Cour suprême du Canada
Mack Trucks Manufacturing Co. c. Forget, [1974] R.C.S. 788
Date: 1973-08-27
Mack Trucks Manufacturing Co. of Canada Ltd. (Défenderesse) Appelante;
et
Rolland Forget, un mineur âgé de moins de vingt et un ans, représenté par son représentant ad litem Lorenzo Forget (Demandeur) Intimé;
et
David Armstrong (Défendeur).
1972: les 9 et 10 novembre; 1973: le 27 août.
Présents: Les Juges Martland, Judson, Hall, Spence et Pigeon.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.
APPEL à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1] accueillant un appel d’un jugement du Juge Lacourcière. Appel rejeté.
D.W. Goudie, c.r., pour la défenderesse, appelante.
J.J. Carthy, c.r., pour le demandeur, intimé.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE JUDSON — En l’instance, le demandeur réel est la commission des accidents de travail (Workmen’s Compensation Board), qui poursuit au nom de Rolland Forget, un ouvrier qui a été blessé dans un accident de la route dans l’exécution de son travail. Le litige porte sur le droit de la Commission (the Board) de poursuivre Mack Trucks Manufacturing Co. of Canada Ltd. En première instance, le Juge Lacourcière a décidé que ce droit était inexistant et il a rejeté l’action. La Cour d’appel a conclu que la Commission était seule compétente à statuer sur l’existence de ce droit. La question a été renvoyée à la Commission, qui a conclu qu’elle avait le droit de poursuivre. La Cour d’appel a alors infirmé le jugement de première instance et a adjugé les dommages-intérêts convenus.
Dans ce litige, la position de Mack Trucks est toute particulière. Elle est un employeur en vertu de la catégorie 11, annexe 1, des règlements de la Commission et elle paie une cotisation relativement à ses opérations d’assemblage de camions et une autre relativement à ses opéra-
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tions de vente et de réparation de camions. L’accident et la responsabilité qui en découlent ne sont d’aucune manière reliés à ces deux activités. Au moment de l’accident, son camion était prêté à un autre employeur de l’annexe 1, et sa présence dans ce litige découle uniquement de sa propriété du camion en vertu du par. 1 de l’art. 105 du Highway Traffic Act, R.S.O. 1960, c. 172. Cette propriété n’est pas contestée et on ne conteste pas non plus que l’emprunteur du camion, qui n’est pas partie à ce litige, était un employeur de l’annexe 1.
Les questions en litige sont donc clairement définies. Le demandeur s’appuie sur l’imposition au propriétaire de véhicule automobile de la responsabilité qui incombe à toute personne par suite de négligence dans la conduite d’un véhicule automobile sur un chemin public. La défense s’est appuyée sur le par. 7 de l’art. 9 du Workmen’s Compensation Act, R.S.O. 1960, c. 437, qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] 9(7) Dans toute action intentée par l’ouvrier d’un employeur de l’annexe 1 ou une personne à la charge de cet ouvrier dans un cas du ressort du par. 1 ou soutenue par la Commission en vertu du par. 3 et dans laquelle une ou plus d’une des personnes trouvées en faute ou négligentes est l’employeur de l’ouvrier dans l’annexe 1, ou un autre employeur quelconque de l’annexe 1, ou un ouvrier quelconque d’un employeur quelconque de l’annexe 1, aucuns dommages-intérêts, contribution ou indemnité ne sont recouvrables pour la portion de la perte ou du dommage causé par la faute ou la négligence de l’employeur de l’ouvrier dans l’annexe 1, ou d’un autre employeur quelconque de l’annexe 1, ou d’un ouvrier quelconque d’un employeur quelconque de l’annexe 1, et la portion de la perte ou du dommage ainsi causé par la faute ou la négligence de l’employeur de l’ouvrier dans l’annexe 1, ou d’un autre employeur quelconque de l’annexe 1, ou de l’ouvrier d’un employeur quelconque de l’annexe 1, sera déterminée même si l’employeur ou l’ouvrier n’est pas une partie à l’action.
Le juge de première instance a déclaré recevable ce moyen de défense et a statué que la cause d’action normalement donnée par le Highway Traffic Act et normalement soutenable jusqu’à jugement favorable par un demandeur qui a
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subi des blessures, était exclue et enlevée par les dispositions de ce paragraphe.
Relativement à cette affaire, il faut toutefois considérer deux autres articles du Workmen’s Compensation Act. Ils sont les suivants:
[TRADUCTION] 16. Toute partie à une action peut faire une demande à la Commission en vue de faire juger et décider la question du droit du demandeur à être indemnisé en vertu de la présente partie, ou de savoir si l’action est une action à l’égard de laquelle le droit d’intenter l’action a été enlevé par la présente partie, et pareil jugement ou décision est final et concluant.
72(1) La Commission a compétence exclusive pour étudier, entendre et décider toutes les matières et questions découlant de la présente partie et relativement à toute matière ou chose à l’égard de laquelle un pouvoir, une autorité ou une discrétion est conféré à la Commission, et l’acte ou décision de la Commission à leur égard est final et concluant et n’est pas sujet à contestation ou révision dans un tribunal et une procédure engagée par ou devant la Commission ne peut faire l’objet d’une injonction, ordonnance de prohibition ou autre recours ou procédure dans aucun tribunal ni être évoquée par certiorari ou autrement dans un tribunal quelconque.
Trois décisions de cette Cour ont décidé de façon concluante que la Commission a compétence exclusive pour déterminer si, oui ou non, le droit à indemnité et le droit d’action du demandeur sont enlevés par les dispositions de la loi. Ces arrêts sont les suivants: Dominion Canners Ltd. c. Costanza[2]; Alcyon Shipping Co. Ltd. c. O’Krane[3]; Farrell c. Workmen’s Compensation Board[4].
La Cour d’appel a donc eu raison, lorsqu’elle a entendu l’appel, de surseoir à l’action en attendant qu’une demande soit faite à la Commission des accidents de travail en vue d’obtenir sa décision. Ce qui fut fait le 15 septembre 1970. Après avoir entendu les deux parties, la Commission a décidé le 1er décembre 1970 que le droit d’intenter l’action n’avait pas été enlevé dans le cas présent. Le 19 avril 1971, la Cour d’appel a rendu sa décision finale. Elle a statué
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que la Commission avait décidé la seule question qui restait à déterminer dans l’action. Elle a infirmé le jugement frappé d’appel et elle a donné gain de cause au demandeur en lui adjugeant les dommages-intérêts qui avaient été convenus.
A mon avis, la Cour d’appel a eu raison de décider ainsi. Je suis d’avis de confirmer son arrêt et de rejeter l’appel avec dépens dans toutes les Cours.
Appel rejeté avec dépens.
Procureurs de la défenderesse, appelante: Thomson, Rogers, Toronto.
Procureurs du demandeur, intimé: Weir & Foulds, Toronto.
[1] [1971] 1 O.R. 682, 16 D.L.R. (3d) 384.
[2] [1923] R.C.S. 46.
[3] [1961] R.C.S. 299.
[4] [1962] R.C.S. 48.