Cour suprême du Canada
Proulx c. Banque de Montréal, [1974] R.C.S. 762
Date: 1973-04-02
Armand Proulx (Défendeur) Appelant;
et
La Banque de Montréal (Demanderesse) Intimée.
1972: les 23 et 24 février; 1973: le 2 avril.
Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Pigeon et Laskin.
EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC
APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec, confirmant un jugement de la Cour supérieure. Appel accueilli en partie, le Juge en Chef Fauteux et le Juge Abbott étant dissidents.
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Gérald Allaire, pour le défendeur, appelant.
Yvon Roberge, pour la demanderesse, intimée.
Le jugement du Juge en Chef Fauteux et du Juge Abbott a été rendu par
LE JUGE ABBOTT (dissident) — Dans le présent appel, les questions en litige sont des questions de fait. Les faits sont entièrement relatés dans les jugements des cours d’instance inférieure et dans les motifs de mon collègue le Juge Pigeon que j’ai eu l’avantage de lire.
La banque intimée réclame un solde débiteur relativement à une série de billets à ordre et à trois comptes de banque gérés par l’appelant Proulx, en partie au moins, aux fins d’emprunter de la banque pour spéculer sur le marché de la bourse.
A la demande de l’appelant, une expertise fut ordonnée en vertu de l’art. 414 du Code de procédure civile et le rapport de l’expert démontra que, selon les registres de la banque, Proulx devait $3,000 à la banque, soit le solde dû sur deux billets à ordre d’un montant total de $4,500 qui ont été produits en l’instance.
Le savant juge de première instance a adopté les conclusions du rapport et a statué que l’appelant devait $3,000 à la banque. Ce dernier jugement a été confirmé par la Cour d’appel, le juge Rinfret étant dissident.
Comme je l’ai dit, les questions en litige étaient des questions de fait à l’égard desquelles le juge de première instance devait apprécier des preuves contradictoires de même que des questions complexes de comptabilité et d’imputation de paiements faits à la banque au cours d’une période de près de deux ans.
Dans des circonstances semblables, le rôle d’une seconde cour d’appel est bien défini et, avec grand respect pour les vues contraires exprimées par mon collègue le Juge Pigeon, je ne vois aucune erreur manifeste dans les jugements des cours d’instance inférieure qui justifierait une intervention de cette Cour.
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Je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.
Le jugement des Juges Martland, Pigeon et Laskin a été rendu par
LE JUGE PIGEON — Ce pourvoi est à l’encontre d’un arrêt majoritaire de la Cour d’appel du Québec qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure condamnant Armand Proulx à payer à la Banque intimée la somme de $3,000 et a rejeté explicitement sa demande reconventionnelle au montant de $16,500 que le juge de première instance n’entendait sûrement pas accorder mais sur laquelle il avait omis de statuer.
Les faits en litige sont très complexes vu qu’ils ont trait à de multiples opérations bancaires dans lesquelles se sont glissées de nombreuses irrégularités. Je ne traiterai que des points essentiels.
L’action de la Banque fut intentée pour les montants suivants:
(1) Un billet signé par l’appelant le 3 novembre 1965 pour un prêt de $2,500 suivant le plan dit «financement familial», sur lequel il serait resté en souffrance $1,754.13;
(2) Un billet à demande signé «Claire Biais» en date du 4 février 1965 au montant de $2,000 entièrement impayé;
(3) Un billet à demande signé «Jacques Proulx» en date du 29 septembre 1964 au montant de $2,500 sur lequel $1,000 resteraient impayés.
La défense soutenait à l’origine que le défendeur ne connaissait personne du nom de Claire Biais et n’avait jamais fait d’emprunt sous ce nom ou sous celui de Jacques Proulx. De plus, il était allégué qu’au mois d’octobre 1964, le défendeur aurait fait des dépôts s’élevant à environ $10,000 qui ne semblaient pas lui avoir été crédités. A sa demande, une expertise fut ordonnée. Un gérant de banque retraité fut chargé d’examiner les livres de la Banque et les pièces justificatives. Son rapport démontra qu’effectivement la Banque avait reçu pour le compte du défendeur au mois d’octobre 1964
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trois chèques de Flood, Wittstock & Co. s’élevant au total à $10,065.73. Il indiquait que; ce montant avait été utilisé comme suit:
(1) A acquitter un billet signé «Claire Biais».......................................
$ 2,500.00
(2) A acquitter un billet signé «Estelle Proulx»....................................
2,500.00
(3) A acquitter un billet signé «Jacques Proulx».................................
2,500.00
(4) A acquitter un billet signé «Doris Poirier».....................................
1,000.00
(5) Crédité au compte d’épargne du défendeur, numéro 2520........
1,565.73
Total...................................................................................................
$ 10,065.73
L’expert disait de plus que «Tel qu’il apparaît dans les records de la Banque» il restait «une somme de $3,000 non payée représentée par un billet signé «Claire Biais» pour $2,000 et un billet signé «Jacques Proulx» pour $1,000.»
Après la production de ce rapport, le défendeur produisit un plaidoyer amendé niant avoir signé les billets au nom de Claire Biais ou de Jacques Proulx, affirmant ne pas avoir bénéficié du dépôt du 23 octobre 1964 sauf quant à la somme de $1,565.73 portée au crédit de son compte d’épargne numéro 2520 et soutenant en outre qu’on ne lui avait pas donné crédit pour une somme de $8,000 qu’il aurait déposée en argent dans ce même compte le 9 septembre 1964. Pour ces raisons, Armand Proulx, en outre de demander le rejet de l’action, se porta demandeur reconventionnel pour la somme de $16,500. En réponse, la Banque a soutenu que la somme de $8,000 n’avait jamais été déposée en argent par le défendeur mais provenait de billets signés «Armand Proulx», «Claire Biais», «Jacques Proulx» et «Estelle Proulx».
A l’enquête, la Banque s’est désistée de sa réclamation sur le billet «plan de financement familial». Pour le surplus le juge du procès s’est vu en face de dépositions contradictoires du défendeur et de Donald Poirier qui était le gérant de la succursale où ont été faites les opérations dont il s’agit jusqu’à décembre 1965, ayant été alors congédié. Malgré deux contradictions flagrantes entre ce dernier témoignage
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et la déposition du même individu à l’interrogatoire préalable, le juge du procès y a ajouté foi plutôt qu’aux dires du défendeur et cela pour des motifs précis. A mon avis, c’est à bon droit que la Cour d’appel a refusé d’intervenir à l’encontre de cette conclusion.
Le dossier révèle que les emprunts de l’appelant ont commencé le 16 avril 1964. Ce jour-là, Armand Proulx a reçu en argent la somme de $3,200 qu’il a empruntée suivant ce que la Banque appelle le plan de «financement familial». Le billet donné pour un emprunt de ce genre est payable par versements mensuels comprenant le capital et les intérêts lesquels sont calculés d’avance et ajoutés à la somme reçue de telle sorte que, dans ce cas-là, le montant du billet a été de $3,528.83. Cet emprunt a été fait pour un achat d’automobile et Donald Poirier a dit: «Je pense bien que cela a été autorisé par le bureau chef». Le montant maximum des prêts qu’il était autorisé à consentir sans autorisation spéciale, sa «limite», était de $1,000 au début, $2,500 par la suite.
Le 30 avril 1964, Armand Proulx a emprunté par billet à demande $1,325. C’était pour payer le prix de 50 actions M. Loeb Ltd. à 26½ qu’il avait fait acheter par la Banque. Le 30 juin 1964, nouvel emprunt par billet à demande au montant de $1,070 pour payer des actions Horne & Pitfield qu’il avait fait acheter par Flood, Wittstock & Co. et pour lesquelles ces derniers avaient tiré une traite sur la Banque. Au début de septembre, Armand Proulx n’avait rien payé sur ces deux derniers billets car, le 29, il les a acquittés à même le produit d’un nouveau billet à demande au montant de $3,000.
Telles sont les circonstances dans lesquelles se trouvait l’appelant lorsqu’il est allé voir le gérant Donald Poirier en vue de pourvoir au paiement de la marge de 50 pour cent sur un achat d’actions Loeb Ltd. s’élevant à pratiquement $16,000 (1,500 actions à 10 3/8). L’achat avait été fait le 1er septembre et par conséquent, Armand Proulx était en défaut vis-à-vis du courtier. C’est le gérant lui-même qui a rédigé les deux chèques formant la somme requise de $7,968.75 qu’Armand Proulx a signés et remis
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immédiatement au courtier. Est-il croyable que pour ouvrir le compte spécial (n° 2520) sur lequel ces chèques ont été tirés Armand Proulx ait fait un dépôt en billets de banque de $8,000, alors que l’expert qui a fait la vérification des livres et des pièces à la Banque n’a pas trouvé de bordereau de ce montant?
Au contraire, tout indique qu’Armand Proulx entendait faire le dernier achat d’actions entièrement à crédit comme les précédents, d’autant plus qu’il s’agissait manifestement d’une spéculation à court terme. Il est incontestable que le gérant Poirier a irrégulièrement gardé en suspens jusqu’au 30 septembre les deux chèques qu’il avait préparés le 9 et que Flood, Wittstock & Co. avaient encaissés à une autre banque le même jour. Il est évident que si le gérant a fait cela, c’est parce que le compte d’épargne numéro 2520 n’a été crédité que de billets à demande comme suit: (rapport de l’expert, feuille D)
23 sept. 1964, Armand Proulx....................................................................................
$ 500
23 sept. 1964, Claire Biais.........................................................................................
2,500
29 sept. 1964, Jacques Proulx...................................................................................
2,500
30 sept. 1964, Estelle Proulx......................................................................................
2,500
Total..........................................................................................................................
$8,000
A cela il faut ajouter que dans son premier plaidoyer produit avant l’expertise Armand Proulx, qui avait en mains le livret indiquant un dépôt de $8,000 le 9 septembre 1964, n’en a pas soufflé mot et n’a parié que des quelque $10,000 déposés au mois d’octobre.
Il ne me paraît pas que l’on puisse considérer ce document comme un écrit valablement fait à l’encontre duquel la preuve testimoniale ne pourrait être admise en vertu de l’art. 1234 C.c. Après la première écriture, Armand Proulx n’a jamais fait mettre son livret à jour bien qu’il eut signé des chèques et fait d’autres opérations qui devaient y figurer. Lorsqu’il a voulu s’en servir plusieurs années plus tard, ce n’était donc pas un carnet régulièrement tenu, pas plus d’ailleurs
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que celui de son compte principal n° 2780 où la dernière inscription est en date du 20 avril 1964.
Tout ce qui vient d’être dit ne suffit pas à disposer de la cause. En effet, la conclusion de l’expert ainsi qu’il l’a formulée dans son témoignage à l’audience est la suivante:
…Après la liquidation de tous les billets à la banque et la balance que j’ai faite, je suis arrivé avec un montant de TROIS MILLE dollars ($3,000.) qui n’était pas payé d’après les constatations des livres de la banque.
Les livres de la banque ne font pas pleine preuve. Il faut encore vérifier si ce qu’ils indiquent est d’accord avec les pièces justificatives et autres éléments de preuve. Après avoir écarté le prétendu dépôt en argent de $8,000 qui n’y figure pas, il reste à examiner la suite du compte 2520. Comme on l’a vu, la Banque a reçu au mois d’octobre 1964 des chèques de Flood, Wittstock & Co. pour un total de $10,065.73. Ces chèques représentaient en partie le produit net de la vente des 1,500 actions Loeb Ltd. à 11 5/8. Armand Proulx a endossé ces chèques mais il n’a pas signé ni rédigé lui-même le bordereau de dépôt. A sa face, ce document ne porte que le nom «A. Proulx» et le numéro 2520 comme indication du compte à créditer avec la somme de $1,565.73 au bas comme montant net déposé. A l’endos on trouve des chiffres correspondant au montant de chacun des trois chèques puis le total duquel on a soustrait $8,500 pour arriver au montant figurant à la face. Plus bas on trouve les chiffres suivants sans aucune indication:
$ 2,500
2,500
2,500
1,000
$ 8,500
Ce n’est que par l’examen d’autres pièces et registres que l’expert a pu découvrir que ces montants étaient ceux de billets signés Claire Biais, Estelle Proulx, Jacques Proulx et Doris Poirier. D’après le rapport de l’expert, comme
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nous allons le voir, seuls les deux premiers de ces billets correspondent à des effets crédités le mois précédent au compte 2520, ce qui est très anormal si l’on considère que l’avance de $8,000 avait été faite précisément pour couvrir les chèques faits au début de septembre à l’ordre du courtier.
Ce n’est pas tout. Donald Poirier qui, à son interrogatoire préalable après la production du rapport de l’expert, avait catégoriquement nié qu’un billet de $1,000 signé par son épouse eut été remboursé par Armand Proulx en affirmant que cela n’était pas possible, a admis au procès qu’il avait alors menti délibérément et que son épouse avait bien reçu ces $1,000. A ce sujet, M. le Juge Rinfret, dissident en appel, dit:
Il est évident par exemple et c’est confirmé par le témoignage de Poirier que le produit d’un billet de $1,000.00 souscrit par Doris Poirier a été versé à cette dernière mais qu’il a été payé par l’appelant.
Il n’est rien au dossier qui puisse me permettre d’endosser la décision du premier juge à ce sujet; il est possible que l’appelant ait voulu par ce geste s’attirer les bonnes grâces du gérant mais il n’y a, à cet effet, pas un iota de preuve.
Ayant lu et relu toute la preuve, je dois dire que l’affirmation de M. le Juge Rinfret est absolument exacte. La seule conclusion possible en regard de la preuve c’est donc que cette somme de $1,000 représente un détournement commis par Donald Poirier à l’insu d’Armand Proulx.
Quant au billet de $2,500 signé «Jacques Proulx» qui aurait été acquitté à même le produit des chèques de Flood, Wittstock & Co., il faut bien noter que, suivant le rapport de l’expert, ce n’est pas le billet à demande du 29 septembre crédité au compte 2520. En effet, ce billet à demande est celui sur lequel la Banque réclame par son action un solde de $1,000 qui, d’après le rapport de l’expert, serait encore dû. Évidemment, si ce même billet avait été acquitté, comme il eut été normal, à même le produit des chèques de Flood, Wittstock & Co., il faudrait certainement débiter à la Banque ce montant de $2,500 en outre des $1,000 précé-
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demment mentionnés, ainsi que le dit M. le Juge Rinfret.
Notons d’abord qu’au sujet de ce billet de $2,500, le juge de première instance a malheureusement commis une erreur. En effet, au sujet du rapport de l’expert quant à l’utilisation du produit des chèques de Flood, Wittstock & Co., il a dit:
[TRADUCTION] L’expert nommé est Jules H. Fecteau, gérant de banque à la retraite qui, après avoir examiné les livres de la banque, a remis un rapport le 25 janvier 1967. Ce rapport, complété en outre par le témoignage de l’expert à l’enquête, montre que les dépôts d’octobre 1964, ci-dessus mentionnés, s’élevant à la somme de $10,065.73 (il s’agit de trois chèques émis par Flood, Wittstock & Co., courtiers en valeurs, payables au défendeur et représentant le produit de la vente de certaines valeurs faite pour le compte du défendeur), ont été inscrits par la banque dans ses livres comme suit:
1. — Pour acquitter un billet signé «Claire Biais» et daté du 23 septembre 1964 (le produit de ce billet a été porté au crédit du compte du défendeur numéro 2520).........................................................................
$ 2,500.00
2. — Pour acquitter un billet signé «Jacques Proulx» (le produit de ce billet a été porté au crédit du compte du défendeur numéro 2520).........
$ 2,500.00
3. — Pour acquitter un billet signé «Estelle Proulx» et daté du 29 septembre 1964, (le produit de ce billet a été porté au crédit du compte du défendeur numéro 2520)...........................................................
$ 2,500.00
4. — Apparemment, bien que l’expert n’ait pas pu réellement le retracer, pour acquitter un billet signé «Doris Poirier» (le produit de ce billet n’a pas été porté au crédit d’aucun des comptes que le défendeur avait à la banque).......................................................................................................
$ 1,000.00
5. — Le solde de ce dépôt de $10,065.73 a été porté au crédit du compte du défendeur numéro 2520............................................................
$ 1,565.73
TOTAL.............................................................................................................
$10,065.73
Or, il est indubitable que le billet à demande de $2,500 signé «Jacques Proulx» en date du 29 septembre 1964 et sur lequel la Banque réclame un solde de $1,000 est précisément celui qui a été crédité ce jour-là au compte numéro 2520. Le savant juge de première instance le dit lui-
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même à la page précédente de son jugement en décrivant comme suit le dernier des trois billets base de l’action:
[TRADUCTION] Un billet à ordre signé «Jacques Proulx» et daté du 29 septembre 1964, fait pour Ta somme de $2,500.00, dont un solde de $1,000.00 est encore dû et impayé; le produit de ce billet a été porté au crédit du compte numéro 2520 que le défendeur avait à la même succursale de la banque demanderesse.
Si ce billet signé «Jacques Proulx» a été complètement acquitté le 23 octobre 1964, il est clair que le défendeur ne peut pas être condamné à payer un solde de $1,000 de ce chef.
Si l’on examine attentivement le rapport de l’expert, voici maintenant ce que Ton constate à ce sujet. Tout d’abord à la feuille G, après avoir décrit les chèques de Flood, Wittstock & Co. et indiqué comment il est arrivé au total de $10,065.73, l’expert dit:
Le produit de ces chèques apparaît avoir été disposé comme suit:
23 oct. 1964 —
Montant crédité au compte épargne N°2520...................................
$ 1,565.73
23 oct. 1964 —
Paiement billet signé «Claire Biais».........................
$2,500.00
Paiement billet signé «Estelle Proulx»......................
2,500.00
Paiement billet signé «Jacques Proulx»...................
2,500.00
Paiement billet signé «Doris Poirier»........................
1,000.00
8,500.00**
$10,065.73
**Il m’a été impossible de vérifier l’originalité de ces quatre billets vu qu’ils ne sont plus la propriété de la banque; cependant il apparaîtrait d’après les records de la dite banque en date du 23 octobre 1964, que ce montant a servi au paiement de ces billets.
A la feuille E qui indique les détails du paiement des prêts consentis à Armand Proulx, on voit d’abord la liste des billets débités au compte 2780, ensuite celle des billets débités au compte 2520, et enfin, sous le titre «Divers» on lit:
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Date de paiement
Signature
Montant
23 oct. 1964 —
Claire Biais..............................................................................
$2,500.00
23 oct. 1964 —
Estelle Proulx...........................................................................
2,500.00
23 oct. 1964 —
Jacques Proulx........................................................................
2,500.00
(Plan de financement familial)
23 oct. 1964 —
Doris Poirier............................................................................
1,000.00
(Plan de financement familial)
$8,500.00
Ces quatre derniers billets apparaissent avoir été payés à même le produit des chèques signés:Flood, Wittstock & Co. (Voir feuille G).
Enfin, si l’on passe à la feuille D qui indique les détails des prêts consentis au compte d’Armand Proulx ou reçus sous autres formes, on trouve ce qui suit sous le titre «Divers»:
Signature
Montant brut
Produit net
2 juillet 1965 —
Jacques Proulx....................................................................
$ 500.00
$ 500.00*
(Impossible de vérifier date originale) —
Doris Poirier........................................................................
1,000.00
1,000.00*
(Plan de financement familial)
(Impossible de vérifier date originale) —
Jacques Proulx....................................................................
2,500.00
2,500.00*
(Plan de financement familial)
16 avril 1964 —
Armand Proulx.....................................................................
3,528.83
3,200.00†
(Plan de financement familial)
$7,528.83
$7,200.00
*(La disposition du produit original de ce billet n’a pu être vérifié).
†(Reçu en argent le 16 avril 1964).
Ayant lu et relu le témoignage de l’expert, je n’y ai absolument rien trouvé qui modifie ces constatations de son rapport. Ce qui ressort clairement du rapport, même si pour s’en rendre compte il est nécessaire de se livrer à une analyse plutôt compliquée, c’est que, d’après les
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livres de la Banque, ce ne serait pas le billet à demande Jacques Proulx crédité au compte 2520 qui aurait été acquitté à même le produit des chèques de Flood, Wittstock & Co. Ce serait un autre billet Jacques Proulx payable suivant le plan de financement familial. Au sujet de ce billet l’expert note: «La disposition du produit original de ce billet n ‘a pu être vérifiée.» C’est donc dire que le produit de ce billet n’a pas été crédité à l’un des comptes d’Armand Proulx car ces comptes ont été complètement vérifiés par l’expert. Si ce billet y avait été crédité, on le saurait tout comme l’on sait que le billet à demande signé Jacques Proulx a bien été crédité à Armand Proulx. Il y a plus. Si le montant de ce billet avait été versé en argent, l’expert aurait dû trouver un reçu de la somme car il est bien démontré qu’il doit toujours y avoir un tel reçu pour tout prêt fait de cette façon (voir la pièce P-15 pour l’emprunt du 16 avril 1964). La preuve est parfaitement claire à ce sujet. Or, malgré toutes ses recherches, l’expert n’a rien pu découvrir qui puisse indiquer qu’Armand Proulx a reçu ce montant.
On se trouve donc, quant à ce montant de $2,500, dans une situation bien différente de celle qui existe pour le billet de $2,000 signé «Claire Biais». Pour ce billet-là, on a la preuve qu’il a été crédité à un compte d’Armand Proulx, compte numéro 3275. On a aussi la preuve que ce montant a servi à couvrir un chèque de $2,000 fait par Armand Proulx à l’ordre d’un courtier et débité au même compte. Mais pour le billet Jacques Proulx, plan de financement familial, on n’en connaît même pas la date. Il n’y a absolument rien qui indique qu’Armand Proulx en aurait reçu le montant ou s’en serait porté débiteur, et il n’y a rien non plus qui indique qu’Armand Proulx ait jamais su qu’un tel billet aurait été acquitté à même le produit des chèques de Flood, Wittstock & Co. plutôt que le billet à demande qui avait servi à obtenir les fonds requis pour cette spéculation heureuse.
La situation est la suivante. Ce que les livres de la Banque démontrent pour cette somme de $2,500 c’est qu’elle aurait servi non pas à payer
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le billet à demande signé «Jacques Proulx» et crédité au compte 2520 comme le juge de première instance a cru, mais à payer un autre billet signé «Jacques Proulx» alors que rien, par ailleurs, ne démontre qu’une telle autre dette était due par Armand Proulx. Au surplus, il est établi de façon incontestable qu’en cette occasion-là, le gérant a détourné $1,000 au profit de son épouse. L’on n’est donc pas dans une circonstance où l’on peut facilement présumer de la régularité des opérations. Le juge du procès a clairement fait erreur en confondant le billet à demande signé «Jacques Proulx» avec le billet «plan de financement familial» qui a été acquitté à même le produit des chèques de Flood, Wittstock & Co. Cela fait qu’il s’est figuré que le billet de $2,500 payé à même le produit des chèques de Flood, Wittstock & Co. était celui qui avait été crédité au défendeur quelques jours auparavant. Vu cette erreur qui est restée inaperçue en appel, le premier juge ne s’est véritablement pas prononcé sur le problème relatif à cette somme de $2,500.
Peut-on dans les circonstances considérer comme suffisamment établi par les livres de la Banque que la somme de $2,500 prélevée sur le dépôt du 23 octobre 1964 a servi à acquitter, non pas le billet à demande de $2,500 signé «Jacques Proulx» crédité le mois précédent à Armand Proulx, mais un autre billet signé «Jacques Proulx» dont rien, par ailleurs, ne démontre l’existence, dont on ne connaît pas l’origine et dont le produit n’a pas été retracé? On peut difficilement penser qu’il s’agit d’un autre prêt à Armand Proulx pour l’achat de valeurs car, dans ce cas-là, on aurait le chèque à l’ordre du courtier comme dans les autres cas. Il ne s’agit pas non plus d’un prêt pour l’achat d’une voiture, il y a un autre billet pour cela. En définitive, il y a absence complète de toute preuve autre que l’unique mention que l’expert a relevée dans les livres de la Banque et à l’appui de laquelle il a été incapable de découvrir aucune pièce justificative de même qu’aucune indication de l’origine ou de la date de ce billet-là.
La preuve constituée par les livres de la Banque est donc absolument incomplète. Elle
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ne fait voir que le paiement effectué par prélèvement sur le dépôt de $10,000. Cela même est incomplet car au dos du bordereau il n’y a que la mention du montant, de telle sorte que c’est uniquement en constatant qu’ailleurs on a affecté un égal montant de $2,500 au paiement d’un billet «plan de financement familial» signé «Jacques Proulx» que l’expert a tiré cette conclusion, tout en étant incapable de relier autrement ce dernier billet à Armand Proulx. A mon avis, cela ne peut pas suffire pour permettre à la Banque de soutenir que ces $2,500 ne doivent pas être appliqués à payer le billet à demande de $2,500 signé «Jacques Proulx» et dont Armand Proulx est incontestablement débiteur parce qu’il lui a été crédité et c’est vraisemblablement lui qui l’a signé.
Ce qui est le plus décisif c’est que rien dans les livres de la Banque ne fait voir que l’autre billet est une dette d’Armand Proulx. Il devrait normalement y avoir au sujet de cet autre billet comme au sujet de celui qui a été versé au dossier, un document indiquant la disposition du produit et comportant soit la mention du compte où la somme aurait été créditée, soit un reçu signé par le débiteur. Si Armand Proulx avait signé un tel reçu du nom de Jacques Proulx, une expertise aurait pu le démontrer aussi bien que pour le billet au dossier. Ici, il n’y a absolument rien qui indique que cet autre billet soit une dette d’Armand Proulx. On reste donc avec le seul fait qu’à sa face ce billet n’est pas le sien.
Tout compte fait, il me paraît impossible de considérer que les livres de la Banque font suffisamment preuve que les $2,500 ont servi à payer une autre dette due par Armand Proulx. Il faut donc conclure qu’en réalité c’est à l’acquittement du billet à demande crédité au compte 2520 qu’il faut imputer ces $2,500 prélevés sur le dépôt fait dans ce compte le 23 octobre 1964 pour un billet signé «Jacques Proulx». M. le Juge Rinfret a donc raison de dire qu’il faut tenir ce billet pour acquitté depuis le 23 octobre 1964. Cela signifie que non seulement la Banque ne peut pas recouvrer le solde de $1,000 qu’elle réclame, mais aussi qu’il faut
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imputer ailleurs la somme de $2,000 provenant d’un chèque au montant de $4,454.14 fait à l’ordre de la Banque le 2 novembre 1965 et qu’un inspecteur a portée à l’endos du billet à demande signé «Jacques Proulx». Puisque ce billet était alors entièrement payé, cette somme de $2,000 doit plutôt être appliquée à l’acquittement du billet de $2,000 signé «Claire Biais», billet dont Armand Proulx est indubitablement débiteur puisqu’il en a touché le produit et que, de l’avis de l’expert, c’est probablement lui qui l’a signé.
J’en viens donc, en définitive, à la même conclusion que M. le Juge Rinfret en Cour d’appel, sauf quant au montant de $500 dont il juge la Banque redevable en raison d’un billet signé «Jacques Proulx» en date du 2 juillet 1965 qui a été débité à Armand Proulx le 2 novembre 1965. Il ne me paraît pas que la contestation a été liée d’une manière qui permette à Armand Proulx de réclamer cette somme ni qu’il ait été fait une preuve suffisante pour obtenir qu’elle lui soit adjugée.
Sur le tout, je conclus qu’à l’encontre de la dette de $3,000 découlant des billets signés «Claire Biais» et «Jacques Proulx» il faut admettre une réclamation de $3,500 en raison de l’imputation injustifiée des billets Doris Poirier $ 1,000 et Jacques Proulx «plan de financement familial» $2,500 effectuée contre le dépôt des chèques de Flood, Wittstock & Co., le 23 octobre 1964.
En conséquence, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et d’infirmer les jugements de la Cour d’appel et de la Cour supérieure, de rejeter l’action de l’intimée et d’accueillir la demande reconventionnelle contre elle pour la somme de $500 avec intérêt à compter du 12 mai 1967. Vu l’allégation injustifiée par l’appelant d’un dépôt en argent de $8,000 le 9 septembre 1964, il n’aura droit aux dépens qu’en Cour d’appel et en Cour supérieure et sur la demande principale seulement.
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Appel accueilli en partie avec dépens en Cour d’appel et en Cour supérieure seulement et sur la demande principale seulement.
Procureurs du défendeur, appelant: Leblanc, Barnard, Leblanc, Allaire, Bédard, Fournier, Rodrigue & Dudemaine, Sherbrooke.
Procureurs de la demanderesse, intimée: Blanchette & Roberge, Sherbrooke.