Cour suprême du Canada
Doré c. Procureur général du Canada, [1975] 1 R.C.S. 756
Date: 1974-02-12
Fernand Doré Appelant;
et
Le Procureur général du Canada Intimé.
*1972: le 25 octobre; 1974: le 12 février.
**Nouvelle audition: 1974: le 4 juin; 1974: le 28 juin.
*Président: Le Juge en chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Ritchie et Pigeon.
**Nouvelle audition: Le Juge en chef Laskin et les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpé.
EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC
APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la Reine, province de Québec[1], infirmant un jugement de la Cour des Sessions prononçant l’acquittement. Appel accueilli en partie et dossier retourné à la Cour du banc de la reine pour prononcé de la sentence après que l’appelant aura été entendu.
Morris J. Fish, pour l’appelant.
Bruno J. Pateras, pour l’intimé.
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En première audition le jugement du Juge en chef Fauteux et des Juges Abbott et Ritchie a été rendu par
LE JUGE EN CHEF FAUTEUX — L’appelant a été traduit en justice sur un acte d’accusation contenant plusieurs chefs dont six seulement nous intéressent en cet appel. Ces accusations peuvent, en substance, être résumées comme suit:
Sur les trois premiers chefs, il a été accusé d’avoir à Montréal et ailleurs, en diverses occasions, entre le 1er septembre 1960 et le 30 juin 1963, alors qu’il était ou en sa qualité de fonctionnaire du Gouvernement du Canada à l’emploi de la Société Radio-Canada, accepté d’Artek Film Productions et de ses représentants Paul Legault et André Legault, qui avaient des relations d’affaires avec le Gouvernement du Canada, diverses sommes d’argent formant un total de $27,318 (i) les unes à titre de commissions, récompenses, avantages ou bénéfices, sans avoir obtenu du Chef de la Division du Gouvernement un consentement écrit, contrairement aux dispositions de l’art. 102(1)c) — étant maintenant l’art. 110(1)c) — du Code criminel, (ii) les autres à titre de prêts, récompenses, avantages ou bénéfices, en considération d’une collaboration, d’une aide, d’un exercice d’influence concernant la conclusion d’affaires, l’octroi de contrats, contrairement aux dispositions de l’art. 102(1)a)(iï) — étant maintenant Part. 110(1)a)(ii) — du Code criminel et enfin d’avoir, en acceptant les sommes d’argent versées en considération d’une collaboration, d’une aide et d’un exercice d’influence concernant la conclusion d’affaires avec le Gouvernement, commis un abus de confiance, contrairement aux dispositions de l’art. 103 du Code criminel — étant maintenant l’art. 111.
Sur les trois autres chefs, ii a été accusé des mêmes offenses avec différences, cependant, en ce qui a trait (i) au montant total des diverses sommes acceptées, soit un montant de $7,200, (ii) aux personnes de qui il les a acceptées, soit Armand Serge Roy et Serge Roy Productions Ltée, et (iii) à la période de la commission de ces offences, soit entre 1959 et 1962.
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A l’issue du procès, l’appelant fut acquitté sur tous les chefs par M. le Juge Lagarde de la Cour des sessions de la paix.
Le Procureur général du Canada se pourvoit en appel à l’encontre de ce verdict d’acquittement, selon que le permettent sur une question de droit les dispositions conjuguées des art. 584 et 601 — étant maintenant les art. 605 et 624 C. cr — . Cet appel fut toutefois limité aux six chefs d’accusation basés sur les articles ci-dessus mentionnés.
La Cour d’appel, alors composée de M. le Juge en chef Tremblay et de MM. les Juges Hyde et Rivard, fit droit à cet appel, déclara l’accusé coupable sur les chefs d’accusation faisant l’objet de l’appel et procédant au prononcé de la sentence, condamna l’accusé à deux ans de pénitencier sur chaque chef, ces condamnations devant être concurrentes.
L’appelant se pourvoit à l’encontre de ce jugement unanime.
Dans une opinion bien motivée sur les faits et le droit et partagée par tous ses collègues, M. le Juge Rivard a exposé les raisons de la décision de la Cour d’appel.
Sur les faits: — Je n’entends pas rapporter ici tous les faits révélés par la preuve et plus spécifiquement les admissions et explications de l’accusé dont la version, acceptée par M. le Juge Lagarde, a, selon l’interprétation différente qu’on a donnée en première instance et en Cour d’appel aux conséquences juridiques découlant de cette preuve, servi de fondement à un acquittement en Cour des sessions et à une déclaration de culpabilité en Cour d’appel. M’en tenant à l’analyse minutieuse que M. le Juge Rivard a faite de la preuve et adoptant les conclusions auxquelles ses collègues et lui-même en sont venus, je me contenterai de tracer à grands traits, dans la mesure nécessaire à la considération et disposition des griefs d’appel qu’il convient de retenir, les faits essentiels et incontestables de la preuve.
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Durant les périodes mentionnées aux chefs d’accusation, l’appelant était à l’emploi de la Société Radio-Canada et s’occupait de la supervision des émissions «Jeunesse» pour le secteur de Montréal. Il lui appartenait de visionner les films que les producteurs offraient à la Société pour ces émissions. Selon l’opinion qu’il se formait alors de ces films, Doré devait soit les refuser ou en recommander l’acceptation par la Direction de la Société qui, selon sa propre admission, lui faisait entièrement confiance. L’acceptation des films dépendait donc virtuellement de son opinion et de sa recommandation. Durant les mêmes périodes, Artek Film Productions et Serge Roy Productions Ltée, firmes engagées dans la production de films, entretenaient des relations d’affaires avec le Gouvernement du Canada en offrant à la société des films destinés notamment aux émissions «Jeunesse». Une preuve incontestable résultant des admissions de l’accusé ou par elles corroborée établit que ces deux firmes firent accepter nombre de films; que les textes de certains des films produits par Serge Roy Productions Ltée avaient été rédigés par Doré qui, en raison de sa fonction, devait en juger; que ce dernier avait reçu de ces firmes, en diverses occasions, plusieurs sommes d’argent, soit à titre de cadeaux sans avoir obtenu le consentement écrit de ses supérieurs, soit à titre de prêts, récompenses, avantages ou bénéfices en considération de sa collaboration, de son aide et de l’exercice de son influence; que les méthodes utilisées pour la remise de ces diverses sommes à Doré étaient marquées de clandestinité manifeste, certains paiements lui étant faits en argent comptant à sa résidence sans qu’un reçu soit exigé ou donné en contre‑partie, d’autres lui étant faits par l’intermédiaire d’une Société qu’il avait imaginé de former sous le nom de Scripto Productions et qu’il avait enregistrée au nom d’une demoiselle Laberge qui lui remettait toutes les sommes qu’elle recevait; que ni dans les livres d’Artek Film Productions, ni dans ceux de Serge Roy Productions Ltée le nom de Doré n’apparaissait pour justifier ces déboursés uniquement indiqués comme gratuités et que Doré avait, selon sa propre admission, délibérément menti aux
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agents de la Gendarmerie qui étaient allés le questionner relativement à certaines sommes importantes qui lui avaient été payées par Artek Film Productions alors qu’il était à Paris.
Concluant la revue des faits, M. le Juge Rivard déclara, en référant au témoignage de l’accusé:
«Ce témoignage révèle avec une clarté indiscutable la culpabilité de l’accusé sur les chefs prévus par les articles 102(1)a), 102(1)c)et 103.»
Il n’a aucunement été démontré que cette déclaration était erronée.
Sur le droit: Je n’ai rien à ajouter aux motifs que M. le Juge Rivard a exprimés pour la Cour d’appel en s’appuyant sur une jurisprudence bien établie pour disposer des questions de droit pertinentes en cette cause. A la vérité, de tous les griefs de droit soulevés devant nous à l’encontre du jugement de la Cour d’appel, deux seulement, à mon avis, sont à retenir. Selon l’appelant, la Cour d’appel aurait erré (i) en condamnant l’accusé sur un acte d’accusation qui le rendait susceptible d’être puni plus d’une fois pour la même transaction et (ii) en procédant au prononcé des sentences sans lui donner l’occasion de faire, personnellement ou par procureur, des représentations sur la matière.
Au soutien du premier grief, l’appelant invoque l’art. 11 du Code criminel et le jugement de cette Cour dans Le Roi c. Peter Quon[2]. Je dois dire immédiatement, et en tout respect pour l’opinion contraire, qu’à mon avis et pour les raisons suivantes, la décision de cette Cour dans l’affaire Quon n’assiste aucunement l’appelant. Dans un même acte d’accusation, Quon fut accusé (i) d’avoir, étant muni d’un revolver, volé un certain Sam Lun et (ii) de port d’une arme à feu qui peut être dissimulée sur la personne pendant que cette personne commet un acte criminel. Il fut admis que ces deux chefs d’accusation se rapportaient à une seule et même transaction et que l’arme à feu mentionnée dans les deux chefs était la même. Quon plaida coupable sur le premier chef et non coupable sur le
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second. Il fut condamné à deux ans sur le premier et, ayant été trouvé coupable sur le second, fut condamné à un terme additionnel de deux ans. La Cour d’appel d’Ontario infirma la condamnation sur le second chef[3] et le pourvoi logé par la Couronne à cette Cour, à l’encontre de ce jugement, fut rejeté. Le motif de la décision, tant en Cour d’appel qu’en cette Cour, porta uniquement sur l’interprétation des mots «any criminal offence» ou «acte criminel» dans le contexte de l’art. 122(1) dont il convient de citer les deux versions:
122. (1) Quiconque a sur soi une carabine, un fusil de chasse, un pistolet, un revolver ou quelque arme à feu qui peut être dissimulée sur la personne pendant qu’il commet un acte criminel est coupable d’une infraction au présent article et passible d’emprisonnement pendant au moins deux ans en sus de toute peine à laquelle il peut être condamné pour l’infraction en premier lieu mentionnée; et une infraction au présent article est punissable, soit sur mise en accusation, soit sur déclaration sommaire de culpabilité, de la même manière que pour l’infraction en premier lieu mentionnée.
122. (1) Every one who has upon his person a rifle, shotgun, pistol, revolver or any firearm capable of being concealed upon the person while committing any criminal offence is guilty of an offence against this section and liable to imprisonment for a term not less than two years in addition to any penalty to which he may be sentenced for the first mentioned offence, and an offence against this section shall be punishable either on indictment or summary conviction in the same manner as the first mentioned offence.
Tout ce que les deux Cours décidèrent, c’est que ces mots «any criminal offence» ou «acte criminel» avaient dans le contexte de cet article particulier un sens restreint et qu’ils n’incluaient pas un acte criminel dont l’un des éléments essentiels est la possession d’une arme à feu qui peut être dissimulée sur la personne. De l’interprétation qu’on a donnée de cet article, je ne vois pas qu’on puisse déduire que la Cour ait posé comme principe que ce serait punir un
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individu plus d’une fois pour la même infraction que de le reconnaître coupable de plus d’une infraction commise lors de la même transaction, comme il est arrivé dans le cas qui nous occupe.
Les dispositions de l’art. 11 du Code criminel ne sauraient davantage aider l’appelant. Cet article, dont le texte n’a pas changé, prescrit:
11. Lorsqu’un acte ou une omission constitue une infraction visée par plus d’une loi du Parlement du Canada, qu’elle soit punissable par voie d’acte d’accusation ou sur déclaration sommaire de culpabilité, une personne qui accomplit l’acte ou fait l’omission devient, à moins que l’intention contraire ne soit manifeste, assujettie aux procédures que prévoit l’une quelconque de ces lois, mais elle n’est pas susceptible d’être punie plus d’une fois pour la même infraction.
Il faut bien noter au départ qu’il s’agit d’un acte ou omission qui constitue une infraction visée par plus d’une loi et non pas, ce qui est bien différent, d’une transaction qui constitue plusieurs infractions. Les dispositions de cet article ont récemment fait l’objet d’une considération par la Cour d’appel de Saskatchewan dans R. v. Lavoie[4]. Dans cette affaire, l’accusé fut trouvé coupable sous deux chefs d’accusation logés contre lui en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148. Le premier de ces chefs l’accusait d’avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses dans sa déclaration d’impôt, contrairement aux dispositions de l’art. 132(1)a) et l’autre, d’avoir volontairement tenté d’éluder la loi et éviter le paiement d’un impôt établi sous son empire, contrairement aux dispositions de l’art. 132(1)b). Lavoie en appela et, au soutien de son appel, invoqua, comme on le fait en l’espèce, les dispositions de l’art. 11 et la décision de cette Cour dans l’affaire Quon. Cet appel fut rejeté par un jugement unanime de la Cour. Rendant le jugement au nom de la Cour, M. le Juge en chef Culliton référa notamment aux dispositions de l’art. 11 et déclara ce qui suit:
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[TRADUCTION] L’article ci-dessus, à part certaines différences dans les termes, est similaire à l’art. 33 du Interpretation Act 1889 (Royaume-Uni), c. 63, qui est libellé comme suit:
[TRADUCTION] Lorsqu’un acte ou une omission constitue une infraction visée par deux lois ou plus, ou à la fois par une loi et par le common law …le contrevenant est, à moins que l’intention contraire ne soit manifeste, susceptible d’être poursuivi et puni en vertu de l’une ou l’autre ou de l’une quelconque de ces lois ou du droit commun, mais il n’est pas susceptible d’être puni deux fois pour la même infraction.
En interprétant l’effet de cet article de la loi d’interprétation anglaise, le Juge Humphreys, dans l’affaire R. v. Thomas (1949) 33 Cr. App. R. 200, à la p. 204, a dit:
[TRADUCTION] Me Paget a prétendu que nous devrions interpréter l’article comme si le mot final «infraction» devrait signifier «acte», et on a prétendu que les mots «acte», «cause» et «infraction» veulent tous dire la même chose.
A notre avis, cela n’est pas fondé. Il n’est pas vrai dans l’état actuel du droit qu’une personne ne peut être susceptible d’être punie deux fois pour le même acte; on n’a jamais dit ça dans quelque affaire que ce soit, et l’Interpretation Act ne le dit pas. Ce que l’Interpretation Act dit, c’est qu’une personne «n’est pas susceptible d’être punie deux fois pour la même infraction». Non seulement ce n’est pas vrai dans l’état actuel du droit mais cela n’a jamais été, et que ce n’est pas vrai dans l’état actuel du droit fut expressément décidé dans le plus haut tribunal criminel d’alors au pays, la Court for the Consideration of Crown Cases Reserved, dans une affaire qui remonte à 1867, soit l’affaire Morris (1867) L.R. 1, C.C.R. 90; 10 Cox C.C. 480.
Il fut jugé à bon droit que du seul fait que deux infractions résultaient du même acte ou de mêmes actes et que Lavoie avait été condamné pour les deux infractions ne permettait pas de dire qu’il était puni deux fois pour la même infraction. J’écarterais donc le premier grief de l’appelant.
Le second grief me paraît bien fondé. Dans Lowry et Lepper v. La Reine[5], la question du droit d’un accusé, acquitté en première instance
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et déclaré coupable en Cour d’appel, de faire des représentations pré-sentencielles, soit personnellement ou par procureur, a été pour la première fois considérée par cette Cour au regard des dispositions de l’art. 2e) de la Déclaration canadienne des droits, 1960 (Can.), c. 44. Cette Cour a conclu à l’existence de ce droit et bien que rejetant l’appel sur le fond, ordonna le retour du dossier à la Cour d’appel afin qu’il soit procédé au prononcé de la sentence après avoir donné aux appelants l’occasion de faire des représentations, soit personnellement ou par procureur.
Depuis que j’ai écrit ce qui précède, j’ai pris connaissance de l’addition faite aux motifs de notre collègue, M. le Juge Pigeon, voulant que la décision, qui doit être rendue dans John Edward Kienapple c. Sa Majesté la Reine en même temps que celle concernant la présente cause, ait en soi la vertu de lier et obliger cette Cour à invalider certaines des condamnations prononcées en l’espèce par la Cour d’appel. La raison invoquée au soutien de cette assertion est que les cinq juges majoritaires dans Kienapple approuvent un extrait de l’opinion donnée par M. le Juge Kellock dans The King c. Quon[6], aux pp. 519-20, extrait qu’a cité in extenso M. le Juge MacKay dans Regina v. Siggins[7], aux pp. 285-6, et que cite en partie notre collègue dans ses notes en la présente cause. En tout respect pour l’opinion contraire, je dois dire qu’il m’est absolument impossible d’admettre ce point de vue.
Au tout début des commentaires qui suivent sur cette assertion, il me paraît à propos de reproduire ici le texte des deux observations du Lord Chancelier, the Earl of Halsbury dans Quinn v. Leathem[8]:
[TRADUCTION] Maintenent, avant de traiter de l’affaire de Allen v. Flood (1898) A.C. I et de ce qui y fut décidé, il y a deux observations de caractère général que j’aimerais faire; tout d’abord, je réitère ce que j’ai dit souventes fois, que tout jugement doit être interprété comme applicable aux faits particuliers qui ont
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été établis, ou présumé établis, étant donné que la généralité des expressions qu’on peut y trouver ne se veulent pas être des exposés de l’ensemble du droit, mais sont régies et atténuées par les faits particuliers de l’arrêt dans lequel elles sont employées. L’autre observation est qu’un arrêt ne constitue un précédent qu’à l’égard de ce qui y est effectivement décidé. Je conteste entièrement qu’il puisse être cité à l’appui d’une proposition qui peut paraître en découler logiquement.
Mettons en contraste les faits qui sont particuliers à la cause de Kienapple et à la cause de Doré et précisons la question de droit à décider dans chacune au regard de ces faits particuliers.
L’affaire Kienapple
A l’issue d’un procès sur un acte d’accusation comprenant deux chefs, l’un l’accusant d’avoir eu des relations sexuelles avec une jeune fille de moins de 14 ans, contrairement à l’art. 146(1) du Code criminel et l’autre l’accusant d’avoir, en la circonstance, violé cette jeune fille, contrairement à l’art. 143 C. cr., Kienapple fut trouvé coupable de ces deux infractions par un jury dont le verdict fut confirmé à l’unanimité par le jugement de la Cour d’appel de la province d’Ontario. D’où le pourvoi à cette Cour portant uniquement sur la question de droit ainsi formulée au jugement accordant la permission d’appeler:
[TRADUCTION] Si l’accusé, ayant été déclaré coupable de viol, devait à l’égard du seul et même acte, être également reconnu coupable d’avoir eu des rapports sexuels avec une personne du sexe féminin âgée de moins de quatorze ans qui n’est pas son épouse?
L’affaire Doré
Comme indiqué au début de ces raisons, il s’agit là de multiples transactions, faites en différentes villes, à des dates diverses durant une période couvrant environ trois ans, impliquant deux groupes différents de personnes et comportant le paiement de différents montants d’argent versés soit à titre de récompenses, ou de rémunérations ou de prêts, formant au total la somme de $27,318 donnée à l’appelant par l’un des groupes et $7,200 donnée par l’autre. La question de droit qui se pose au regard de ces faits particuliers se limite à savoir si la Cour
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d’appel a erré en trouvant l’appelant coupable sur tous les chefs d’accusation faisant l’objet du pourvoi en Cour d’appel et l’accusant des offenses non interchangeables décrites aux art. 102(1)a)(ii), 102(1)c) et 103 du Code criminel.
D’où l’on voit que la question de droit qui, au regard des faits particuliers de chaque cause, se pose dans chacun de ces appels est manifestement différente; ce qui, à mon avis, donne une singulière pertinence en l’espèce à la première observation du Lord Chancelier dans Quinn c. Leathem, supra. Il en va de même quant à la seconde observation. En effet, tout ce qu’on décide par le jugement qui doit être rendu dans Kienapple et, par conséquent, la seule question de droit quant à laquelle cette décision peut faire autorité sur l’aspect qui nous occupe, est que le cas où un accusé subit simultanément son procès sur une accusation d’avoir eu des relations sexuelles avec une jeune fille de moins de 14 ans et d’avoir en plus, en la circonstance, violé cette jeune fille, tombe, si tous ces faits sont prouvés, sous l’art. 143 et ne tombe pas sous l’art. 146(1) C. cr. qui n’est alors d’aucune application. La prémisse fondamentale d’une telle décision réside essentiellement dans l’interprétation qu’on donne à l’intention du Parlement relativement à ces dispositions du Code dont l’effet, dans les circonstances indiquées, est de confondre intégralement avec celle du viol, l’offense décrite en l’art. 146(1). En témoignent notamment les extraits suivants qu’on trouve, le premier, au début et, le dernier, en conclusion même de la décision:
Au début:
[TRADUCTION] Il est clair, bien entendu, que le Parlement a défini deux infractions aux articles 143 et 146 (1) mais il y a un recoupement en ce sens que l’une embrasse Vautre quand les rapports sexuels ont eu lieu avec une jeune fille de moins de 14 ans sans son consentement.
En conclusion:
Dans les circonstances de l’espèce, l’élément surajouté que constitue l’âge à l’article 146(1) n’a pas pour effet de distinguer les rapports sexuels illicites du viol. Un âge de moins de 14 ans est certainement pertinent lorsqu’il y a eu consentement aux rapports
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sexuels; mais dès lors que cela est éliminé, comme ce le fut en l’espèce, l’âge acquiert un caractère insignifiant en tant que trait distinctif de l’infraction de viol et de rapports sexuels illicites.
Je ne vois donc aucunement la portée que cette décision pourrait avoir sur la question de droit qui se pose dans le cas de Doré au regard des faits qui lui sont propres.
Je ne vois pas davantage en quoi la citation complète, extraite des raisons données par M. le Juge Kellock, dans Quon, supra, aussi bien que l’approbation qu’en donnent les juges de la majorité dans Kienapple, puissent lier et obliger cette Cour, dans le présent cas, à écarter des condamnations prononcées en la Cour d’appel celles qui se rapportent aux offenses décrites aux art. 102(1)a)(ii) — récompenses pour exercices d’influence — et 103 — abus de confiance — pour ne retenir que celles ayant trait à l’offense décrite à l’art. 102(1)c) — acceptation d’avantages sans le consentement écrit des supérieurs — sans au surplus, soit dit en passant, donner de raisons pour ainsi choisir parmi ces offenses non interchangeables.
Le fait qu’il peut n’y avoir rien à reprendre à ce que dit M. le Juge Kellock ne règle pas la question. Notons d’abord qu’il s’agit là d’un obiter, portant au surplus sur un sujet sur lequel aucun des trois autres juges formant la majorité avec M. le Juge Kellock, n’a cru nécessaire ou même à-propos de s’arrêter et, plus encore, d’un sujet dont M. le Juge Roach a disposé comme suit en concluant le jugement qu’il rendit pour la Cour d’appel dans cette cause de Quon:
[TRADUCTION] On doit donner aux mots «un acte criminel» le sens modifié que j’ai exposé plus haut. Procéder de la sorte permet d’éviter l’incompatibilité et les contradictions et donne un «tout harmonieux». Cette interprétation est «en accord avec la raison» et c’est mon ferme point de vue qu’elle donne à l’article l’entière portée qu’a voulu lui donner le Parlement.
Je n’ignore nullement que cette décision est en conflit avec celle rendue par la Cour d’appel du Manitoba dans R. v. Maskiew, (1946) I D.L.R. 378, 85 Can. C.C. 138, 53 Man. R. 281, [1945] 3 W.W.R. 529. L’avocat de la Couronne en cette Cour a cité cette dernière. L’avocat de l’intimé l’a abordée de front, et
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a souligné que la Cour dans cette affaire-là avait simplement rejeté l’argument d’autrefois convict et que le moyen de défense de res judicata n’avait pas été débattu. Il a cité des arrêts comme Wemyss v. Hopkins (1875), L.R. 10 Q.B. 378; Reg. v. King, (1897) 1 Q.B. 214, et, dans nos propres cours, R. v. Quinn (1905), 10 Can. C.C. 412, 11 O.L.R. 242, et R. v. Sweetman, (1939), 2 D.L.R. 70, O.R. 131, 71 Can. C.C. 171. D’après mon interprétation de l’art. 122, ni le moyen d’autrefois convict ni celui de res judicata n’ont d’application. Les faits reconnus n’assujettissent pas l’accusé à cet article.
Au regard de l’interprétation donnée par les juges majoritaires aux art. 143 et 146(1) dans Kienapple — selon laquelle l’offense décrite en l’art. 143 embrasse l’offense décrite en l’art. 146(1) dans le cas de la situation indiquée — , je ne vois pas comment la conclusion à laquelle s’est arrêté M. le Juge Roach dans Quon ne recevrait pas également son application dans cette cause de Kienapple.
Que ce soit, comme il le mentionne, à la lumière des principes généraux du droit criminel que M. le Juge Kellock ait approché la question de l’interprétation de l’art. 122 du Code criminel, S.R.C. 1927, c. 36, il ne s’ensuit pas qu’il n’a pas, à l’instar de ses collègues de la majorité, fondé son opinion spécifiquement sur la règle d’interprétation voulant que le sens grammatical et ordinaire des mots doit céder s’il en résulte une absurdité.
A mon avis, soit dit avec déférence, c’est dépasser la pensée du Juge Kellock que d’utiliser ce qu’il a déclaré par rapport au cas d’une personne qui, ayant déjà été poursuivie au criminel, est subséquemment poursuivie à nouveau quant à un autre aspect de la même affaire, pour l’appliquer au cas d’un accusé qui subit un seul procès simultanément sur plus d’un chef d’accusation — car c’est bien cette dernière situation qu’on retrouve dans Kienapple et dans Doré. Dans les deux décisions, citées par le savant juge au soutien de ce qu’il a déclaré, il s’agissait précisément de poursuites subséquentes et non simultanées, ainsi qu’il appert ci-après du sommaire fidèle de l’arrêtiste dans chaque cas.
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Dans Wemyss v. Hopkins[9]:
[TRADUCTION] L’appelant a été déclaré coupable sur poursuite sommaire en vertu de l’art. 78 de 5 & 6 Wm. 4, c. 50, d’avoir, étant le cocher d’un carosse roulant sur un chemin public, causé à l’intimée, par négligence ou inconduite volontaire, savoir en frappant le cheval qu’elle montait, des blessures et dommages; il fut ultérieurement trouvé coupable, sur les mêmes faits, en vertu de l’art. 42 de 24 & 25 Vict, c. 100, de s’être illégalement porté à des voies de fait contre la personne de l’intimée:
Jugé, que la première déclaration de culpabilité fait obstacle à la seconde.
Dans La Reine v. R.J. Elrington et al.[10]:
[TRADUCTION] Quand, en vertu de 9 G. 4, c. 31, art. 27 à 29, une plainte de voies de fait ou de coups et blessures a été portée devant deux juges de paix, qui rejettent la plainte et délivrent à la partie un certificat en conséquence, le certificat peut être invoqué comme obstacle à un acte d’accusation, fondé sur les mêmes faits, qui inculpe l’accusé de voies de fait et coups accompagnés d’infliction de coupures et de blessures de façon à causer des lésions corporelles graves ou réelles.
Signalons que le rejet de la poursuite subséquente est fondé, (i) dans le cas de Wemyss supra, sur le principe que nous avons incorporé à notre Code à l’art. 11 supra — antérieurement l’art. 15 — , principe que cite Lord Blackburn en l’affaire en lui assignant le sens et la portée donnés à l’art. 11 dans le cas Lavoie supra et (ii), dans le cas de Elrington supra, sur les dispositions du statut impérial 9 G. 4, c. 31, ss. 27-29 dont la teneur fut substantiellement reproduite en notre Code criminel aux art. 733 et 734 qui étaient en vigueur lors de la décision dans Quon.
733. Si le juge de paix, lors de l’audition d’une accusation de voies de fait ou de coups et blessures qu’il juge sur le fond, lorsque la plainte a été portée par la personne lésée, ou en son nom, en vertu de l’article qui précède, est d’avis que l’accusation n’est pas prouvée, ou trouve les voies de fait ou les coups justifiables, ou tellement insignifiants qu’ils ne méritent aucune punition, il rend une ordonnance de non-lieu, et dresse aussitôt un certificat sous son seing
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établissant le fait du renvoi de la plainte, et délivre ce certificat à la personne contre laquelle la plainte a été portée. S.R., c. 146, art. 733.
734. Si la personne contre laquelle la plainte a été portée par la personne lésée ou en son nom, obtient ce certificat, ou si, ayant été trouvée coupable, elle acquitte le montant entier qu’il lui a été ordonné de payer, ou si elle subit l’emprisonnement, ou l’emprisonnement aux travaux forcés auquel elle a été condamnée, elle ne peut être poursuivie, ni au civil, ni au criminel, pour la même cause. S.R., c. 146, art. 734.
Notons aussi qu’à la fin de ses remarques, M. le Juge Kellock s’est empressé d’ajouter:
[TRADUCTION] Il est, bien entendu, évident que le Parlement peut, s’il le juge à propos, constituer deux infractions distinctes pour le même acte ou la même omission ou faire d’une partie d’un acte ou d’une omission, ou d’un ou de plus d’un acte ou d’une omission d’une série d’actes ou d’omissions, une infraction distincte s’ajoutant à celle qui est constituée par l’acte ou l’omission complète ou la série entière d’actes ou d’omissions.
L’affaire Siggins
Dans cette affaire, supra, la Cour d’appel d’Ontario, alors composée de M. le Juge en chef Porter et de MM. les Juges MacKay et Morden, fut saisie de la question de savoir si le voleur d’une chose, qui en a gardé continuellement la possession depuis le vol, peut être accusé et à la fois déclaré coupable de vol et de possession illégale. Les membres de la Cour jugèrent dans la négative mais se divisèrent sur la portée de la décision et sur les motifs y donnant lieu. D’une part, M. le Juge MacKay, avec le concours du Juge en chef Porter, déclara d’abord, à la p. 285:
[TRADUCTION] Je suis d’avis que dans les circonstances de l’espèce, les déclarations de culpabilité pour, à la fois, vol et possession ne peuvent être maintenues…
et après avoir cité les commentaires ci-dessus de M. le Juge Kellock, dit ce qui suit, à la p. 286, en ce qui concerne la décision rendue par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans R. c. Van Dorn:
[TRADUCTION] L’avocat de la Couronne nous a signalé l’arrêt R. v. Van Dorn (1956), 116 C.C.C. 325, dans lequel on a jugé que des déclarations de culpabilité pour les deux infractions, soit vol et possession,
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pouvaient être maintenues lorsque la possession imputée n’est pas si intimement identifiée dans le temps et dans l’espace qu’elle fait partie du vol lui-même. Il se peut que dans certaines circonstances, il puisse en être ainsi. Mais dans une affaire comme la présente, où l’appelant était le voleur et avait eu la possession continue du véhicule à moteur à compter du moment où il l’avait volé, je pense que les deux infractions découlent du seul et même acte. Le même acte qui a constitué le vol a constitué l’infraction de possession illégale. Pour appliquer les principes de l’arrêt Quon, il est, bien entendu, nécessaire que Von traite la possession illégale, qu’elle ait été une question de minutes ou une question de mois, comme une seule infraction continue. A mon avis, il en est ainsi.
D’autre part, et contrairement à ses deux collègues, M. le Juge Morden ne fit aucune mention de Quon supra, écarta le principe dans Van Dorn supra et s’appuyant sur les décisions prononcées par notre Cour antérieurement à la substitution de l’art. 296 — possession illégale — à l’art. 399 — recel et rétention d’objets volés — conclut, à la p. 289:
[TRADUCTION] Eu égard aux vues exprimées par la majorité des juges dans l’arrêt Clay sur l’effet à donner à l’ancien art. 399, je ne puis accepter l’argument que le Parlement a voulu, en édictant l’actuel art. 296 pour remplacer l’ancien art. 399, qu’une personne puisse être déclarée coupable de vol de même que de possession illégale de l’objet volé.
Ainsi donc, ce qui ressort des motifs exprimés par M. le Juge MacKay, avec le concours du Juge en chef Porter, c’est que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a qu’une seule offense, et que ce n’est qu’en tel cas que s’applique le principe de Quon supra. Aussi bien, soit dit en toute déférence, je ne puis vraiment voir la raison pour laquelle il peut alors, en une telle situation, être question du plaidoyer d’autrefois acquit ou autrefois convict, de res judicata ou de maximes invoquées pour éviter la multiplication des condamnations quand les actes reprochés, ne constituant qu’une seule offense, ne peuvent donner lieu à plus d’une condamnation.
Pour ces raisons, je rejetterais l’appel sur le fond et ordonnerais le retour du dossier à la Cour d’appel afin qu’elle procède au prononcé des sentences après avoir donné à l’appelant
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l’occasion de faire, personnellement ou par procureur, des représentations à ce sujet.
LE JUGE MARTLAND — Si ce n’avait été du jugement de la Cour siégeant au complet dans l’affaire John Edward Kienapple c. Sa Majesté la Reine, à être rendu simultanément avec le jugement relatif au présent appel, j’aurais été d’accord avec le Juge en chef Fauteux qu’il y aurait lieu de rejeter l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre des déclarations de culpabilité prononcées contre ce dernier. Cependant, étant donné la décision rendue dans l’arrêt Kienapple, je crois devoir partager l’avis de mon collègue le Juge Pigeon et conclure qu’il y a lieu de décider le présent appel comme le Juge Pigeon l’a proposé.
LE JUGE PIGEON — Ce pourvoi est à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec annulant l’acquittement prononcé par la Cour des Sessions et déclarant l’appelant coupable d’infractions aux art. 102 et 103 (aujourd’hui art. 110 et 111) du Code criminel. Les trois premiers chefs d’accusation contre l’appelant se lisent comme suit:
1) En les cité et district de Montréal, et ailleurs, entre le 1er septembre 1960 et le 30 juin 1963, FERNAND DORÉ, étant fonctionnaire du Gouvernement Fédéral du Canada, à savoir: Directeur des Programmes pour la jeunesse pour le secteur de Montréal de Radio Canada, une compagnie de la Couronne Fédérale, a illégalement accepté de Artek Film Productions, Paul Legault et André Legault, des prêts, récompenses, avantages ou bénéfices et plus particulièrement des sommes d’argent faisant un total de $27,318.00 en considération d’une collaboration, d’une aide, d’un exercice d’influence concernant la conclusion d’affaires avec le Gouvernement, et plus particulièrement l’octroi de contrats par Radio Canada à ladite ARTEK FILM PRODUCTIONS commettant ainsi une infraction contrairement aux dispositions de l’article 102(1)(a)(ii) du Code Criminel.
2) En les cité et district de Montréal, et ailleurs, entre le 1er septembre 1960 et le 30 juin 1963, FERNAND DORÉ, étant fonctionnaire du Gouvernement Fédéral du Canada, à savoir: Directeur des Programmes pour la Jeunesse pour le secteur de Montréal de Radio Canada, une compagnie de la Couronne Fédérale, a accepté de personnes qui avaient des relations
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d’affaires avec le Gouvernement à savoir: ARTEK FILM PRODUCTIONS, PAUL LEGAULT et ANDRÉ LEGAULT, des commissions, récompenses, avantages ou bénéfices et plus particulièrement des sommes d’argent faisant un total de $27,318.00 sans avoir obtenu, du Chef de la Division de Gouvernement qui l’emploie, un consentement écrit, commettant ainsi une infraction contrairement aux dispositions de l’article 102(1)(c) du Code criminel.
3) En les cité et district de Montréal, et ailleurs, entre le 1er septembre 1960 et le 30 juin 1963, FERNAND DORÉ, étant fonctionnaire du Gouvernement Fédéral du Canada, à savoir: Directeur des Programmes pour la Jeunesse pour le secteur de Montréal de Radio Canada, une compagnie de la Couronne Fédérale, a commis un abus de confiance relativement aux devoirs de sa charge, en acceptant de ARTEK FILM PRODUCTIONS, PAUL LEGAULT ET ANDRÉ LEGAULT des prêts, récompenses, avantages ou bénéfices et plus particulièrement des sommes d’argent faisant un total de $27,318.00 en considération d’une collaboration, d’une aide, et d’un exercice d’influence concernant la conclusion d’affaires avec le Gouvernement, et plus particulièrement l’octroi de contrats par Radio Canada à ladite ARTEK FILM PRODUCTIONS, commettant ainsi un acte criminel contrairement aux dispositions de l’article 103 du Code Criminel.
Les trois autres chefs retenus sont en tous points semblables, sauf qu’ils ont trait à des sommes d’argent au total de $7,200 reçues de Serge Roy Productions Ltée et d’Armand Serge Roy, entre 1959 et 1962.
Disons tout de suite que, pour déclarer l’appelant coupable, M. le Juge Rivard, qui a exposé l’opinion unanime de la Cour d’appel, s’est fondé essentiellement sur la déposition de l’inculpé que le premier juge avait tenue pour sincère. Il n’y a donc aucune contestation quant aux faits, ce qui est bien normal puisque l’appel contre l’acquittement ne saurait porter que sur le droit.
Le premier moyen invoqué devant nous c’est qu’en vertu de la loi qui régit la Société Radio‑Canada, l’appelant ne serait pas un «fonctionnaire». Le texte en vigueur à l’époque était le par. (1) de l’art. 26 de la Loi sur la radiodiffu-
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sion (1958 (Can.), c. 22, aujourd’hui remplacé par S.R.C., c. B-ll, art. 38(2)). Il se lit comme suit:
26. (1) La Société peut, en son propre nom, employer les fonctionnaires et préposés qu’elle estime indispensables à la conduite de ses affaires, moyennant la rémunération et selon les autres modalités qu’elle juge appropriées, mais les fonctionnaires et préposés ainsi employés ne sont ni fonctionnaires ni préposés de Sa Majesté.
S’il est vrai que, dans la version française des art. 102 et 103 du Code criminel, c’est le mot «fonctionnaire» que l’on trouve comme dans l’acte d’accusation, il faut bien noter que, dans la version anglaise, on trouve le mot «official» alors que, dans la version anglaise de la Loi sur la radiodiffusion, l’expression utilisée c’est «officers and employees». De plus, cette expression n’y est pas définie et, par conséquent, elle doit y être prise dans son sens usuel.
Au contraire, dans le Code criminel, le mot «fonctionnaire» (official) fait l’objet, pour la partie qui nous intéresse, d’une définition spéciale que complètent celles de «charge ou emploi» et de «département public». Ces textes sont les alinéas e) et d) de l’art. 99 (aujourd’hui art. 107) et le par. (15) de l’art. 2:
e) «fonctionnaire» désigne une personne qui
(i) détient une charge ou un emploi, ou
(ii) est nommée pour remplir une fonction publique;
d) «charge» ou «emploi» comprend
(i) une charge ou fonction sous l’autorité du gouvernement;
(ii) une commission civile ou militaire; et
(iii) un poste ou emploi dans un département public;
(15) «département public» signifie un département du gouvernement du Canada, ou une section d’un tel département, ou un conseil, office, bureau, une commission, corporation, société, ou un autre organisme qui est mandataire ou agent de Sa Majesté du chef du Canada;
D’après ces définitions, il est clair que la Société Radio-Canada est un département public au sens du Code criminel bien qu’elle n’en soit pas un au sens de diverses lois admi-
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nistratives. En effet, le par. (1) de l’art. 27 de la Loi sur la radiodiffusion (aujourd’hui remplacé par S.R.C., c. B-l1, art. 40(1)) édicté:
27. (1) Sauf les prescriptions du paragraphe (1) de l’article 26, la Société est, à toutes les fins de la présente loi, mandataire de Sa Majesté. Elle ne peut exercer qu’en cette qualité les pouvoirs dont la présente loi l’investit.
La réserve que l’on trouve au début de ce texte ne saurait étendre la portée de l’article auquel elle renvoie. Celui-ci n’étant pas assorti d’une définition spéciale, doit se prendre dans le sens usuel des mots employés. Au sujet de ce sens usuel, on peut lire ce qui suit dans les motifs de l’arrêt Jones et Maheux c. Gamache[11], à la p. 132:
…il faut observer que le mot «fonctionnaire» n’a pas nécessairement le sens de «civil servant». C’est bien celui que présentement l’on donne ordinairement à ce mot.
Cette observation a été faite au sujet du sens du mot «fonctionnaire» au par. c) de l’art. 29 de la Loi sur la Cour de l’Échiquier. Il est fort possible que le texte de la Loi sur la radiodiffusion ait pour effet d’exclure les employés de la Société Radio-Canada de l’application de cette disposition aussi bien que du par. (1) de l’art. 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne. On peut raisonnablement penser que, leur employeur étant doté de la personnalité juridique, on a voulu que ce soit lui qui réponde d’eux et non pas le gouvernement.
C’est toute autre chose que de supposer que le Parlement ait voulu leur accorder l’immunité à l’égard de la partie du Code criminel intitulée «Infractions contre l’application de la Loi et d’administration de la justice». Cette supposition est d’autant moins justifiée que l’on y a donné au mot «fonctionnaire» un sens qui déborde très largement le sens usuel. Il suffit de noter que dans La Reine c. Sheets[12], cette Cour a décidé qu’un membre d’un conseil municipal est un fonctionnaire au sens de cette disposition bien qu’il soit un élu du peuple et non pas un
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employé de la municipalité. Des décisions identiques ont été rendues dans Martineau c. La Reine[13] à l’égard d’un conseiller législatif et dans Sommers c. La Reine[14] à l’égard d’un ministre. Je conclus donc que le texte de la Loi sur la radiodiffusion n’empêche pas que l’appelant ait été fonctionnaire au sens du Code criminel, parce qu’à l’époque mentionnée, il détenait un emploi dans un «département public».
On a soutenu en second lieu que, le premier juge ayant accepté la version des faits donnés par l’inculpé, il fallait admettre que les sommes qu’il avait reçues lui avaient été versées, non pas en considération d’un exercice d’influence concernant la conclusion d’affaires avec le gouvernement, mais en paiement de travail fait. A ce sujet, M. le juge Rivard a fait justement observer:
Il n’est pas discutable qu’un employé a le droit de travailler en dehors de ses heures de travail pour d’autres personnes, pourvu que ce ne soit pas pour des personnes qui font des affaires avec le Gouvernement, et pourvu que le travail qu’on accomplit n’ait pas une influence directe sur les décisions que, comme fonctionnaire, on doit prendre sur les recommandations qu’on doit faire.
Dans le cas présent, il ne me paraît aucunement nécessaire de rechercher dans quelles circonstances un fonctionnaire peut accepter une rémunération pour du travail effectué pour le compte d’un autre que l’administration publique qui l’emploie. En vertu de l’alinéa c) du par. (1) de l’art. 102 C.cr. (deuxième et huitième chefs d’accusation), il suffit pour qu’il y ait infraction que le fonctionnaire accepte un bénéfice d’une personne qui a des relations d’affaires avec le gouvernement «à moins d’avoir obtenu, du chef de la division de gouvernement qui l’emploie ou dont il est fonctionnaire, un consentement écrit dont la preuve lui incombe». C’est seulement pour l’infraction visée au par. a) (premier et septième chefs d’accusation) qu’il est nécessaire que le bénéfice soit reçu «en considération
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d’une collaboration, d’une aide, d’un exercice d’influence ou…»
En ce qui concerne les deuxième et huitième chefs d’accusation, il faut donc dire que, même en admettant que l’inculpé n’aurait reçu des personnes nommées à l’acte d’accusation rien autre chose que la valeur véritable de services rendus en dehors de ses heures de travail, il a commis l’infraction parce qu’il a reçu le bénéfice sans le consentement écrit du chef de la division de gouvernement qui l’employait.
Il est clair que le fait qu’une somme d’argent ou autre valeur représente seulement l’équivalent des prestations fournies n’empêche pas qu’elle soit «une commission, une récompense, un avantage ou un bénéfice». Les mots «commission» et «récompense» impliquent l’idée de rémunération pour services rendus. Un salaire reçu pour du travail manuel ou intellectuel est indubitablement un bénéfice au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu et il n’y a aucune raison pour qu’il en soit autrement au sens du Code criminel. Seul le prêt qui oblige à rendre la somme reçue peut être considéré différemment et il faut bien noter qu’il n’est pas mentionné à l’alinéa c) où l’on trouve le mot «commission» au lieu du mot «prêt» dans l’alinéa a). Cette différence est significative.
Sous l’alinéa a) il y a lieu de rechercher si la somme donnée dépasse l’équivalent de la valeur fournie car cela peut avoir une importance pour décider si c’est en considération d’un exercice d’influence. Cette question ne se présente pas sous l’alinéa c) parce que, seule l’autorisation du chef de la division du service public peut empêcher que le fonctionnaire soit considéré comme se plaçant en conflit d’intérêts en acceptant une rémunération quelconque d’une personne qui traite avec le gouvernement.
Dans le cas présent, il n’est aucunement nécessaire de rechercher s’il faut que la preuve démontre une intention coupable chez le fonctionnaire qui a contrevenu à l’alinéa c). Ici, la clandestinité de l’opération est une preuve évidente de cette intention coupable. Ce serait se méprendre gravement sur ce qu’exige l’honnê-
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teté publique que d’admettre à la décharge de l’inculpé sa prétention que la clandestinité était motivée par le désir de frauder le fisc.
En étant venu à la conclusion que l’inculpé a été à bon droit déclaré coupable sur les deux chefs d’accusation fondés sur l’alinéa c) du paragraphe (1) de l’art. 102, il ne me paraît pas à propos de rechercher si les faits justifiaient sa condamnation sur les autres chefs. Les infractions dont il s’agit sont toutes de la même gravité; elles comportent identiquement la même peine. Il n’y a donc pas à se demander si la plus grave d’entre elles est prouvée. A mon avis, il faut appliquer ici le principe énoncé à l’art. 11 du Code criminel dans les termes suivants:
11. Lorsqu’un acte ou une omission constitue une infraction visée par plus d’une loi du Parlement du Canada, qu’elle soit punissable par voie d’acte d’accusation ou sur déclaration sommaire de culpabilité, une personne qui accomplit l’acte ou fait l’omission devient, à moins que l’intention contraire ne soit manifeste, assujettie aux procédures que prévoit l’une quelconque de ces lois, mais elle n’est pas susceptible d’être punie plus d’une fois pour la même infraction.
Les trois chefs relatifs aux sommes reçues d’Artek Film Productions, Paul Legault et André Legault sont, comme les trois autres, basés sur le même acte considéré sous des aspects différents. Cet acte c’est le fait d’avoir, étant fonctionnaire, accepté cette récompense de ces personnes. Dans le premier chef d’accusation, cet acte est caractérisé criminel parce que la considération en serait un exercice d’influence concernant la conclusion d’affaires avec le gouvernement. Dans le second chef, ce même acte est caractérisé criminel parce qu’il a été accompli sans le consentement écrit du chef de la division, avec des personnes qui avaient des relations d’affaires avec le gouvernement. Enfin, dans le troisième chef, ce même acte est caractérisé criminel de la même manière que dans le premier, mais en ajoutant qu’il constitue un abus de confiance.
Dans The King v. Quon[15], où l’on a confirmé
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un arrêt invalidant une condamnation pour possession illégale d’arme à feu parce qu’elle avait été prononcée en même temps qu’une condamnation pour vol à main armée impliquant la possession de la même arme au même temps, M. le Juge Kellock a dit (à pp. 519-520):
[TRADUCTION] Lorsque l’on aborde l’interprétation de la loi, je crois qu’il faut garder à l’esprit certains principes bien établis. Le premier est illustré par l’arrêt Wemyss v. Hopkins (1875) L.R. 10 Q.B. 378. Dans cette affaire-là, une plainte avait été portée contre l’appelant en vertu de la loi 5 et 6 Wm. IV, c. 50 (1), art. 78, pour avoir, étant le cocher d’un carosse roulant sur un chemin public, causé à l’intimée, par négligence ou inconduite volontaire, savoir en frappant le cheval qu’elle montait, des blessures et dommages. L’appelant fut trouvé coupable de cette infraction et condamné à l’amende. Ultérieurement, une plainte fut portée contre lui en vertu de la loi 24 et 25 Vict., c. 100, art. 42, pour s’être, le jour dont il était question lors de la plainte antérieure, et en raison des mêmes actes, porté illégalement à des voies de fait, coups et autres injures contre la personne de l’intimée. De cette accusation aussi fut-il trouvé coupable et puni par une amende. La question en litige était de savoir si l’appelant, condamné sous la première plainte, pouvait également être condamné sous la seconde. On jugea qu’il ne pouvait pas l’être. Le Juge Blackburn a dit, p. 381:
[TRADUCTION] Ce moyen de défense ne peut être soulevé sur la base d’un plaidoyer d’autrefois convict, il relève plutôt d’une règle consacrée en common law suivant laquelle lorsqu’une personne a été trouvée coupable d’une infraction et punie, par une cour compétente, alors transit in rem judicatam, c’est-à-dire: la condamnation empêche toute procédure subséquente intentée pour la même infraction et la personne ne peut être punie de nouveau pour la même chose; autrement, il y aurait eu possibilité de deux punitions différentes pour la même infraction …Il est nécessaire en la présente affaire que l’on prouve …qu’antérieurement l’appelant a été accusé des mêmes voies de fait, bien que non selon une formule identique, mais malgré tout dans des termes semblables, et puis trouvé coupable et puni.
Le principe ci-dessus est consacré à l’art. 14 du Code. Le principe de common law s’applique autant, à mon avis, lorsqu’il s’agit de deux articles d’une même loi, que lorsqu’il s’agit de lois distinctes.
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On doit aussi garder à l’esprit le second principe, tel qu’il a été énoncé par le Juge en chef Cockburn dans l’affaire Queen v. Elrington, (1861) 1 B. & S. 688, à la p. 696, soit: «ce principe consacré par notre droit criminel selon lequel on ne doit pas porter une série d’accusations, et la personne accusée d’une infraction mineure, qu’elle soit acquittée ou non, ne doit pas être accusée, sur les mêmes faits sous une forme plus grave». L’article 907 consacre ce dernier principe.
Ce qui était alors l’art. 907 du Code criminel est maintenant l’art. 537 qui vise la défense d’autrefois acquit ou d’autrefois convict. Ce texte s’applique au cas où «l’affaire …est la même, en totalité ou en partie» dès qu’elle peut être rendue identique par amendement.
C’est essentiellement en se fondant sur l’opinion précitée de M. le Juge Kellock que la Cour d’appel d’Ontario a décidé dans Regina v. Siggins[16], qu’il y avait lieu d’invalider une condamnation pour possession illégale de certains effets prononcée en même temps qu’une condamnation de vol des mêmes objets. M. le Juge MacKay a dit (à la p. 285):
[TRADUCTION] L’infraction de vol implique nécessairement, lorsque la personne accusée est celle qui l’a réellement perpétrée, la prise par celle-ci de l’objet volé, et la personne trouvée en possession d’effets qu’elle a elle-même volés se trouve également à avoir commis l’infraction de possession d’effets que l’on sait avoir été obtenus par le vol.
La Couronne a le droit de porter ces deux accusations contre elle mais, au procès, le jury ne doit pas, s’il rend un verdict de vol, rendre un verdict de possession illégale. Si le jury prononce un verdict d’acquittement sur l’accusation de vol, il peut délibérer et, s’il le juge à propos, trouver coupable, sur l’accusation de possession illégale.
Après avoir cité l’opinion de M. le Juge Kellock, il a également souligné que le par. (2) (aujourd’hui par. (3)) de l’art. 7 du Code criminel reconnaît les moyens de défense de droit commun même lorsqu’ils ne sont pas expressément consacrés dans un texte.
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Dans Kienapple c. La Reine, une affaire où tous les membres de cette Cour ont siégé, la décision rendue ce jour par la majorité endosse le principe de l’arrêt Siggins et l’opinion précitée de M. le Juge Kellock.
Cela étant, je ne vois pas comment l’on pourrait laisser subsister plus d’une condamnation pour ce qui est en substance un seul et même délit, savoir l’acceptation illégale de sommes d’argent provenant de personnes ayant des relations d’affaires avec le gouvernement dont il était fonctionnaire.
Il faut donc laisser subsister contre lui seulement la condamnation sur les deuxième et huitième chefs. De plus, comme le tribunal qui l’a jugé a admis la sincérité de la déposition de l’inculpé, on doit réduire au montant qu’il a admis, c’est-à-dire à $12,000, la somme mentionnée dans le deuxième chef (Lake c. La Reine)[17].
Il faut en dernier lieu signaler que l’appelant se plaint de ce que la Cour d’appel le trouvant coupable, lui a imposé une sentence sans lui donner l’occasion de faire des représentations à ce sujet. Ce grief est bien fondé, vu notre arrêt subséquent dans Lowry et Lepper c. La Reine[18].
Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir l’appel aux fins d’annuler la condamnation sur les premier, troisième, septième et neuvième chefs, de modifier la condamnation prononcée sur le deuxième chef en réduisant la somme mentionnée à $12,000 et de renvoyer le dossier à la Cour d’appel de la Province de Québec pour qu’après avoir entendu l’inculpé elle prononce une sentence à l’égard des deuxième et huitième chefs d’accusation.
Après une deuxième audition le jugement du Juge en chef Laskin et des Juges Martland, Judson, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré a été rendu par
LE JUGE EN CHEF LASKIN — La nouvelle audition ordonnée dans cette affaire en vertu de la règle 61 avait pour seul objet la question de
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savoir si l’appelant avait été déclaré coupable plusieurs fois pour les mêmes choses, contrairement au principe établi dans l’arrêt Kienapple c. La Reine[19].
Je suis d’avis qu’il y a lieu de faire droit à l’appel sur ce motif et, en conséquence, que les déclarations de culpabilité prononcées sous les deuxième et huitième chefs devraient subsister et que les déclarations de culpabilité prononcées sous les premier, troisième, septième et neuvième chefs devraient être infirmées. Le dossier devrait être renvoyé à la Cour d’appel du Québec pour qu’elle prononce la sentence à l’égard des deux chefs sous lesquels l’accusé demeure reconnu coupable mais seulement après avoir entendu les observations qui pourront être faites pour le compte de ce dernier, conformément au principe établi dans l’affaire Lowry et Lepper c. la Reine[20].
LE JUGE RITCHIE — L’opinion que j’ai exprimée au cours de la première audition de cet appel n’a pas changé. Cependant, vu que l’avocat qui a comparu pour le Procureur général du Canada lors de la nouvelle audition a admis que le jugement rendu par cette Cour dans l’affaire Kienapple c. la Reine devait servir de règle en l’espèce, je reconnais qu’il faudrait statuer sur la question comme l’a proposé le Juge en chef.
Appel accueilli en partie
Procureurs de l’appelant: Kaufman, Yarosky & Fish, Montréal.
Substitut du Procureur général du Canada: Bruno J. Pateras, Montréal.
[1] [1971] C.A. 502.
[2] [1948] R.C.S, 508.
[3] [1947] O.L.R. 856.
[4] (1970) 5 C.C.C. 331.
[5] (1972), 26 D.L.R. (3d) 224.
[6] [1948] R.C.S. 508.
[7] [1960] O.R. 284.
[8] (1901), A.C. 506.
[9] (1875), L.R. 10 Q.B. 378.
[10] (1861), 1 B. & S. 688.
[11] [1969] R.C.S. 119.
[12] [1971] R.C.S. 614.
[13] [1966] R.C.S. 103.
[14] [1959] R.C.S. 678.
[15] [1948] R.C.S. 508.
[16] [1960] O.R. 284.
[17] [1969] R.C.S. 49.
[18] [1974] R.C.S. 195.
[19] [1975] 1 R.C.S.729.
[20] [1974] R.C.S. 195.