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21/12/1973 | CANADA | N°[1975]_1_R.C.S._393

Canada | Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., [1975] 1 R.C.S. 393 (21 décembre 1973)


Cour suprême du Canada

Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., [1975] 1 R.C.S. 393

Date: 1973-12-21

Brenda Elaine Moran personnellement à titre de veuve de feu Williams Franklin Moran, de cujus, et Robert William Moran et Todd Michael Moran représentés par leur procureur ad litem Brenda Elaine Moran (Demandeurs) Appelants;

et

Pyle National (Canada) Ltd. (Défenderesse) Intimée.

1973: les 7 et 8 juin; 1973: le 21 décembre.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Spence, Laskin et Dickson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN



APPEL à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan[1], accueillant un appel d’un jugem...

Cour suprême du Canada

Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., [1975] 1 R.C.S. 393

Date: 1973-12-21

Brenda Elaine Moran personnellement à titre de veuve de feu Williams Franklin Moran, de cujus, et Robert William Moran et Todd Michael Moran représentés par leur procureur ad litem Brenda Elaine Moran (Demandeurs) Appelants;

et

Pyle National (Canada) Ltd. (Défenderesse) Intimée.

1973: les 7 et 8 juin; 1973: le 21 décembre.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Spence, Laskin et Dickson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN

APPEL à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan[1], accueillant un appel d’un jugement du Juge Disbery. Appel accueilli.

M.C. Shumiatcher, c.r., et R.D. McCrank, pour les demandeurs, appelants.

Mlle Marjorie A. Gerwing, pour la défenderesse, intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE DICKSON — Le présent appel interjeté à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de

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la Saskatchewan pose, à l’intérieur d’un débat relatif à la compétence, la question du lieu où a été commis un délit civil.

D’après la déclaration écrite, dont j’accepte la vérité des allégations de faits aux seules fins de l’examen de la compétence, William Franklin Moran, un électricien travaillant pour International Minerals and Chemical Corporation (Canada) Ltd., a été mortellement blessé dans la ville de Esterhazy, ou à proximité de cette dernière, dans la province de Saskatchewan, en enlevant une ampoule grillée fabriquée par la défenderesse intimée Pyle National (Canada) Ltd. (Pyle). Au moment de l’accident, M. Moran était monté dans une échelle appuyée contre une poutre d’acier en I. En dévissant l’ampoule, M. Moran a touché le culot et a été électrocuté. Les demandeurs appelants, soit la veuve et les enfants du défunt, allèguent que Pyle a été négligente dans la fabrication et la réalisation de l’ampoule et négligente en ne prévoyant pas un système approprié de vérification de sécurité pour empêcher que ses produits munis de fils défectueux quittent son établissement ou soient distribués, vendus ou utilisés.

Pyle n’exerce pas son commerce dans la province de Saskatchewan et elle ne possède aucun bien ni élément d’actif en Saskatchewan; toutes les opérations de fabrication et d’assemblage de la compagnie ont lieu dans la province d’Ontario et les parties composantes sont fabriquées en Ontario et aux États-Unis. Pyle vend tous ses produits à des distributeurs et ne fait aucune vente directe au consommateur. La compagnie n’a aucun vendeur ni représentant en Saskatchewan.

L’article 54 du Queen’s Bench Act, R.S.S. 1965, c. 73, art. 54, prévoit:

[TRADUCTION] Nonobstant toute disposition de l’article 53, aucune action en dommages-intérêts ne peut être intentée en Saskatchewan relativement à un délit civil commis à l’extérieur de la province sauf sur autorisation spéciale de la cour ou d’un juge.

Sur une requête présentée en chambre, le Juge Disbery, dans une décision écrite, a statué qu’en présumant que Pyle ait été négligente comme on l’allègue, cette négligence s’est produite en

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Ontario et le délit a été commis à l’extérieur de la Saskatchewan. Le Juge Disbery a toutefois accordé au demandeur l’autorisation spéciale, en vertu de l’art. 54, d’intenter une action en Saskatchewan et a permis la signification de la déclaration écrite et du bref d’assignation dans la province d’Ontario. Pyle a interjeté un appel avec succès et l’ordonnance du Juge Disbery a été infirmée. Selon la Cour d’appel, l’art. 54 a été adopté pour permettre à la cour, à sa discrétion, de décliner sa compétence quand il pouvait être démontré que l’action pouvait être plus efficacement entendue dans un autre forum, et non pour conférer une compétence. Étant donné le point de vue que j’adopte en l’espèce, pour les motifs qui suivent, il n’est pas nécessaire de considérer davantage l’art. 54 du Queen’s Bench Act.

Dans la présente affaire, la cause d’action est fondée sur la loi dite The Fatal Accidents Act, R.S.S. 1965, c. 109. Est-ce que le fait que l’action soit intentée en vertu du The Fatal Accidents Act de la Saskatchewan relativement à un décès qui s’est produit dans la province de Saskatchewan suffit en lui-même à donner compétence aux tribunaux de la Saskatchewan? Je ne le crois pas. Bien que le par. (2) de l’art. 3 de cette loi prévoie que l’action doit être intentée en Cour du Banc de la Reine, le par. (1) de l’art. 3 prescrit que l’acte préjudiciable, la négligence ou l’omission doivent être de ceux qui, s’il n’y avait pas eu décès, auraient permis à la personne blessée d’intenter une action. Si on attribue à la législature de la province de la Saskatchewan, comme il se doit, l’intention de légiférer pour l’intérieur de ses limites territoriales, alors l’art. 3 doit être interprété comme se limitant à un acte préjudiciable, à une négligence ou à une omission qui est commise en Saskatchewan. Il s’ensuit que le droit d’une personne blessée d’intenter une action ne peut être déterminé que quand le locus delicti commissi l’a été. Le Fatal Accidents Act lui-même ne nous aide pas à déterminer le locus delicti commissi; c’est le locus qui détermine l’application de ladite loi.

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La détermination du situs d’un délit civil comporte quelques difficultés. Les précédents et les revues savantes renferment quelques critères susceptibles d’être appliqués mais tous ont fait l’objet de critiques et je crois qu’il est juste de dire qu’aucun principe clair ne s’est imposé. La difficulté n’a pas été atténuée par le défaut, dans de nombreux arrêts, de faire la distinction entre la compétence et le choix de la loi applicable. Il n’est pas nécessaire que les règles applicables à la détermination du situs aux fins de la compétence soient celles qui sont employées pour identifier le système juridique en vertu duquel les droits et les obligations des parties doivent être déterminés.

Traditionnellement, on a soutenu que la compétence dans une action personnelle repose sur la capacité physique et l’aptitude de la cour à exécuter tout jugement qu’elle peut rendre. La compétence est donc régulièrement subordonnée à la présence du défendeur dans les limites territoriales de la cour ou à la soumission volontaire du défendeur à l’autorité de la cour: Sirdar Gurdyal Singh v. Rajah of Faridkote[2]; Lung v. Lee[3]. Mais cette règle générale comporte des exceptions dont une est la revendication de compétence par les cours d’Angleterre et du Canada relativement au délit civil commis dans les limites territoriales de la cour. A l’égard d’un délit civil commis dans la province de Saskatchewan, les cours de la province de Saskatchewan ont compétence où que soit la résidence du défendeur. L’alinéa e) du par. (1) de l’art. 27 des règles de pratique et de procédure de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan le reconnaît et autorise la signification d’un bref d’assignation à un défendeur à l’extérieur du ressort territorial sans ordonnance toutes les fois que [TRADUCTION] «l’action… est fondée sur un délit civil commis à l’intérieur du ressort territorial.» Donc la question qu’il nous faut déterminer, l’unique question, est de savoir si le délit civil reproché a été commis dans la province de Saskatchewan. Si c’est le cas, Pyle, une compagnie canadienne constituée sous l’autorité des

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lois fédérales, et qui n’est pas une résidente de la province de Saskatchewan, est assujettie à la compétence des cours de la province de Saskatchewan. La fabrication non diligente (un terme neutre que j’emploierai plutôt que le terme «négligent») dont les appelants se plaignent s’est produite, allègue-t-on en Ontario, tandis que le dommage résultant s’est produit en Saskatchewan. Le délit civil a-t-il été commis dans la province d’Ontario ou dans la province de Saskatchewan?

Une des théories mises de l’avant pour déterminer le situs ou locus d’un délit civil est quelquefois appelée la théorie du «lieu de l’acte» (place of acting), c’est-à-dire, le lieu où s’est produit l’acte originel du défendeur qui a causé le dommage final. Cette théorie a pour effet de diviser un délit civil en ses éléments constitutifs, le délit de négligence étant divisé en trois: (1) l’obligation de diligence, (2) la violation de cette obligation, et (3) le dommage, éléments auxquels on donne une identification géographique. Le ressort dans lequel l’acte non diligent est allégué s’être produit est, toutefois, considéré comme déterminant, à l’exclusion du ressort dans lequel le dommage a été subi. Logiquement, il semble que s’il faut diviser un délit civil et qu’une partie se soit produite dans l’État A et une autre dans l’État B, le délit civil peut raisonnablement être considéré, aux fins de la compétence, comme s’étant produit dans les deux États ou, suivant une approche plus restrictive, dans ni l’un ni l’autre. Il est difficile de comprendre comment on peut à bon droit considérer qu’il s’est produit seulement dans l’État A.

La théorie du lieu de l’acte trouve un appui dans l’arrêt George Monro, Ltd. v. American Cyanamid & Chemical Corp.[4], dans cette affaire-là, la demanderesse, l’unique distributeur dans les Iles Britanniques du produit fabriqué par la défenderesse pour l’extermination des rats, le cyanogas, avait poursuivi la défenderesse, une compagnie de New York, en vue de

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se faire rembourser les sommes payées par suite d’un jugement rendu en faveur d’un cultivateur du Shropshire qui avait utilisé le cyanogas. Le bref portait l’inscription [TRADUCTION] «en dommages-intérêts pour négligence et violation de contrat». La demanderesse a voulu, en vertu de la règle I de l’ordonnance XI qui autorisait pareille signification toutes les fois que l’action était fondée sur un délit civil commis dans le ressort, faire signifier avis du bref à l’extérieur du ressort. La demanderesse n’a pas obtenu l’ordonnance requise à cette fin. Le Juge Scott a conclu que la déclaration sous serment produite au soutien de la demande d’autorisation était entachée [TRADUCTION] «d’un vice sérieux». Le Juge Goddard a considéré que [TRADUCTION] «pour décider du sort de l’appel, il suffit de dire que la déclaration sous serment… ne montre pas que la réclamation fait à la compagnie en l’instance est visée par l’ordonnance XI.» Le Juge du Parcq était d’accord que [TRADUCTION] «la déclaration sous serment ne montre pas en quoi consiste la négligence alléguée.» Ces conclusions sur les vices de la déclaration sous serment étaient suffisantes pour décider du sort de la demande d’autorisation mais les savants juges d’appel ont commenté la question davantage et exprimé quelques obiter dicta. Le Juge du Parcq a dit à la p. 440:

[TRADUCTION] Ayant été renseigné en la matière par M. Ryder Richardson, je suis disposé à inférer que la négligence alléguée est que la compagnie a mis sur le marché une substance dangereuse accompagnée de directives écrites prescrivant un mode d’emploi dangereux. Cet acte de commission a été accompli en Amérique et dire que le délit civil a été commis dans le ressort des cours anglaises tient de la fantaisie. Le principe de la règle est clair. Examinant la question dans son essence sans tenir compte de considérations d’ordre technique, la question est la suivante: Où l’acte préjudiciable duquel le dommage découle a-t-il été effectivement accompli? La question n’est pas de savoir où le dommage a été subi, bien que le dommage puisse constituer le fond de l’action.

Le Juge Goddard a dit à la p. 439:

[TRADUCTION] En l’espèce, le délit civil allégué est un acte ou omission préjudiciable. Il s’agit de la vente de ce que l’on considère un article dangereux

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sans avertissement quant à sa nature. Cet acte a été commis en Amérique et non ici.

Et à la p. 440:

[TRADUCTION] Par conséquent, une cour anglaise se trouverait à aller très loin si, bien qu’on puisse alléguer certains dommages subis en Angleterre, elle exerçait une compétence sur un Américain relativement à un acte commis par lui en Amérique quand en Amérique l’acte peut ne pas être considéré comme délictuel par les tribunaux.

Le Juge Scott a dit à la p. 437:

[TRADUCTION] Je n’exprime aucun avis sur la question de savoir si, advenant que soit commis à l’extérieur du ressort un acte qui ne donne pas lieu à une cause d’action délictuelle sans que quelque chose d’autre ne survienne dans le ressort, le dommage résultant peut à bon droit être considéré comme découlant d’un délit civil se produisant dans le ressort. Il n’est pas nécessaire de décider cette question dans la présente affaire.

Bien que l’arrêt Monro soit fréquemment cité comme précédent à l’appui de la proposition que le lieu du préjudice ne détermine pas le situs d’un délit, il convient néanmoins de faire remarquer que les jugements de la cour, qui n’étaient pas assortis de réserves et qui étaient obiter dans une large mesure, n’ont pas approfondi la question du situs. Les conclusions tirées dans l’arrêt ont été malheureusement obscurcies par les imperfections de la déclaration sous serment et par l’importance accordée au caractère discrétionnaire de l’ordonnance. On peut aussi se demander si l’arrêt peut encore être suivi depuis la caractérisation du délit civil qu’a faite la Chambre des Lords dans l’arrêt Watson v. Winget, Ltd.[5], auquel je me reporterai plus loin. Un arrêt canadien qu’il faut considérer est l’arrêt Abbott-Smith v. Governors of University of Toronto[6]. Une demande de signification ex juris alléguait qu’il y avait eu fabrication non diligente du vaccin buccal Sabin contre la polio-

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myélite par la personne, à Toronto, que Ton voulait poursuivre comme défenderesse, et que le vaccin avait été administré au demandeur en Nouvelle-Écosse par des personnes autres que les préposés ou agents de la défenderesse, par suite de quoi le demandeur, en Nouvelle-Écosse, avait subi une attaque de poliomyélite paralytique dont avait résulté une incapacité permanente. La question posée par le Juge en chef Ilsley, qui a rédigé les motifs principaux, était de savoir si la fabrication non diligente à l’extérieur de la Nouvelle-Écosse, accompagnée des dommages subis par le demandeur en Nouvelle-Écosse, est un [TRADUCTION] «délit civil commis» en Nouvelle-Écosse. Le savant juge en chef s’est reporté à plusieurs ouvrages américains, y compris le Corpus Juris, vol. 62, p. 1110, note a):

«[TRADUCTION] (1) On a jugé que le locus delicti, dont la loi est la loi applicable, est le lieu où le droit de la personne lésée a été violé, par opposition, d’une part, au lieu où est survenue la conduite par laquelle la personne causant le dommage a enfreint l’obligation… (2) et, d’autre part, au lieu où s’est produit le dommage résultant dont on cherche à être indemnisé.»

Il a cité Cheshire, Private International Law, 6e éd., pp. 294-5:

«[TRADUCTION] Par conséquent, le locus delicti serait le premier endroit où la série d’événements est complète de manière à créer une cause d’action. Ou, pour reprendre l’American Restatement: ‘Le lieu du délit est dans l’État où s’est produit le dernier événement nécessaire pour rendre responsable l’auteur d’un délit civil.’ C’est suivant la lex fori qu’on doit décider ce qui est ce dernier événement.»

«Si cette opinion est juste, elle va à l’encontre de celles qui ont été exprimées par les deux juges dans l’arrêt Monro.»

et

«[TRADUCTION]… aucun acte ou omission n’est délictuel avant que se soient produits tous les événements nécessaires pour donner au demandeur une cause d’action. Si, sur les trois faits nécessaires pour donner une cause d’action, seulement deux se sont produits, il y a un embryon de délit civil mais non pas un délit civil complet. Reste encore à survenir le troisième fait, et il semble que le lieu où sa surve-

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nance complète le délit civil constitue le locus delicti. C’est à cause d’un événement qui y sera arrivé qu’il sera possible de dire pour la première fois qu’un délit civil a été commis.»

et «[TRADUCTION] ‘Avant que l’on puisse dire où un délit civil a été commis, il doit d’abord être commis’.» Il a également cité Dicey, Conflict of Laws, 6e éd., p. 804:

«[TRADUCTION] Il est quelque peu difficile de conclure qu’un délit civil est commis à New York quand aucune responsabilité délictuelle ne peut intervenir avant qu’un dommage ne soit subi en Angleterre.»

Toutefois, il n’a pas jugé bon de suivre ces auteurs. Il a fait remarquer que, malgré certaines remarques du Juge Goddard dans l’arrêt Monro, il n’y a aucune cause d’action pour négligence à moins qu’il n’y ait (1) une obligation de diligence; (2) une violation de cette obligation et (3) un dommage, et il a reconnu que [TRADUCTION] «Peut-être peut-on dire que le délit civil de négligence ne se trouve à être commis qu’une fois que le dommage est subi», mais, ce nonobstant, il a conclu que:

[TRADUCTION]… à mon avis, ceci ne signifie pas nécessairement qu’aux fins de l’ordonnance XI, il faille considérer que le délit civil a été commis à l’endroit où a été subi le dommage.

Le savant juge en chef a fondé son jugement sur l’arrêt Monro et sur plusieurs anciens précédents canadiens. Le plus ancien est l’arrêt Oligny v. Beauchemin et al.[7], dans lequel le chancelier Boyd a conclu, à la p. 511:

[TRADUCTION] La preuve d’un dommage en Ontario, qui est sans aucun doute une continuation du délit civil originel commis au Québec, ne paraît pas suffisante pour attirer dans cette province toute la cause d’action.

Dans ce dernier passage, le chancelier Boyd semble exprimer l’avis qu’avant de pouvoir dire qu’un délit civil a été commis dans une pro-

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vince, tous ses éléments consécutifs doivent se trouver dans la province, une idée qui a été généralement rejetée dans les précédents subséquents. Il semble aussi que, d’après lui, le «dommage» soit simplement une «continuation» et non une partie constituante, intégrante et sine qua non du «délit civil originel commis au Québec». L’arrêt sur lequel le Juge en chef Ilsley s’est ensuite appuyé est l’arrêt Anderson v. Nobels Explosive Co.[8]. Dans cette affaire‑là, la défenderesse, un fabricant d’explosifs, avait été poursuivie pour négligence pour avoir permis la fabrication et la vente d’un détonateur défectueux, qui avait été acheté par les employeurs du demandeur et avait blessé le demandeur en Ontario, et on n’avait pas allégué comment le détonateur s’était trouvé entre les mains des employeurs du demandeur, ni exprimé d’avis à ce sujet. Les faits qui étaient en cause ressemblent beaucoup à ceux de l’espèce présente, et puisque la décision rendue fut suivie dans d’autres arrêts qui ont fortement influencé le jugement du Juge en chef Ilsley, soit Beck v. Willard Chocolate Co. Ltd.[9], et Paul v. Chandler & Fisher Ltd.[10], il conviendrait de citer assez longuement (pp. 650 et 651) le Juge Anglin, alors juge puîné, qui rendit le jugement de la Divisional Court composée du Juge en chef Mulock et des Juges Anglin et Clute:

[TRADUCTION]… Je suis tout à fait incapable de suivre l’argument de M. Phelan suivant lequel le délit civil qui a donné lieu à cette cause d’action a été «commis» en Ontario. On accuse la défenderesse d’avoir été «négligente lorsqu’elle a permis la fabrication et la vente d’un détonateur défectueux (qui a blessé le demandeur)». On n’a pas allégué comment ce détonateur s’est trouvé entre les mains des employeurs du demandeur ni exprimé d’avis à ce sujet. La fabrication et la vente par la défenderesse, opérations dans lesquelles la négligence a constitué, d’après les allégations du demandeur, le délit civil de la défenderesse, doivent, en l’absence de toute allégation contraire, être considérées avoir eu lieu en Écosse, où la défenderesse exerce son commerce. Si ces actes de négligence allégués constituent le délit civil de la défenderesse, bien qu’un résultat de ce

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délit — un résultat peut-être plus ou moins direct — puisse avoir été les blessures subies par le demandeur dans cette province, il me semble impossible de maintenir que pareil délit civil a été commis en Ontario ou ailleurs qu’en Ecosse. Il est vrai que le droit du demandeur à la sécurité personnelle a été violé dans cette province, mais un délit civil comprend aussi l’acte ou l’omission préjudiciable de l’auteur du délit civil. Avant de pouvoir affirmer qu’un délit civil a été commis en Ontario au sens de l’al. e) de la Règle 162, il faut établir, je crois, que l’acte ou omission préjudiciable par lequel l’auteur a causé les blessures du demandeur est survenu dans cette province. Ce fait n’a pas été allégué, et ne pouvait l’être valablement, par le demandeur en l’instance, et le serait‑il, la Cour, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qu’elle possède certainement relativement à l’application des dispositions de l’al, e) de la Règle 162, doit, dans une affaire comme celle dont nous sommes présentement saisis, refuser de permettre la signification à l’extérieur du ressort.

Si les actes de fabrication non diligente constituent le délit civil dont les défendeurs se sont rendus coupables envers le demandeur, alors l’arrêt Anderson v. Nobels Explosive Co. et les arrêts qui l’ont suivi, y compris l’arrêt Abbott-Smith, ont été décidés à bon droit. Quant à moi, j’ai énormément de difficulté à croire qu’un acte de fabrication non diligente soit quelque chose de plus qu’un acte de fabrication non diligente. Un demandeur ne poursuit pas parce que quelqu’un a fabriqué quelque chose de façon non diligente. Il poursuit parce qu’il a été blessé. L’obligation qui incombe est une obligation de ne pas blesser. Comme l’a dit Pollock, 2e éd., p. 14:

[TRADUCTION] Notre droit des délits civils, compte tenu de toutes ses irrégularités, n’a pour but principal que le développement du précepte — alterum non lae-dere — «Ton prochain tu ne léseras pas».

— une vérité à laquelle Lord Atkin a donné une expression judiciaire dans l’arrêt Donoghue v. Stevenson[11]. La même pensée se trouve dans Salmond, 15e éd., p. 10: [TRADUCTION] «un délit civil est un genre d’atteinte civile», et dans Fleming, 4e éd., p. 1: [TRADUCTION] «La responsabilité délictuelle… existe d’abord et

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avant tout pour indemniser la personne lésée».

Si l’atteinte constitue l’essence d’un délit civil, un facteur dominant dans la détermination du situs doit être le lieu où le droit de quelqu’un à la sécurité personnelle a été violé. Dans un arrêt du genre Donoghue v. Stevenson, le manque de diligence dans la fabrication peut-il être séparé du dommage résultant? L’acte déterminant la compétence peut bien être considéré, dans une affaire appropriée, comme étant 1’infliction d’une blessure et non le vice de fabrication. Pyle est poursuivie parce que Moran a subi un préjudice et non parce que quelque employé non identifié de Pyle aurait manqué de diligence. Dès 1892, le Juge Bowen a dit, dans l’arrêt Ratcliffe v. Evans[12], p. 528: [TRADUCTION] «Lorsqu’aucun droit véritable et positif (abstraction faite du dommage causé) n’a été touché, c’est le dommage causé qui constitue le délit», et dans l’arrêt Overseas Tankship (U.K.) Ltd. v. Morts Dock & Engineering Co. Ltd. (The “Wagon Mound”)[13], le Vicomte Simonds a dit à la p. 425:

[TRADUCTION] En étudiant la responsabilité délictuelle pour négligence aux fins d’analyser ses éléments, il convient sans aucun doute de dire que le demandeur doit établir une obligation envers lui qui incombe au défendeur, une violation de cette obligation par le défendeur et le dommage résultant. Mais, il ne peut y avoir aucune responsabilité avant que le dommage ne soit causé. Ce n’est pas sur l’acte mais sur les conséquences que la responsabilité délictuelle est fondée. Tout comme (comme il a été dit) il n’existe pas de négligence dans l’abstrait, il n’existe pas non plus de responsabilité dans l’abstrait.

(J’ai mis des mots en italique.)

L’affaire Watson v. Winget, Ltd., précitée, portait sur la prescription des actions et résultait d’une réclamation pour préjudice corporel contre un fabricant fondée sur l’arrêt Donoghue v. Stevenson, précité. Il incombait à la Chambre des Lords d’interpréter l’expression légale [TRADUCTION] «acte, négligence ou omission donnant ouverture à l’action». L’essentiel de l’arrêt

[Page 406]

et, à mon avis, la véritable caractérisation du délit civil de négligence se trouve, je pense, dans les motifs de Lord Denning à la p. 331:

[TRADUCTION] Ainsi, la sagesse de la common law ici, c’est de considérer que la violation d’obligation est non pas la fabrication non diligente ou la mise en service d’une machine défectueuse, mais l’infliction illicite d’un dommage.

Dans l’arrêt Watson v. Winget, Ltd., Lord Reid a cité ce que Lord Wright a dit en rendant le jugement du Conseil privé dans l’arrêt Grant v. Australian Knitting Mills Limited[14], à la p. 104:

[TRADUCTION]… l’obligation ne peut, au moment de la fabrication, être autre que potentielle ou contingente, et elle ne peut incomber à quelqu’un que par le fait de l’usage réel par une personne en particulier.

Il y a un autre arrêt qu’il conviendrait de mentionner, Distillers Co. (Biochemicals) Ltd. v. Thompson[15]. Distillers était un fabricant de produits pharmaceutiques en Grande-Bretagne. Un de ces produits comprenait la thalidomide, une substance qu’elle obtenait en vrac de fabricants allemands. Les produits finis étaient vendus en Australie mais non par Distillers. La preuve présentée au nom de l’enfant demandeur, né sans bras et avec un trouble de vision, était que la mère avait absorbé durant la grossesse du Distival, un produit de Distillers composé en majeure partie de thalidomide, dont l’effet a été néfaste sur le fœtus de l’enfant à naître. La mère du demandeur avait acheté le Distival en Nouvelle-Galles du Sud. La Cour devait déterminer si la cause d’action avait pris naissance en Nouvelle-Galles du Sud. Lord Pearson a considéré trois théories possibles, la première — que [TRADUCTION] «la cause d’action doit être la cause d’action intégrale, de manière que chaque partie constituante, chaque élément doit s’être produit dans le ressort territorial.» Cette théorie draconienne fut écartée comme étant [TRADUCTION] «trop restrictive pour les besoins des temps modernes». Lord Pearson a fait le commentaire suivant à la p. 699:

[Page 407]

[TRADUCTION] Le défendeur n’a aucun grief majeur s’il est poursuivi dans le pays où sont survenus la plupart des éléments composant la cause d’action qui lui est imputée. Dans pareil cas, si la première théorie est acceptée, le demandeur, s’il n’a pas le temps ni l’argent de suivre le défendeur dans le pays de ce dernier et de l’y poursuivre, sera privé de tout recours.

La deuxième des trois théories possibles — soit [TRADUCTION] «qu’il est nécessaire et suffisant que le dernier élément de là cause d’action, l’événement qui complète la cause d’action et lui donne naissance, ait eu lieu dans le ressort», théorie qui insiste sur le «dernier élément», quelle qu’en soit l’importance, a aussi été rejetée. Lord Pearson a dit à la p. 699:

[TRADUCTION] Il se peut que, dans une affaire donnée, le dernier événement soit le facteur déterminant de par lui-même, à cause de son importance intrinsèque, mais il ne l’est pas parce qu’il est le dernier événement.

et

il s’agit de déterminer quel est le tribunal le plus approprié pour l’instruction de l’action, et c’est l’importance du rapport entre la cause d’action et le pays concerné qui doit être le facteur déterminant.

Lord Pearson a semblé tendre vers une forme du critère du [TRADUCTION] «rapport réel et substantiel» assez analogue au critère de la [TRADUCTION] «substance de l’acte préjudiciable» que je Juge Winn a appliqué dans l’arrêt Cordova Land Co. Ltd. v. Victor Brothers Inc.[16]. L’étude de la deuxième théorie a pris fin avec l’observation suivante:

[TRADUCTION] La bonne façon d’aborder le problème consiste, quand le délit civil est complété, à se reporter à la série d’événements qui le constitue et à se poser la question: où cette cause d’action a-t-elle substantiellement surgi.

Comme je le vois, leurs Seigneuries ont rejeté l’application mécanique de la théorie du «dernier événement» pour adopter un critère qualitatif et quantitatif plus flexible. La troisième théorie — soit [TRADUCTION] «que l’acte du défendeur qui donne au demandeur sa cause de grief doit avoir eu lieu dans le ressort territo-

[Page 408]

rial» — a été considérée par leurs Seigneuries comme étant [TRADUCTION] «intrinsèquement raisonnable, puisque le défendeur est appelé à répondre de son délit civil devant les cours du pays où il l’a commis.» La troisième théorie est conforme à la règle énoncée dans l’arrêt Jackson v. Spittall[17], mais il s’agissait là d’une affaire concernant une violation de contrat et il n’y avait eu aucune difficulté à déterminer où la violation s’était produite. Comme l’a dit Lord Pearson à lap. 700:

[TRADUCTION] La Cour n’avait pas à se demander où est censé avoir eu lieu l’acte préjudiciable dans une action pour négligence. Le simple comportement négligent du défendeur ne donne pas au demandeur une cause de grief en droit. Le demandeur en a une si la négligence du défendeur a causé un dommage au demandeur.

(J’ai mis des mots en italique.) En fin de compte, il a été décidé qu’il y avait eu en Nouvelle‑Galles du Sud une négligence qui avait causé un préjudice corporel au demandeur en Nouvelle-Galles du Sud. Les produits n’étaient ni défectueux ni mal fabriqués, la négligence consistait dans [TRADUCTION] «l’omission de donner l’avertissement que le produit est dangereux s’il est absorbé par une femme enceinte au cours des trois premiers mois de la grossesse». Il convient de remarquer que l’acte, en l’espèce l’omission, du défendeur qui a donné au demandeur une cause de grief en droit, est survenu dans un ressort où le défendeur ne résidait pas et n’exerçait pas son commerce.

Généralement parlant, pour déterminer où un délit civil a été commis, il n’est pas nécessaire, ni sage, d’avoir recours à un ensemble de règles arbitraires. Les théories du lieu de l’acte et du lieu du préjudice sont trop arbitraires et rigides pour être reconnues par la jurisprudence contemporaine. Dans l’arrêt Distillers, et également dans l’arrêt Cordova, on a fait allusion au critère du rapport réel et substantiel. Cheshire, 8e éd., 1970, p. 281, a proposé un critère très semblable à ça; l’auteur dit qu’il conviendrait à la

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rigueur de considérer un délit civil comme étant survenu dans tout pays qui a été substantiellement touché par les activités du défendeur ou par ses conséquences et dont la loi, vraisemblablement, a été raisonnablement envisagée par les parties. Appliquant ce critère à une affaire de fabrication non diligente, la règle suivante peut être formulée: lorsqu’un défendeur étranger a fabriqué de façon non diligente, dans un ressort étranger, un produit qui est entré par les voies normales du commerce, et qu’il savait ou devait savoir, à la fois, qu’un consommateur pouvait fort bien subir un dommage par suite de ce manque de diligence et qu’il était raisonnablement prévisible que le produit serait utilisé ou consommé à l’endroit où le demandeur l’a effectivement utilisé ou consommé, alors le forum dans lequel le demandeur subit des dommages a le droit d’exercer ses pouvoirs judiciaires sur ce défendeur étranger. Cette règle reconnaît le grand intérêt qu’un État porte aux blessures subies par ceux qui se trouvent sur son territoire. Elle reconnaît que considérer la négligence comme un délit civil, c’est vouloir assurer une protection contre le préjudice infligé par manque de diligence, et donc que l’élément prédominant est le dommage subi. En mettant ses produits sur le marché directement ou par l’intermédiaire des voies normales de distribution, un fabricant doit être prêt à les défendre partout où ils causent un préjudice, à condition que le forum devant lequel il est convoqué en est un qu’il aurait dû raisonnablement envisager lorsqu’il a mis ainsi ses produits sur le marché. Ceci s’applique particulièrement aux produits dangereusement défectueux placés dans le commerce interprovincial.

En définitive, je suis d’avis que les cours de la province de Saskatchewan ont compétence pour connaître de l’action en l’instance. Je conclurais avec une mise en garde. Aux fins de considérer la question de compétence, on a présupposé, comme je l’ai déjà dit, que les faits sont tels qu’allégués dans la déclaration écrite, et on a présupposé que, d’après ces faits, les demandeurs ont une cause d’action valable en droit fondée sur le principe établi dans l’arrêt Donoghue v. Stevenson. Les faits et le droit restent à

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être débattus et rien dans le présent jugement ne devrait être considéré comme une approbation de ce qui est sous-jacent à chaque présupposition.

Je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens en cette Cour et en Cour d’appel de Saskatchewan.

Appel accueilli avec dépens.

Procureurs des demandeurs, appelants: Shumiatcher & Associates, Regina.

Procureurs de la défenderesse, intimée: MacPherson, Leslie & Tyerman, Regina.

[1] [1972] 5 W.W.R. 456, 30 D.L.R. (3d) 109.

[2] [1894] A.C. 670.

[3] (1928), 63 O.L.R. 194.

[4] [1944] 1 K.B. 432.

[5] [1960] S.L.T. 321.

[6] (1964) 49 M.P.R. 329, 45 D.L.R. (2d) 672.

[7] (1895), 16 P.R. (Ont.) 508.

[8] (1906), 12 O.L.R. 644.

[9] [1924] 2 D.L.R. 1140.

[10] [1924] 2 D.L.R. 479.

[11] [1932] A.C. 562.

[12] [1892] 2 Q.B. 524.

[13] [1961] A.C. 388.

[14] [1936] A.C 85.

[15] [1971] A.C. 458, [1971] 1 All E.R. 694.

[16] [1966] 1 W.L.R. 793 (Q.B.).

[17] (1870), L.R. 5 C.P. 542.


Synthèse
Référence neutre : [1975] 1 R.C.S. 393 ?
Date de la décision : 21/12/1973
Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli

Analyses

Tribunaux - Le mari de la demanderesse mortellement blessé en Saskatchewan en enlevant une ampoule grillée - Ampoule manufacturée par la défenderesse en Ontario - Allégation de négligence dans la fabrication - Les cours de la Saskatchewan ont compétence pour connaître de l’action.

Un électricien a été mortellement blessé en Saskatchewan en enlevant une ampoule grillée fabriquée par la compagnie intimée. Cette dernière n’exerce pas son commerce en Saskatchewan et elle ne possède aucun bien ni élément d’actif en cette province: toutes les opérations de fabrication et d’assemblage de la compagnie ont lieu en Ontario ou aux États‑Unis. La compagnie vend tous ses produits à des distributeurs et ne fait aucune vente directe aux consommateurs. Elle n’a aucun vendeur ni représentant en Saskatchewan.

Les appelants, la veuve et les enfants du défunt, ont intenté l’action en vertu de The Fatal Accidents Act, R.S.S. 1965, c. 109. Ils allèguent que l’intimée a été négligente dans la fabrication et la réalisation de l’ampoule et négligente en ne prévoyant pas un système approprié de vérification de sécurité pour empêcher que ses produits munis de fils défectueux quittent son établissement ou soient distribués, vendus ou utilisés.

Sur une requête présentée en chambre, il a été statué qu’en présumant que la compagnie ait été négligente comme on l’allègue, cette négligence s’est produite en Ontario et le délit a été commis à l’extérieur de la Saskatchewan. Le juge en chambre a cependant accordé aux demandeurs l’autorisation spéciale, en vertu de l’art. 54 de The Queen’s Bench Act, R.S.S. 1965, c. 73, d’intenter une action en

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Saskatchewan et a permis la signification de la déclaration écrite et du bref d’assignation en Ontario. La compagnie a interjeté appel avec succès et l’ordonnance du juge en chambre a été infirmée. Avec l’autorisation, les demandeurs interjettent appel de l’arrêt de la Cour d’appel à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être accueilli.

Lorsqu’un défendeur étranger a fabriqué de façon non diligente, dans un ressort étranger, un produit qui est entré par les voies normales du commerce, et qu’il savait ou devait savoir, à la fois, qu’un consommateur pouvait fort bien subir un dommage par suite de ce manque de diligence et qu’il était raisonnablement prévisible que le produit serait utilisé ou consommé à l’endroit où le demandeur l’a effectivement utilisé ou consommé, alors le forum dans lequel le demandeur subit des dommages a le droit d’exercer ses pouvoirs judiciaires sur ce défendeur étranger. Par conséquent, les cours de la Saskatchewan ont compétence pour connaître de l’action en l’instance.

Arrêts mentionnés: George Monro, Ltd. v. American Cyanamid and Chemical Corp., [1944] 1 K.B. 432; Watson v. Winget, Ltd. [1960] S.L.T. 321; Abbott-Smith v. Governors of University of Toronto (1964), 45 D.L.R. (2d) 672; Oligny v. Beauchemin et al. (1895), 16 P.R. (Ont.) 508; Anderson v. Nobels Explosive Co. (1906), 12 O.L.R. 644; Donoghue v. Stevenson, [1932] A.C. 562; Ratcliffe v. Evans, [1892] 2 Q.B. 524; Overseas Tankship (U.K.) Ltd. v. Morts Dock & Engineering Co. Ltd. (The “Wagon Mound”), [1961] A.C. 388; Grant v. Autralian Knitting Mills Ltd., [1936] A.C. 85; Distillers Co. (Bio-chemicals) Ltd. v. Thompson, [1971] A.C. 458; Cordova Land Co. Ltd. v. Victor Bros. Inc., [1966] 1 W.L.R. 793; Jackson v. Spittall (1870), L.R. 5 C.P. 542.


Parties
Demandeurs : Moran
Défendeurs : Pyle National (Canada) Ltd.
Proposition de citation de la décision: Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., [1975] 1 R.C.S. 393 (21 décembre 1973)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1973-12-21;.1975..1.r.c.s..393 ?
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