Cour suprême du Canada
Sykes c. Fraser, [1974] R.C.S. 526
Date: 1973-06-05
J. Rodney Sykes (Défendeur) Appelant;
et
Robert P. Fraser (Demandeur) Intimé.
1972: les 11, 12 et 13 décembre; 1973: le 5 juin.
Présents: Le Juge en chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Judson, Ritchie, Hall, Spence, Pigeon et Laskin.
EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE L’ALBERTA
APPEL d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta[1] rejetant un appel à l’encontre d’un jugement du Juge Lieberman favorable au demandeur dans une action en diffamation. Pourvoi rejeté, les Juges Hall, Spence, Pigeon et Laskin étant dissidents.
J. Stein et R.A. Mackie, pour le défendeur, appelant.
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J.H. Laycraft, c.r., et H.M. Kay, pour le demandeur, intimé.
Le jugement du Juge en chef Fauteux et des Juges Abbott, Martland, Judson et Richie a été rendu par
LE JUGE RITCHIE — Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta qui a confirmé le jugement rendu au procès par le Juge Lieberman qui avait adjugé à l’intimé des dommages-intérêts au montant de $10,000 relativement à des déclarations diffamatoires qui ont été faites et publiées par l’appelant à son sujet.
Les déclarations diffamatoires ont été publiées au plus fort de ce que l’on a appelé «une question politique chaudement débattue» au conseil municipal de la Ville de Calgary et il ne fait pas de doute que dans la présente affaire il est souhaitable de comprendre le contexte dans lequel les déclarations ont été faites.
Le demandeur, l’intimé dans cet appel, était un avocat et solicitor bien considéré dans sa profession et dont la pratique concernait en grande partie [TRADUCTION] «la promotion immobilière, le lotissement, la planification et les grandes opérations hypothécaires»; à ce titre, il avait constitué Carma Developers Limited et il était l’avocat et le négociateur en chef de cette compagnie et de R.C. Baxter Limited de Winnipeg dans des négociations avec la Ville de Calgary qui ont eu lieu entre juillet et septembre 1969 au sujet de la subdivision et de l’aménagement d’un emplacement situé au nord-ouest de la ville, qui était un projet de Carma, et de la création [TRADUCTION] «d’un mail commercial nord-ouest» qui consistait essentiellement en un centre commercial régional et deux grands magasins, à être construits sur 45 acres de terrain par R.C. Baxter Ltd.
Le 15 octobre 1969, l’appelant, qui était un promoteur, investisseur et administrateur immobilier, a été élu maire de la ville et il a dit au cours de son élection:
[TRADUCTION] Les principales questions de la campagne ont été l’habitation, les taxes et la planification;
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en particulier, relativement à la planification, la protection des quartiers résidentiels contre la circulation, autrement dit, la protection du droit des propriétaires et des acheteurs à la jouissance tranquille des maisons dans lesquelles ils ont placé leurs économies, et l’obligation du conseil de ville de voir à accorder cette protection. À part ça, il y avait une question majeure, je crois, qui était simplement que les affaires publiques doivent se traiter publiquement.
Au moment de l’élection du maire, les négociations concernant le centre commercial avaient atteint l’étape où tous les intéressés s’apprêtaient à soumettre le projet à l’approbation du conseil municipal. Le maire ne s’était pas occupé personnellement des détails du projet et, en particulier, il n’était pas familier avec l’entrecroisement des rues dans le secteur, mais au cours de sa campagne électorale, il avait discuté de ce qu’il appelait [TRADUCTION] «ce problème de la 40e Avenue» avec un groupe de citoyens. Puisque ce «problème» et les engagements qui auraient été pris à son égard sont au cœur de toute la question soulevée dans le présent appel, il convient d’indiquer qu’au moment de l’élection le «problème» était de déterminer si la 40e Avenue devait être prolongée à l’ouest de la 53e rue pour desservir le nouveau lotissement proposé par Carma dans le secteur, ou si elle devait être fermée à la 53e rue. Cette question n’avait aucune importance pour la compagnie de Baxter, dont l’objectif était seulement d’obtenir l’approbation requise pour la construction du centre commercial. La question est bien décrite dans le témoignage de Hamilton, qui était commissaire aux Opérations et à l’Aménagement de la Ville de Calgary et qui a dit:
[TRADUCTION] Indépendamment, en quelque sorte, du projet de centre commercial, tel que proposé à ce moment-là, Carma Developers Limited se proposait de prolonger son lotissement résidentiel à l’ouest de la 53e rue qui à l’époque était la limite ouest des lotissements Varsity Village et Varsity Acreage, récemment aménagés. Pour aider ce projet de nouveau lotissement résidentiel, on a proposé de prolonger la 40e Avenue comme artère principale. Dans les brochures antérieures de Carma, préparées dans le but de vendre et promouvoir les terrains des lotissements existants, on n’avait pas indiqué que la 40e Avenue irait à l’ouest de la 53e rue; voyant que l’on voulait prolonger la 40e Avenue, les résidents du
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secteur ont commencé à exprimer leur crainte que la 40e Avenue devienne en fait une rue de circulation très intense au détriment de leurs propriétés, en particulier pour ceux qui résidaient sur l’avenue même, et entraîne d’autres effets nuisibles, si c’était le cas, soit diviser les districts scolaires, de sorte que les enfants seraient obligés de traverser cette rue à circulation intense et ainsi de suite. Bref, la question du prolongement de la 40e Avenue était en train de devenir une question politique locale chaudement débattue.
M. Hamilton a ajouté que ce problème grandissant préoccupait évidemment beaucoup le maire. C’est le seul problème concernant la 40e Avenue que le maire et la compagnie Baxter connaissaient le jour après les élections (le 16 octobre) et il n’est vraiment pas contesté que la question de savoir si, oui ou non, la 40e Avenue devait être prolongée au-delà de la 53e rue ou fermée à cet endroit-là n’était pas importante en ce qui concernait le projet du centre commercial, et l’intimé n’a jamais dit à l’époque qu’elle l’était.
Ce n’est pas avant la fin d’une réunion du 22 octobre présidée par le maire qui était accompagné de Hamilton et de son adjoint de direction, et à laquelle assistaient M. Waisman, le représentant autorisé des intérêts Baxter, M. Combe, de Carma, ainsi que l’intimé, qu’un des administrateurs municipaux responsables des tracés des rues a pour la première fois suggéré que la 40e Avenue soit fermée ou tronquée en cul-de-sac directement au nord du centre commercial. Il n’est pas clairement indiqué en quels termes M. Waisman s’est exprimé, mais, à la lecture du témoignage de l’intimé et de M. Hamilton, il ne fait aucun doute qu’il n’a pas souscrit à cette suggestion; en fait, comme nous le verrons ci-après, il n’était pas en mesure d’y souscrire à ce moment-là. Comme l’intimé a dit: [TRADUCTION] «Il ne voulait pas qu’elle soit fermée. De toute évidence, la fermeture de cette rue comme voie principale influerait sur la circulation, ou pourrait la modifier considérablement.»
Le maire devait savoir que la question de l’approbation des accords relatifs au centre commercial était à l’ordre du jour de l’assemblée du conseil municipal le 10 novembre et ce jour-là il devait savoir aussi de par les discus-
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sions qui avaient eu lieu le 22 octobre que les promoteurs s’opposaient à la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre et que ce point était la principale difficulté qui subsistait entre les promoteurs et la Ville. À l’assemblée du conseil, l’intimé a fait, en tant que seul porte‑parole des intérêts Baxter, des observations conformes aux discussions du 22 octobre, mais au moment où la question était venue à discussion, le maire était absent en raison d’un engagement pris auparavant et il n’a donc pas eu directement connaissance de ce qui s’est dit. Interrogé par le maire suppléant, l’intimé déclara qu’il ne pouvait pas assurer que le centre commercial serait construit si la 40e Avenue était fermée au nord de celui-ci, mais que ses instructions étaient qu’il serait construit si l’avenue restait ouverte; le conseil municipal approuva le plan du centre commercial par 7 voix contre 4.
C’est ensuite qu’arriva la conférence de presse spéciale à laquelle le maire avait convié tous les représentants des médias d’information le 12 novembre dans le but de publier la première de ses déclarations, qui contient une partie du libelle allégué dont se plaint l’intimé. La seule raison pour laquelle cette conférence n’a pas été tenue avant le 12 novembre est que, comme le maire l’a expliqué, le 11 novembre étant un jour férié il avait été retenu par certains engagements officiels dont il ne s’était libéré qu’à 3 ou 4 heures du matin, de sorte qu’il n’avait pu se consacrer que le jour suivant à la question du vote pris par le conseil municipal le 10 novembre. Il était alors très mécontent et plus tard le même jour, après avoir écrit une déclaration de sa propre main, il a pris des dispositions visant à lui donner la plus grande publicité possible.
Sa communication est relativement longue et comme elle a été reproduite dans les motifs des jugements des deux cours d’instance inférieure (Voir [1971] 1 W.W.R. 246, pp. 252-3, et [1971] 3 W.W.R. 161, pp. 171-3) je crois qu’il n’est pas utile de la répéter en entier. L’essentiel de la déclaration de l’appelant dans la mesure où elle
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touche l’intimé est que le jour après son élection (le 16 octobre), au cours d’une conversation téléphonique avec R.C. Baxter, qui était à Toronto, ce dernier a dit que «la question de la 40e Avenue le laissait tout à fait indifférent; que cette question n’avait jamais été importante en ce qui concernait le projet du centre commercial, et qu’il ne s’opposerait pas à la fermeture de la 40e Avenue si le conseil le désirait». Plus loin, la déclaration mentionne une rencontre à laquelle Waisman et l’intimé étaient présents et raconte que «M. Waisman a dit qu’il pensait, comme M. Baxter, que la question de la 40e Avenue n’était pas très importante dans le projet du centre commercial…». Plus loin, elle dit qu’à l’assemblée du conseil où a été étudié l’accord, les promoteurs «n’ont pas indiqué clairement que la question de la 40e Avenue n’avait aucune importance pour eux…», et finalement, le maire fait état d’une conversation téléphonique au cours de laquelle il a dit à Baxter que «je voyais là une preuve de grave manque de foi dans la façon dont sa compagnie avait mené l’affaire». Il serait peut-être préférable de citer en entier le paragraphe dans lequel figure cette dernière déclaration:
[TRADUCTION] J’ai téléphoné à M. Baxter le 12 novembre au matin et je lui ai dit que j’étais indigné de l’attitude adoptée par ses représentants qui avaient très habilement manœuvré en mon absence du conseil, et que je voyais là une preuve de grave manque de foi dans la façon dont sa compagnie avait mené l’affaire. J’ai dit à M. Baxter que je ferais une déclaration à cet effet à la fin de l’après-midi si je ne recevais pas un télégramme confirmant qu’il ne s’opposait nullement à ce que le conseil considère séparément la question de la 40e Avenue. M. Baxter et M. Waisman (les deux conversations ont eu lieu le même jour) ont confirmé ma façon d’interpréter ce que je leur avais dit et ce qu’ils m’avaient dit — mais ont déclaré qu’ils ne s’étaient pas rendus compte que j’y attachais tant d’importance ni que je tenais leurs déclarations pour des engagements.
M. Baxter a déclaré que M. Fraser avait reçu l’autorisation d’accepter la ratification de l’accord sous condition de fermeture de la 40e Avenue. Je ne crois pas que le conseil avait bien saisi que telle était la situation au moment du vote de lundi soir.
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Comme nous le verrons ci-après, je considère que l’effet de ces deux paragraphes en tant que tels est de distinguer Fraser nommément comme un avocat sur qui on ne pouvait compter pour exécuter lés instructions de son client et dont le défaut de ce faire a constitué un manque de foi grave.
On allègue que les extraits suivants tirés de la déclaration du maire du 12 novembre ont diffamé l’intimé:
[TRADUCTION] a) Si j’avais été présent, comme ce ne fut malheureusement pas le cas, j’aurais été en mesure de déjouer les tactiques des promoteurs…
b) J’ai téléphoné à M. Baxter le 12 novembre et je lui ai dit que j’étais indigné de l’attitude adoptée par ses représentants qui avaient très habilement manœuvrés en mon absence du conseil, et que je voyais là une preuve de grave manque de foi dans la façon dont sa compagnie avait mené l’affaire.
Le jour après que le maire eut convoqué sa conférence de presse spéciale et fait sa déclaration, une conférence de presse régulière a été tenue à l’hôtel de ville au cours de laquelle le maire a fait les déclarations suivantes à la presse, à la radio et à la télévision au sujet de l’assemblée du conseil du 10 novembre, déclarations que l’on allègue aussi être diffamatoires à l’endroit de l’intimé:
[TRADUCTION] c) La question n’est pas réglée si le conseil a été induit en erreur.
d) Il n’y a eu aucun malentendu sur ce qui a été dit. À mon avis, ils essaient de tromper le conseil ainsi que moi-même.
e) La question est de savoir s’ils vont faire affaires à Calgary cartes sur table, ou s’ils vont continuer leur petit jeu.
Je crois qu’il est important de remarquer que le maire n’a été saisi de la proposition de fermer la 40e Avenue au nord du centre qu’à la fin de la réunion du 22 octobre et que M. Waisman, parlant au nom de l’organisation Baxter, a alors indiqué clairement qu’il ne pouvait accepter pareille fermeture.
À l’instar des cours d’instance inférieure, je retiens la version de l’intimé quant à ce qui s’est
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produit lors de cette réunion et je crois qu’il est souhaitable de citer une bonne partie de son témoignage à ce sujet: [TRADUCTION]
Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s’est passé lors de cette réunion?
R. Je ne puis vous donner la conversation exacte, mais je me rappelle en gros que M. Hamilton, qui y représentait l’administration municipale, a indiqué que la réunion, que nous étions là pour discuter la question du mail commercial nord-ouest, mais que dans la mesure où l’administration municipale était concernée, les accords relatifs à l’aménagement étaient prêts à être présentés au conseil municipal, et en ce qui concernait les promoteurs, il fallait franchir cette étape avec assez de rapidité. Je pense que le maire a reconnu être au courant des faits constituant la toile de fond du mail commercial nord-ouest. Il nous a fait remarquer qu’il venait d’être élu avec une majorité très substantielle, mais qu’au cours de sa campagne électorale, il avait entendu de nombreuses objections de la part de citoyens concernant la 40e Avenue, ou le Plan du secteur nord-ouest, je suppose et (ou) le centre commercial, bien que je ne pense pas qu’on s’opposait particulièrement au centre commercial; que dans la mesure où il était concerné, le contenu des accords, des arrangements que la Ville avait conclus avec les promoteurs ne lui était pas personnellement familier; qu’il n’avait pas eu le temps de les assimiler, qu’ils étaient complexes, et qu’il était, je crois qu’il a indiqué qu’il était disposé à les accepter, qu’il ne reprendrait pas ce qui avait été fait par ceux qui les avaient approuvés au nom de la Ville. L’expression «reprendre ce qui avait été fait» est exactement celle qu’il a employée.
L’intimé a poursuivi son témoignage sur la discussion concernant la 40e Avenue en disant:
(TRADUCTION) Cependant, ce dont on a discuté c’est de la question de savoir où, de savoir si la 40e Avenue serait fermée, c’est-à-dire ne serait pas prolongée à l’ouest de la 53e rue.
* * *
Les secteurs situés à l’ouest de la 53e rue étaient destinés à des lotissements futurs, à des secteurs résidentiels futurs, où habiteraient un grand nombre de résidents. Je crois que l’objection essentielle soulevée par au moins un certain nombre de citoyens était qu’en permettant l’accès à la 40e Avenue à la circula-
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tion venant de l’ouest, on transformerait le segment de la 40e Avenue indiqué sur cette photographie en une artère principale. Je ne suis pas sûr d’avoir employé l’expression exacte, mais la circulation serait beaucoup trop intense à leur goût. M. Combe et M. Waisman, parlant au nom de leurs compagnies respectives, ont tous deux indiqué qu’ils n’avaient aucune objection, ni leurs compagnies, aux transformations que la Ville pourrait décider de faire quant à la 40e Avenue à l’ouest de la 53e rue; elle pouvait en faire un cul-de-sac, elle pouvait la fermer comme le département de la planification municipale le voulait et comme les plans le prévoyaient alors, elle pouvait en fait la faire virer en boucle vers le nord; ils n’avaient aucune objection et M. Waisman et M. Combe ont tous deux précisé ce point. Alors, vers la fin de la réunion, je me rappelle que le maire n’a pas pris part à ces discussions, bien que les commentaires fussent adressés en fait au maire. Vers le fin de la réunion, M. Cornish, qui, comme je l’ai dit, était vraiment le fonctionnaire municipal responsable de l’administration quotidienne de ces affaires, et était en fait le dépanneur du bureau des commissaires, a demandé à M. Waisman, ou a indiqué un plan qui était sur le bureau du maire, je ne me rappelle pas s’il était ouvert ou non, on en avait pas parlé précédemment dans la conversation, mais il a indiqué le plan et a dit à M. Waisman, «Vous opposeriez-vous à la fermeture de la 40e Avenue…» Je ne me rappelle pas en ce moment s’il a dit ici ou au nord du centre commercial, mais il a indiqué le plan et je mettrai un X sur le secteur général auquel il se reportait. La réponse de M. Waisman fut immédiate et complètement négative.
Cela faisait clairement mention de l’avis selon lequel la 40e Avenue devait être fermée au nord du centre commercial et le point marqué d’un «X» était ce qu’on en était venu à l’hôtel de ville à désigner généralement par les termes «check point Charlie».
Comme je l’ai indiqué plus haut, on n’est pas sûr des termes exacts que Waisman a employés quand il a exprimé son désaccord sur la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre commercial, et vers la fin de son interrogatoire, l’intimé a indiqué qu’il ne pouvait pas se rappeler si Waisman avait effectivement dit «non». Cependant, il ressort clairement du témoignage de Hamilton que Waisman, parlant au nom de la compagnie, non seulement n’était pas d’accord
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sur la fermeture projetée mais ne pouvait l’être parce qu’au moment de la réunion, la compagnie qui devait louer l’un des deux grands magasins du côté nord, les pôles d’attraction du centre, n’avait pas accepté la proposition.
Il est intéressant de remarquer ce que le maire avait à dire au sujet de la proposition de faire un cul-de-sac de la 40e Avenue. Au cours de son témoignage, il a dit en partie:
[TRADUCTION] Il y avait une carte sur le coin de mon bureau, et le bureau était une pièce de marbre noir d’environ huit pieds de long, et très loin de moi, et le plan montrait la solution d’un problème particulier de circulation qui était, je crois, ce que le commissaire Hamilton a appelé le «check point Charlie». C’était le projet personnel de l’échevin Petrasuk, je crois, et peut-être d’autres personnes à l’hôtel de ville, je ne m’en suis pas préoccupé du tout, ils ont commencé à en discuter. A la fin de la réunion, je leur ai proposé de poursuivre leur discussion technique à l’extérieur de mon bureau, je ne voulais pas y être partie, et ils sont tous partis en emportant leur plan et leur paperasse et en continuant de parler.
Plus tard, le maire a parlé ainsi de l’attitude de Waisman à la réunion:
[TRADUCTION] Les principes directeurs ne l’intéressaient pas, Dick Baxter et les conversations entre Baxter et moi-même ne l’intéressaient pas,…
Waisman était la personne au sujet de qui l’intimé avait dit relativement aux négociations sur le centre commercial entre la compagnie et la Ville:
[TRADUCTION] Il était le commettant, la personne qui, en ce qui concernait l’organisation de Baxter et Waisman, menait l’affaire.
Le savant juge de première instance, qui a retenu la version de Fraser sur les faits, a ainsi décrit ce qui s’est passé à la réunion:
[TRADUCTION] Le demandeur dit que la question de la 40e Avenue N.O. a été traitée au cours de la réunion mais que le point en litige était son prolongement à l’ouest de la 53e rue et les objections que les résidents soulèveraient à cause de l’accroissement de circulation qui en résulterait. Combe et Waisman ont fait savoir qu’ils ne s’opposeraient pas à pareil prolongement.
Selon le demandeur, le défendeur n’a pas participé à cette discussion bien que quelques remarques lui
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aient été adressées. Il dit qu’à la fin de la réunion, qui a duré environ une heure et demie, Cornish a indiqué un plan qui était sur le bureau du défendeur et a demandé à Waisman s’il s’opposerait à la fermeture de la 40e Avenue N.O. à un point situé au nord du centre commercial. Ce point est marqué d’un X sur le plan, la pièce 12. Waisman a répondu immédiatement que les promoteurs ne voulaient pas que la 40e Avenue N.O. soit fermée à cet endroit. C’était la première fois que le demandeur entendait parler de cette suggestion. Il pensait que la réunion avait pour but de saisir le plus tôt possible du projet le conseil municipal.
Dans son communiqué de presse du 12 novembre, le maire a fait les déclarations suivantes concernant la réunion qu’il avait tenue avec Waisman et certains de ses associés (Messieurs Combe et Fraser):
[TRADUCTION] (i) M. Waisman a ensuite dit qu’il pensait, comme M. Baxter, que la question de la 40e Avenue n’était pas très importante dans le projet du centre commercial; et il a ajouté que le problème de la 40e Avenue avait été créé par la Ville et non par le projet du centre commercial.
(ii) J’ai clairement indiqué que cette position, savoir que le conseil pouvait décider la question de la 40e Avenue (la fermer ou la laisser ouverte) indépendamment de celle du centre commercial, devait être claire pour le conseil - - - que les promoteurs devaient indiquer clairement que la question de la 40e Avenue n’avait aucune importance pour eux, et que, dans ces conditions, je pensais pouvoir appuyer le projet.
L’intimé a donné le témoignage suivant en ce qui concerne l’allégation selon laquelle ces déclarations avaient été faites à la réunion:
[TRADUCTION] Q. Toujours dans la déclaration: «M. Waisman a ensuite dit qu’il pensait, comme M. Baxter…» A-t-il dit cela?
R. Non.
Q. «…que la question de la 40e Avenue n’était pas très importante dans le projet du centre commercial»; a-t-il dit cela?
R. Non, monsieur. Si une — toute déclaration qui a été faite par M. Waisman relativement à la 40e Avenue, autre que les propos sur la démocratie que j’ai mentionnés, l’a été relativement au prolongement de la 40e Avenue à l’ouest de la 53e rue.
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Q. Toujours dans la déclaration et citant de nouveau: «…et il a ajouté que le problème de la 40e Avenue avait été créé par la Ville et non par le projet du centre commercial». A-t-on dit cela?
R. Le tracé de la 40e Avenue à l’ouest de la 53e rue a été une décision de la Ville, c’est exact.
Q. Toujours dans la déclaration, je lis, on emploie la première personne: «J’ai clairement indiqué…», c’est le maire qui parle, «j’ai clairement indiqué que cette position, savoir que le conseil pouvait décider la question de la 40e Avenue (la fermer ou la laisser ouverte) indépendamment de celle du centre commercial, devait être claire pour le conseil…» A-t-on dit cela?
R. C’est complètement inexact. La position était que les accords relatifs au centre commercial du mail commercial nord-ouest ne pouvaient être présentés au conseil avant et à moins que la question de la 40e Avenue ne soit réglée à la satisfaction des citoyens ainsi que du maire.
Q. Toujours dans la même déclaration, il y a un tiret après la dernière partie que j’ai citée, et on lit ensuite, « — que les promoteurs devaient indiquer clairement que la question de la 40e Avenue n’avait aucune importance pour eux…» a-t-on dit cela?
R. Je m’excuse, pouvez-vous répéter?
Q. « — que les pomoteurs devaient indiquer clairement que la question de la 40e Avenue n’avait aucune importance pour eux…»?
R. Non, monsieur, non.
Q. Vous dites non?
R. Ce n’est pas exact.
Q. A-t-on dit cela?
R. On ne l’a pas dit parce que, de toute évidence, la question de la 40e Avenue était importante pour eux. On ne l’a tout simplement pas dit.
Ainsi, il est clair que si la version de l’intimé quant à la rencontre du 22 octobre doit être retenue, comme elle l’a été dans toutes les cours, aucun engagement, aucune assurance ni aucune promesse n’a été faite ou donnée à ce moment-là au nom des intérêts Baxter à l’effet de laisser le conseil traiter la question de la 40e Avenue indépendamment de celle du centre commercial et il n’a pas été convenu non plus que la question de la 40e Avenue n’était pas
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importante pour les promoteurs. Au contraire, comme je l’ai indiqué, M. Waisman a donné une réponse immédiate et négative à la suggestion de fermer la 40e Avenue au nord du centre, dès que cette question fut soulevée, et il Ta fait en présence du maire.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la déclaration qui a incité le maire à alléguer «le manque de foi» et la tentative «de tromper le conseil ainsi que moi-même» est celle qu’a faite l’intimé quand il a comparu en tant que représentant et seul porte-parole des intérêts Baxter à l’assemblée du conseil du 10 novembre au sujet de la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre commercial. Le témoignage de l’intimé lui-même sur ce qui a été dit, témoignage qui n’est pas mis en doute, est le suivant:
[TRADUCTION] Le maire suppléant m’a de nouveau appelé et m’a précisément demandé: «le centre commercial serait-il construit advenant la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre commercial?» J’ai répondu que je ne pouvais rien assurer, mes instructions étant que, si la 40e Avenue restait ouverte, le centre commercial serait construit, mais que, si la 40e Avenue était fermée au nord du centre commercial, je ne pouvais pas assurer qu’il le serait. Il n’y a aucun doute sur ce qui m’a été dit à cette occasion.
Lorsqu’on a interrogé M. Hamilton, le commissaire aux Opérations et à l’Aménagement de la Ville, au sujet de ces observations devant l’assemblée du conseil municipal, il a témoigné comme suit:
[TRADUCTION] Q. Maintenant, avez-vous entendu M. Fraser faire une déclaration qui n’était pas conforme aux faits comme vous les compreniez? R.M. Fraser n’a rien dit qui s’écartait de ce que j’avais entendu au cours de la conversation mentionnée plus tôt dans le bureau du maire.
Il s’agit là de la réunion du 22 octobre que le maire a présidée et on se réfère ici aux observations qui ont été faites devant le conseil municipal au nom des promoteurs. Retenant la version de l’intimé quant à la réunion du 22 octobre, ainsi que celle de M. Hamilton quant à ce que l’intimé a dit le 10 novembre, je suis convaincu que le maire savait parfaitement, plus de deux semaines avant l’assemblée du conseil municipal, que l’attitude des promoteurs était celle que
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l’intimé a par la suite exposée au conseil municipal. Dans les circonstances, il n’y a eu aucun manque de foi de la part des promoteurs ou de l’intimé et ni le conseil ni le maire n’ont été trompés.
De plus, selon ce que je comprends des réponses données par le propre avocat de l’appelant au cours de la nouvelle audition, il m’apparaît clairement que quelles que soient les déclarations que M. Baxter a faites au maire, il n’a en aucun temps pris d’engagement en ce qui concerne la fermeture de la 40e Avenue.
Comme il est mentionné dans les jugements du savant juge de première instance[2] et de la Cour d’appel de l’Alberta[3], il faut d’abord déterminer deux questions. La première est une question de droit, à savoir, si la déclaration incriminée peut, compte tenu de son libellé, être considérée comme pouvant se référer à l’intimé. La seconde question est la suivante: Est-ce que l’article porte effectivement une personne raisonnable qui connaît l’intimé à conclure qu’il se réfère à lui? Cette dernière est une question de fait.
Les cours d’instance inférieure ont fait une étude approfondie des précédents pertinents et je suis d’accord, pour les motifs énoncés dans les deux cours, que les termes employés dans la déclaration du maire doivent être interprétés à la lumière des circonstances qui ont donné lieu à leur emploi, et que, sous ce jour, ils peuvent clairement se référer à l’appelant et qu’ils se référaient effectivement à lui. Je crois aussi que la déclaration faite par le maire le 12 novembre répond au critère mentionné par Lord Selborne dans l’arrêt Capital and Counties Bank Ltd. v. Henty & Sons[4], où il a dit:
[TRADUCTION] D’après les précédents, le critère consiste à déterminer si, dans les circonstances où l’écrit a été publié, des personnes raisonnables à qui l’écrit s’adressait lui donneraient vraisemblablement un sens diffamatoire.
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Je souscris à l’analyse des faits et du droit qu’a résumée M. le Juge Clement, qui parlait au nom de la Cour d’appel, p. 173:
[TRADUCTION] On peut difficilement avancer de façon convaincante que Sykes n’est pas responsable à l’égard de la publication de sa déclaration dans les médias d’information. Tous ceux qui avaient assisté à l’assemblée du conseil du 10 novembre, les citoyens, échevins, fonctionnaires municipaux et journalistes, pouvaient facilement conclure que Fraser était visé. D’autres personnes pouvaient sans doute avoir à l’esprit l’article de journal du 11 novembre qui mentionnait expressément le nom de Fraser: c’est la publication de cet article qui a incité Sykes lui-même à agir comme il l’a fait. Ceux qui ont assisté aux deux conférences de presse convoquées par Sykes ne pouvaient douter qu’il mettait Fraser en cause. Dans les circonstances, une personne raisonnable pouvait conclure que les termes reprochés visaient Fraser, et je suis d’avis que le savant juge de première instance avait raison de conclure qu’ils le visaient effectivement.
Le sort des autres moyens de défense peut être réglé en moins de mots. Je suis d’avis que le savant juge de première instance a eu raison de statuer que les mots reprochés avaient un sens diffamatoire à l’endroit du demandeur, et je suis aussi d’avis que dans le contexte où ils étaient employés, ce sens découlait de leur sens naturel et ordinaire tel qu’il serait reçu par un homme ordinaire et raisonnable sans connaissance spéciale et sans qu’il y ait extension par insinuation.
Quand au moyen de justification (soit, que les reproches étaient vrais), autant que ce moyen a été plaidé, le savant juge de première instance a conclu qu’en fait aucune de ces affirmations n’était vraie, et la preuve était plus que suffisante pour justifier cette conclusion. Cette conclusion règle aussi le sort du moyen excipant de commentaires loyaux puisque ce moyen de défense ne peut tenir que si les faits commentés ont été exposés conformément à la vérité: Manitoba Free Press c. Martin (1892), 21 R.C.S. 518, p. 528.
Je suis aussi d’accord avec M. le Juge Clement, pour les motifs qu’il a exposés, que le moyen fondé sur l’immunité relative ne peut être soulevé quant aux occasions dans lesquelles l’appelant a publié ses déclarations.
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La conclusion selon laquelle aucune des affirmations de l’appelant n’était vraie est une conclusion sur des faits que les deux cours d’instance inférieure ont vigoureusement établie et je ne suis pas disposé en l’espèce à mettre de côté la longue pratique générale établie par cette Cour de ne pas modifier des conclusions concordantes sur des faits de deux cours d’instance inférieure. En l’espèce, les conclusions sont fondées sur une preuve plus que suffisante et il n’a pas été établi qu’il y a eu fausse interprétation des faits ou erreur de principe.
Dans le présent appel, les plaidoiries originales ont pris fin le 1er février 1972, mais sur directive du Juge en chef l’appel a été réentendu par la Cour en banc plénier au mois de décembre 1972, aux fins de plaider les questions suivantes, à savoir:
Un membre d’un groupe associé de trois personnes peut-il avoir gain de cause dans une action en libelle lorsque
(1) le groupe est pris à partie collectivement dans une déclaration publique;
(2) les deux autres membres ne peuvent intenter d’action pour les reproches;
(3) aucune mention particulière ne le distingue des autres dans la déclaration;
(4) les reproches sont faits à cause d’un engagement sur une question d’intérêt public que ses associés ont pris envers l’auteur de la déclaration, mais que, en tant que porte-parole de ceux-ci, il nie ou refuse de faire sien; et
(5) à ce moment-là, il n’était pas au courant de l’engagement pris par ses associés.
Je crois qu’il est souhaitable d’étudier séparément les cinq aspects de cette question.
Quant aux deux premiers articles, je suis convaincu que le groupe a été pris à partie collectivement dans la déclaration de l’appelant, mais, compte tenu de l’avis que j’ai exprimé, je ne suis pas du tout convaincu que les deux autres membres du groupe n’auraient pu intenter d’action pour les reproches, et, de toute manière, je ne crois pas qu’il aurait été souhaitable de rendre une décision finale sur cette question en l’instance.
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Quant au troisième article, je me bornerai à respecter les conclusions des cours d’instance inférieure selon lesquelles lorsque les termes employés dans la déclaration de l’appelant sont lus à la lumière des circonstances qui ont donné lieu à leur emploi, ils sont clairement susceptibles de se référer à l’intimé et ils se réfèrent effectivement à lui, et cette opinion est renforcée par le paragraphe de la déclaration de l’appelant où il dit:
[TRADUCTION] M. Baxter a déclaré que M. Fraser avait reçu l’autorisation d’accepter la ratification de l’accord sous condition de fermeture de la 40e Avenue. Je ne crois pas que le conseil avait bien saisi que telle était la situation au moment du vote de lundi soir.
Dans le contexte de la déclaration du maire, il s’agit d’une mention évidente de quelque chose que Baxter a dit après la réunion du 10 novembre à un moment où lui-même, le maire et les lecteurs du journal local savaient tous que Fraser avait agi contrairement à cette autorisation, si jamais pareille autorisation avait été accordée. A mon avis, le paragraphe en question, lu en regard du paragraphe précédent, signifie clairement que «M. Fraser» (l’intimé) n’a pas exécuté les instructions de ses clients et qu’il a ainsi induit en erreur et trompé le conseil municipal. Quand ce paragraphe a été lu à l’intimé, il a nié catégoriquement avoir reçu pareilles instructions de Baxter et de Waisman et, à l’instar des deux cours d’instance inférieure, je crois que son témoignage a été véridique. Par conséquent, je ne puis souscrire à la proposition contenue dans le troisième article selon laquelle aucune mention particulière ne distingue un membre du groupe des autres dans la déclaration.
Quant au quatrième article, je suis, comme je l’ai indiqué, convaincu que l’allégation selon laquelle un membre du groupe a refusé de faire sien un engagement pris par ses associés s’adresse à la déclaration faite par l’intimé à l’assemblée du conseil du 4 novembre que si la 40e Avenue était fermée au nord du centre commercial et il ne pouvait pas assurer que le centre commercial serait construit. Vu le fait, qui est maintenant apparent, qu’aucun engagement n’a
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été pris par un membre du groupe relativement à la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre, je ne puis conclure que les reproches découlaient «d’un engagement sur une question d’intérêt public que ses associés ont pris envers l’auteur de la déclaration, mais que, en tant que procureur et porte-parole de ceux-ci, il nie ou refuse de faire sien.»
Quant au cinquième article, à mon avis, que Fraser ait agi comme solicitor, porte‑parole ou agent immobilier pour le compte des intérêts Baxter, et que l’engagement allégué ait été pris ou non, le fait qu’il ne connaissait pas cet engagement le détache de ses associés de sorte que si, agissant de bonne foi et sur les instructions de ses commettants, il a fait des observations qui se sont avérées trompeuses et qui ont donné lieu à un manque de foi de la part de son commettant, il ne pouvait être stigmatisé comme étant une personne qui a induit en erreur et trompé l’organisme auquel il s’adressait sans avoir de recours en diffamation. Je crois que l’arrêt Bulleton Co. Ltd. c. Sheppard[5], et en particulier, la déclaration du juge de première instance qui est citée dans cet arrêt à la page 463, vient à l’appui de ce que j’ai dit à ce sujet.
L’appelant a aussi allégué que l’indemnité de $10,000 était trop élevée et je crois qu’il est souhaitable à cet égard de citer l’avant-dernier alinéa des motifs du jugement de première instance, qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] Compte tenu des circonstances de l’espèce, y compris les fonctions exercées par le défendeur, la profession du demandeur, la négligence du défendeur et son défaut de s’excuser, la nature des déclarations diffamatoires et la publicité considérable qui leur a été faite, et les dommages-intérêts adjugés dans des actions en diffamation semblables, et compte tenu de l’effet atténuant de l’absence d’intention de la part du défendeur de diffamer le demandeur, j’adjuge des dommages-intérêts généraux au montant de $10,000.
Comme je l’ai indiqué, je ne crois pas que la cause d’action de l’intimé était subordonnée au fait qu’il était un avocat bien connu ayant une exprérience considérable dans les domaines du
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lotissement immobilier et de la planification urbaine. Au contraire, je crois qu’il aurait eu droit à un recours même s’il n’avait eu aucune semblable formation professionnelle, mais dans les circonstances de la présente affaire il représentait depuis quelques années les intérêts Baxter à titre d’avocat dans des négociations qu’il menait avec la Ville au sujet du centre commercial et puisque c’était en cette qualité que ses services avaient été retenus comme seul porte‑parole de cette compagnie à l’assemblée du conseil municipal tenue le 10 novembre, je crois que les termes diffamatoires que l’appelant a publiés à son sujet pouvaient fort bien être considérés comme écrits et prononcés à son sujet en sa qualité de professionnel et, à mon avis, le savant juge de première instance était donc fondé à prendre en considération cet élément en adjugeant les dommages-intérêts.
De toute manière, il ne s’agit pas, à mon avis, d’une affaire dans laquelle une adjudication de dommages-intérêts faite par le savant juge de première instance et confirmée par la Division d’appel peut être considérée comme si exagérément élevée que cette Cour est fondée à la modifier.
Pour tous les motifs susmentionnés, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.
Le jugement des Juges Hall, Spence, Pigeon et Laskin a été rendu par
LE JUGE LASKIN (dissident) — Le présent appel résulte d’une action en diffamation et a d’abord été plaidé devant un banc composé de cinq juges dont je faisais partie. L’appel a été entendu de nouveau par la Cour siégeant en banc plénier suivant une directive du 18 octobre 1972 invitant les avocats à inclure dans leurs plaidoiries leurs prétentions sur une question formulée comme suit dans la directive:
[TRADUCTION] Un membre d’un groupe associé de trois personnes peut-il avoir gain de cause dans une action en diffamation lorsque
(1) le groupe est pris à partie collectivement dans une déclaration publique;
(2) les deux autres membres ne peuvent intenter d’action pour les reproches;
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(3) aucune mention particulière ne le distingue des autres dans la déclaration;
(4) les reproches sont faits à cause d’un engagement sur une question d’intérêt public que ses associés ont pris envers l’auteur de la déclaration, mais que, en tant que porte-parole de ceux-ci, il nie ou refuse de faire sien; et
(5) à ce moment-là, il n’était pas au courant de l’engagement pris par ses associés.
Cette question est jointe intimement aux faits de l’affaire, comme il ressortira de l’exposé suivant, et, à mon avis, la réponse à cette question doit être négative.
La seconde audition de cet appel, de même que la première, a fait voir une différence d’opinions entre les avocats des parties quant à l’importance des faits exposés et retenus par le juge de première instance. Son jugement, comme celui de la Cour d’appel, est fondé sur des conclusions que je ne partage pas parce que je vois les mêmes faits dans une optique différente et que j’attache, juridiquement parlant, de l’importance à d’autres faits que le juge de première instance n’a pas considérés en appliquant le droit.
Le demandeur Fraser est avocat, membre d’une étude, et bien considéré dans sa profession. Avant le présent litige, une grande partie de son travail consistait à représenter les promoteurs immobiliers dans leurs négociations avec les fonctionnaires municipaux et devant les organismes municipaux, y compris les conseils municipaux. Le droit de plaider devant pareils organismes n’est évidemment pas réservé exclusivement aux avocats, et le fait que Fraser est membre du barreau n’importe pas quant à la question de la responsabilité du défendeur dans la présente affaire. Les accusations de libelle, si elles s’avèrent fondées, pourraient aussi bien être portées par un non-avocat; elles ne s’adressent pas spécialement à la profession de Fraser.
Le défendeur Sykes a été élu maire de Calgary le 15 octobre 1969, la première fois qu’il briguait les suffrages. Les événements qui ont donné lieu aux procédures dont cette Cour est maintenant saisie se sont produits entre le 16 octobre 1969 et le 14 novembre 1969. Ils con-
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cernent deux compagnies clientes du demandeur, soit Carma Developers (North) Ltd. et R.C. Baxter Ltd. (toutes deux ayant leur siège social à Winnipeg), leur porte-parole principal, un nommé R.C. Baxter, et l’associé de ce dernier, un nommé A.H. Waisman, dont la responsabilité première concernait la planification et l’architecture dans les travaux d’aménagement de terrains. Les deux compagnies comme telles ne jouent aucun rôle dans la présente affaire, si ce n’est en tant que personnes morales au nom desquelles Baxter et Waisman ont négocié. C’est le rôle de ces deux derniers, et surtout celui joué par Baxter, dans les questions qui ont donné lieu à la présente action qui est important.
Quelque temps avant 1969, Baxter et Waisman avaient projeté l’aménagement d’un centre commercial sur un terrain de 45 acres dans le quadrant nord-ouest de Calgary. À la même époque, ce quadrant faisait l’objet d’un plan d’aménagement général de la ville. Une des questions soulevées par cet aménagement et le centre commercial projeté était le contrôle d’une circulation accrue et son effet sur les résidents de la région. Une artère est-ouest importante dans la région était la 40e Avenue Nord-Ouest qui, à cette époque, se rendait jusqu’au côté est de la 53e rue, qui était juste au nord-ouest du centre commercial projeté. La question du prolongement vers l’ouest de la 40e Avenue à travers la 53e rue était un point très important dans l’aménagement d’ensemble.
Une deuxième question qui s’est posée relativement à l’état de la circulation était de savoir s’il fallait fermer la 40e Avenue pour arrêter la circulation venant du nord. Elle devait être la limite nord du centre commercial, et sa fermeture à proximité à la circulation venant du nord gênerait évidemment l’accès au centre commercial.
Ni le demandeur ni personne d’autre parmi ceux qui sont directement ou indirectement mêlés au présent litige n’ignorait les questions du plan municipal d’aménagement et du projet privé de centre commercial, et les problèmes de voirie ou de circulation qu’ils soulevaient. En
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fait, au cours de la campagne électorale à la mairie, le défendeur avait manifesté son intention, s’il était élu, de veiller à ce que les citoyens touchés par des projets commerciaux qui nuieraient aux environs en provoquant un accroissement de la circulation aient l’occasion de se faire entendre.
À mon avis, il importe peu de déterminer si, oui ou non, la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre commercial projeté a été désignée comme question électorale dans la campagne du maire. C’était toutefois un facteur circulation que le maire considérait comme important, et il l’a clairement indiqué à partir du 16 octobre comme l’exposé suivant le démontre.
Le 16 octobre 1969, Baxter a téléphoné de Toronto au défendeur pour discuter la possibilité d’amener le nouveau conseil municipal à régler rapidement la question du projet du centre commercial, qui était reconnue comme question d’intérêt public depuis environ trois ans. Au cours de cette conversation, comme le révèlent le témoignage du défendeur et son communiqué de presse du 12 novembre 1969 (sur lequel l’instance est fondée et que j’expose ci-après), Baxter a dit au défendeur que la question de la 40e Avenue «le laissait tout à fait indifférent» et qu’il lui importait peu que la rue soit fermée ou non. Le défendeur a prétendu que cela voulait dire que le conseil pouvait étudier séparément la question de la fermeture de la rue, dans le cadre de son plan d’aménagement général, et que sa décision n’influerait pas sur la réalisation du projet du centre commercial. Le défendeur n’a pas prétendu que Baxter s’était engagé à consentir à la fermeture de la rue, mais seulement que Baxter était d’accord pour que sa volonté de mettre à exécution le projet ne soit pas subordonnée à la question de savoir si la rue resterait ouverte ou serait fermée; les deux questions devaient être discutées et décidées indépendamment l’une de l’autre.
À mon avis, il importe de remarquer que ni Baxter ni Waisman n’ont témoigné, et on n’a pas exprimé l’avis que leur témoignage n’aurait pû être obtenu. Je ne dis pas cela dans le but de
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juger après coup la façon dont les procédures ont été conduites, mais parce que, à mon avis, le juge de première instance n’avait aucune raison valable de se reporter à l’engagement de Baxter en s’exprimant dans les termes mitigés qu’il a employés. L’engagement a été clairement rendu public dans le communiqué de presse et le défendeur en a aussi parlé dans son témoignage. Il est à la base de toute l’affaire. Il forme le fondement de la position du défendeur vis-à-vis de Baxter et Waisman et, par leur entremise, de Fraser. Le juge de première instance ne semble pas avoir compris sa relation avec les questions en litige en l’espèce. Un passage central des motifs du juge de première instance, qui était à la fois juge et jury dans la présente affaire, se lit comme suit:
[TRADUCTION] Je conclus que même si le défendeur a effectivement obtenu de Baxter un engagement définitif et de Waisman une confirmation de cet engagement, comme il le prétend, il n’a pas exposé ou répété cet engagement à la réunion du 22 octobre. Je conclus aussi que le demandeur n’a jamais eu connaissance de l’engagement allégué avant le mercredi 12 novembre 1969. Cette conclusion est corroborée par le témoignage du défendeur au procès qu’il n’avait aucune connaissance selon laquelle le demandeur était au courant de l’engagement pris par Baxter envers lui, et par le témoignage de Hamilton que l’exposé du demandeur devant le conseil de ville, le 10 novembre, ne différait pas des discussions prises ou menées à la réunion du 22 octobre.
La réunion du 22 octobre 1969 mentionnée dans le passage ci-dessus est le deuxième en importance des événements du litige. Elle a fait suite à l’appel téléphonique et a eu lieu dans le bureau du maire. Étaient présents à la réunion, Waisman et un associé, un certain Combe, accompagnés du demandeur, et le défendeur, accompagné de deux fonctionnaires supérieurs de la municipalité, Hamilton et Cornish. Le juge de première instance a retenu le témoignage du demandeur quant à ce qui s’est passé au cours de cette réunion. Avant la réunion, le maire a eu un entretien privé de dix minutes environ avec Waisman. Le demandeur n’était pas alors connu du défendeur, qui pensait qu’il était un adjoint de Combe, et Waisman n’a pas tenté de se faire accompagner de Fraser à la réunion privée car il
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est entré seul dans le bureau du maire. Le maire a témoigné qu’au cours de cette réunion privée, il a discuté avec Waisman de sa conversation téléphonique du 16 octobre avec Baxter, que Waisman comprenait le rapport entre la question de la fermeture de la rue et les deux aménagements, et que le maire ne s’attendait pas à d’autres engagements de la part de Waisman parce qu’il croyait que Baxter était le seul commettant et il s’était déjà entendu avec lui.
Ce qui est ressorti de la réunion du 22 octobre (qui a suivi l’entretien privé entre le maire et Waisman), comme l’a relaté le demandeur et conclu le juge de première instance, c’est que la participation du défendeur a été minime (en fait, le défendeur a témoigné que la réunion portait sur des détails techniques), que la discussion sur la 40e Avenue N.O. concernait son prolongement vers l’ouest, que Cornish a demandé à Waisman s’il s’opposerait à la fermeture de la rue à un certain point au nord du centre commercial projeté et que Waisman a répondu que les promoteurs ne voulaient pas qu’elle soit fermée à cet endroit. Le demandeur a témoigné que c’était la première fois qu’il entendait parler de la fermeture de l’avenue. Il croyait que seul le prolongement en direction ouest était en question en ce qui concernait la rue. Je remarque que Hamilton a témoigné qu’au cours de la réunion, le maire a fait savoir qu’il tenait à ce que les promoteurs indiquent clairement que la question de la 40e Avenue N.O. ne leur importait pas. Le témoignage du demandeur confirme ce fait. Donc, à la fin de la réunion, la situation était la suivante: les personnes présentes, y compris le demandeur, savaient que le maire tenait à dissocier l’approbation du projet de centre commercial de la question de la 40e Avenue N.O. Cependant, le demandeur ignorait à ce moment-là que le défendeur et Baxter s’étaient entendus à ce sujet. En contre-interrogatoire, on a dit au demandeur que [TRADUCTION] «vos commettants ne vous ont pas toujours tenu au courant de tous les détails de cette affaire», et il a répondu: «Je ne puis dire que je l’étais, monsieur, non».
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Le projet du centre commercial était à l’ordre du jour de l’assemblée du conseil du 10 novembre 1969. Le demandeur a eu un entretien préalable avec Baxter et Waisman, et, selon son témoignage, c’était la première fois qu’il discutait avec eux de la fermeture de la 40e Avenue N.O. Il devait être leur porte-parole à l’assemblée, et avant qu’elle ne débute, un échevin et Cornish lui ont demandé si ses clients lui avaient indiqué qu’ils consentiraient à la fermeture de la 40e Avenue N.O. immédiatement au nord du centre commercial projeté. Il a répondu qu’il n’avait pas reçu d’instructions en ce sens; on lui a dit que l’approbation du centre commercial serait plus certaine si ses clients consentaient à la fermeture. Sur ce, le demandeur a demandé des directives à ses clients et il a noté celles-ci à la main. Elles sont consignées dans des notes déposées comme pièce au procès (Pièce 16), et en voici la teneur:
[TRADUCTION] En ce qui a trait à la fermeture de la 40e Avenue, j’ai reçu l’ordre de dire que Baxter ou Carma n’ont pris, ou ne pouvaient prendre, aucun engagement au sujet de la fermeture de cette rue, en raison des nombreux intérêts divers concernés qu’il faudrait consulter et dont il faudrait obtenir l’approbation.
Les intérêts divers mentionnés sont les bailleurs de fonds et les locataires principaux.
Je désire maintenant signaler qu’indépendamment de ce que Fraser savait ou ne savait pas, on croyait, avant l’assemblée du conseil du 10 novembre, il savait alors ce que ses commettants Baxter et Waisman savaient déjà, à savoir, que le maire et d’autres personnes étaient beaucoup préoccupés par le rapport entre le centre commercial projeté et la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre commercial. La pièce 16, que j’ai déjà mentionnée, et la pièce. 14, mentionnée dans ce qui suit, sont, à mon avis, des documents très révélateurs, mais ni le juge de première instance ni la Cour d’appel ne les ont mentionnés.
Le défendeur a présidé l’assemblée du conseil qui a d’abord été saisie du plan général d’aménagement. Cependant, il a dû quitter l’assemblée avant l’étude du projet du centre commercial, et Baxter est également parti avant ce moment. Le
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demandeur est resté avec Waisman, Combe et deux autres personnes, et a fait son exposé sur le projet du centre commercial. Il ne s’est pas servi de la pièce 16, mais il s’est reporté à différentes directives qu’il avait aussi écrites au préalable sous forme de notes. Ces notes ont été déposées comme pièce 14 et il s’en est beaucoup inspiré dans son exposé, comme l’indique le passage suivant de son témoignage:
[TRADUCTION]… c’est moi qui ai écrit ces notes et j’étais plutôt tendu à ce moment-là. «Allons-nous accepter la fermeture de la 40e Avenue. En réponse, on m’a dit de dire trois choses. Premièrement, la fermeture ne concorde pas avec les recommandations, telles que je les comprends, de l’administration municipale. J’en déduis, pour ne pas dire plus, qu’il serait dans l’intérêt d’une bonne planification de ne pas fermer la rue. Deuxièmement, à ma connaissance, tous les plans, contrats légaux, arrangements relatifs à la location et engagements financiers ont été faits à partir de la prémisse que la 40e Avenue resterait ouverte.» A ce moment-là, j’ai dit quelque chose comme quoi ma tâche s’était limitée aux contrats de vente du terrain, dont je n’avais pas de copie sur moi. J’étais disposé à le montrer au procureur de la Ville. Je n’ai pas vu le restant du contrat, mais j’en avais déduit qu’ils avaient été passés aux mêmes conditions et même si je n’étais pas en mesure d’exprimer une opinion, j’avais averti monsieur Baxter et monsieur Waisman que si, qu’ils faisaient mieux de clarifier quelle serait leur position si la 40e Avenue, c’est-à-dire quant à savoir si ces contrats auraient été exécutoires et obligatoires si la 40e Avenue avait été fermée. Cette remarque a été ajoutée à la déclaration que j’ai faite au conseil. J’ai dit ensuite: «Troisièmement: tout retard maintenant risque de compromettre le projet.» Et, ensuite, sautant au bas de la page: «En réponse à votre question, par conséquent, je ne peux que suggérer que vous approuviez les accords tels quels, ou si…» Et, à ce moment-là, j’ai ajouté les mots suivants, «…si, en toute conscience, vous pensez que toute autre solution est impossible, approuvez-les sur la base d’une fermeture de la 40e Avenue.» C’est-à-dire, au nord du centre commercial. Voilà en quoi consistaient mes remarques.
Plus tard, au cours de l’assemblée, on l’a de nouveau appelé devant la table du conseil et on lui a précisément demandé si le centre commercial serait construit advenant la fermeture de la 40e Avenue N.O. au nord du centre. D’après son témoignage, il a répondu qu’il ne pouvait rien
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assurer, ses instructions étant que, si la 40e Avenue restait ouverte, le centre commercial serait construit, mais que, si la 40e Avenue était fermée au nord du centre commercial, il ne pouvait pas assurer qu’il le serait. Cette dernière position des promoteurs qui a été communiquée par Fraser était contraire à l’engagement que, d’après le témoignage non contredit du défendeur, Baxter avait pris.
Quelques notes ou déclarations numérotées figurent au verso d’une des deux pages constituant la pièce 16, mais il semble qu’elles aient été écrites après le communiqué de presse du maire du 12 novembre et vu qu’elles ne font pas strictement partie de la pièce 16 je ne les mentionnerai pas. Cependant, en plus de ce que j’ai déjà cité de la pièce 16, il y a le dernier paragraphe de la deuxième page de cette pièce qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] On m’a aussi dit que la sécurité et le bien-être des résidents à proximité du centre préoccupaient Baxter et ses associés et ils sont donc disposés à considérer et appliquer toute proposition raisonnable que la Ville peut faire à ce sujet à condition que la construction ne soit pas retardée et que le succès du centre ne soit pas compromis.
Baxter était présent lors de la préparation de la pièce 16 de même que lors de la préparation de la pièce 14, tout comme l’était Waisman. Sur ce point, de même que sur d’autres déjà mentionnés, le fait que Baxter et Waisman n’ont pas témoigné nuit au demander plutôt qu’au défendeur.
L’assemblée du conseil a approuvé le projet du centre commercial par 7 voix contre 4. Quand le défendeur a appris le jour suivant (le 11 novembre, un jour férié) ce qui s’était produit, il a pensé (pour reprendre ses termes) que «quelque chose avait mal tourné» et le lendemain, le 12 novembre, il a manifesté son mécontentement lors d’une conversation téléphonique avec Baxter et ensuite avec Waisman. Le témoignage du défendeur relativement à ces conversations est pertinent à la déclaration qu’il a faite par la suite à la presse, et je cite une partie de ce témoignage comme suit:
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[TRADUCTION] J’étais très fâché lors de cet appel téléphonique. Évidemment, certains membres de l’administration étaient dans mon bureau parce que nous discutions avec eux exactement ce qui avait eu lieu, je ne puis vous dire si c’était Hamilton ou Cornish, quoi que j’aie cru que c’était Hamilton, et j’étais très fâché et j’ai dit en fait, «Dick, tu as pris un engagement envers moi et tu n’a pas tenu parole, et je veux que tu le respectes maintenant.» Il m’a ensuite dit qu’il m’avait promis que le contrat relatif à la question de la 40e Avenue ne serait pas présenté sur la base de l’interdépendance, et qu’il n’en avait pas été ainsi autant qu’il sût. A ce moment, je suppose, il était clair que Baxter était parti et qu’il n’avait pas reçu de compte rendu complet de la part de Waisman, parce que, de toute manière, je pense qu’en dedans d’une demi-heure environ je lui ai dit ce que je pensais de lui, et que je pensais qu’il ne tenait pas parole. Il a dit qu’un problème était survenu plutôt à la dernière minute, un problème qu’ils n’avaient pas prévu, qu’ils tenteraient de le résoudre, et qu’ils seraient heureux de nous rencontrer et de discuter, et j’ai cru qu’il usait de détours parce que notre entente était claire, non équivoque et sans réserve et c’est ce que je lui ai dit. En se quittant, il s’est engagé à parler à Waisman et à rappeler. En bien, Waisman m’a rappelé et il était très conciliant, il a dit que Rupert’s Land Trading posait un problème, qu’ils ne l’avaient pas prévu, qu’il s’écoulerait quelque temps avant de le résoudre, mais qu’ils ne pouvaient pas au moment de la réunion donner suite à leur engagement de séparer la question de la 40e Avenue de la question de l’accord relatif au centre commercial, et il m’a demandé de leur donner le temps nécessaire. J’ai indiqué qu’ils avaient eu trois semaines ou plus pour faire tous les arrangements, les arrangements avec les locataires principaux, et qu’ils avaient souhaité franchir l’étape de l’approbation par le conseil presque à tout prix. Ils m’ont dit qu’ils manquaient de temps, qu’ils étaient désespérés et j’ai pensé qu’ils avaient profité de mon absence, je le lui ai dit, et qu’ils avaient reçu une approbation inconditionnelle pour quelque chose qu’ils avaient convenu d’accepter à certaines conditions. C’est à ce moment que Waisman a dit, «Eh bien, Dick Baxter n’y avait pas assisté, et il n’avait rien fait à ce sujet et n’avait pas participé à la présentation,» et a demandé que je leur donne plus de temps et qu’ils puissent me rappeler; et il y a eu plusieurs conversations au cours desquelles ils ont dit qu’ils voulaient plus de temps, qu’ils respecteraient l’entente si j’attendais. Et après avoir été lâché de cette façon, je pensais qu’ils ne voulaient que gagner du temps.
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A la suite de ces conversations téléphoniques, le défendeur a donné une conférence de presse où il a lu un long communiqué manuscrit qui constitue un des fondements de la réclamation du demandeur. Je le cite en entier:
[TRADUCTION] Le 16 octobre 1969, R.C. Baxter m’a téléphoné de Toronto pour me demander mon opinion sur la façon de traiter l’accord relatif au centre commercial qui devait figurer à l’ordre du jour de la première assemblée du nouveau conseil, quelques jours après l’élection.
Je lui a conseillé de retirer l’accord de l’ordre du jour de cette assemblée pour donner le temps à un nouveau maire et aux nouveaux échevins de l’étudier et de se renseigner, et de le présenter de nouveau aussitôt que possible par la suite. Il m’a demandé ce qui, à mon avis, se passerait si le conseil était saisi de l’accord comme prévu. Je lui ai dit que je ne pensais pas qu’il serait approuvé, car ni moi-même ni les nouveaux échevins n’allions vraisemblablement appuyer l’accord à l’aveuglette.
Je lui ai aussi dit que la question de la 40e Avenue devait être résolue à ma satisfaction et à celle du conseil pour que j’appuie l’accord.
M. Baxter a dit que la question de la 40e Avenue le «laissait tout à fait indifférent»; que cette question n’avait jamais été importante en ce qui concernait le projet du centre commercial, et qu’il ne s’opposerait pas à la fermeture de la 40e Avenue si le conseil le désirait. Je lui ai dit que j’étais ravi d’apprendre cela et que son attitude éliminait une réserve importante que j’avais à l’égard du projet. Compte tenu de ce nouveau fait que, comme je lui ai dit, j’exposerais clairement aux échevins intéressés, j’ai promis d’apprécier l’accord en lui-même et de l’appuyer ou non en me basant sur le résultat de cet examen seul.
Par la suite, M. Waisman, l’associé de Baxter, est venu me voir de Winnipeg au sujet de l’accord concernant le centre commercial. Étaient présents à la rencontre, certains de ses associés (messieurs Combe et Fraser) et certains des miens (messieurs Hamilton et Cornish) et j’ai très clairement indiqué que dans l’ensemble, j’étais convaincu qu’il s’agissait en soi d’un bon accord, mais que la question contreversée de la 40e Avenue préoccupait beaucoup les citoyens et qu’il fallait trouver une solution acceptable avant que le projet puisse être étudié.
J’ai insisté là-dessus, et je me suis reporté à ce que M. Baxter avait dit plus tôt sur ce sujet.
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M. Waisman a ensuite dit qu’il pensait, comme M. Baxter, que la question de la 40e Avenue n’était pas très importante dans le projet du centre commercial; et il a ajouté que le problème de la 40e Avenue avait été créé par la Ville et non par le projet du centre commercial.
J’ai clairement indiqué que cette position, savoir que le conseil pouvait décider de la question de la 40e Avenue (la fermer ou la laisser ouverte) indépendamment de celle du centre commercial, devait être claire pour le conseil, — que les promoteurs devaient indiquer clairement que la question de la 40e Avenue n’avait aucune importance pour eux, et que, à ces conditions, je pensais pouvoir appuyer le projet.
À plusieurs reprises, j’ai discuté officieusement de la question avec les commissaires et avec plusieurs échevins qui ne savaient quelle attitude adopter quant au centre commercial.
À l’assemblée du conseil où a été étudié l’accord, les promoteurs n’ont pas indiqué clairement que la question de la 40e Avenue n’avait aucune importance pour eux; au contraire, ils ont donné à certains membres du conseil l’impression très nette que la fermeture de la 40e Avenue compromettrait le projet. Comme deux échevins m’ont déclaré: «ils nous ont acculés au mur». Si j’avais été présent, comme ce ne fut malheureusement pas le cas, j’aurais été en mesure de déjouer les tactiques des promoteurs et, alors, il se peut que l’accord n’aurait pas été ratifié, comme ce fut le cas, par 7 voix contre 4.
J’ai téléphoné à M. Baxter le 12 novembre au matin et je lui a dit que j’étais indigné de l’attitude adoptée par ses représentants qui avaient très habilement manœuvré en mon absence du conseil, et que je voyais là une preuve de grave manque de foi dans la façon dont sa compagnie avait mené l’affaire. J’ai dit à M. Baxter que je ferais une déclaration à cet effet à la fin de l’après-midi si je ne recevais pas un télégramme confirmant qu’il ne s’opposait nullement à ce que le conseil considère séparément la question de la 40e Avenue. M. Baxter et M. Waisman (les deux conversations ont eu lieu le même jour) ont confirmé ma façon d’interpréter ce que je leur avais dit et ce qu’ils m’avaient dit — mais ont déclaré qu’ils ne s’étaient pas rendus compte que j’y attachais tant d’importance ni que je tenais leurs déclarations pour des engagements.
M. Baxter a déclaré que M. Fraser avait reçu l’autorisation d’accepter la ratification de l’accord sous condition de fermeture de la 40e Avenue. Je ne crois pas que le conseil avait bien saisi que telle était la situation au moment du vote de lundi soir.
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Ils ont offert d’étudier de nouveau la question, j’ai dit que je n’étais pas satisfait de leur façon de procéder jusqu’à présent, qu’un mois s’était écoulé depuis que j’avais reçu d’eux ce que je considère un engagement moral de leur part sur la question de la 40e Avenue, et que je n’étais pas disposé à reléguer cette affaire aux oubliettes.
J’invite donc M. Baxter et M. Waisman à donner suite aux déclarations qu’ils m’ont faites, savoir qu’ils ne s’opposeraient pas à la fermeture de la 40e Avenue si tel était le désir du conseil.
Le jeudi le 13 novembre 1969, lors d’une conférence de presse régulière, les questions posées ont suscité, comme l’ont rapporté les journaux, les trois déclarations suivantes du défendeur:
[TRADUCTION] La question n’est pas réglée si le conseil a été induit en erreur.
Il n’y a eu aucun malentendu sur ce qui a été dit. À mon avis, ils essaient de tromper le conseil ainsi que moi-même.
La question est de savoir s’ils vont faire affaires à Calgary cartes sur table, ou s’ils vont continuer leur petit jeu.
Les questions auxquelles les déclarations précédentes étaient les réponses n’ont pas été rapportées, et aucune preuve n’a été apportée pour les identifier.
Le demandeur a allégué que ce qui a été publié à la suite des deux conférences de presse l’avait diffamé en lui imputant faussement de la mauvaise foi, des tactiques déloyales et de la tromperie, attaquant ainsi sa réputation et mettant en doute l’honnêteté et l’intégrité de son travail professionnel. Le Juge Lieberman de la Cour suprême de l’Alberta a donné gain de cause au demandeur et lui a adjugé des dommages-intérêts «accrus et exemplaires» d’un montant total de $10,000. Son jugement a été confirmé en appel.
Le nom de Fraser apparaît à deux endroits dans le communiqué de presse du défendeur; une fois lorsque ce dernier mentionne «Combe et Fraser» en tant qu’associés de Baxter, ce qui est une pure mention d’un fait absolument inoffensive, et une deuxième fois dans la phrase suivante: «M. Baxter a déclaré que M. Fraser avait reçu l’autorisation d’accepter la ratifica-
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tion de l’accord sous condition de fermeture de la 40e Avenue». Le contexte indique que c’est une mention de ce que Baxter a dit dans la conversation téléphonique du 12 novembre. On trouve une troisième mention collective lorsque le défendeur dit dans sa déclaration, après s’être reporté à l’appel téléphonique du 12 novembre, que «j’étais indigné de l’attitude adoptée par ses représentants qui avaient très habilement manœuvré en mon absence du conseil, et je voyais là une preuve de grave manque de foi de la part de sa compagnie».
On a prétendu que cette dernière mention collective diffamait Fraser, tout comme la phrase suivante du communiqué de presse: «Si j’avais été présent, comme ce ne fut malheureusement pas le cas, j’aurais été en mesure de déjouer les tactiques des promoteurs…» Les autres propos diffamatoires reprochés sont contenus dans les trois déclarations, susmentionnées, qui ont été faites au cours de la conférence de presse du 13 novembre 1969.
Il est clair que nulle part dans ses déclarations le défendeur n’impute quoi que ce soit au demandeur seul; il ne le nomme ou ne le mentionne même pas par sa profession de manière à le distinguer de ceux qui représentaient les promoteurs.
Un demandeur qui poursuit doit non seulement prouver que les mots incriminés peuvent se référer à lui (c’est-à-dire, que des preuves existent sur lesquelles ou peut tirer une telle conclusion, lorsqu’il n’est pas expressément identifié avec les propos diffamatoires), mais qu’il s’agit là d’une conclusion raisonnable dans les circonstances: voir Knupffer v. London Express Newspaper Ltd.[6]. Les catégories d’affaires où fut requise une preuve extrinsèque d’identification ont été celles où un groupe restreint avait été diffamé et où tout membre de ce groupe pouvait poursuivre; ou les affaires dans lesquelles, compte tenu des circonstances, le demandeur est le seul membre identifiable du groupe; ou les affaires dans lesquelles le libelle
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naît d’une similitude de noms et se révèle inoffensif ou exact quant à la personne visée mais non quant à une autre; ou les affaires dans lesquelles un libelle naît, par une coïncidence, d’une description qui, bien qu’elle ne visait aucune personne connue, convient à une personne en particulier.
La présente affaire ne se classe dans aucune de ces catégories. Il s’agit plutôt d’une affaire où l’identité de demandeur n’est pas plus marquée que celles des deux autres personnes avec lesquelles il était associé, et où les actes incriminés concernent le groupe en tant que groupe mais ne peuvent faire l’objet d’une action par les membres du groupe en tant que groupe. Bref, la question est de savoir si le demandeur peut avoir gain de cause si ses associés ne le peuvent pas.
Je pose la question de cette façon parce que le dossier ne permet pas de tirer d’autre conclusion que celle qu’il n’existe aucune diffamation actionnable à l’endroit de Baxter ou Waisman. Cela m’étonne que ni le juge de première instance ni la Division d’appel de l’Alberta n’ont parlé dans leurs motifs respectifs des situations de Baxter et de Waisman, au nom desquels et avec lesquels Fraser a comparu et de la part desquels il a reçu des directives, en tant qu’individus diffamés ou non diffamés. Évidemment, ils ne sont ni parties ni témoins, mais c’est sur leur projet et leur rôle dans la question de la fermeture de la 40e Avenue qu’ont porté principalement les déclarations du défendeur. Le cours des événements ne me permet pas de distinguer Fraser de ses associés comme s’il avait adopté une ligne de conduite indépendante devant le conseil municipal.
Au cours de son contre-interrogatoire, on a demandé au défendeur s’il considérait que sa déclaration selon laquelle il était indigné de l’attitude adoptée par les représentants de Baxter se rapportait d’une manière quelconque à Fraser. Il a répondu comme suit:
[TRADUCTION] Je considérais qu’elle s’adressait à tout le groupe de représentants, quel qu’il soit. Il n’y a qu’un commettant, Dick Baxter.
Et sur le même point, il a dit:
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[TRADUCTION] Je demandais des comptes à Dick Baxter. C’est à lui qu’il avait incombé de leur donner des directives, et quelles qu’aient été les directives qu’il leur avait données, ai-je dit, elles n’étaient pas conformes à ce qu’il avait convenu avec moi.
Ce témoignage ne peut protéger le défendeur si en droit Fraser a été diffamé; il touche toutefois la situation clé qui est celle de Baxter. Dans le communiqué de presse, c’est la manière dont la «compagnie» de Baxter a mené l’affaire qui a engendré l’allégation de manque de foi. Le communiqué fait état des différentes conversations téléphoniques avec Baxter et avec Waisman et aussi de la conversation que le défendeur a eue avec Waisman le 22 octobre. Ces conversations sont les faits saillants relativement à la réaction du maire à la position qu’ont prise Baxter et Waisman, par le biais de leurs directives à Fraser, à l’assemblée du conseil du 10 novembre.
On ne peut conclure la présente affaire en statuant que les déclarations diffamatoires alléguées pouvaient raisonnablement être interprétées comme se référant au demandeur et en décidant qu’elles se référaient effectivement à lui. Puisque Fraser n’a pas été distingué des autres personnes visées dans les déclarations, la question de la diffamation leur était commune à toutes; et, à cause du lien qui l’unissait à Baxter et Waisman, la situation du demandeur ne se distinguait pas de la leur.
Dans la situation qui a donné lieu à ces procédures, le demandeur a toujours agi comme représentant et porte-parole de Baxter et de Waisman. Il a choisi de les représenter dans une affaire d’ordre municipal et de faire valoir leur point de vue devant un organisme public. D’après le dossier, il faut conclure que Baxter et Waisman l’ont autorisé à faire un exposé en leur nom qui comportait un changement d’attitude de leur part. Le défendeur a réagi énergiquement, non pas contre le demandeur parce que celui-ci aurait sciemment faussé la position prise par ses clients, mais contre les commettants du demandeur, à cause des observations qui avaient été faites en leur nom. Dans les circonstances de l’espèce, les libelles allégués visaient soit Baxter, Waisman et Fraser en tant que groupe
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ou ne diffamaient aucun d’eux. Mais, en l’espèce, le demandeur n’a pas tenté d’établir que les déclarations de l’appelant étaient diffamatoires à l’endroit du groupe dont il était membre. Comme je l’ai fait remarquer précédemment, la preuve tend plutôt à démontrer le contraire.
Une lecture honnête du communiqué de presse — qu’il faut lire dans son ensemble — démontre que le défendeur visait Baxter et Waisman. Ils sont nommés à plus d’une reprise comme étant les personnes avec qui le défendeur a traité et à l’égard de qui (voir le dernier paragraphe) il allègue un manque de foi. Le demandeur en tant que porte-parole de clients qui ont fait preuve de manque de foi — apparemment aussi bien envers lui qu’envers le défendeur — ne peut, à mon avis, être à la fois leur porte-parole dans une affaire qui les concerne et qui concerne le défendeur et se distinguer d’eux sur cette affaire même, quand ils sont accusés à bon droit de manque de foi en des termes qui l’incriminent conjointement avec eux mais non séparément. Je le répète, il ne s’agit pas d’une affaire où le demandeur a été distingué comme ayant fait preuve de manque de foi ou s’étant conduit de façon blâmable soit en tant que personne, soit en tant que membre d’une profession.
Baxter lui-même souligne l’action collective du demandeur et de ses clients dans une déclaration (versée au dossier par l’avocat du demandeur) qu’il a lue à l’assemblée du conseil le 24 novembre 1969. Le premier paragraphe se lit comme suit:
[TRADUCTION] Nous avons discuté de la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre commercial avec le maire. Bien que nous n’ayons pu être d’accord avec cela à l’assemblée du 10 novembre, ce que nous déclarâmes d’ailleurs au conseil, nous sommes maintenant autorisés à permettre que la question soit discutée en elle-même et indépendamment de l’Accord relatif à l’aménagement ratifié le 10 novembre, si tel est le désir du conseil.
Cette déclaration n’est pas inconciliable avec la position du maire.
Reste à étudier une dernière question, vu l’importance qui lui a été accordée par l’avocat du demandeur, et aussi, par le juge de premiêre
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instance dans ses motifs: d’après son propre témoignage, le défendeur n’avait aucune connaissance selon laquelle le demandeur était au courant de l’engagement pris par Baxter. Je ne puis voir comment cela avance la cause du demandeur car on n’allègue pas que les déclarations du défendeur s’appuyaient sur une situation dans laquelle Fraser était au courant de l’engagement. Le défendeur savait seulement que Fraser était engagé dans l’affaire avec Baxter et Waisman, qu’il comparaissait avec eux et qu’il était leur porte-parole; mais ce qui l’intéressait, c’était l’engagement que Baxter avait pris envers lui. Sur ce point, il a témoigné comme suit:
[TRADUCTION]…il [Fraser] n’avait certainement pris aucun engagement envers moi, et je n’avais vraiment aucune connaissance selon laquelle il savait que Baxter s’était engagé envers moi, ou encore, selon laquelle ses instructions n’avaient pas été changées si [comme?] elles avaient pu l’être à un moment quelconque avant qu’il prenne la parole.
Il serait peut-être plus pertinent de dire en l’espèce que Fraser connaissait l’intérêt que le maire et les autres portaient à la fermeture de la 40e Avenue au nord du centre commercial, ainsi que l’intérêt qu’ils portaient à une séparation de cette question de celle du projet du centre commercial. Ce fait lui était connu avant l’assemblée du conseil, comme l’indiquent clairement ses notes, et il en a été tout à fait conscient à l’assemblée. S’il se plaint d’un manque de foi, il doit le reprocher à ses clients et non au défendeur. Il était l’agent par l’intermédiaire duquel Baxter a violé son engagement envers le défendeur, et ce dernier était pleinement autorisé à divulguer la violation de la manière dont il l’a fait.
Par conséquent, j’accueillerais l’appel, j’infirmerais les jugements des cours d’instance inférieure et je rejetterais l’action avec dépens dans toutes les Cours. En définitive, je ne vois pas qu’il soit nécessaire de traiter des autres points soulevés en l’espèce en première instance et en appel.
Appel rejeté avec dépens les JUGES HALL, SPENCE, PIGEON et LASKIN étant dissidents.
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Procureurs du défendeur, appelant: McLaws & Co., Calgary.
Procureurs du demandeur, intimé: Saucier, Jones, Peacock, Black, Gain, Stratton & Laycraft, Calgary.
[1] [1971] 3 W.W.R. 161, 19 D.L.R. (3d) 75.
[2] [1971] 1 W.W.R. 246.
[3] [1971] 3 W.W.R. 161.
[4] (1882), 7 App. Cas. 741.
[5] (1917), 55 R.C.S. 454.
[6] [1944] A.C. 116.