurs a essayé de produire au procès une lettre qu’il avait adressée au procureur des intimés, datée du 25 avril 1967, donc avant la date du bail accordé à l’intimée Ann Field et, certainement avant l’occupation des lieux par ladite intimée. Le procureur des demandeurs n’ayant pas réussi à prouver comme il se doit que la lettre avait bien été livrée, le savant juge de première instance a décidé avec raison que cette preuve était inadmissible, et de ce fait, nous ignorons sa teneur. Le bref en l’instance a été délivré le 23 juin 1967, et la déclaration des demandeurs mentionne comme suit la réparation que ceux-ci désiraient:

[Page 474]

[TRADUCTION] 14. Les demandeurs réclament par conséquent:

(a) Une injonction empêchant les intimés Ann Field et Henry Field, leurs préposés et agents, d’exploiter l’entreprise dont l’activité consiste à mesurer, ajuster, peigner, arranger et vendre des perruques et des toupets sur les terrains et lieux situés dans le Borough de North York, lesquels se composent d’une partie du Bloc «B», Plan M-1000, dans le Borough de North York, déposé au Bureau des titres de Biens-fonds à Toronto, que l’on désigne comme étant la partie 2 sur le Plan de renvoi déposé au Bureau des titres de Biens-fonds sous le numéro R2694;

(b) Une injonction empêchant les intimés Ann Field et Henry Field, leurs préposés et agents, d’exploiter toute entreprise entrant en conflit ou en concurrence avec l’activité que les demandeurs exercent sur lesdits lieux;

(c) Des dommages-intérêts contre les intimés Ann Field et Henry Field au montant de $10,000;

(d) Des dommages-intérêts contre la société intimée Menat Construction Limited au montant de $10,000;

(e) Tout autre redressement supplémentaire que cette honorable Cour estime juste.

15. Les demandeurs proposent que la présente action ait lieu dans la ville de Toronto, dans le comté de York.

Il convient de noter que si, dans cette action, les dommages-intérêts sont demandés d’une part contre les deux intimés Field, et d’autre part contre la société intimée Menat Construction Limited, l’injonction n’est demandée que contre les intimés Field et non contre la Menat Construction Limited. En ce qui concerne cette dernière, la Menat Construction Limited, l’action et le présent appel ont simplement pour objet de déterminer si le fait qu’elle ait accordé le bail à l’intimée Ann Field constitue une violation de la convention contenue dans le bail accordé aux demandeurs, et dans l’affirmative, à évaluer les dommages découlant de cette violation de contrat. L’action contre les intimés Henry Field et Ann Field a pour objet de déterminer, en plus de cette question, si lesdits intimés avaient été avisés des clauses contenues

[Page 475]

dans le bail des demandeurs. Le savant juge de première instance, dans un jugement très soigneusement motivé, a conclu sur la crédibilité et a déclaré:

[TRADUCTION] Étant donné que les conclusions qui précèdent ainsi que quelques autres qui suivront se fondent sur des témoignages contradictoires, il est souhaitable que j’expose de manière très précise mon opinion sur la crédibilité des principaux témoins. J’ai observé soigneusement Arback au banc des témoins, et j’ai également examiné son témoignage à la lumière des autres circonstances révélées par la preuve, et j’ai enfin eu à examiner sa conduite dans toute l’affaire. A la suite de cela, j’ai la conviction qu’en ce qui concerne l’opération en litige, Arback ne s’est pas révélé comme un témoin digne de foi ni comme un homme d’affaires honnête. Quels que puissent être les droits en droit des parties, je suis convaincu, d’après les faits, que les procédés intentionnellement peu honnêtes de Arback et de son associé Strul, en tant que représentants de la Menat Construction Limited, ont entraîné les autres parties dans leurs difficultés présentes. En ce qui concerne les Field, je suis d’avis qu’il s’agit de gens normalement honnêtes et, dans d’autres circonstances, je serais disposé à accepter leurs témoignages. Cependant, s’ils ne réussissent pas à obtenir gain de cause dans la présente action, ils se trouveront dans une position très malheureuse qui les obligera à abandonner leur entreprise. Ils ne sont plus très jeunes et M. Field ne semble pas jouir d’une bonne santé. Ils étaient très conscients de tous ces faits, ce qui a considérablement influé sur leur témoignage et surtout sur les preuves qu’ils ont présentées quant à l’importance de leur prétendue activité manufacturière. Je suis convaincu que les Field n’étaient vraiment pas des fabricants. Les demandeurs m’ont donné l’impression d’être des gens honnêtes. Je crois que leur témoignage est en grande partie exact, et lorsqu’il y a contradiction, je préfère accepter le témoignage des demandeurs plutôt que celui des intimés.

Le savant juge de première instance a encore déclaré:

[TRADUCTION] Je ne peux, d’après la preuve au dossier, conclure qu’ils avaient effectivement connaissance des clauses du bail des Russo. D’après leur témoignage, que j’admets, ils n’ont effectué aucune recherche avant de signer le bail, et ils n’ont pas retenu les services d’un procureur. Il est surprenant de constater, quand ils savaient que leur bail s’accompagnait de certaines restrictions quant à l’usage des

[Page 476]

lieux et également quant aux baux accordés à d’autres locataires du centre commercial, qu’ils ne se soient pas renseignés sur les droits que les demandeurs pouvaient posséder. Je suis également convaincu, d’après la preuve, qu’aussitôt qu’ils ont appris que l’on se proposait d’utiliser les locaux voisins des leurs pour la vente et l’entretien de perruques, les demandeurs ont protesté auprès de la Menat.

Si l’on considère la preuve que j’ai mentionnée et que je rappellerai ci-après, et si l’on considère la conclusion du savant juge de première instance sur la crédibilité, que j’ai déjà citée, et qui, dans ses motifs, venait immédiatement après la conclusion que je viens d’exposer, on ne peut contester que cette conclusion quant à l’absence de connaissance effective est, à tout le moins, la meilleure interprétation des réclamations formulées par Ann Field et Henry Field.

Le savant juge de première instance n’a pas évoqué la question de la connaissance censée acquise et sa conclusion relative à la connaissance effective ne tient pas compte de la question de l’avis résultant d’une loi, dont nous allons traiter ci-après.

Les éminents auteurs Megarry et Wade, dans la 3e édition de l’ouvrage Law of Real Property, ont traité de la connaissance censée acquise dans les termes suivants qui, à mon avis, s’appliquent également à la connaissance censée acquise de conventions contenues dans un bail:

[TRADUCTION] Les droits en equity auraient été vraiment peu sûrs si l’on avait rendu facile pour les acheteurs d’acquérir la propriété légale sans renseignement, par exemple en ne posant pas de question. La Court of Chancery a, en conséquence, exigé que les acheteurs s’informent des droits en equity avec une diligence aussi grande que dans le cas de droits légaux, droits qu’ils ne pourraient ignorer qu’à leurs propres dépens.

Les auteurs étaient d’avis qu’un acheteur était, en conséquence, censé avoir connaissance d’un fait si, notamment, il s’était délibérément abstenu de prendre des renseignements dans le but de ne pas avoir une connaissance effective de ce fait.

[Page 477]

Vu la preuve produite en la présente affaire, j’aurais été disposé, au besoin, à conclure que les intimés Henry Field et Ann Field étaient censés connaître les restrictions empêchant le propriétaire de leur louer des locaux dans lesquels ils pouvaient exploiter une entreprise entrant en concurrence avec celle des demandeurs. Cependant, étant donné la situation que j’expose ci-après, cette conclusion ne s’impose pas.

La Bayview Woods Plaza a été enregistrée au Bureau des titres de Biens-fonds comme parcelle B.2, dans la section M-1000, et un résumé authentique des titres de cette parcelle a été présenté au procès. Sur ce résumé figuraient notamment les mentions suivantes:

[TRADUCTION] A208892 — Avis d’un bail entre la Menat Construction Limited, bailleresse, et la Sunnybrook Food Markets (Keele) Limited, locataire.

A210093 — Avis d’un bail entre la Menat Construction Limited, bailleresse, et la Baywood Pharmacy Limited, locataire.

Les conventions relatives à ces deux baux sont mentionnées ci-dessus.

A211416 — Avis d’un bail daté du 30 septembre 1966 entre la Menat Construction Limited, bailleresse, et Mario Russo et Aldo Russo, locataires.

Cet avis, qui constitue un avis d’un bail consenti aux demandeurs au présent appel, a été enregistré le 2 mars 1967.

Ainsi que je l’ai dit, le bail accordé à la défenderesse Ann Field était daté du 18 mai 1967. Le résumé des titres de la parcelle ne contient aucun avis de ce bail. L’enregistrement des avis de bail, dont celui des demandeurs, a été effectué en vertu des dispositions de la loi dite Land Titles Act, à cette époque R.S.O. 1960, chapitre 204, modifié. L’article 77 de cette loi énonce:

[TRADUCTION] 77. Nul, en dehors des parties intéressées, n’est censé avoir une connaissance quelconque du contenu d’un acte, outre celui qui est indiqué sur le registre existant du titre de la parcelle de terrain, ou qui a été dûment inscrit sur les registres tenus par le Bureau aux fins d’enregistrer les actes reçus, ou qui est en voie d’enregistrement.

[Page 478]

Et l’article 109 de la même loi énonce, en partie:

[TRADUCTION] 109. (1) Un locataire ou toute autre personne ayant un titre légitime ou un intérêt dans un bail ou contrat en vue d’une cession à bail d’un bien-fonds enregistré peut s’adresser au master ou contrôleur des titres compétent afin de faire enregistrer l’avis de bail ou de contrat de la manière prescrite. Statuts de l’Ontario, 1966, c. 77, art. 21.

(2) Lorsque le bailleur est le propriétaire inscrit du terrain, le master ou contrôleur des titres compétent peut, sans avis au propriétaire, porter sur le register avis d’un tel bail, s’il le juge nécessaire.

(3)…

(4) Le requérant doit remettre au master ou contrôleur des titres compétent le bail ou contrat original ou une copie de celui-ci et, si la demande est accordée, le master ou contrôleur des titres compétent porte une annotation sur le registre constatant le bail ou le contrat, et ce bail ou contrat ou une copie ainsi déposée, est réputé être l’acte dont avis est donné.

(5)…

(6) Lorsqu’un avis de bail ou de contrat en vue d’une cession à bail est enregistré, tout propriétaire inscrit du terrain, et toute personne possédant un titre par lui, à l’exception des détenteurs de charges enregistrées avant l’enregistrement de cet avis, sont réputés être touchés par l’avis de bail ou de contrat, ce bail ou contrat étant considéré comme une charge grevant le bien-fonds à l’égard duquel l’avis est enregistré.

Un grand nombre d’arguments ont été formulés devant cette Cour pour démontrer que l’avis de bail figurant sur le résumé des titres de la parcelle n’était pas pour l’intimée Ann Field un avis conforme au par. 6 de l’art. 109 pour les deux motifs suivants: (1) Le bail des demandeurs ne portait pas sur le bien qui était cédé à bail à l’intimée Ann Field. Cela est vrai, bien sûr, il portait sur le magasin voisin, mais les baux portaient sur des parties de la même parcelle B.2, et avis de ceux-ci était donné sur le résumé des titres de cette parcelle. Un avis de ce bail n’aurait pu être obtenu autrement qu’en se référant au résumé concernant la parcelle B.2. (2) On a allégué que l’avis en question ne constituait qu’un simple avis de bail et non un avis sur les clauses de ce bail, et que si l’intimée Ann Field avait fait faire des recherches sur le

[Page 479]

résumé, elle n’aurait guère attaché d’importance au fait qu’une autre partie de cette parcelle avait été cédée à bail aux demandeurs. Naturellement, elle connaissait déjà ce fait. Elle avait vu les demandeurs occuper cette autre partie. Il s’agit certainement d’une interprétation assez exceptionnelle des termes «est réputée être touchée par l’avis de bail ou de contrat, ce bail ou contrat étant considéré comme une charge grevant le bien-fonds à l’égard duquel l’avis est enregistré».

Un avis de bail est tout à fait inutile s’il n’est pas également un avis indiquant les clauses dudit bail, et pour que cet avis puisse être accepté par le master ou contrôleur des titres, la personne demandant l’enregistrement de l’avis doit déposer un exemplaire du bail visé par l’avis. Si la copie du bail des demandeurs, qui a été produite au procès et qui a été versée comme pièce à l’appui, était une copie originale validée, la copie des baux accordés à la Sunnybrook Food Market (Keele) Limited et à la Baywood Pharmacy constituaient des copies authentiques certifiées conformes par le master ou contrôleur des titres. Par ailleurs, celui-ci disposait d’un document semblable, c’est-à-dire d’une copie du bail accordé aux demandeurs, et quiconque voulait en connaître les clauses pouvait la consulter.

Tenant compte de ces faits, le savant juge de première instance a décidé que l’intimée Ann Field, au moment où le bail lui a été accordé, avait une connaissance censée acquise, selon ses termes, des dispositions du bail accordé aux Russo. Le savant juge de première instance a parlé de connaisance «censée acquise», mais, à mon avis, il serait plus exact de parler d’«avis effectif» résultant de la loi.

Le Juge d’appel MacKay, dans sa dissidence en Cour d’appel de l’Ontario, a déclaré:

[TRADUCTION] Je suis d’avis qu’un tel enregistrement et dépôt constitue, aux termes de la Loi, un avis à toutes les personnes qui par la suite acquerront un titre ou un intérêt dans les terrains de la Menat, du bail accordé aux demandeurs et des clauses de celui‑ci. Telle semble être la signification évidente des

[Page 480]

dispositions légales et conclure autrement rendrait l’obligation de déposer une copie du bail une formalité inutile et sans objet.

Traitant les effets d’un tel enregistrement, le Juge d’appel Evans, bien qu’il ait été d’accord avec le Juge d’appel Laskin pour estimer qu’il n’y avait pas eu violation, a déclaré:

[TRADUCTION] Conclure autrement reviendrait à dire que les locataires qui enregistrent leurs intérêts à bail de la seule manière prévue par le Land Titles Act se trouveraient sans protection dans des conditions semblables. On doit espérer que le législateur donnera plus de précisions sur les conséquences résultant de l’enregistrement d’un avis de bail.

Le Juge d’appel Laskin, dans le jugement qu’il a donné au nom de la Cour d’appel de l’Ontario, a déclaré:

[TRADUCTION] Étant donné la conclusion à laquelle je suis parvenu (telle qu’elle est exposée ci-dessous), suivant laquelle il n’y a pas eu violation des clauses restrictives de la convention, je n’ai pas besoin de m’étendre davantage sur la question des titres de biens-fonds…

Je tiens cependant à souligner encore une fois que je ne statue pas sur la question de savoir si, dans le cas d’un bail contenant une convention restrictive, seul l’article 122 doit s’appliquer, avec toutes les restrictions qu’il peut comporter, ou si une telle convention peut être notée sur le registre autrement que suivant l’article 122.

Étant parvenu à la conclusion qu’il y a bien eu violation des clauses restrictives de la convention, il me faut établir si oui ou non l’intimée Ann Field a eu connaissance d’une telle convention restrictive par l’enregistrement de l’avis de bail en la manière que j’ai exposée.

Respectueusement, je n’ai aucune peine à souscrire à l’opinion du savant juge de première instance, et à celle des Juges d’appel MacKay et Evans dans leurs motifs exposés en Cour d’appel.

Il faut assurément interpréter la loi dite Land Titles Act de telle sorte que puisse se réaliser l’intention très manifeste de ses dispositions visant à permettre au locataire de protéger son

[Page 481]

intérêt par l’enregistrement de l’avis de bail sur le résumé des titres, et comme le Juge d’appel Laskin l’a dit dans ses commentaires, des considérations d’ordre pratique tendent à indiquer qu’une disposition relative à l’enregistrement d’un avis de bail doit être interprétée comme comportant avis de ses clauses.

Comme le Juge d’appel MacKay l’a souligné, conclure autrement reviendrait à faire de l’obligation relative au dépôt d’une copie du bail auprès du master ou contrôleur des titres une formalité inutile et sans objet. À mon avis, cela irait à rencontre du but même de l’article 109 de la loi dite Land Titles Act. L’art. 122 est, à mon avis, tout à fait pertinent par la manière dont il traite des conditions et restrictions se rattachant aux biens-fonds.

J’ai par conséquent conclu que l’intimée Ann Field avait eu connaissance, par l’effet de l’enregistrement de l’avis sur le résumé des titres fonciers de la parcelle B.2, des clauses du contrat de bail accordé aux demandeurs.

Il reste donc à résoudre la question essentielle, à savoir s’il y a eu violation de la convention contenue dans le bail accordé aux demandeurs. Cette convention, ainsi que je l’ai déjà dit, est expressément contenue dans le bail que j’ai cité, et elle se termine par ces mots «…le propriétaire convient par les présentes de ne tolérer ni permettre à aucun moment pendant la durée de ce bail ou tout renouvellement de celui-ci, que l’un des autres magasins du centre commercial exploite une entreprise de salon de coiffure et de beauté».

De nombreux éléments de preuve ont été présentés au procès relativement à l’exploitation d’un salon de coiffure et de beauté, ainsi qu’à l’exploitation d’un magasin de perruques ou d’une boutique de perruquier, quel que soit le nom donné à ce genre d’entreprise par les demandeurs, les deux intimés, et un certain Garry Tiebar. Ce dernier exerçait les fonctions de représentant de commerce d’une maison de fournitures pour salons de beauté et, à ce titre, il a visité quelque cent cinquante salons de coiffure et de beauté dans le Toronto métropolitain.

[Page 482]

Le savant juge de première instance a accepté le témoignage de Tiebar et s’est considérablement fondé sur lui. Mais, en cour d’appel, il semblerait que le Juge d’appel Laskin ait été peu disposé à accorder une importance particulière à un tel témoignage, déclarant:

[TRADUCTION] Tiebar lui-même ne possède aucune compétence en tant que coiffeur, et tout ce que l’on peut tirer de son témoignage est qu’à titre de fournisseur en gros d’établissements portant le nom de salons de coiffure et de beauté, il a ajouté au genre d’articles dont il s’occupait habituellement des perruques et des toupets, articles qu’il vendait aux mêmes clients qui lui achetaient auparavant la série de produits que ces établissements utilisaient pour les soins des cheveux et du visage.

Considérant très respectueusement cette opinion, je pense néanmoins qu’il convient de retenir le point de vue exprimé par le savant juge de première instance, qui a pris connaissance de toute cette preuve, — le procès a duré sept jours — afin d’évaluer l’importance qu’il attribuerait, pour l’établissement des faits, aux déclarations des divers témoins, et qu’il n’a pas fait erreur en retenant le témoignage d’un homme qui avait fait affaire pendant douze ans avec un très grand nombre d’entreprises de salons de coiffure et de beauté dans le Toronto métropolitain, entreprises qu’il visitait en qualité de représentant de commerce. Il serait certainement difficile de trouver une personne plus qualifiée pour dire quelle était l’activité normale des salons de coiffure et de beauté dans le Toronto métropolitain au cours des années 1966 et 1967. Son témoignage peut se résumer par une seule réponse:

[TRADUCTION] Q. D’après vos douze années d’expérience dans le commerce de produits cosmétiques, estimez-vous que la vente et l’entretien de perruques et de produits capillaires constituent une partie normale ou non normale de l’activité d’un salon de coiffure?

R. C’est une partie normale de l’activité d’un salon de coiffure.

En contre-interrogatoire il a répété cette déclaration, et d’une manière encore plus explicite. Je cite ce témoignage:

[Page 483]

[TRADUCTION] Q. Vous avez donc indiqué que les coiffeurs accomplissent diverses tâches, dont Tune, avez-vous précisé, consiste dans l’entretien de perruques. Maintenant, je vous pose la question suivante, monsieur Tiebar: Il y a dans ce secteur des coiffeurs qui ne s’occupent absolument pas de perruques, êtes-vous d’accord?

R. Les coiffeurs avec lesquels j’ai fait affaire au cours des cinq dernières années s’occupent de perruques, ils connaissent parfaitement ce genre d’articles et pratiquent cette spécialité. Je ne connais aucun coiffeur aujourd’hui, avec lequel je fais affaire, qui ne s’en occupe pas.

Q. Mais vous n’avez pas fait affaire avec tous les coiffeurs?

R. C’est exact.

Q. Bon; il est donc tout à fait possible qu’il y ait quelques coiffeurs qui ne s’occupent pas du tout de perruques?

R. Pas que je sache.

Cette déposition a été faite par un témoin qui, chaque semaine, visitait 150 coiffeurs dans le Toronto métropolitain.

Une déposition dans le même sens a été faite par chacun des deux demandeurs, et, comme le Juge d’appel MacKay le souligne:

[TRADUCTION] C’est peut-être dans le témoignage de Henry Field que l’on trouve l’appui le plus solide à la thèse des demandeurs suivant laquelle la vente et l’entretien des perruques sont à présent reconnus dans le métier comme une activité normale d’un salon de coiffure et de beauté…

Henry Field exerçait le métier de coiffeur depuis quarante-neuf ans. Sa formation professionnelle, reçue en Angleterre, couvrait tous les aspects de la coiffure, aussi bien l’arrangement des cheveux vivants que la confection et la préparation de perruques pour hommes et femmes. Henry Field a indiqué le succès grandissant des perruques dans le domaine des produits cosmétiques ou, comme je préfère l’appeler, dans le domaine de la mode, et il a relaté ses antécédents professionnels depuis son arrivée au Canada en 1951.

Henry Field a d’abord créé une entreprise connue sous le nom de «Justine Beauty Salon», sur la rue Bloor, à Toronto. Peu de temps après, il s’installa plus à l’ouest sur la rue Bloor, et

[Page 484]

exploita une entreprise connue sous le nom de «Nicol Beauty Salon». Il partit ensuite s’installer à Windsor (Ontario), et y exploita un salon de beauté. De là, l’intimé Henry Field se rendit à Charlotte (Caroline du Nord), et là encore, exploita un salon de beauté. Il revint s’installer dans le Toronto métropolitain où une fois encore il entreprit l’exploitation d’un salon de beauté à l’angle de l’avenue Islington et de la rue Dundas. Dans chacune de ces entreprises, l’intimé Henry Field exerça l’activité normale d’un salon de coiffure et de beauté, accomplissant toutes les tâches qui sont habituelles dans ce genre d’entreprise. En raison de son ancienne formation dans la confection et l’entretien des perruques, il était, dans chacune de ces entreprises, celui qui, parmi les membres du personnel, consacrait le plus de son propre temps aux «perruques», et, à mesure que l’entreprise progressait, il a même dans une certaine mesure divisé les locaux de manière que les opérations concernant les perruques se fissent sous le même toit et sous la même direction, mais dans une autre pièce ou, en tout cas, dans une partie de la pièce séparée par une cloison. Le témoignage de l’intimé Henry Field révèle d’abord que l’entreprise de perruques qui ne représentait que dix pour cent de l’ensemble de son entreprise lorsqu’il commença l’exploitation de son premier salon de beauté à Toronto, a pris de l’extension avec la demande croissante de perruques par des femmes soucieuses de la mode, si bien que dans son dernier établissement, avant que sa femme, l’intimée Ann Field, ne prenne à bail les lieux de la Bayview Woods Plaza, le département «perruques» représentait cinquante pour cent de l’ensemble des activités de l’entreprise. L’intimé Henry Field a, par conséquent, décidé d’installer son entreprise dans les locaux de la Bayview Woods Plaza et de cesser d’exercer toutes les autres activités du salon de coiffure et de beauté qu’il avait précédemment exercées dans les magasins que j’ai déjà cités, afin de consacrer tout son temps à la confection, la vente et l’entretien de perruques et d’accessoires. Son propre témoignage montre très clairement que, suivant les termes mêmes du savant juge de première instance:

[Page 485]

[TRADUCTION] Il est évident que la vente et l’entretien de perruques et postiches fait partie intégrante et pour ainsi dire générale des activités d’un établissement de coiffure, et que l’on trouve relativement peu d’entreprises dans le Toronto métropolitain qui se consacrent exclusivement à la vente et à l’entretien de perruques, alors qu’on y trouve un grand nombre de coiffeurs.

La pièce 17 constitue l’une des preuves les plus révélatrices présentées au procès. Malheureusement, cette pièce a été passée sous silence en appel, manifestement parce que les avocats s’entendaient quant à son contenu. La pièce a été produite au cours du contre‑interrogatoire de l’intimé Henry Field qui a reconnu qu’elle représentait une annonce dont il avait autorisé la publication. En voici le texte: [TRADUCTION]

The

Wiggery

TELEPHONE: 222-5545

Un service tout nouveau dans le

TORONTO NORD

SPÉCIAL D’INAUGURATION

VOTRE PERRUQUE NETTOYÉE,

REMISE EN ÉTAT

ET PEIGNÉE

PRIX NORMAL: $8.50 PRIX SPÉCIAL: $6.50

Vaste stock de postiches

faits sur mesure

et importés

Bayview Wood

PLAZA

Commodément située sur l’avenue Finch, entre

l’avenue Bayview et la rue Leslie.

Il convient de noter que les mots «Spécial d’inauguration» sont imprimés en gros caractères et que les mots «Votre perruque nettoyée, remise en état et peignée» figurent en caractères légèrement plus petits; au-dessous, en caractères beaucoup plus petits, sont les mots suivants: «Vaste stock de postiches faits sur mesure et importés». Il ressort du témoignage des deux

[Page 486]

demandeurs et de celui de Tiebar qu’à lui seul ce service, c’est-à-dire le nettoyage, la remise en état et la vente de perruques, constituait une partie importante et de plus en plus importante de leur entreprise, mais cela n’a pas empêché l’intimé Henry Field d’annoncer ce spécial d’inauguration en lançant son entreprise dans les locaux directement attenants à ceux des demandeurs.

Il convient par conséquent d’établir si, dans les circonstances particulières de la présente affaire, la cession à bail des locaux à l’intimée Ann Field et l’exploitation d’une entreprise de perruques dans ces locaux constituaient une violation de la convention contenue dans le bail accordé aux demandeurs, convention dont, d’après mes conclusions citées ci-dessus, l’intimée Ann Field avait eu connaissance par l’effet de l’application de la loi dite Land Titles Act. Je souligne encore une fois toute l’importance que revêtent les circonstances dans la présente affaire. Les lieux occupés par les demandeurs et ceux occupés par l’intimée Ann Field se trouvaient situés dans un petit centre commercial qui n’avait en tout que dix magasins, soit neuf boutiques et un supermarché, et, en fait, ces lieux étaient contigus; et le centre commercial était situé dans une zone résidentielle de la partie nord-est de la banlieue de Toronto. Le propriétaire avait déclaré dans le bail des demandeurs et dans les autres contrats produits. au procès, à l’exception de celui de l’intimée Ann Field, l’intention «du propriétaire et du locataire de faire en sorte que les magasins du centre commercial dont font partie les lieux cédés à bail ne se fassent pas concurrence». Cette déclaration d’intention, faisait partie des clauses du bail des demandeurs dont l’intimée Ann Field, ainsi que je l’ai dit, est censée avoir eu connaissance.

Comme on l’a déjà précisé, des conventions comme celles qui sont en jeu dans la présente action constituent des dispositions qui limitent la liberté du commerce et elles doivent, par conséquent, être interprétées de façon restrictive. Je suis volontiers disposé à reconnaître qu’il s’agit là d’une proposition en droit de

[Page 487]

portée générale et pourtant, je suis d’avis qu’elle doit être envisagée à la lumière des circonstances particulières à chaque cas individuel. Les moyens commerciaux mis en œuvre par un petit centre commercial dans une zone résidentielle de banlieue ne peuvent être efficaces, et c’est dans cette optique qu’ils sont prévus, que si les divers magasins de ce centre ne se font pas concurrence. Étant donné que ce centre commercial est d’intérêt local plutôt que régional, les clients éventuels des divers magasins que l’on projette d’attirer sont des résidents du voisinage. Ils sont, forcément, en nombre limité, et par conséquent le commerce qu’ils apportent au centre commercial est plutôt limité. L’acheteur éventuel attiré par le magasin A de la Plaza peut très bien aller du magasin A au magasin B pour acheter quelques autres produits ou services dont il ou elle a besoin, mais si, dans le même petit centre commercial, le nombre restreint d’acheteurs éventuels dispose de plusieurs fournisseurs du même genre de produits ou services, la demande risque alors de se révéler insuffisante pour occuper plusieurs fournisseurs. Ceux-ci en souffriront et le gérant du centre commercial en souffrira aussi.

Je suis par conséquent d’avis que la règle suivant laquelle il convient dans l’intérêt public d’interpréter de manière restrictive les conventions qui peuvent être considérées comme limitant la liberté du commerce n’a, en l’espèce, guère d’importance.

Je suis d’avis que les dépositions tant du témoin des demandeurs que de l’intimé Henry Field lui-même, ont démontré que si l’entreprise consistant à confectionner et à vendre des perruques a toujours existé, et cela depuis très longtemps, depuis plus d’un siècle probablement, cette entreprise se limitait jusqu’à présent à la confection et à la vente de perruques à des fins thérapeutiques, en bref, pour couvrir des têtes chauves ou difformes, d’hommes ou de femmes. Il s’agissait en tant que telle, d’une entreprise très restreinte et spécialisée, dont les débouchés étaient extrêmement limités. Progressivement, après 1950, et plus rapidement après 1960, et ensuite avec une rapidité crois-

[Page 488]

sante, la confection, la vente et l’entretien des postiches utilisés non plus pour des fins thérapeutiques mais comme parure féminine, sont devenus une caractéristique dominante, si je peux recourir à cette description générale, de l’industrie se spécialisant dans la beauté de la femme. De telle sorte qu’en 1966 et 1967, c’est-à-dire la période qui nous intéresse, cette activité représentait dans l’entreprise d’un salon de coiffure et de beauté une partie de plus en plus importante et lucrative. C’est ce qu’elle représentait dans l’entreprise des demandeurs, de même que dans l’entreprise de l’intimé Henry Field au cours de la période qui a suivi 1951. Les intimés Henry et Ann Field ont pris ce qui m’est apparu comme une partie intégrante d’une entreprise de salon de coiffure et de beauté, et en ont fait leur spécialité, abandonnant le reste des activités habituelles d’un salon de coiffure et de beauté. Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas de la soustraction d’un service dans une entreprise composée de plusieurs services. La vente et l’entretien de perruques, dans le cadre d’une entreprise de salon de coiffure et de beauté, se pratiquait dans tous les autres salons; il ne s’agissait pas vraiment d’un service distinct mais simplement d’une partie de ces services. Bien que l’intimé Henry Field, par suite de son habileté personnelle dans cette branche particulière de l’entreprise d’un salon de coiffure et de beauté, ait consacré une partie de plus en plus grande de son temps à cette activité, et bien qu’il ait dit avoir séparé par une cloison ces deux aspects de son travail dans un de ses salons, cette situation n’est pas celle que l’on rencontre habituellement dans des salons de coiffure et de beauté.

Étant donné ces circonstances, je suis d’avis que des affaires telles que Stuart v. Diplock[2], et Stop and Shop Ltd. v. Independent Builders Limited and Koury[3], ne s’appliquent pas en l’espèce. Il est exact que dans chacune de ces affaires, les conventions interdisaient, comme dans le présent cas, l’exercice d’un certain genre d’entreprise et non la vente de certains produits déterminés, mais dans chacune de ces affaires,

[Page 489]

le prétendu concurrent exploitait une entreprise bien établie et parfaitement distincte malgré que certains des produits que vendait l’entreprise concurrente était du même genre que ceux que vendait l’entreprise que les demandeurs cherchaient à protéger. Ainsi, dans Stuart v. Diplock, le demandeur cherchait à protéger une entreprise de vêtements féminins alors que l’intimé exploitait une entreprise de bonneterie dans laquelle il vendait quatre catégories d’articles que vendait aussi l’entreprise de vêtements féminins, et dans l’affaire Stop and Shop, les demandeurs cherchaient à protéger l’exploitation d’un magasin d’épicerie et de viande alors que l’intimé de bonneterie, comme dans l’affaire Stuart and Diplock, et les boutiques de charcuterie fine, comme dans l’affaire Stop and Shop, étaient, depuis de nombreuses années, des commerces distincts et bien établis, et l’on a conclu que l’on ne pouvait pas limiter leurs activités simplement parce que le magasin de vêtements féminins, dans le premier cas, et l’épicerie et boucherie, dans le second cas, vendaient certains produits similaires.

Je considère que ces affaires sont différentes parce que, à mon avis, indépendamment des débouchés très limités pour la confection et la vente de perruques à des fins thérapeutiques, il n’existait pas d’entreprise bien établie pour la confection, la vente et l’entretien de postiches de parure destinés aux femmes avant que l’importance et la rentabilité de cette branche dans l’entreprise de coiffure pour dames n’engendre un certain degré de spécialisation au cours des dernières années.

Je souscris par conséquent à l’opinion que le Juge d’appel MacKay a exprimée dans sa dissidence en Cour d’appel:

[TRADUCTION] La question de savoir si la vente et l’entretien de perruques constituaient une partie intégrante de l’entreprise de salon de coiffure et de beauté est une question de fait qui doit être décidée d’après la preuve. A mon avis, il ressort de la preuve et des conclusions écrites que le savant juge de première instance avait pleinement raison de conclure que la vente et l’entretien de perruques au moment où la Menat a cédé à bail les magasins aux demandeurs

[Page 490]

et au défendeur Field était une activité reconnue dans la profession comme une partie intégrante d’une entreprise de salon de coiffure et de beauté, et que les défendeurs exploitaient une entreprise qui entrait en concurrence avec l’entreprise des demandeurs, en violation de la convention contenue dans le bail des demandeurs.

Il convient de noter que dans les présents motifs, je n’ai pas cité et analysé les sens donnés par le dictionnaire au mot «coiffeur». Je suis d’avis que ce serait futile étant donné la preuve très considérable fournie par les deux demandeurs, par l’intimé Henry Field et par Garry Tiebar sur la nature d’une entreprise de coiffure, telle qu’elle existait au Canada dans les années soixante. J’ai pris note de la mention qu’a faite le Juge d’appel Laskin des significations que donnent le Shorter Oxford English Dictionary et le Murray’s New English Dictionary. Je ne suis pas aussi convaincu que le Juge d’appel Laskin que ces définitions excluent l’entretien de postiches artificiels. Même si tel était le cas, de telles définitions peuvent très bien être influencées par la définition de la coiffure que donne la loi dite Hairdressers (Registration) Act, 1964 (U.K.), c. 89, art. 15, à laquelle le Juge d’appel Laskin se réfère.

A mon avis, on trouverait une référence plus convaincante et plus pertinente dans les dispositions de la loi dite Apprenticeship Act de la province d’Ontario, telle qu’elle existait le jour où le présent bail a été signé, ainsi que dans ses règlements. Cette loi se trouve dans les R.S.O. 1960, c. 17. Un métier désigné y est indiqué comme étant un métier défini ou inclus aux annexes A ou B et à l’annexe B, on trouve deux métiers définis: (1) le coiffeur pour hommes, et (2) le coiffeur pour dames. La loi ne contient aucune définition du coiffeur pour dames mais le règlement 19 passé sous son empire en donne une définition très détaillée:

[TRADUCTION] (b) «coiffeur pour dames» signifie une personne qui,

(i) teinte, décolore ou teint les cheveux,

(ii) nettoie à l’aide d’un shampooing les cheveux et le cuir chevelu,

[Page 491]

(iii) donne des traitements aux cheveux et au cuir chevelu, des massages faciaux et des soins aux mains et aux ongles,

(iv) nettoie ou peigne des postiches de cheveux artificiels,

(v) épile, teinte ou traite les sourcils ou les cils,

(vi) coupe ou taille les cheveux,

(vii) frise ou ondule les cheveux par n’importe quel moyen,

(viii) peigne ou brosse les cheveux, ou

(ix) procède à toute autre opération relative à la coiffure pour obtenir l’effet voulu ou un style particulier.

Le paragraphe (2) de l’art. 2 de ce règlement énonce que la formation professionnelle que l’employeur doit assurer pour l’apprentissage d’un métier désigné doit correspondre à celle qui est indiquée à l’annexe, et l’annexe relative aux coiffeurs prévoit vingt matières d’enseignement différentes, et le numéro 16 s’intitule «postiches de cheveux artificiels», et l’enseignement porte sur «le nettoyage et l’entretien; la teinture et le mélange des cheveux artificiels avec les cheveux des clients; la mise en plis et les mesures de sécurité».

Je suis d’avis que la définition donnée dans le règlement visant l’entreprise des appelants corrobore mon opinion suivant laquelle la signification du mot «coiffeur», tel qu’il est employé dans le bail des appelants, est conforme à la définition donnée par le règlement.

Je suis donc d’avis d’accueillir l’appel. Le paragraphe 22 du factum des appelants contient la déclaration suivante: [TRADUCTION] «Après l’institution de l’appel devant la présente Cour, l’intimée Ann Field a cessé d’exploiter son entreprise». Je pense que dans ces conditions, il n’est ni nécessaire ni judicieux d’ordonner une injonction à l’encontre de l’intimée Ann Field, et je ne rendrais pas une telle ordonnance.

Le savant juge de première instance a cependant accordé des dommages-intérêts de $2,000 contre la société intimée Menat Construction Limited et contre Ann Field, et je pense que les demandeurs ont le droit de conserver le jugement rendu relativement à ces dommages-inté-

[Page 492]

rêts. Les demandeurs ont également droit de conserver le jugement que le savant juge de première instance a rendu en leur faveur pour les dépens du procès et ils devraient obtenir des jugements pour les dépens en Cour d’appel et en cette Cour contre l’intimée Ann Field et la Menat Construction Limited.

Appel accueilli avec dépens.

Procureurs des demandeurs, appelants: Weir & Foulds, Toronto.

Procureur des défendeurs, intimés, Henry et Ann Field: Stephen Borins, Downsview.

Procureur de la défenderesse, intimée, Menat Construction Ltd.: Murray Herman, Toronto.

[1] [1970] 3 O.R. 229, 12 D.L.R. (3d) 665.

[2] (1889), 43 Ch.D. 343.

[3] [1933] O.R. 150.


Synthèse
Référence neutre : [1973] R.C.S. 466 ?
Date de la décision : 31/01/1973
Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli

Analyses

Locateur et locataire - Bail de locaux dans un centre commercial - Locataire devant exercer l’entreprise d’un salon de coiffure et de beauté - Propriétaire s’engageant de ne permettre qu’un autre magasin exploite une semblable entreprise - Enregistrement du bail - Bail subséquent de locaux attenants à une entreprise de la fabrication, de la vente au détail et de l’entretien de perruques - Violation de la convention contenue dans le premier bail - Locataires des locaux attenants avaient eu connaissance des stipulations contenues dans le premier bail.

La société défenderesse M Ltd., propriétaire d’un petit centre commercial, a accordé un bail aux demandeurs, et quelques mois plus tard l’enregistrement de ce bail a été effectué en vertu des dispositions du Land Titles Act, R.S.O. 1960, c. 204, tel que modifié. Subséquemment, la défenderesse AF a signé un bail concernant les lieux attenants. Dans chaque cas, le locataire s’est engagé à exercer une entreprise donnée; dans le cas des demandeurs, il s’agit d’un salon de coiffure et de beauté, et dans celui de AF, de la fabrication, de la vente au détail et de l’entretien de perruques. Le bail des demandeurs précise l’intention commune du propriétaire et du locataire que les magasins du centre commercial ne se fassent pas concurrence, et le propriétaire convient de ne permettre que l’un quelconque des autres magasins du centre commercial exploite une entreprise de salon de coiffure et de beauté. Le bail de AF ne récite pas cette I intention commune, mais le propriétaire convient de ne permettre que l’un quelconque des autres magasins ait comme «entreprise principale la fabrication et la vente au détail de perruques».

A la suite du lancement de l’entreprise de AF et de I son mari (le défendeur HF), les demandeurs ont I réclamé une injonction et des dommages-intérêts. En I première instance, la demande a réussi contre AF et

[Page 467]

M Ltd., et a été rejetée quant à HF. Le jugement a été infirmé par une décision majoritaire de la Cour d’appel. Les demandeurs ont obtenu l’autorisation d’appeler à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être accueilli.

La preuve démontre que, au moment où M Ltd. a cédé à bail les magasins aux demandeurs et à AF, la vente et l’entretien de perruques représentaient une partie intégrante d’une entreprise de salon de coiffure et de beauté. Par conséquent, dans les circonstances de cette affaire, la cession à bail des locaux à AF et l’exploitation d’une entreprise de perruques dans ces locaux constituaient une violation de la convention contenue dans le bail accordé aux demandeurs, convention dont AF avait eu connaissance par l’effet de l’application des articles 77 et 109 du Land Titles Act.

Après l’institution de l’appel devant la présente Cour, AF a cessé d’exploiter son entreprise. Dans ces conditions, il n’est ni nécessaire ni judicieux d’ordonner une injonction à rencontre de AF. Le juge de première instance a cependant accordé des dommages-intérêts de $2,000 contre M Ltd. et AF. Les demandeurs ont droit de conserver le jugement rendu relativement à ces dommages-intérêts.

Distinction faite avec les arrêts: Stuart v. Diplock (1889), 43 Ch. D. 343; Stop & Shop Ltd. v. Independent Builders Ltd. and Koury, [1933] O.R. 150.


Parties
Demandeurs : Russo
Défendeurs : Field
Proposition de citation de la décision: Russo c. Field, [1973] R.C.S. 466 (31 janvier 1973)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1973-01-31;.1973..r.c.s..466 ?
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