Cour suprême du Canada
Fanjoy c. Keller, [1974] R.C.S. 315
Date: 1973-05-07
Roy W. Fanjoy (Demandeur) Appelant;
et
Ronald Keller (Défendeur) Intimé.
1973: les 7 et 8 février; 1973: le 7 mai.
Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Spence, Pigeon et Laskin.
EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DU NOUVEAU-BRUNSWICK
APPEL d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick[1] accueillant un appel d’un jugement du Juge Prescott. Appel accueilli, les Juges Judson et Ritchie dissidents.
E.N. McKelvey, c.r., pour le demandeur, appelant.
J.T. Jones, c.r., pour le défendeur, intimé.
Le jugement des Juges Judson et Ritchie a été rendu par
LE JUGE RITCHIE — J’ai eu l’avantage de lire les motifs de M. le Juge Spence et de M. le Juge
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Laskin, mais à mon avis le présent pourvoi est régi par le raisonnement exposé dans le jugement unanime rendu par le Juge Anglin (alors juge puîné) dans l’affaire Pratt c. Beaman[2], à la p. 287.
Ce raisonnement a reçu l’approbation de cette Cour dans le jugement unanime rendu par le Juge Hall dans l’affaire Widrig c. Strazer et al.[3] dans lequel il a dit, pages 388 et 389:
[TRADUCTION] A moins que la Cour d’appel n’ait commis une erreur de principe, cette Cour ne modifiera pas le montant des dommages-intérêts alloués par la cour de dernier ressort d’une province. J’adopte le point de vue suivant exprimé par le Juge Cartwright, parlant en son nom et en celui du Juge Taschereau (alors juge puîné), dans Lang et Joseph c. Pollard et Murphy:
[TRADUCTION] Vu qu’il n’y a eu dans cette affaire ni erreur de principe ni interprétation erronée des éléments de la preuve, je crois que la règle qu’il nous faut suivre est celle que le Juge Anglin (alors juge puîné) a énoncée en exposant les motifs de jugement unanime de cette Cour dans Pratt c. Beaman, [1930] R.C.S. 284, à la p. 287:
[TRADUCTION] Le second moyen d’appel est que la Cour d’appel n’aurait pas dû réduire de $1,500 à $500 les dommages que le juge de première instance a accordés pour les souffrances. Bien que, si nous avions été le tribunal d’appel du premier degré, nous n’aurions peut-être pas voulu modifier l’évaluation des dommages faite par la Cour supérieure, c’est l’usage bien établi ici de ne pas changer le montant que la cour de dernier ressort d’une province a accordé à titre de dommages, comme c’est le cas dans la présente affaire. Cette dernière cour est, de façon générale, mieux placée que nous pour fixer une compensation juste en tenant compte des conditions locales. Il est naturellement impossible de dire que la Cour du Banc du Roi a fait une erreur de principe en réduisant le montant des dommages.
La décision unanime de cette Cour dans l’affaire Hanes et autres c. Kennedy et autres, [1941] R.C.S. 384, à la p. 387, rendu par le Juge Kerwin (alors juge puîné), est conforme à ce précédent.
Le principe me semble également applicable, que la cour d’appel du premier degré ait réduit ou
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augmenté le montant des dommages généraux accordés en première instance.
Ce passage a été adopté également par le Juge Spence, parlant au nom de la majorité de la Cour dans Gorman c. Hertz Drive Yourself Stations of Ontario Ltd. et al.[4], à la p. 18, et dans la cause Stannard et Blouin c. Kidner[5], à laquelle mon collègue le Juge Spence s’est référé dans ses motifs de jugement.
Les motifs du jugement rendu par le Juge Bugold au nom de la division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick en la présente affaire dénotent à mon avis une appréciation soigneuse de la preuve, et comme je suis incapable de conclure qu’il y a eu application d’un principe de droit erroné ou fausse interprétation de la preuve, je ne modifierais pas l’évaluation à laquelle cette Cour-là est arrivée et je rejetterais donc le pourvoi avec dépens.
Le jugement des Juges Spence et Pigeon a été rendu par
LE JUGE SPENCE — Il s’agit d’un appel de l’arrêt du 9 juin 1972 rendu par la Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick, laquelle a accueilli un appel du jugement de M. le Juge Prescott de la Division du Banc de la Reine, rendu après le procès et prononcé le 26 octobre 1971. L’appelant et Mary I. Fanjoy, son épouse, dans une action intentée en Cour suprême du Nouveau-Brunswick, ont poursuivi l’intimé en dommages-intérêts pour blessures personnelles subies par l’appelant et pour dommages à l’automobile appartenant à l’épouse, résultat d’une collision entre la voiture conduite par l’appelant et un autre véhicule conduit par l’intimé. M. le Juge Prescott, après le procès, a statué que la collision était imputable uniquement à la négligence de l’intimé et cette conclusion n’a pas été contestée dans la Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick, ni en cette Cour. M. le Juge Prescott a accordé à la demanderesse, Mary I. Fanjoy, des dommages-intérêts s’élevant à $932.79 et ce montant n’a pas été par la suite contesté. Le savant juge
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de première instance a adjugé au demandeur des dommages-intérêts généraux au montant total de $25,000 et des dommages-intérêts spéciaux au montant de $8,015 y compris un montant de $7,861 pour privation de revenu pendant la période comprise entre l’accident et le procès. L’appelant et l’intimé ont tous deux interjeté appel de ce jugement à la Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick et par décision de cette dernière le montant des dommages-intérêts généraux en faveur de l’appelant fut réduit de $25,000 à $12,000, et le montant relatif à la privation de revenu dont j’ai parlé plus tôt fut réduit à $5,000. M. le Juge d’appel Bugold n’aurait rien accordé pour la privation de revenu. Dans le pourvoi en cette Cour, seuls ces deux derniers chefs de réclamation nous intéressent, soit les dommages généraux et les dommages pour privation de revenu. L’intimé a interjeté un appel incident et demandé que tout montant adjugé pour privation de revenu soit supprimé, comme l’aurait fait M. le Juge d’appel Bugold dans ses motifs de jugement en la Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick.
L’appelant circulait dans la ville de Saint-Jean le 6 mars 1968 lorsque sa voiture fut frappée de l’arrière par un véhicule conduit par l’intimé; il fut projeté en arrière par le choc. L’appelant a subi des blessures personnelles diagnostiquées comme traumatisme grave de flexion et extension, qu’on appelle plus communément coup du lapin (whiplash). Même si l’appelant n’a ressenti que peu de douleur tout de suite après l’accident, le jour suivant son cou devint très enflé et fort douloureux. L’appelant est un médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie et à l’époque de l’accident il avait cinquante ans. Un de ses collègues, le Dr G.W.A. Keddy, lui a conseillé au cours d’une conversation téléphonique de rester à la maison et d’appliquer des compresses chaudes; le lendemain, l’appelant se présentait à l’hôpital et était examiné par le Dr Keddy qui a fait prendre des radiographies. Ces radiographies ne révélèrent absolument aucun dommage osseux et ainsi l’appelant demeura chez lui une semaine environ afin de permettre à l’enflure de disparaître. L’appelant retourna ensuite à l’exer-
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cice ordinaire de sa profession, portant un bandage cervical comme le lui avait conseillé aussi le Dr Keddy. L’appelant se rendit compte que la réapparition dans une très large mesure de la douleur l’empêchait de continuer son travail et deux semaines plus tard il fut forcé de demeurer dé nouveau à la maison pour une période de trois semaines. Durant tout ce temps et, de fait, jusqu’au mois de novembre 1968, l’appelant a jugé nécessaire de porter le bandage cervical, même pendant son sommeil, et pendant toute cette période il a suivi des traitements de physiothérapie, d’abord à l’hôpital général de Saint-Jean durant les trois premières semaines et, par la suite, une fois ou, souvent, deux fois par jour chez lui. De retour à sa pratique médicale, l’appelant diminua le volume du travail qu’il tentait d’exécuter, à cause de la douleur que lui causaient les mouvements nécessaires à semblable travail. Il faut se rappeler qu’en sa qualité d’oto-rhino-laryngologiste l’appelant était tenu lorsqu’il examinait ses patients d’adopter une position l’obligeant à tourner la tête, le cou et l’épaule d’une manière qui ne pouvait qu’aggraver son traumatisme cervical. Dans la période précédant l’accident, l’appelant avait développé une habileté à pratiquer certaines opérations et il décrit ces opérations comme une sous-spécialité qu’il avait. Elles étaient principalement au nombre de trois: la première était une opération qui était destinée au traitement d’une maladie caractérisée par une paralysie du visage et qui comportait la décompression ou la greffe du nerf facial. Le seconde était une opération du cancer du larynx comportant l’ablation du larynx. La troisième consistait à traiter les fractures des os du visage. Ces trois procédés opératoires étaient parmi les plus lucratifs dans la pratique de l’oto-rhino-laryngologie et l’appelant a déposé qu’il était appelé à les utiliser sur des patients qui lui étaient envoyés de plusieurs autres municipalités d’un bout à l’autre du Nouveau-Brunswick. L’appelant a en outre témoigné que depuis l’accident jusqu’au moment du procès, il n’a pu pratiquer aucune de ces trois opérations, parce que les mouvements précis qu’exige le travail à faire au cours de chacune d’elles le faisaient souffrir au point qu’il ne
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pouvait opérer. Il ne fait pas de doute que durant toute la première année qui a suivi l’accident, l’appelant a été grandement incommodé et sa liberté de mouvement grandement restreinte, et que, par voie de conséquence, son revenu a fortement diminué. Je reviendrai plus loin sur ce facteur; pour le moment, je me préoccupe surtout de la question des dommages généraux. À la fin de la première année après l’accident, c’est-à-dire vers le 1er mars 1969, le revenu de l’appelant découlant de sa profession était revenu au niveau où il était avant l’accident. Il faut toutefois comprendre que ce fait n’indique pas qu’à la fin de cette année qui a suivi l’accident l’appelant était remis des suites. L’appelant a déposé qu’il a continué à souffrir pendant tout ce temps. Comme je l’ai déjà souligné, il y a trois genres d’opérations que l’appelant ne pouvait plus pratiquer et l’exercice des autres fonctions de sa profession s’accompagnait d’une douleur presque incessante puisqu’il devait faire des mouvements qui aggravaient son traumatisme cervical. Il a dit dans son témoignage qu’il prenait deux fois plus de temps pour s’occuper du même nombre de cas à son bureau qu’il lui en fallait auparavant et il a fait remarquer:
[TRADUCTION] vous avez vraiment mal à la fin d’une longue journée où vous devez travailler penché. Or, cela se produit même quand vous écrivez lorsque vous avez quantité de formules à signer et le reste; vous faites bien des choses à la fois et vous devez vous pencher. Cela m’incommode.
et plus loin:
[TRADUCTION] Q. Quel est maintenant l’effet de vos blessures en ce qui a trait à votre pratique médicale, Docteur?
R. J’ai l’impression que ce traumatisme me restreint réellement dans ma pratique actuelle pour la raison que voici — j’essaie de réduire mon volume de travail de façon à n’être pas surchargé et, plus particulièrement, afin de ne pas avoir de douleurs dans le cou et dans les bras par la suite. Dans ce cas, ce qui me guide pour la somme de travail à fournir — ceci s’applique à la fois au bureau et à la salle d’opération — c’est combien je puis en faire sans ressentir de douleur dans le cou et dans l’épaule. Pour cette raison je restreins ma pratique de même que le temps que j’y consacre parce que je n’ai pas — si
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je fais une longue journée, il arrive parfois que certains jours vous soyez en quelque sorte obligé de prolonger la journée — et la plupart de ces jours-là, je suis beaucoup plus endolori que d’habitude et le lendemain je raccourcirai peut-être mes heures afin d’avoir une période de repos.
Q. Est-ce que les restrictions dont vous souffrez maintenant sont les mêmes que celles que vous avec décrites pour le début de la période?
R. Je puis dire que mes restrictions présentes sont à peu près les mêmes à une exception près: en août 1969, j’ai souffert d’une thrombose coronarienne et quand je regarde en arrière je suis nettement plus mal depuis pour ce qui est de l’épaule et du cou que je l’étais avant de revenir à la maison après mon hospitalisation, et vers la fin de novembre, d’après moi.
L’exécution de son travail accompagnée de ces difficultés s’est poursuivie jusqu’au 31 août 1969, date où l’appelant a subi la thrombose coronarienne massive dont il a fait mention dans le témoignage que j’ai cité. Cette maladie a rendu l’appelant complètement invalide à peu près jusqu’au mois de mai 1970. L’appelant a fait valoir dans les deux cours d’instance inférieure et en cette Cour que la thrombose fut une conséquence du traumatisme qu’il a subi dans la collision et que les dommages-intérêts adjugés devraient englober les dommages résultant de cette crise. Les deux cours d’instance inférieure ont statué que la relation de cause à effet entre la thrombose et l’accident n’avait pas été prouvée et elles ont refusé d’adjuger des dommages-intérêts généraux ou des dommages-intérêts spéciaux comprenant la privation de revenu pour cette période allant du 1er septembre 1969 au mois de mai 1970.
Malgré la plaidoirie bien faite qu’a présentée l’avocat de l’appelant, je ne suis pas convaincu que cette façon de voir qu’ont adoptée les tribunaux d’instance inférieure est erronée et je ne suis pas prêt à accorder des dommages-intérêts spéciaux ou généraux pour la période durant laquelle l’appelant a subi sa thrombose et s’en est remis. Cette période, toutefois, comme je l’ai dit, avait pris fin au mois de mai 1970, et depuis cette date jusqu’au procès qui a eu lieu le 8 juin
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1971, l’appelant a continué à exercer sa profession, mais il l’a fait d’une façon restreinte par deux facteurs: premièrement, l’incapacité soutenue résultant du coup du lapin; et secondement, la nécessité pour le malade qui a subi une thrombose coronarienne de ménager ses forces et d’éviter le surmenage. Il est de toute évidence très difficile d’attribuer un pourcentage à une cause ou à l’autre. Elles ont toutes deux affecté l’appelant. Il a consulté, outre le Dr Keddy, le spécialiste en orthopédie dont j’ai parlé, le Dr Keith B. Seamans, un neurologue, qui a également déposé sur citation de l’appelant. Au procès, le Dr Seamans a dit:
[TRADUCTION] Q. Comme résultat des examens subis par le docteur Fanjoy, Dr Seamans, pourriez-vous exprimer une opinion relativement à une incapacité quelconque dont le docteur Fanjoy a souffert ou dont il souffre actuellement?
R. Je pense qu’il souffre d’une incapacité moyenne affectant ses mouvements de tête et d’épaule, dont résulte un certain trouble périphérique de coordination des mouvements et le reste.
Q. Qu’avez-vous noté relativement à son bras ou à son épaule gauche?
R. Actuellement?
Q. Oui, et durant l’examen.
R. Comme je l’ai fait remarquer, il n’a eu aucune modification de réflexe, aucun trouble sensoriel, et aucun rétrécissement frappant de muscles. Il a une faiblesse apparente du muscle deltoïde gauche entre l’épaule et le bras, mais je pense que cela était dû davantage à un trouble au niveau de l’articulation elle-même qu’à un trouble d’ordre neurologique.
Q. Les symptômes que vous avez relevés en examinant le Dr Fanjoy la semaine dernière, Docteur, sont-ils fondamentalement inchangés en comparaison de ce que vous avez relevé lorsque vous l’avez examiné pour la première fois en mars 1968?
R. Exact.
Q. Quel serait l’effet de cette incapacité sur la pratique médicale du docteur Fanjoy?
R. Je crois que dans ce genre particulier de travail, vu la restriction des mouvements tant de la tête que de l’épaule gauche, il lui serait difficile de
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faire certaines choses, la bronchoscopie par exemple, dans son genre de travail.
Q. Est-ce que vous parlez d’opérations spécialisées?
R. Oui, et d’examens.
Le Dr Keddy, rendant témoignage sur l’état de l’appelant le matin du procès, a dit:
[TRADUCTION] PAR LA COUR: Quand l’avez-vous examiné pour la dernière fois, Docteur?
R. Eh bien, ce matin même, ici.
Q. Voulez-vous décrire ce que vous avez constaté à votre examen ce matin?
R. Oui. Ses symptômes généraux aujourd’hui sont des mouvements restreints du cou dans la rotation, la flexion et l’extension. Il est incapable de regarder en l’air sans difficulté et sans douleur. Le gonflement du cou et des muscles a évidemment diminué. Les mouvements de l’épaule sont encore restreints. Il est incapable de procéder à l’abduction de son épaule plus haut qu’à l’horizontale sans —
Q. Pardon, que voulez-vous dire par «l’abduction»?
R. Écarter son bras du côté du corps, c’est-à-dire le bras gauche, bien qu’il ait trouvé le tour de le mouvoir vers l’avant et puis de l’élever au-dessus de sa tête, mais les muscles de son épaule n’ont aucune force. Les muscles de l’avant-bras et ceux de la main sont en bon état. L’épaule droite est normale. Cliniquement, c’est tout ce que je puis dire.
Q. Dans quelle posture, d’après vos observations, se tient le docteur Fanjoy?
R. Il a la tête légèrement inclinée en avant et quand il tourne la tête, l’épaule et le cou se déplacent d’une seule pièce.
Q. Est-ce là le résultat du coup du lapin?
R. C’est ce que je crois.
Q. En vous fondant sur vos examens du Dr Fanjoy et sur la description que vous avez faite de son traumatisme de flexion et d’extension, pouvezvous exprimer une opinion en ce moment sur tout trouble dont a souffert le Dr Fanjoy ou dont il souffre maintenant, comme conséquence de ce traumatisme de flexion et d’extension?
R. Eh bien, je dirais simplement que son état se prolonge certainement et qu’il y a un ou deux facteurs qui se sont manifestés dans son cas et
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qui peuvent être responsables de cette prolongation. Comme il s’agit de ce qu’on appelle du ouï-dire, je ne puis en parler. À mon avis il a été la victime d’un trouble très grave. D’après mon expérience, tant les hommes que les femmes peuvent être victimes du coup du lapin. La musculature d’un homme est ordinairement plus forte que celle d’une femme, et ce sont les muscles qui subissent le plus fort du choc dans ce genre de traumatisme. Ordinairement, les symptômes dureront deux fois plus longtemps chez la femme que chez l’homme, mais chez l’homme ils peuvent durer des années et parfois ils peuvent demeurer sans que se développent des troubles ultérieurs.
Q. Pouvez-vous vous prononcer plus définitivement, Docteur, sur les mots que vous avez employés; «se prolonge»; que diriez-vous de l’état actuel du Dr Fanjoy — combien de temps cela durera-t-il?
R. Je ne sais pas combien de temps cela durera, mais dans l’état où sont les choses je prévois encore deux ou trois ans. Il s’est déjà écoulé deux ans depuis l’accident. Les événements subséquents, bien sûr, doivent aussi rentrer en ligne de compte, mais il ne rajeunit pas et avec les années il aura peut-être à souffrir de complications mineures. Encore une fois, je sais mais je ne dois pas dire ce que révèle le rapport relatif aux radiographies actuelles.
Q. Nous traiterons ce point avec d’autres dépositions, Docteur. Quel effet ce traumatisme que le Dr Fanjoy a subi, cette incapacité dont il souffre maintenant, pourrait-il avoir, Docteur, sur l’exercice de sa pratique médicale?
R. Oh, une restriction certaine. Oh, non, il est incapable de faire le genre de travail qu’il faisait avant l’accident. Son genre de travail exige l’usage des mains, des doigts et des épaules, des muscles du cou, et une rotation de la tête — tous des mouvements qui sont certainement restreints.
Il est à remarquer que le Dr Keddy prévoyait que l’état traumatique de l’appelant se prolongerait deux ou trois ans après le procès. Ce procès eut lieu trois ans et trois mois après l’accident; le Dr Keddy était donc d’avis que l’incapacité due à l’accident devrait durer pendant environ six années à compter de l’accident. Le Dr Keddy a décrit le traumatisme comme étant d’un genre très grave; il s’ensuit que toute tendance à con-
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sidérer ses blessures comme étant simplement un genre ordinaire de coup du lapin doit être évitée. Je l’ai dit, l’appelant avait cinquante ans au moment de l’accident. Il aura donc cinquante-six ans, lorsque, d’après les prévisions du Dr Keddy, il sera complètement rétabli. Un chirurgien s’attend ordinairement à ne faire que peu de chirurgie, passé la soixantaine; de plus, pendant six ans l’appelant n’aura pu pratiquer ce qu’il nomme sa sous-spécialité, ces trois opérations difficiles et lucratives. Entre-temps, ces médecins partout au Nouveau‑Brunswick qui avaient pris l’habitude d’envoyer leurs malades à l’appelant pour l’une ou l’autre de ces opérations, se seront adressés ailleurs. L’appelant, même lorsqu’il sera complètement remis, éprouvera de la difficulté à exercer cette partie de sa pratique médicale, du double point de vue du manque de malades envoyés par d’autres médecins et d’une nouvelle acquisition de la dextérité nécessaire. Voilà des éléments qui exigent que l’indemnité accordée à l’appelant pour ses blessures soit suffisante.
Comme l’a signalé M. le Juge Prescott, il y a eu aussi pour l’appelant diminution de jouissance des choses de la vie, non seulement à cause des souffrances qui, même à l’époque du procès, semblaient encore être un élément très important, mais aussi à cause de l’empêchement de se livrer aux formes de récréation dont il jouissait auparavant. L’appelant a été incapable de jouer au curling, de conduire ou même de harnacher ses propres chevaux, qu’il gardait pour la course; il était incapable de chasser et il a même constaté que conduire une automobile sur une longue distance l’incommodait tant qu’il n’en tirait plus de plaisir. À l’examen de tous ces éléments de preuve, M. le Juge Prescott lors du procès a accordé des dommages-intérêts généraux au montant de $25,000. Dans la Division d’appel, c’est M. le Juge d’appel Bugold qui a énoncé les motifs principaux relatifs aux dommages généraux. Le savant juge d’appel a cité le Dr Keddy comme ayant dit que, honnêtement, il ne savait pas mais qu’il estimait que le dommage musculaire devait guérir au bout d’un mois ou d’un mois et demi environ. Malgré cela, la dépo-
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sition du Dr Keddy fut qu’il s’attendait à ce que l’incapacité de l’appelant dure deux ou trois ans. M. le Juge d’appel Bugold a poursuivi:
[TRADUCTION] Il s’attendait à ce que les symptômes du Dr Fanjoy, qui étaient subjectifs, durent encore deux ou trois ans.
(J’ai mis des mots en italiques soulignants)
et il a conclu:
[TRADUCTION] Dans les circonstances, je crois que l’indemnité de $25,000 accordée au demandeur, le Dr Fanjoy, à titre de dommages-intérêts généraux est exagérément élevée. Je la réduirais à $12,000.
M. le Juge d’appel Hughes (alors juge puîné) a partagé dans ses motifs l’avis de M. le Juge d’appel Bugold concernant les dommages généraux et il a fait remarquer:
[TRADUCTION] J’ai eu l’avantage de lire les motifs de jugement rédigés par mon collègue le Juge Bugold et j’adopte sa conclusion suivant laquelle l’indemnité de $25,000 pour dommages généraux est exagérément élevée pour une entorse cervicale du genre de celle dont le Dr Fanjoy a souffert et doit être réduite à $12,000 de façon à ce qu’elle devienne plus conforme à d’autres indemnités accordées dans des cas comparables.
Dans l’arrêt Gorman c. Hertz Drive Yourself Stations of Ontario Ltd. et. al.[6], à la p. 18, on dit ceci:
[TRADUCTION] Pour résumer la jurisprudence établie par cette Cour, cette Cour ne modifiera pas les dommages-intérêts adjugés par la Cour d’appel d’une province qui a modifié ceux qu’avait adjugés le juge de première instance «sauf dans des circonstances tout à fait exceptionnelles», et il semble en outre que ces «circonstances exceptionnelles» soient celles où cette Cour est d’avis que la Cour d’appel a commis une erreur de principe.
Dans un arrêt prononcé tout récemment, le 31 janvier 1973, M. le Juge d’appel Ritchie a dit, affaire Stannard et Blouin c. Kidner[7]:
A mon avis, ces affaires montrent clairement que lorsqu’il s’agit d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt d’une cour d’appel provinciale qui a pour effet soit d’augmenter soit de diminuer l’appréciation des dommages-intérêts établie par un juge de première ins-
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tance, cette Cour n’interviendra que si elle est convaincue que la cour d’appel en question s’est fondée sur un principe de droit erroné ou que le montant des dommages‑intérêts alloués est, d’après la preuve, déraisonnable, et que cette Cour se montrera peu empressée à agir pour ce dernier motif et ne le fera qu’à moins de circonstances exceptionnelles.
Je suis d’avis que dans le présent pourvoi les motifs énoncés par les savants juges en Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick révèlent des erreurs de principe, et que la réduction de l’indemnité à $12,000 était déraisonnable eu égard à tous les éléments de preuve. D’abord, le Juge d’appel Bugold a estimé que les symptômes manifestés par l’appelant sont subjectifs. Ces symptômes n’étaient pas subjectifs, en ce sens que leur existence avait été pleinement vérifiée dans les témoignages d’experts rendus par le Dr Keddy, le chirurgien orthopédiste, et par le Dr Seamans, le neurologue. Deuxièmement, M. le Juge d’appel Hughes (alors juge puîné) a convenu d’une réduction à $12,000 «de façon à ce qu’elle devienne plus conforme à d’autres indemnités accordées dans des cas comparables». L’arrêt ne fait mention d’aucun cas comparable et je dois conclure malgré moi que les savants juges d’appel ont simplement envisagé le traumatisme de l’appelant comme un genre ordinaire de coup du lapin. Il ne peut y avoir de conformité absolue entre les condamnations nécessaires à l’indemnisation de demandeurs dans ces affaires de blessures personnelles. Chacune doit avoir une base propre et être jugée d’après la preuve faite. La preuve en l’espèce présente a établi qu’il ne s’agit pas du coup du lapin ordinaire mais d’un traumatisme générateur d’incapacité très grave qui a persisté pendant trois ans et qui, selon le chirurgien orthopédiste, pourrait durer encore deux ou trois ans. Le traumatisme a été subi par un homme engagé dans une profession qui exige une haute compétence technique, dont l’exercice l’obligeait à faire des mouvements que l’incapacité qu’il a subie lui rendait très difficiles, et parfois impossibles à exécuter. L’appelant, je l’ai déjà signalé, était au point culminant de sa carrière professionnelle lorsqu’est arrivé l’accident et il aura été empêché de se livrer à la partie la plus lucrative de sa pratique profes-
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sionnelle pendant six années, de sorte qu’il ne lui reste que peu de temps pour cueillir les fruits de son art. Il ne peut donc y avoir de justification en l’espèce pour la fixation d’un montant de dommages-intérêts qui serait davantage conforme à des «cas comparables», et tenter de fixer semblable montant constitue une erreur de principe. Il faut aussi se rappeler que, bien que le procès ait eu lieu le 8 juin 1971, il n’y a pas eu d’indemnité pour la privation de revenu dans la période comprise entre le 1er mars 1969 et cette date-là. Il est vrai que, pendant une partie de ce temps, l’appelant a souffert des séquelles d’une thrombose; toutefois, pendant une partie de la période en question, il a gagné le revenu qu’il gagnait avant l’accident, quoique avec beaucoup de difficulté et de souffrances, et pendant une autre partie il a été incapable de s’acquitter entièrement de ses fonctions et, plus particulièrement, de pratiquer les interventions chirurgicales dont j’ai déjà parlé. Dans ces conditions, je suis d’avis que l’indemnité accordée par le savant juge de première instance, lequel a tenu compte de ces facteurs, n’était pas si exagérément élevée que la Cour d’appel était fondée à la réduire, et qu’il était déraisonnable de ce faire. Je rétablirais donc l’indemnité de $25,000 pour dommages généraux accordée par le savant juge de première instance.
Passons maintenant à l’étude de la question des dommages-intérêts spéciaux accordés pour privation de revenu. Cette indemnité, je l’ai déjà dit, fut attribuée par le juge de première instance pour la somme de $7,861; la majorité de la Division d’appel l’a réduite à $5,000 et M. le Juge d’appel Bugold aurait supprimé toute indemnité à cet égard. Des critiques ont été exprimées tout au long par les juges de première instance et d’appel sur la méthode adoptée par l’appelant pour prouver cette privation de revenu. L’appelant a fait appel à un nommé G.A. Oulton, un comptable agréé exerçant avec la firme Thorne, Gunn, Helliwell & Christenson dont il est membre associé. Oulton a déposé qu’il a fait la revue du journal tenu par l’appelant pour l’année 1966 et pour les années suivantes et qu’il s’en est inspiré pour préparer un état des services professionnels rendus chaque
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année par l’appelant de 1966 jusqu’à 1970. M. Oulton a témoigné qu’après avoir consulté le Dr Fanjoy, il a appliqué aux services ainsi inscrits le tarif d’honoraires approuvé par l’association médicale de la province en 1970 et, à partir de là, établi le revenu de l’appelant attribuable à chacune des années 1966 à 1970. Comme les cours d’instance inférieure l’ont signalé, c’est une méthode inhabituelle de prouver une privation de revenu. En premier lieu, elle ne prévoit absolument pas de marge pour les services rendus pour lesquels aucun compte n’a été envoyé. En second lieu, elle ne prévoit absolument aucune marge pour la non-perception de comptes relatifs à du travail exécuté et pour lequel un compte a été envoyé mais est demeuré impayé; et troisièmement, elle applique à du travail exécuté durant les années 1966 à 1969 inclusivement un tarif d’honoraires adopté en 1970, lequel était plus élevé, même si ce n’est que de très peu, que le tarif d’honoraires applicable à ces années-là. M. Oulton a convenu bien franchement qu’une des raisons pour lesquelles il s’est servi du tarif de 1970, c’est qu’il a tenté de tenir compte de ce qu’il estimait être l’inflation inévitable. Je suis d’avis, tout comme les membres des cours d’instance inférieure, qu’un tel parti n’est pas de ceux qu’il appartient à un témoin expert d’adopter. M. Oulton, dans son témoignage, a expliqué le motif qui l’a poussé à choisir ce qui semble une méthode inhabituelle de prouver la privation de revenu. Il a fait remarquer que tous les registres de l’appelant tenaient compte seulement des rentrées d’argent, que les déclarations d’impôt sur le revenu faisaient état simplement des recettes brutes de l’année d’imposition visée et que ces recettes pouvaient se rapporter à des services rendus et facturés l’année précédente, tandis que bon nombre de services rendus pendant l’année visée par la déclaration n’étaient pas rétribués dans l’année en question et, par conséquent, ne figuraient pas dans la déclaration d’impôt courante mais étaient censés n’être reflétés que dans la suivante. De l’avis de M. Oulton, il serait difficile sinon impossible de réclamer sur la base des rentrées d’argent. M. le Juge d’appel Bugold a dit dans ses motifs, en la Division
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d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick:
[TRADUCTION] Ce montant [$7,861] excédait la perte réelle pour cette période. Une déduction aurait dû être faite pour tenir compte du tarif d’honoraires majoré dont on s’était servi, et il devrait aussi y en avoir une pour les mauvaises créances. Le demandeur n’a fourni aucune preuve de ce que, en fait, ces déductions auraient représenté.
Même s’il est vrai que le demandeur n’a pas pu donner de montant qui tiendrait compte de la majoration d’honoraires et qu’il n’a fourni aucun chiffre pour les mauvaises créances, M. Oulton a déposé que la différence entre le tarif d’honoraires de 1970 et celui qui était en vigueur au cours des années antérieures était peu importante et qu’il avait jeté un coup d’œil sur les déclarations d’impôt et comparé les revenus totaux figurant sur chacune d’elles aux chiffres qu’il avait arrêtés, et qu’ils [TRADUCTION] «étaient presque les mêmes». La Cour a posé à M. Oulton la question suivante:
[TRADUCTION] Q. Alors le docteur a été payé pour presque tous les services qu’il a rendus?
R. Oui, à peu de chose près, mais il est difficile de juger exactement car, je l’ai dit, les rentrées arrivent à des dates différentes de celles où l’argent est gagné. J’ai considéré la chose du point de vue de la date où l’argent a été gagné et non pas de celle où il a été touché.
Vu les imperfections de la méthode utilisée par M. Oulton, le savant juge de première instance a dit dans ses motifs:
[TRADUCTION] La méthode utilisée par le demandeur pour établir sa privation de revenu n’était pas, selon moi, très satisfaisante. Cependant, je vais l’accepter, en dépit du fait qu’on ne s’est pas préoccuppé du pourcentage des honoraires perçus, ni de la modification du tarif d’honoraires.
D’après le témoignage de M. Oulton, le revenu de l’appelant du 1er mars 1966 au 28 février 1967 a été, selon ses calculs, de $52,202, et du 1er mars 1967 au 28 février 1968, de $47,519. Le revenu global pour ces deux années a donc été de $99,721, soit une moyenne de $49,860 par année. S’il fallait tenir compte du revenu antérieur au traumatisme pour déterminer la différence entre le revenu annuel obtenu avant
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l’accident et celui obtenu après, il conviendrait, semble-t-il, de ne pas tenir compte uniquement du revenu de l’année immédiatement antérieure à l’accident. Il se peut que celui qui exerce une profession libérale ait une année très profitable, ou une année très peu profitable, immédiatement avant l’accident et le revenu de cette année-là ne serait pas une mesure juste de la perte de revenu survenant dans l’année qui suit l’accident, si cette dernière est une année normale. Donc, si l’on tient compte des deux années antérieures à l’accident, comme je l’ai indiqué, on arrive à un revenu annuel moyen de $49,860, et le revenu du 1er mars 1968 au 28 février 1969, soit l’année qui a suivi l’accident, n’a été que de $39,658. Donc d’après cette base de calcul, le revenu que l’appelant aurait perdu cette année-là à cause de l’accident serait de $10,202. Le savant juge de première instance, toutefois, n’a tenu compte de la différence de revenu qu’en regard du montant de $47,519 dont avait fait état le témoin Oulton pour la période comprise entre le 1er mars 1967 et le 28 février 1968, et il a déduit de ce montant le revenu gagné dans l’année qui a suivi l’accident pour arriver à une perte de revenu de seulement $7,861, soit $2,341 de moins que le montant auquel il serait arrivé s’il avait accepté l’utilisation faite par M. Oulton des deux années antérieures à l’accident comme chiffre de comparaison. Cela représente une réduction de $2,341 et, puisque M. Oulton a témoigné que les chiffres d’impôt sur le revenu se rapprochaient beaucoup du résultat de ses propres calculs et que la différence entre le tarif de 1970 et celui qui était en vigueur les années précédentes était minime, je suis d’avis que cette réduction peut constituer une défalcation appropriée pour les incertitudes que, dans l’opinion du savant juge de première instance, renferme preuve et que j’ai mentionnées plus haut. La majorité de la Cour d’appel a voulu réduire l’indemnité pour privation de revenu à $5,000, ce qui constitue une réduction supplémentaire de $2,861 et réduit le revenu calculé par M. Oulton selon une moyenne des deux années qui ont précédé l’accident d’une somme globale de $5,202, soit un peu plus que 50 pour cent de la différence en revenu qui,
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selon ce qu’indiquent les calculs de ce dernier, est imputable au traumatisme. A mon avis, c’est là une réduction beaucoup trop élevée en regard de ce que semblable réduction est destinée à compenser, soit les comptes non perçus et la différence entre le tarif d’honoraires de 1970 et celui qui le précédait. Je suis d’avis que le savant juge de première instance s’est bien acquitté de son devoir et qu’il a dûment tenu compte du caractère indéfini de la preuve lorsqu’il a alloué la perte de revenu de $7,861 seulement. Kemp et Kemp, dans l’ouvrage The Quantum of Damages, 3e éd., vol. 1, p. 21, font remarquer:
[TRADUCTION] — Dans le cas d’une personne à son compte ou d’une personne exercant une profession libérale (et l’appelant appartient à semblable catégorie) dont les gains fluctuent, le tribunal doit estimer cette perte et adjuger des dommages-intérêts à cet égard.
Le savant juge de première instance a assumé cette obligation et il s’en est acquitté.
Je suis donc respectueusement d’avis que les savants juges d’appel n’ont pas saisi les facteurs qui ont induit le savant juge de première instance à fixer les dommages-intérêts pour privation de revenu à seulement $7,861. Il faut se rappeler que le procès s’est déroulé en juin 1971 et que l’appelant, par l’intermédiaire du témoin Oulton, tentait alors de persuader le tribunal que la privation de revenu jusqu’à cette époque-là s’élevait à $55,025, de sorte qu’il est certain que le savant juge de première instance a été loin d’accepter tous les calculs utilisés par M. Oulton et qu’il ne s’en est servi que de façon restreinte de façon à tenir compte des facteurs que la Division d’appel avait estimé avoir été oubliés. Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi quant aux dommages spéciaux également et de rétablir le jugement de première instance fixant le montant de ces dommages spéciaux découlant de la privation de revenu à $7,861. L’appellant a droit à ses dépens en toutes les Cours.
LE JUGE LASKIN — En matière de dommages-intérêts, comme de conclusions sur des faits, lorsque la Cour d’appel a modifié la décision du juge de première instance, je suivrais le principe
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énoncé dans les motifs que j’ai rédigés dans l’affaire Hood c. Hood[8]; c’est pourquoi je me pose d’abord la question de savoir s’il y avait un motif valable autorisant la Cour d’appel à modifier les conclusions du juge de première instance. Je pense comme mon collègue le JUge Spence que dans la présente affaire les motifs de la Cour d’appel ne révèlent aucun motif valable d’écarter les dommages-intérêts généreux et spéciaux adjugés par le juge de première instance. Je réglerais donc l’appel comme il propose.
Appel acceuilli avec dépens, les JUGES JUDSON et RITCHIE étant dissidents.
Procureurs du demandeur, appelant: McKelvey, Macaulay, Machum & Fairweather, Saint John.
Procureurs du défendeur, intimé: Gilbert, McGloan, Gillis, Jones & Church, Saint John.
[1] (1972), 5 N.B.R. (2d) 46.
[2] [1930] R.C.S. 284.
[3] [1964] R.C.S. 376.
[4] [1966] R.C.S. 13.
[5] [1973] R.C.S. 493.
[6] [1966] R.C.S. 13.
[7] [1973] R.C.S. 493.
[8] [1972] R.C.S. 244.