A la suite de son congédiement de chez la compagnie appelante, l’intimée Mme Bonsal a déposé un rapport de grief. Un conseil d’arbitrage a décidé, à la majorité, qu’il n’y avait pas de justification pour le renvoi. En appel, la décision arbitrale a été infirmée pour le motif que le conseil avait statué en se basant sur la nécessité de déterminer si l’employée en question avait été régulièrement congédiée pour cause et que vu qu’il était manifeste à la lecture du dossier qu’on s’était dispensé des services de l’intimée au moyen du préavis régulier stipulé dans la convention collective, la question à trancher n’en était pas une de cause ou d’absence de cause et n’aurait pas dû être prise en considération. Un appel de cette décision a été accueilli par la Cour d’appel, et la compagnie a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel.
Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.
Il est manifeste que le congédiement en question a été un congédiement pour cause et la décision du conseil d’arbitrage selon laquelle aucune cause valable n’a été démontrée est concluante contre l’appelante. Il n’appartient pas à cette Cour de déterminer si c’est erronément que le conseil a conclu que les actes de l’employée ne constituaient pas une cause juste de renvoi. Cela était du ressort du conseil d’arbitrage. Si, en procédant à l’enquête, le conseil n’est pas marqué d’une erreur d’ordre juridictionnel et si, au cours de l’enquête, il agit en conformité raisonnable avec les pouvoirs qu’il peut régulièrement exercer en vertu de la loi ou de la convention dont il tire ses pouvoirs, la Cour respectera à la fois l’autonomie et les conclusions du conseil.
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Arrêt mentionné: International Association of Machinists and Aerospace Workers, Flin Flon Lodge No. 1848 et al. c. Hudson Bay Mining and Smelting Co. Ltd., [1968] R.C.S. 113.
POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan[1] accueillant un appel d’un jugement du Juge en chef Bence de la Cour du Banc de la Reine. Pourvoi rejeté.
R.L. Barclay, pour l’appelante.
G.J. D. Taylor, c.r., pour les intimées.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE DICKSON — Congédiement pour cause ou congédiement sans cause, voilà la question dans le présent pourvoi. Le 23 décembre 1971, M.H.J. Walford, directeur général du grand magasin de détail de l’appelante Zeller’s (Western) Limited, en la ville de Yorkton, dans la province de Saskatchewan, congédiait l’intimée, Mme Dolores Bonsal, de chez Zeller’s. Le comité des griefs du syndicat intimé a demandé la réinstallation de Mme Bonsal mais M. Walford a refusé et, le 24 décembre 1971, a communiqué par écrit au comité les motifs du congédiement de Mme Bonsal. Ces motifs comprenaient entre autres choses l’attitude vindicative et querelleuse qu’avait cette dernière envers Zeller’s et sa direction, son omission de faire des versements à son compte de crédit personnel chez Zeller’s, ses absences non autorisées de son département pour s’occuper de questions syndicales. Le 30 décembre 1971, Mme Bonsal a produit un rapport de grief alléguant «un congédiement injuste» et a demandé d’être «réinstallée sans perte de privilèges d’ancienneté, perte de salaire ni perte d’autres avantages». La procédure de règlement des griefs prescrite dans la convention collective fut suivie et en temps opportun un conseil d’arbitrage fut constitué et une audition tenue, audition à laquelle l’avocat de Zeller’s allégua que le conseil n’avait pas compétence pour connaître de l’affaire parce que la convention collective permettait à Zeller’s de renvoyer tout employé, en tout temps, à une semaine d’avis et que, par conséquent, la question d’un congédiement pour cause n’était
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pas en litige. Les dispositions pertinentes de la convention collective sont les suivantes:
[TRADUCTION] Article 5.01 — Il est entendu et convenu que la Compagnie et la direction régulièrement nommée par elle de son magasin précité ont la direction exclusive de ses opérations et de ses employés, le droit d’embaucher, le droit d’imposer des mesures disciplinaires ou de renvoyer, le droit de décider des compétences des employés, le droit de supprimer des postes, le droit de suspendre, promouvoir et rétrograder, le droit de maintenir l’efficacité, d’exiger que les employés observent les règlements, pratiques, règles et méthodes régulières que prescrit la Compagnie, le droit de fixer des heures raisonnables pour le travail, le déjeuner, le dîner et les périodes de repos. Les parties aux présentes conviennent en outre que la Compagnie conserve tous les droits non autrement traités de manière spécifique dans la présente convention, et que les droits de la direction ci-dessus mentionnés n’excluent pas d’autres fonctions qui ne sont pas ainsi spécifiquement traitées. Ce qui précède est sujet aux clauses et conditions spécifiques de la présente convention.
Article 7.05 — Le conseil d’arbitrage, en rendant sa décision, est régi par les dispositions de la présente Convention. Une décision de la majorité du conseil est réputée être la décision du conseil et elle est finale et obligatoire pour toutes les parties en cause.
Article 7.06 — Il est clairement entendu que le conseil d’arbitrage n’a pas le pouvoir de changer ou modifier la présente Convention en quoi que ce soit.
Article 8.01 — L’ancienneté est établie à compter de la date où un employé entre pour la première fois au service de la compagnie, sous réserve de l’article 8.03.
Article 8.03 — Les employés, sauf les employés surnuméraires, seront en stage pour une période de soixante (60) jours, durant laquelle ils peuvent être mis à pied ou congédiés sans qu’il soit tenu compte de l’ancienneté.
Article 8.04 — L’employé perd son ancienneté quand:
a) Il quitte volontairement le service de la compagnie;
b) Il est congédié pour cause et n’est pas réinstallé;
c) Il omet de se rapporter au travail lorsqu’il est rappelé après une mise à pied;
d) Il s’absente, sans autorisation ou raison satisfaisante, pendant une période excédant cinq (5) heures.
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Article 8.11 — Dans le cas d’une mise à pied au d’un renvoi, sauf un renvoi pour une cause juste, les employés qui ont terminé leur période de stage ont droit à un préavis d’une (1) semaine, ou au salaire d’une (1) semaine au lieu d’un préavis.
La question de compétence invoquée par l’avocat de Zeller’s fut rejetée par le conseil, l’audition se poursuivit et en temps opportun une décision fut rendue, par laquelle la majorité du conseil décida qu’il n’y avait pas de justification pour le renvoi de Mme Bonsal.
Zeller’s présenta une requête en vue de faire infirmer la décision arbitrale pour cause d’erreur paraissant à la lecture du dossier et M. le Juge en chef Bence de la Cour du Banc de la Reine fit droit à la requête, déclarant:
[TRADUCTION] Le tribunal s’est basé, pour traiter la question, sur la nécessité de déterminer si l’employée en question avait été régulièrement congédiée pour cause. Il est manifeste à la lecture du dossier qu’on s’est dispensé des services de cette personne au moyen du préavis régulier stipulé dans la convention collective.
Par conséquent, la question n’en était pas une de cause ou d’absence de cause, qui n’aurait pas dû être prise en considération.
Respectueusement, je pense que la mention d’un «préavis régulier» est erronée. Le dossier fait voir qu’une semaine de salaire a été versée à Mme Bonsal au moment de son congédiement, mais on n’a pas mis fin à son contrat par préavis.
Un appel à la Cour d’appel de la Saskatchewan fut accueilli. M. le Juge d’appel Woods, rendant le jugement de la Cour, a déclaré:
[TRADUCTION] Le savant juge en Chambre a conclu qu’il y avait eu congédiement avec préavis régulier en vertu de l’art 8.11 de la convention. Les motifs du congédiement exposés dans le dossier indiquent un congédiement pour cause et lorsque le congédiement est pour cause, l’art 8.11 ne prescrit aucun préavis. Le savant juge en Chambre a semblé être d’avis que quand il y avait congédiement pour cause, les dispositions relatives au préavis s’appliquaient encore. Le texte de l’article indique clairement que, quand il y a congédiement pour cause, l’article ne s’applique pas.
En définitive, et avec le plus grand respect pour les vues du savant juge en Chambre, il s’agissait en
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l’espèce de déterminer si, oui ou non, il y avait eu un congédiement pour cause.
L’avocat de Zeller’s avance qu’en vertu des dispositions de la convention collective, Zeller’s a le droit absolu de donner son congé à tout employé, sans cause, moyennant un préavis d’une semaine ou une semaine de salaire. Cela ne ressort pas manifestement du texte embrouillé des articles 8.01, 8.03 et 8.11. Il n’est pas clair qu’un employé jouissant d’une ancienneté substantielle puisse être renvoyé selon le caprice de Zeller’s moyennant un préavis d’une semaine. Cependant, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de décider ce point car le congédiement de Mme Bonsal était manifestement un congédiement pour cause et non un renvoi sans cause. Je crois qu’il faut aborder la question de cette façon, en considérant ce qui a été effectivement fait et non ce qu’aurait pu faire Zeller’s en mettant fin au contrat de Mme Bonsal. La preuve démontre hors de tout doute que M. Walford a congédié Mme Bonsal pour ce qu’il croyait être une cause juste. La lettre qu’il a envoyée au comité des griefs débute comme suit: [TRADUCTION] «La personne en question a été congédiée le 23 décembre 1971 à titre d’employée de ZELLER’S (WESTERN) LIMITED pour des motifs bons et valables énonçés ci-après.» Les motifs sont ensuite exposés en détail. Le conseil d’arbitrage a déclaré: [TRADUCTION] «Il ne fait pas le moindre doute que la compagnie a congédié Mme Bonsal pour ce qu’elle a tenté d’établir comme une «cause juste».» Je partage cet avis. Si le congédiement de Mme Bonsal a été un congédiement pour cause, il s’ensuit que la décision du conseil d’arbitrage selon laquelle aucune cause valable n’a été démontrée est concluante contre Zeller’s. L’avocat a prétendu que c’est erronément que le conseil avait conclu que les actes de Mme Bonsal ne constituaient pas une cause juste de renvoi. Il n’appartient pas à cette Cour de faire pareille appréciation. Cela est du ressort du conseil d’arbitrage. Si, en procédant à l’enquête, le conseil n’est pas marqué d’une erreur d’ordre juridictionnel et si, au cours de l’enquête, il agit en conformité raisonnable avec les pouvoirs qu’il peut régulièrement exercer en vertu de la
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loi ou de la convention d’où il tire ses pouvoirs, la Cour respectera à la fois l’autonomie et les conclusions du conseil: International Association of Machinists and Aerospace Workers, Flin Flon Lodge No. 1848 et al. v. Hudson Bay Mining and Smelting Co. Ltd.[2]
Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
Appel rejeté avec dépens.
Procureurs de l’appelante: MacPherson, Leslie & Tyerman, Regina.
Procureurs des intimés: Goldenberg, Taylor, Tallis & Goldenberg, Regina.
Date de l'import : 06/04/2012 Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1973-10-29;.1975..1.r.c.s..376
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