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29/04/1974 | CANADA | N°[1975]_2_R.C.S._2

Canada | Immeubles Fournier Inc. et al. c. Construction St-Hilaire Ltée, [1975] 2 R.C.S. 2 (29 avril 1974)


Cour suprême du Canada

Immeubles Fournier Inc. et al. c. Construction St-Hilaire Ltée, [1975] 2 R.C.S. 2

Date: 1974-04-29

Les Immeubles Fournier Inc. et Rimouski Transport Limitée (Défenderesses) Appelantes;

et

Construction St-Hilaire Limitée (Demanderesse) Intimée.

1974: le 15 février; 1974: le 29 avril.

Présents: Le Juge en chef Laskin et les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc

de la Reine, province de Québec[1], infirmant un jugement de la Cour supérieure. Appel accueilli, les Juges Mart...

Cour suprême du Canada

Immeubles Fournier Inc. et al. c. Construction St-Hilaire Ltée, [1975] 2 R.C.S. 2

Date: 1974-04-29

Les Immeubles Fournier Inc. et Rimouski Transport Limitée (Défenderesses) Appelantes;

et

Construction St-Hilaire Limitée (Demanderesse) Intimée.

1974: le 15 février; 1974: le 29 avril.

Présents: Le Juge en chef Laskin et les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la Reine, province de Québec[1], infirmant un jugement de la Cour supérieure. Appel accueilli, les Juges Martland, Judson, Ritchie et de Grandpré étant dissidents.

P.A. Gendreau, pour les défenderesses, appelantes.

M. Hickson, pour la demanderesse, intimée.

Le jugement du Juge en chef Laskin et des Juges Spence, Pigeon, Dickson et Beetz a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Au début de février 1967 l’appelante, Les Immeubles Fournier Inc., devait à l’intimée, Construction St-Hilaire Limitée, un solde de $313,033.70 pour la construction de certains immeubles. Afin d’éviter l’enregistrement d’un privilège de constructeur, elle lui consentit une hypothèque et l’autre appelante, Rimouski Transport Limitée, se porta caution solidaire. L’acte d’obligation comporte l’engagement de payer la somme due avant le 1er mai 1967, avec intérêt au taux de six pour cent à partir du 30 décembre 1966. Une clause stipule en outre l’obligation de payer une «indemnité» de 15 pour cent si l’«emprunteur», c’est ainsi qu’on y désigne la compagnie débitrice, «fait faillite, etc.» ou si le «prêteur» (i.e. la créancière) «institue des procédures en justice en vertu du présent contrat, …»

Un délai jusqu’au 23 juin fut accordé, comme le reconnaît une lettre de la créancière en date du 15 juin. Cependant, le jour fixé, celle-ci ne reçut qu’une nouvelle lettre l’informant que l’on serait en mesure de la payer le 29. Puis ce jour-là, la Banque Provinciale l’informa par lettre qu’elle avait les fonds nécessaires pour payer, moyennant subrogation. Des projets d’actes furent préparés, on en discuta la rédac-

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tion. Finalement, le 10 juillet, une poursuite fut intentée sur laquelle Les Immeubles Fournier Inc. et sa caution Rimouski Transport Limitée firent des offres réelles et consignèrent le montant dû en capital, intérêt et frais, mais sans les 15 pour cent stipulés à la clause pénale.

En Cour supérieure, la poursuite fut rejetée et les offres furent déclarées suffisantes. Les principaux considérants du jugement se lisent comme suit:

CONSIDÉRANT que dès le 29 juin 1967, sur la signature d’une quittance subrogatoire en faveur de la Banque Provinciale du Canada, la demanderesse pouvait alors recevoir paiement de tous les montants qui lui étaient alors dus;

CONSIDÉRANT que le débiteur n’est pas tenu à des dommages intérêts, à plus forte raison, à l’exécution d’une clause pénale lorsque l’inexécution de son obligation principale ou le retard de cette exécution provient d’une cause qui ne peut lui être imputée: 1071 C.C.;

CONSIDÉRANT que le délai qui s’est écoulé entre le 29 juin et le 17 juillet ne saurait être imputé aux défenderesses, puisque le montant était toujours disponible dès que la demanderesse consentait à signer la quittance subrogatoire qu’elle s’était engagée formellement à signer;

En Cour d’Appel, M. le Juge Turgeon dit avec l’accord de ses collègues:

Avec déférence, je ne peux partager l’opinion du premier juge. L’appelante était tenue, à la condition de recevoir son paiement, de signer une quittance pure et simple et de donner main-levée de l’hypothèque. Il appartenait aux débitrices de payer le coût de ces quittances et main-levée notariées et de les présenter pour signature à l’appelante avec le paiement. Le témoin Claude St-Hilaire de l’appelante nous dit qu’il était autorisé par résolution du conseil d’administration à signer la quittance et la main-levée. Quant aux deux billets promissoires qui étaient escomptés à la banque avec l’autorisation des débitrices, il fallait rembourser la Banque Nationale avec l’argent provenant du paiement, ce qui fut fait après les offres.

Mais il y a plus. La Banque exigea sans droit que l’appelante lui signe une quittance subrogatoire. Le tiers qui paie la dette d’un autre peut sans doute obliger le créancier à recevoir le paiement, mais il ne peut exiger de celui-ci qu’il subroge dans ses droits.

[Page 7]

C’est pour cette raison que le Code à l’article 1155, deuxième paragraphe, prévoit la subrogation par le débiteur lui-même en lui permettant de subroger le tiers qui vient payer sa dette et cette subrogation a lieu sans le concours du créancier payé.

Ayant statué ensuite qu’il ne s’agit pas d’«obligations monétaires découlant d’un prêt d’argent», que l’art. 1040c du Code civil n’est donc pas applicable en l’occurrence et que les dispositions de l’art. 1077 ne sont pas d’ordre public, la Cour d’appel infirma le jugement de la Cour supérieure et condamna la débitrice et sa caution à payer le solde dû, c’est-à-dire l’indemnité de 15 pour cent s’élevant à $48,429.31 avec intérêt et dépens, Construction St-Hilaire Limitée ayant touché le montant consigné.

A mon avis, les appelantes n’ont démontré aucune erreur dans ces motifs de la Cour d’appel. En particulier, leur mémoire ne fait pas voir que Construction St-Hilaire Limitée s’était «engagée formellement» à signer une quittance subrogatoire comme l’a cru le premier juge. C’est à tort que l’on y cite les commentaires de certains auteurs français sur l’art. 1153 C.N. pour soutenir que l’art. 1077 C.c. est d’ordre public. Voici ce que dit P.B. Mignault (Droit civil canadien, Tome V, pp. 426-427):

Selon le droit commun, les parties peuvent, au moyen d’une clause pénale, régler comme elles l’entendent le montant des dommages et intérêts que le débiteur devra payer s’il n’exécute pas son obligation, ou s’il ne l’exécute que tardivement.

La même règle est-elle applicable aux obligations de sommes d’argent? Les parties peuvent-elles, au moyen d’une clause pénale, élever ou diminuer le chiffre des dommages et intérêts?

Certainement, puisque, d’après l’article 1785, le taux de l’intérêt peut être fixé par convention entre les parties, excepté en certains cas mentionnés en cet article. En principe, dans notre système, tout taux d’intérêt peut être convenu légalement; si aucun taux n’est stipulé, l’intérêt qui devra courir est l’intérêt légal, fixé par la loi à six pour cent par année.

La réponse serait différente sous la loi française; le taux de l’intérêt conventionnel a été limité, en France, depuis la loi du 3 septembre 1807, d’après laquelle toute clause qui l’élève au-dessus du taux légal,

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c’est-à-dire du taux de 5% en matière civile, ou 6% en matière commerciale, est dite usuraire et comme telle frappée de nullité. Naturellement, cela n’empêche pas la clause pénale d’être valable quand elle est favorable au débiteur, c’est-à-dire quand elle abaisse l’indemnité déterminée par la loi.

Le créancier pourrait-il, outre l’intérêt sur la somme due, stipuler par exemple une certaine somme pour frais de recouvrement? Le juge Wurtele, dans la cause de Leduc v. Gourdine, 10 L.N., p. 161, a décidé qu’une telle stipulation est illégale. Cependant, je ne vois pas comment on pourrait ainsi restreindre la liberté de contracter. Le savant juge s’est basé sur l’article 1077, mais cet article ne me paraît pas exclure la stipulation d’une clause pénale ou la fixation conventionnelle de l’indemnité à payer par le débiteur en défaut. (En France une telle clause serait nulle comme usuraire, mais l’usure n’étant pas prohibée par nos lois, le motif que les auteurs invoquent est sans application ici.)

Parmi les auteurs français cités par les appelantes on relève Baudry-Lacantinerie. Voici cé qu’on peut lire au paragraphe 508 du Traité des Obligations (Vol. 12, 3e éd., pp. 536-537):

508. Mais les parties peuvent-elles, en prévoyant spécialement un préjudice déterminé autre que celui qui résulte naturellement pour le créancier de la privation de son capital et du risque par lui couru jusqu’au paiement (abstraction faite, d’ailleurs, de la mauvaise foi ou de la faute lourde du débiteur), stipuler dans une clause pénale une somme en sus des intérêts moratoires? …

Oui, répondent plusieurs auteurs justement estimés …

Mais d’autres auteurs, également considérables, se prononcent en sens contraire, et cette dernière opinion nous paraît imposée par le texte et par les motifs de la loi: «Dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, dit l’art. 1153, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts fixés par la loi, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement». Ce principe n’admet donc que les exceptions prévues par le législateur. Au surplus, le but de cette disposition est d’empêcher les difficultés relatives à la vérification du dommage. Ce but serait manqué si les parties pouvaient, en visant un préjudice particulier, stipuler une peine en sus de l’intérêt légal, car les juges seraient obligés de rechercher si ce préjudice s’est réalisé. Ils devraient même, du moins en matière

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civile, pour déjouer les fraudes des usuriers, rechercher si la peine stipulée n’excède pas le montant du dommage, car, sans cela, rien ne serait plus facile que d’éluder la disposition de l’art. 1er de la loi du 3 septembre 1807.

Notons en passant que le mot «jamais» souligné par Baudry-Lacantinerie ne se retrouve pas à l’art. 1077 C.c. Notons aussi la phrase suivante de Laurent (Tome 16, p. 377, n° 317):

La loi de 1807 était une loi d’ordre public, partant toute dérogation était une convention illicite; de là la conséquence que l’on ne pouvait, ni directement, ni indirectement, sous forme de clause pénale, stipuler des intérêts supérieurs à l’intérêt légal.

C’est donc uniquement par application de l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt (S.R.C. 1952, c. 156, aujourd’hui S.R.C. 1970, c. I-18) que la clause pénale stipulée par l’intimée peut être déclarée invalide. Vu l’importance particulière de cette question relative à un texte de loi fédérale qui ne semble pas avoir été considéré en première instance et en appel, une seconde audition du présent pourvoi a été ordonné. Le texte invoqué par les appelantes fait partie d’une série d’articles sous le titre «Intérêt sur deniers garantis par hypothèque». Les trois premiers se lisent comme suit:

6. Lorsqu’une somme principale ou un intérêt garanti par hypothèque sur biens-fonds est stipulé, par l’acte d’hypothèque, payable d’après le système du fonds d’amortissement, ou d’après tout système en vertu duquel les versements du principal et de l’intérêt sont confondus, ou d’après tout plan ou système qui comprend une allocation d’intérêt sur des remboursements stipulés, aucun intérêt n’est exigible, payable ou recouvrable sur une partie quelconque de la somme principale prêtée, à moins que l’acte d’hypothèque ne contienne un état de la somme principale et du taux de l’intérêt exigible à son égard, calculé annuellement ou semestriellement, mais non d’avance.

7. Lorsque le taux d’intérêt indiqué dans cet état est moindre que celui qui serait exigible en vertu de quelque autre disposition, calcul ou stipulation de l’acte d’hypothèque, il n’est exigible, payable ou recouvrable sur le principal avancé aucun intérêt plus élevé que le taux énoncé dans l’état.

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8. (1) Il ne peut être stipulé, retenu, réservé ni exigé, sur des arrérages de principal ou d’intérêt garantis par hypothèque sur biens-fonds, aucune amende, peine ou taux d’intérêt ayant pour effet d’élever les charges sur ces arrérages au-dessus du taux d’intérêt payable sur le principal non arriéré.

(2) Rien dans le présent article n’a pour effet de prohiber un contrat pour le paiement d’intérêt, sur des arrérages d’intérêt ou de principal, à un taux ne dépassant pas le taux payable sur le principal non arriéré.

L’indemnité de 15 pour cent réclamée par l’intimée est-elle une peine au sens de cette disposition qui ne semble pas avoir été considérée ni en première instance ni en appel? Les deux Cours ont été d’accord pour voir une «clause pénale» dans la stipulation dont il s’agit. A la fin des motifs de M. le Juge Turgeon, on trouve la phrase suivante:

Dans le litige qui nous est soumis, je suis d’opinion que nous sommes en présence d’une clause pénale que l’article 1131 du Code civil définit comme étant une obligation secondaire par laquelle une personne, pour assurer l’exécution de l’obligation principale, se soumet à une peine en cas d’inexécution.

Dans son mémoire et à l’audition, l’intimée a prétendu que parce qu’il s’agit d’une loi fédérale sur l’intérêt, l’art. 8 ne saurait s’appliquer qu’à un prix qui augmente de jour en jour. Elle a cité notamment le passage suivant des motifs de M. le Juge Judson statuant sur la constitutionnalité d’une loi d’Ontario contre les prêts abusifs (Le Procureur général d’Ontario c. Barfried Enterprises Ltd.[2], à la p. 575):

[TRADUCTION] … Le jugement dont appel est fondé sur la définition extensive de l’intérêt que l’on a utilisée dans l’affaire du renvoi sur le Saskatchewan Farm Security Act. Le jugement de cette Cour dans cette affaire-là a été confirmé par le Conseil privé. On y a défini l’intérêt comme étant:

En termes généraux, la rémunération ou contrepartie ou indemnité prévue en retour de l’utilisation ou de la rétention, par une personne, d’une somme d’argent appartenant ou — plus précisément — due à une autre.

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C’est là en substance la définition que l’on retrouve dans les trois éditions successives de Halsbury. Toutefois, dans la troisième, le texte poursuit:

L’intérêt court de die in diem même s’il est payable seulement après un certain intervalle, et, par conséquent, il se répartit dans le temps entre ceux qui ont successivement droit au capital.

L’accroissement de l’intérêt de jour en jour me paraît une caractéristique essentielle. Cette caractéristique manque à tous les autres éléments mentionnés dans The Unconscionable Transactions Act, sauf l’escompte. Dans la plupart de ces systèmes de prêts exorbitants, le vice est dans le boni.

Ici, il faut observer que le texte de l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt ne vise pas seulement de l’intérêt proprement dit, mais toute «amende, peine ou taux d’intérêt ayant pour effet d’élever les charges sur les arrérages au-dessus du taux d’intérêt payable sur le principal non arriéré.» Le texte comme il est rédigé s’oppose donc à la restriction que l’intimée voudrait qu’on y introduise par interprétation. L’intention de défendre de réclamer un supplément sous une forme quelconque est rendue encore plus évidente par le second paragraphe qui permet expressément de stipuler «le paiement d’intérêt, sur des arrérages d’intérêt ou de principal, à un taux ne dépassant pas le taux payable sur le principal non arriéré».

Dans London Loan & Savings Co. c. Meagher[3], cette Cour a été appelée à considérer si un boni versé au prêteur lors du prêt, en vertu d’une convention accessoire, à même le montant principal garanti par hypothèque, allait à l’encontre des dispositions de la Loi sur l’intérêt. La seule question en litige était l’application de l’art. 6, en effet, l’art. 8 ne vise que des montants stipulés sur des «arrérages». On a statué que même si l’on devait considérer le boni comme l’équivalent d’une réduction du montant avancé, il n’y avait pas violation de l’art. 6. Exprimant l’opinion unanime de la Cour, M. le Juge Smith a dit (aux pp. 381, 384):

[TRADUCTION] Je suis d’avis que, sur le plan juridique, le versement du plein montant de $30,000 par le créancier hypothécaire et le versement du boni par

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chèque tiré par le débiteur hypothécaire, comme convenu, n’ont pas eu un effet différent de celui qu’on aurait obtenu si l’on avait simplement déduit et retranché le boni du montant prêté …

La Loi comme elle est, cependant, ne vise pas à réglementer ou à limiter le taux d’intérêt ou la récompense que les prêteurs peuvent exiger pour des prêts, et elle n’a pas d’effet semblable si l’on se conforme à la dernière partie de l’article 6, sauf qu’aucun taux plus élevé que le taux énoncé dans l’état requis par cet article-là ne peut être exigé. Le but visé est d’empêcher la perception d’un intérêt prévu à l’acte d’hypothèque d’après des plans décrits à l’article 6, qui ne révéleraient pas à un emprunteur ordinaire le taux d’intérêt réel exigible en vertu de ces plans. Dans la mesure, toutefois, où cette Loi est concernée, on peut stipuler n’importe quel taux d’intérêt et le recouvrer, si cet intérêt est révélé dans l’acte d’hypothèque par un état indiquant la somme principale et le taux, tel que prévu dans la dernière partie de l’article 6.

Il n’y a donc pas de violation de l’esprit de la Loi dans l’acte d’hypothèque en question, parce qu’il n’omet pas de révéler à l’emprunteur ordinaire ce qu’il doit payer en contrepartie du prêt, bien que cet emprunteur ne puisse peut-être pas se rendre compte du taux que donne le montant de $3,000 versé comptant à l’avance lorsqu’on l’ajoute au taux de 7½ pour cent. Les 3,000 dollars versés lui donnent peut-être une idée plus nette de ce que le prêt lui coûte que s’ils étaient stipulés sous forme d’intérêt accru.

Bien que dans ce texte on parle de la loi dont il s’agit en termes généraux, le contexte fait voir qu’on ne visait en réalité que la seule disposition qui faisait l’objet du litige, savoir l’art. 6. Notons aussi que c’est uniquement sur l’art. 6 que l’on s’est fondé dans Asconi Bldg. Corp. c. Vocisano[4] pour statuer au sujet d’un boni dans l’affaire London Loan.

Dans une autre affaire où cette fois-là il s’agissait de l’art. 8, Coupland Acceptance Ltd. c. Walsh[5], cette Cour a déclaré non recouvrable un intérêt additionnel au taux de 2 pour cent par mois stipulé payable après l’échéance. Parlant au nom du tribunal, M. le Juge Kellock a dit (à la p. 94):

[Page 13]

[TRADUCTION] Les intimés prétendent toutefois, que la réclamation de l’appelante doit, en tout état de cause, être réduite de la somme de $2,126.25, représentant l’intérêt au taux de 2 pour cent par mois pour les deux mois écoulés depuis l’échéance de l’hypothèque Kerbel jusqu’à son acquittement, pour le motif que l’art. 8 de la Loi de l’intérêt, S.R.C. 1927, c. 102, interdit de recouvrer un montant qui dépasse un intérêt de 5 pour cent payable avant l’échéance. A cela l’appelante objecte que le paiement de cette somme ne doit pas être imputé à de l’argent avancé par elle mais que le débiteur hypothécaire, qui a fourni la somme de $8,500 en sus de montant avancé par l’appelante, doit être considéré comme ayant effectué ce paiement. Je crois que cette objection a du sens mais néanmoins, suivant les termes de l’art. 8, l’appelante ne peut pas invoquer les dispositions de l’hypothèque Kerbel relativement à de l’intérêt qui dépasse le taux de 5 pour cent à compter du 9 mai 1951.

S’il n’a pas été question de l’arrêt London Loan c’est sans doute parce que personne ne l’a considéré pertinent, il était cité dans le mémoire de l’appelante.

Dans Levy c. Bookspan[6], M. le Juge Wright, considérant l’arrêt London Loan inapplicable, a jugé invalide suivant l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt une clause se lisant comme suit (à la p. 1009):

[TRADUCTION] Et de plus il est convenu que … advenant vente ou forclusion sous le régime des dispositions du présent acte d’hypothèque, un boni de trois mois d’intérêts sera ajouté à la dette hypothécaire.

Des décisions analogues ont été rendues dans Tapio c. Kajander[7] et Glinert c. Kosztowniak[8].

Dans la jurisprudence du Québec on ne trouve qu’une seule décision sur le point. Elle est dans le même sens: Franklin c. Ciceri[9]. M. le Juge Boyer y a déclaré invalide, en vertu de l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt, une clause d’un acte d’hypothèque stipulant une indemnité en cas de vente en justice, réception du capital avant échéance, ou poursuite en justice.

[Page 14]

Dans son mémoire comme à l’audition, l’intimée a invoqué la décision de la Cour d’appel du Québec dans Standard Loan Co. c. Faucher[10]. Cet arrêt ne touche pas la question en litige. Le seul point qui y ait été étudié a été de savoir si la mention du taux d’intérêt exigible était conforme aux exigences de l’art. 6 de la Loi sur l’intérêt. Il est vrai qu’un des considérants reproduits par l’arrêtiste porte que «la loi fédérale sur l’intérêt ne s’applique au cas de prêt hypothécaire qu’en l’absence de détermination du taux de l’intérêt dans l’acte constitutif». Mais lorsqu’on examine les motifs exposés par M. le Juge Gervais, l’on voit que ce n’est pas ce qu’on a jugé. Voici comment il s’exprime (à la p. 209):

L’intimé dit que l’acte d’hypothèque en question ne contient pas de mention du taux de l’intérêt annuel ou semi-annuel, non calculé d’avance; qu’aucune telle mention de l’intérêt de l’intérêt n’existe dans le dit acte; que, par suite, il y a violation des articles 6, 7 et 8, du chapitre 120 du recueil des lois refondues du Canada, …

Existe-t-il pareille absence de mention dans l’espèce? Évidemment non. La clause de l’acte d’hypothèque et la stipulation des clauses additionnelles fixent clairement le taux de l’intérêt annuel, ainsi que le taux de l’intérêt de l’intérêt, à dix et quatre dixièmes pour cent. Les sections citées de la loi sur l’intérêt ne s’appliquent donc pas à l’espèce; …

Le procureur de l’intimée a soutenu que, le chef 19 de l’art. 91 A.A.N.B. mentionnant uniquement l’intérêt, «il s’infère que l’autorité législative devant servir comme prémisse à ce pouvoir de légiférer sur l’intérêt se doit de demeurer dans l’exercice du sujet — soit la considération gagnée au jour le jour en paiement d’un montant d’argent ou d’une dette.» On ne saurait examiner cette prétention sans considérer la théorie du pouvoir accessoire et son corollaire, celle du champ inoccupé. Il s’agit des troisième et quatrième propositions de Lord Tomlin dans l’affaire des conserveries de poissons (Attorney General for Canada v. Attorney General for British Columbia[11], à la p. 118:

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[TRADUCTION] (3.) Il est de la compétence du Parlement fédéral de statuer sur des questions qui, bien qu’étant à d’autres égards de la compétence législative des provinces, sont nécessairement accessoires à une législation efficace du Parlement fédéral sur un sujet de législation expressément mentionné à l’art. 91: …

(4.) Il peut y avoir un domaine dans lequel les législations provinciales et fédérale chevaucheraient, auquel cas ni l’une ni l’autre ne serait anticonstitutionnelle, si le champ est libre, mais si le champ n’est pas libre et que les deux législations viennent en conflit, celle du fédéral doit prévaloir: …

Cette Cour a fait l’application de ces principes dans Le Procureur général de Québec c. Le Procureur général du Canada[12] et a reconnu la validité d’une législation fédérale touchant les frais de poursuites criminelles devant des tribunaux provinciaux, tout en refusant d’admettre qu’il s’agissait de droit criminel ou de procédure criminelle au sens strict. M. le Juge Taschereau a dit, après avoir mentionné l’arrêt précité du Conseil Privé et d’autres décisions antérieures (à la p. 604):

[TRADUCTION]: Il s’ensuit, à cause de cette jurisprudence qui est applicable à l’affaire dont nous sommes saisis, que l’article 770 du Code criminel, même s’il n’est pas strictement une loi relative à la loi et à la procédure criminelle, n’en est pas moins de compétence fédérale, vu son incidence sur la loi et sur la procédure criminelle. Et dans un tel cas, le champ étant occupé, la loi provinciale devient inopérante.

Il est inutile de souligner encore que toutes les autres lois provinciales concernant les honoraires payables à des fonctionnaires provinciaux dans des cours de juridiction criminelle sont entièrement valides et autorisées lorsque le fédéral, bien que n’étant pas empêché de légiférer, s’en est abstenu.

Dans la présente cause, l’intimée n’a pas attaqué la constitutionnalité de l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt quoique prévenue explicitement par l’ordre de nouvelle audition que cette disposition ferait l’objet principal du débat. Par conséquent, aucun avis n’a été donné au Procureur général du Canada et à ceux des provinces, comme le prévoit notre règle de pratique n° 18. L’avocat de l’intimée a de plus été prévenu à

[Page 16]

l’audition qu’en l’absence d’avis, la constitutionnalité du texte ne pourrait être débattue. A mon avis, nous ne devons d’aucune manière en l’instance, statuer sur l’étendue du pouvoir fédéral sur l’intérêt. Et ce serait statuer sur l’étendue de ce pouvoir que d’interpréter l’art. 8 en fonction de cette étendue, du moins dans les circonstances de la présente affaire. Il est évident que cela serait l’objet même du débat sur la constitutionnalité si elle était soulevée. Il faut donc, à mon avis, interpréter l’art. 8 sans égard à l’argument que l’intimée veut tirer du texte de la constitution et, par conséquent, laisser la question constitutionnelle entièrement réservée.

Quant à l’interprétation du texte considéré en lui-même, j’ai déjà indiqué pourquoi il me paraît impossible de restreindre les mots «peine» et «amende» à ce qui constituerait de l’intérêt, c’est-à-dire à ce qui croîtrait jour par jour. Ce n’est pas un cas où il puisse y avoir lieu d’appliquer la maxime noscitur a sociis, ainsi que l’avocat de l’intimée nous a invités à le faire en invoquant quelques phrases de Maxwell on The Interpretation of Statutes 10e éd., p. 332. Il suffit de lire les arrêts cités par l’auteur pour voir que son énoncé ne saurait s’appliquer en l’occurence. L’interprétation proposée ferait rien moins que priver de tout sens les mots «peine» et «amende» puisque «taux d’intérêt» comprend manifestement tout ce qui est intérêt.

Pour ces motifs, je conclus qu’il y a lieu d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et de rétablir le jugement de la Cour supérieure avec dépens contre l’intimée dans toutes les Cours.

LE JUGE DE GRANDPRÉ (dissident) — Le débat, en l’espèce, est vraiment entre l’appelante, Les Immeubles Fournier Inc. et l’intimée, l’appelante Rimouski Transport Ltée n’étant partie au litige qu’en qualité de caution.

Au cours de l’année 1966, l’intimée avait fait des travaux considérables pour l’appelante Fournier. Celle-ci étant dans l’impossibilité de

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payer le solde de $313,033.70 dû aux termes du contrat d’entreprise et ne voulant pas voir l’immeuble chargé d’un privilège du constructeur, devint partie à une convention dont le paragraphe liminaire se lit comme suit:

En considération du fait que Construction St-Hilaire Ltée est dans les délais légaux pour enregistrer un privilège de constructeur et en considération du fait qu’elle renonce à enregistrer un privilège de constructeur pour garantir sa créance, afin de permettre au propriétaire d’obtenir une première hypothèque, la compagnie Les Immeubles Fournier Inc., a consenti à accorder à la compagnie Construction St-Hilaire Ltée une hypothèque à la garantie du paiement de ladite somme de $313,033.70, des intérêts d’icelle et de tous frais et déboursés pour la conservation et le recouvrement de ladite somme, la compagnie Les Immeubles Fournier Inc., affecte et hypothèque spécialement en faveur de Construction St-Hilaire Ltée, acceptant par l’intermédiaire de ses représentants, ici présents, jusqu’à due concurrence, les immeubles suivants, savoir:

Signée le 10 février 1967, cette convention accorde à l’appelante Fournier jusqu’au 1er mai 1967 pour le paiement du solde avec intérêt à six pour cent à compter du 30 décembre 1966. Il est à noter que les travaux avaient pris fin en novembre 1966.

Cette convention contient la stipulation suivante:

Article sixième: INDEMNITÉ — Si, pendant la durée de ce prêt (c’est-à-dire jusqu’à ce que le prêteur ait reçu paiement de toutes sommes à lui payables en vertu des présentes), l’emprunteur ou tout autre propriétaire subséquent de la propriété ou de toute partie d’icelle est déclaré en faillite ou fait une cession volontaire ou forcée, ou une cession autorisée ou offre un concordat à ses créanciers, ou si la propriété ou toute partie d’icelle est vendue par le shérif ou par vente ayant le même effet, ou par liquidation forcée, ou est expropriée, ou devient l’objet d’un jugement en ratification de titres, ou si le prêteur institue des procédures en justice en vertu du présent contrat, ou si, par suite du défaut de l’emprunteur, le prêteur est payé autrement que ci-dessus prévu (par exemple, si la perception en est confiée à un avocat par suite du retard de l’emprunteur), l’emprunteur devra payer au prêteur une indemnité égale à quinze pour cent (15%) du montant total alors dû en vertu du présent contrat.

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Le montant mentionné dans la convention ne fut pas payé le 1er mai et le délai fut prolongé à quelques reprises par l’intimée jusqu’à ce que finalement celle-ci intente ses procédures le 10 juillet 1967. Y est réclamée, en outre du capital, des intérêts et des frais, la somme de $48,429.31, soit l’indemnité de 15 pour cent en vertu de la clause 6 précitée.

Tout en faisant des offres réelles quant au capital, aux intérêts et aux frais, les appelantes ont opposé à cette action trois moyens de défense tant devant la Cour supérieure que devant la Cour d’appel.

— l’action est prématurée, les appelantes n’étant pas en défaut de remplir leurs obligations;

— l’art. 1040c du Code civil doit recevoir son application, le coût du prêt étant excessif et l’opération abusive et exorbitante;

— la clause pénale que constitue l’art. 6 est contraire à l’art. 1077 du Code civil, donc contraire à l’ordre public.

Sur le premier point, le tribunal de première instance a donné raison aux appelantes. Cette conclusion fut mise de côté par la Cour d’appel et je partage entièrement l’opinion de M. le Juge Turgeon parlant pour la Cour. On pourrait ajouter que les appelantes ont elles-mêmes renoncé à ce moyen lorsqu’elles ont inclus les frais de l’action dans leurs offres réelles; si l’action était prématurée, les frais n’étaient pas dus.

La Cour d’appel a aussi écarté l’argument tiré de l’art. 1040c du Code civil Comme ce moyen n’a pas été invoqué devant nous, je ne m’y attarde pas.

Quant à l’art. 1077, la Cour d’appel en est venue à la conclusion qu’il ne s’agit pas là d’une disposition de droit public et que le type de clause pénale que constitue l’ait. 6 de la convention est parfaitement valide aux termes de l’art. 1133 du Code civil. Ici encore, je suis d’accord avec M. le Juge Turgeon et ne peux mieux faire que d’adopter sur le point les vues de Mignault — Droit civil canadien, vol. 5, p. 427 et

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de Faribault — Traité de droit civil du Québec, vol. 7-bis, no 490, p. 433.

Le vrai problème est de déterminer la portée de la Loi sur l’intérêt, S.R. 1952, c. 156 (maintenant S.R. 1970, c. I-18), particulièrement de son art. 8. Ce point a été soulevé pour la première fois devant cette Cour et pour cette raison une ré-audition a été ordonnée devant les neuf juges. Avant cette seconde audition, les parties ont été invitées à dire si elles désiraient soulever la question de constitutionnalité mais elles ont préféré soumettre la cause sur le dossier tel que constitué.

Les articles pertinents de la Loi sur l’intérêt sont les suivants:

6. Lorsqu’une somme principale ou un intérêt garanti par hypothèque sur biens-fonds est stipulé, par l’acte d’hypothèque, payable d’après le système du fonds d’amortissement, ou d’après tout système en vertu duquel les versements du principal et de l’intérêt sont confondus, ou d’après tout plan ou système qui comprend une allocation d’intérêt sur des remboursements stipulés, aucun intérêt n’est exigible, payable ou recouvrable sur une partie quelconque de la somme principale prêtée, à moins que l’acte d’hypothèque ne contienne un état de la somme principale et du taux de l’intérêt exigible à son égard, calculé annuellement ou semestriellement, mais non d’avance. S.R., c. 102, art. 6.

7. Lorsque le taux d’intérêt indiqué dans cet état est moindre que celui qui serait exigible en vertu de quelque autre disposition, calcul ou stipulation de l’acte d’hypothèque, il n’est exigible, payable ou recouvrable sur le principal avancé aucun intérêt plus élevé que le taux énoncé dans l’état. S.R., c. 102, art. 7

8. (1) Il ne peut être stipulé, retenu, réservé ni exigé, sur des arrérages de principal ou d’intérêt garantis par hypothèque sur biens-fonds, aucune amende, peine ou taux d’intérêt ayant pour effet d’élever les charges sur ces arrérages au-dessus du taux d’intérêt payable sur le principal non arriéré.

(2) Rien dans le présent article n’a pour effet de prohiber un contrat pour le paiement d’intérêt, sur des arrérages d’intérêt ou de principal, à un taux ne dépassant pas le taux payable sur le principal non arriéré. S.R., c. 102, art. 8.

9. S’il est payé quelque somme à compte d’un intérêt, d’une amende ou peine qui ne sont pas exigi-

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bles, payables ou recouvrables en vertu des articles 6, 7 ou 8, cette somme peut être recouvrée ou déduite de tout autre intérêt, amende ou peine exigibles, payables ou recouvrables sur le capital. S.R., c. 102, art. 9.

Avant d’examiner la Loi sur l’intérêt pour déterminer si, comme le soutiennent les appelantes, elle constitue une fin de non-recevoir à l’action, il y aurait avantage à regarder l’historique de cette législation.

En 1853, par 16 Victoria, c. 80, il fut statué par les Chambres législatives du Canada que

a) les pénalités pour usure sont abolies; (art. II)

b) le taux d’intérêt est fixé à 6 pour cent et les conventions et garanties sont nulles en autant qu’il s’agit de l’excédent d’intérêt au-dessus de ce pourcentage; (art. III)

c) ces dispositions ne s’appliquent pas aux banques, aux compagnies d’assurance, non plus qu’aux personnes ou corporations autorisées par la loi à prêter à des taux plus élevés; (art. IV)

En 1858, par 22 Victoria, 85, l’art. III de la Loi de 1853 fut abrogé et furent adoptées entre autres les deux dispositions suivantes:

2. Il sera loisible à toute personne ou personnes autres que celles exceptées dans le présent acte, de stipuler, donner et exiger sur tout contrat ou convention quelconque, tel taux d’intérêt ou d’escompte dont il pourra avoir été convenu.

5. Le taux de six pour cent par année continuera d’être le taux d’intérêt dans tous les cas où intérêt, soit par la convention des parties ou en vertu de la loi, doit être payé et lorsqu’aucun taux n’aura été fixé par les parties ou par la loi.

Il faut noter que les exceptions mentionnées dans l’art. 2 n’ont pas d’application en l’espèce.

En 1859, par S.R., c. 58, les art. 2 et 5 précités de la Loi de 1858 deviennent les art. 3 et 8 de la révision.

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La même année (1859), au Nouveau-Brunswick, par le c. 21 de 22 Victoria étaient adoptées en substance les dispositions de la Loi de 1853 de la province du Canada.

A son tour, l’Île du Prince-Édouard, en 1868, par le c. 8 des statuts 31 Victoria, adoptait les principes posés en 1853 par le Canada et en 1859 par le Nouveau-Brunswick.

En 1873, par 36 Victoria, c. 71, le Parlement canadien adoptait une loi concernant l’intérêt et l’usure dans la province de la Nouvelle-Écosse. Ses dispositions principales étaient les suivantes:

a) le taux normal en l’absence de disposition spécifique sera de six pour cent;

b) le taux d’intérêt pourra aller jusqu’à sept pour cent pour le prêt ou l’usage de deniers qui doivent être garantis sur des propriétés foncières;

c) si la garantie est autre, l’intérêt pourra aller jusqu’à 10 pour cent

d) les intérêts dépassant ces pourcentages ne pourront être perçus.

En 1875, le Parlement canadien par 38 Victoria, c. 18, adopte une loi concernant l’intérêt et l’usure dans la province du Nouveau-Brunswick aux termes de laquelle à compter du 8 avril 1875 «chacun pourra stipuler, consentir ou exiger, sur tout contrat ou convention quelconque, fait ou à faire dans la province du Nouveau-Brunswick, tout taux d’intérêt ou d’escompte qui pourra être convenu».

En 1880, par 43 Victoria, c. 42, apparaissent pour la première fois les dispositions qui, avec quelques modifications, deviendront les art. 6, 7 8 et 9 de la Loi sur l’intérêt. Cette loi porte le titre Acte concernant l’intérêt sur les deniers garantis par hypothèque sur propriété foncière et ses articles pertinents se lisent comme suit:

1. Lorsqu’une somme principale ou un intérêt garanti par hypothèque sur propriété foncière sera stipulé payable par l’acte d’hypothèque, d’après le système du fonds d’amortissement, ou d’après tout autre plan par lequel le remboursement du capital et le paiement de l’intérêt sont confondus, ou d’après tout plan ou système qui comprend une réduction

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d’intérêt sur des remboursements stipulés, aucun intérêt quelconque ne sera exigible, payable ou recouvrable, sur aucune partie de la somme principale prêtée, à moins que l’acte d’hypothèque ne contienne une mention de telle somme principale et du taux d’intérêt, calculé annuellement ou semi-annuellement, exigible sur cette somme, mais non d’avance.

2. Lorsque le taux d’intérêt indiqué dans la mention prescrite par la section précédente sera moindre que celui qui serait exigible en vertu de quelque autre disposition, calcul ou stipulation de l’acte d’hypothèque, il ne sera exigé, payé ou recouvré aucun taux d’intérêt plus élevé, sur le capital prêté, que celui énoncé dans la dite mention.

3. Il ne sera stipulé, pris, réservé ou exigé, sur des arrérages de principal ou d’intérêt, aucune amende, peine pécuniaire ou taux d’intérêt qui aurait l’effet d’élever les charges sur ces arrérages au-delà du taux d’intérêt payable sur le principal non arriéré; pourvu toujours que rien dans la présente section n’ait l’effet de prohiber aucune convention pour le paiement d’intérêt, sur des arrérages d’intérêt ou de principal, à un taux ne dépassant pas le taux payable sur le principal non arriéré.

4. S’il est payé quelque somme à compte d’un intérêt, d’une amende ou pénalité qui ne sont pas exigibles, payables ou recouvrables en vertu des sections précédentes, cette somme pourra être répétée ou déduite de tout autre intérêt, amende ou pénalité exigibles, payables ou recouvrables sur le capital.

Il peut être intéressant de noter que l’art. 3 reproduit en substance l’art. 97 de l’Acte des Compagnies par actions en Canada, (1877), 40 Victoria, c. 43, se lisant comme suit:

97. La compagnie pourra stipuler, prendre, retenir et exiger tout intérêt ou escompte qui pourra être légalement pris par les particuliers ou, dans la Province de Québec, par des compagnies incorporées, dans les mêmes circonstances, et elle pourra aussi recevoir sur ses prêts un paiement annuel à titre de fonds d’amortissement pour l’extinction graduelle de ce prêt, aux conditions et de la manière que les règlements de la compagnie établiront; pourvu toujours qu’aucune amende ou pénalité ne sera stipulée, prise, retenue ou exigée à l’égard des arrérages de principal ou d’intérêt, qui aurait l’effet d’accroître les charges à l’égard des arrérages au-delà du taux d’intérêt ou d’escompte sur le prêt.

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A souligner que cet art. 97 de la Loi de 1877 se retrouve dans un groupe s’appliquant aux seules compagnies de prêts et réfère à l’intérêt «sur le prêt» et non à l’intérêt «sur le principal non arriéré».

En 1886, par 49 Victoria, c. 44, le Parlement adopte une loi concernant l’intérêt dans la province de la Colombie-Britannique.

La même année (1886), S.R., c. 127, le Parlement

1) ré-affirme le droit d’exiger le taux d’intérêt ou d’escompte quel qu’il soit qui sera arrêté d’un commun accord;

2) établit à six pour cent le taux d’intérêt qui n’aura pas été fixé par les parties ou par la loi;

3) répète (art. 3, 4, 5 et 6) les art. 1 à 4 inclusivement de la loi 43 Victoria, c. 42, avec quelques modifications de détail dont principalement celles-ci:

— le nouvel art. 5 (autrefois 3) débute par les mots «Il ne sera stipulé, pris, retenu ou exigé, sur des arrérages de principal ou d’intérêt garantis par hypothèque sur propriété foncière …»;

— dans le même article, l’expression «peine pécuniaire» devient l’expression «somme pénale»;

4) rassemble les lois adoptées au cours des années pour chacune des provinces.

En 1889, cette Loi concernant l’intérêt fut modifiée pour les Territoires du Nord-Ouest relativement aux intérêts sur les sommes dues en vertu d’un jugement.

L’année suivante, par 53 Victoria, c. 34, l’art. 7 fut modifié pour soustraire de son application les hypothèques données par des corporations.

En 1894, 57-58 Victoria, c. 22, nouvelle modification, quant à la Colombie-Britannique cette fois, touchant les intérêts sur les sommes dues en vertu d’un jugement.

En 1897, par 60-61 Victoria, c. 8, fut adoptée une nouvelle loi intitulée Acte concernant l’intérêt et se lisant comme suit:

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Sa Majesté, par et avec l’avis et le consentement du Sénat et de la Chambre des Communes du Canada, décrète ce qui suit: —

1. La présente loi pourra être citée sous le titre: «Acte sur l’intérêt, 1897.»

2. Lorsque, aux termes d’un contrat, soit écrit ou imprimé et soit scellé ou non, quelque intérêt sera payable à un taux ou percentage par jour, semaine ou mois, ou à quelque taux ou percentage pour un temps moindre d’un an aucun intérêt au-dessus du taux ou percentage de six pour cent par an ne sera exigible, payable ni recouvrable sur aucune partie de la somme principale, à moins que le contrat ne contienne renonciation expresse du taux d’intérêt ou percentage par an auquel équivaut cet autre taux ou percentage.

3. En cas de paiement d’une somme d’argent pour un intérêt non exigible, payable ni recouvrable d’après le précédent article, cette somme pourra être répétée, ou imputée sur tout principal ou tout intérêt à payer en vertu du contrat.

4. Le présent acte ne s’appliquera pas aux hypothèques ni aux mortgages immobiliers.

En 1900, par 63-64 Victoria, c. 29, le taux légal fut diminué de six à cinq pour cent.

La révision de 1906 (S.R.C., c. 120) groupa les différents statuts adoptés depuis 1886 et depuis lors la Loi concernant l’intérêt a, pour les dispositions qui nous intéressent, la physionomie qu’elle a aujourd’hui. Les modifications pertinentes qui ont suivi se limitent vraiment

a) à créer deux paragraphes dans l’art. 8 (S.R.C. 1927, c. 102);

b) à remplacer l’expression «somme pénale» dans le premier alinéa de l’art. 8 par le mot «peine» (S.R.C. 1952, c. 156).

Avant d’étudier l’effet de la Loi sur l’intérêt dans le litige qui nous est soumis, j’aimerais rappeler à grands traits les arrêts de notre Cour sur la matière.

The Peoples Loan and Deposit Company c. Grant[13], applique le principe de la «common law” que si la convention ne stipule pas clairement le taux d’intérêt pour la période après

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terme, seul l’intérêt légal peut être perçu.

Dans Lynch c. The Canada North-Westland Company[14], il est décidé que la pénalité de 10 pour cent ajoutée aux taxes impayées n’est pas de l’intérêt.

Les causes suivantes, décidées le même jour, The Canadian Mortgage Investment Company c. W.F. Cameron[15] et Standard Reliance Mortgage Corporation c. Lewis St. George Stubbs[16], établissent que les dispositions de l’art. 6 de la Loi sur l’intérêt n’exigent pas autre chose que la mention du capital emprunté et du taux d’intérêt exigé par le prêteur et qu’il n’est pas nécessaire d’attacher à l’acte d’hypothèque un tableau donnant pour chaque versement la répartition de celui-ci entre l’intérêt et le capital.

Dans l’affaire The London Loan and Savings Company of Canada c. Robert K. Meagher[17], le problème suivant était à l’étude: si lors de la signature de l’acte d’emprunt, l’emprunteur remet immédiatement à même les argents prêtés un bonus de $3,000 au prêteur, celui-ci viole-t-il les dispositions de la Loi sur l’intérêt, particulièrement son art. 6? A l’unanimité, une réponse négative fut donnée à cette question.

Un problème de même genre se soulevait dans l’affaire Asconi Building Corporation c. Dominique Vocisano[18], à la différence que l’emprunteur, sur réception des montants empruntés, avait immédiatement payé d’avance une partie des intérêts et remis un bonus au prêteur. Ici encore à l’unanimité la Cour en vint à la conclusion qu’il n’y avait pas violation des principes de la Loi sur l’intérêt.

En 1963, la loi fut examinée sous l’aspect constitutionnel dans The Attorney-General for Ontario c. Barfried Enterprises Ltd.[19] En substance, la décision de la Cour fut que la Loi sur

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l’intérêt devait être interprétée restrictivement et limitée à l’intérêt qua intérêt de sorte que la législation provinciale touchant les transactions oppressives fut déclarée parfaitement valide.

De nouveau, dans Kilgoram Hotels Limited et ai c. John Samek et al.[20], la liberté contractuelle fut affirmée, la Cour en venant à la conclusion qu’un acte d’hypothèque donnant clairement le montant du capital emprunté et le taux de l’intérêt et mentionnant que les versements doivent d’abord être appliqués à l’intérêt et ensuite au capital ne tombe pas sous le coup de l’art. 6.

Cette revue ne serait pas complète si mention n’était faite de Coupland Acceptance Limited c. Edwin Alexander Walsh[21]. J’y référerai tout à l’heure.

Revenons maintenant à l’affirmation des appelantes que la Loi sur l’intérêt, et particulièrement son art. 8, constitue une fin de non-recevoir à l’action de l’intimée quant à l’indemnité de 15 pour cent stipulée dans l’art. 6 de la convention. A mon avis, ce moyen doit être écarté.

La philosophie de la Loi sur l’intérêt est simple: il y a liberté absolue de convention et ce n’est qu’en l’absence d’entente que la Loi intervient pour fixer l’intérêt au taux de cinq pour cent.

A ce principe général, je ne vois que deux exceptions:

— une première (art. 4) traitant de toutes les matières qui ne sont pas des hypothèques sur les biens-fonds lorsque le taux d’intérêt est payable à un pourcentage par jour, semaine ou mois ou à un taux ou pourcentage pour une période de moins d’un an: — la deuxième (art. 6) touchant les hypothèques d’après l’un ou l’autre des plans mentionnés dans l’article, l’idée maîtresse étant la confusion du principal et de l’intérêt.

Dans ces deux cas d’exception, des dispositions spéciales prévalent. Pour le reste, encore une

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fois la Loi reconnaît la liberté absolue des conventions.

C’est ainsi d’ailleurs que s’est développée la législation que nous avons maintenant devant nous et c’est pour cette raison que j’ai cru bon de référer longuement à l’évolution des textes législatifs. Il est clair qu’à compter de l’abolition des lois sur l’usure, la liberté de contrat a été la règle et que seuls des problèmes particuliers ont amené le législateur à intervenir. En l’espèce, je suis porté à adopter les phrases suivantes tirées d’un article dans 18 Revue du Notariat, à la p. 166:

Autrefois les sociétés de construction et les particuliers stipulaient dans les actes d’hypothèque dans lesquels le capital et les intérêts étaient confondus, que si les versements ne se faisaient pas à l’échéance le débiteur aurait à payer, en sus de ces versements, une amende fixée et déterminée d’avance. Aujourd’hui, il n’est plus permis de stipuler de telles amendes:

Cette philosophie, notre Cour par ses arrêts l’a appliquée d’emblée. Il suffit de relire les décisions auxquelles j’ai référé rapidement plus haut pour constater que cette liberté contractuelle dans le domaine de l’intérêt édictée il y a plus de cent ans et inchangée depuis lors a reçu et continue de recevoir sa pleine reconnaissance judiciaire.

Dans cette lumière, il faut, et je le dis en toute déférence pour l’opinion contraire, lire comme un tout les arts. 6, 7, 8 et 9. Le texte lui-même de l’art. 9 nous y invite d’ailleurs et toute autre lecture fait violence à l’esprit de cette loi en la faisant déborder dans un domaine qui n’est pas le sien.

C’est l’affirmation que l’on retrouve dans le jugement de notre Cour dans l’affaire London Loan & Savings Co. of Canada c. Meagher[22]. Il est vrai que dans cette affaire il n’était pas strictement nécessaire de décider le point. Toutefois, le jugement l’affirme au moins implicitement en citant les quatre articles qui nous intéressent ici et cette citation correspond à celles

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que l’on retrouve dans les facturas de l’appelante et de l’intimée. Il faut donc conclure que le litige a au moins été présenté dans cette lumière, d’autant plus que le jugement de première instance mentionne en passant l’art. 8 de la Loi.

L’arrêt Vocisano a adopté sans les discuter les conclusions de l’arrêt Meagher.

Il est vrai que dans l’affaire Coupland Acceptance Limited c. Edwin Alexander Walsh[23], M. le Juge Kellock, parlant pour la Cour, s’est exprimé comme suit à la p. 94:

[TRADUCTION] Les intimés prétendent en tout état de cause, toutefois, que la réclamation de l’appelante doit être réduite de la somme de $2,126.25, représentant l’intérêt au taux de 2 pour cent par mois pour les deux mois écoulés depuis l’échéance de l’hypothèque Kerbel jusqu’à l’époque de l’acquittement de celle-ci, pour le motif que l’art. 8 de la Loi de l’intérêt, S.R.C. 1927, c. 102, interdit de recouvrer un montant qui dépasse un intérêt de 5 pour cent payable avant l’échéance. A cela l’appelante objecte que le paiement de cette somme ne doit pas être imputé à de l’argent avancé par elle, que le débiteur hypothécaire, qui a fourni la somme de $8,500 en sus de montant avancé par l’appelante, doit être considéré comme ayant effectué ce paiement. Je crois que cette objection a du sens mais néanmoins, suivant les termes de l’art. 8, l’appelante ne peut invoquer les dispositions de l’hypothèque Kerbel relativement à de l’intérêt qui dépasse un taux de 5 pour cent à compter du 9 mai 1951.

A ce sujet, je me permets les remarques suivantes:

1) la somme de $2,126.25 n’a pas été en fait retranchée du montant pour lequel l’appelante reçut priorité à l’encontre des intimés;

2) ce n’est qu’à compter du paiement par l’appelante à Kerbel, savoir le 9 mai 1951, que l’intérêt fut réduit à la somme de cinq pour cent;

3) cet aspect n’avait pas été discuté par l’appelante dans son factum, sa référence à l’arrêt Meagher ne s’appliquant qu’au bonus de $6,000;

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4) l’intimée, dans son factum, quant à l’intérêt de deux pour cent par mois, avait allégué et l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt et les principes de l’équité applicables en Ontario;

5) les vrais problèmes dans cet arrêt étaient autres ainsi qu’en fait foi le jugé; cet aspect de l’intérêt à deux pour cent par mois était mineur et l’ensemble des arts. 6 à 9 ne semble pas avoir été examiné.

Pour ces raisons, je ne crois pas devoir suivre l’arrêt Coupland en l’espèce, préférant m’appuyer sur l’arrêt Meagher.

Même si d’ailleurs une convention comme celle qui nous est soumise devait être régie par l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt, je suis d’avis que les mots employés dans cet article ne permettent pas d’écarter la réclamation de $48,429.31 faite par l’intimée. Ce qui est le sujet propre de la Loi sur l’intérêt est précisément le loyer de l’argent payable au jour le jour et rien d’autre. Les mots «amende» et «peine» employés dans l’article, même si l’on pouvait faire abstraction de l’histoire de cette loi, reçoivent nécessairement leur coloration du mot clef qu’est le substantif «intérêt». Les amendes ou peines dont il s’agit ici ne peuvent être que des charges participant de la nature de l’intérêt, i.e., croissant au jour le jour. Elles ne peuvent s’étendre aux dommages fixés contractuellement par la clause pénale, dommages qui sont acquis une fois pour toutes et qui ne grandissent pas de jour en jour.

C’est la conclusion à laquelle cette Cour en est arrivée dans l’affaire Barfried. Si les prétentions des appelantes sont fondées et si l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt doit recevoir l’interprétation large qu’elles suggèrent, l’arrêt Barfried a été mal jugé et la législation ontarienne attaquée dans cet arrêt n’aurait pas dû être déclarée valide. Or, je crois que l’affaire Barfried a été bien jugée et je fais miens les propos des juges de la majorité dans cet arrêt. Je ne veux pas les répéter ici.

D’ailleurs de quoi parle l’art. 8, sinon d’un paiement qui a pour effet d’élever les charges sur ces arrérages au-dessus du taux d’intérêt payable sur le principal non arriéré? Indépen-

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damment de toute autre considération, pour que l’art. 8 entre en jeu, il faut deux choses:

1) qu’à la date du défaut il reste un principal non arriéré; à ce sujet, il faut noter

a) que l’art. 7 parle du principal «avancé» et l’art. 8 du principal «non arriéré»; le législateur ayant employé deux expressions différentes, nous sommes donc en face de deux situations différentes;

b) que la loi de 1877, d’où l’art. 8 a été tiré, elle aussi réfère à l’emprunt et non aux arrérages; deux textes, donc deux situations;

2) que ce paiement élève «les charges sur ces arrérages»; une clause pénale n’est pas une charge sur un arrérage, mais purement et simplement un montant de dommages liquidé par avance de façon arbitraire conformément à une convention.

Ici, ces deux conditions n’existent pas.

Deux mots avant de clore cet aspect de la question. Le deuxième alinéa de l’art. 8, compte tenu des principes de la «common law», était nécessaire si le créancier désirait obtenir de son débiteur après défaut partiel un taux d’intérêt dépassant le taux légal; autrement, la règle appliquée par notre Cour dans l’affaire Grant précitée aurait limité les droits du créancier à ce taux légal. De plus, si les appelantes ont raison, le débiteur qui rembourse avant terme doit payer une indemnité de trois mois d’intérêt (art. 10), alors que le débiteur en défaut n’aurait à verser aucune indemnité; le législateur aurait été vraiment bien bon pour les retardataires.

Pour toutes ces raisons tirées et de la philosophie, et de l’histoire, et du texte de la Loi sur l’intérêt, j’en viens à la conclusion que les prétentions des appelantes sur ce point ne peuvent être accueillies.

Il ne m’est donc pas nécessaire d’aller un pas plus loin et d’examiner cette Loi à la lumière des principes d’interprétation tirés de la division de la compétence législative au Canada. Si je

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l’avais fait, mon point de départ aurait été le passage suivant tiré de Falconbridge — Law of Mortgages of Land, 3e ed., 1942, à la p. 646:

[TRADUCTIONS] D’une manière générale, l’hypothèque relève de «la propriété et les droits civils dans la province» (c), et en ce qui nous concerne ici la difficulté ne se pose que lorsque l’intérêt et l’hypothèque se chevauchent. La division naturelle entre l’autorité législative du Dominion et celle des provinces semble être (1) d’attribuer au Dominion le pouvoir de légiférer relativement à l’usure et au taux d’intérêt en général, y compris le droit d’exiger que le taux d’intérêt soit énoncé clairement dans l’acte d’hypothèque garantissant le remboursement d’un prêt à intérêt et le pouvoir de prescrire le taux de l’intérêt payable dans les cas où le taux n’est pas spécifié dans l’acte d’hypothèque, et (2) d’attribuer aux provinces le pouvoir de légiférer relativement aux époques et conditions de rachat d’hypothèques, y compris le pouvoir de déterminer les conditions auxquelles une hypothèque peut être rachetée après un délai donné ou l’avènement du terme, même si les conditions prescrites comportent le paiement d’un intérêt tenant lieu d’avis.

Je rejetterais l’appel avec dépens.

Appel accueilli avec dépens, dans toutes les Cours, les JUGES MARTLAND, JUDSON, RITCHIE et DE GRANDPRÉ étant dissidents.

Procureurs des demanderesses, appelantes: Gendreau & Pelletier, Rimouski.

Procureurs de la défenderesse, intimée: Rivard, Hickson, Sirois & Lemieux, Québec.

[1] [1972] C.A. 35.

[2] [1963] R.C.S. 570.

[3] [1930] R.C.S. 378.

[4] [1947] R.C.S. 358.

[5] [1954] R.C.S. 90.

[6] [1931] 2 D.L.R. 1007.

[7] (1965), 48 D.L.R. (2d) 302.

[8] [1972] 2 O.R. 284.

[9] (1930), 69 C.S. 1.

[10] (1913), 19 R.L.n.s. 196.

[11] [1930] A.C. 111.

[12] [1945] R.C.S. 600.

[13] (1890), 18 R.C.S. 262.

[14] (1891), 19 R.C.S. 204.

[15] (1917), 55 R.C.S. 409.

[16] (1917), 55 R.C.S. 422.

[17] [1930] R.C.S. 378.

[18] [1947] R.C.S. 358.

[19] [1963] R.C.S. 570.

[20] [1968] R.C.S. 3.

[21] [1954] R.C.S. 90.

[22] [1930] R.C.S. 378.

[23] [1954] R.C.S. 90.


Synthèse
Référence neutre : [1975] 2 R.C.S. 2 ?
Date de la décision : 29/04/1974
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Hypothèque - Clause pénale - Invalidité - Loi sur l’intérêt, S.R.C. 1952, c. 156, art. 8 - Code civil, art. 1077.

L’appelante, les Immeubles Fournier Inc., devait à l’intimée, Construction St-Hilaire Limitée, un solde de $313,033.70 aux termes d’un contrat d’entreprise pour la construction de certains immeubles. Elle lui consentit une hypothèque et l’autre appelante, Rimouski Transport Limitée, se porta caution solidaire. L’acte d’obligation comporte l’engagement de payer la somme due avant le 1er mai 1967, avec intérêt au taux de six pour cent à partir du 30 décembre 1966. Une clause stipule en outre l’obligation de payer une «indemnité» de 15 pour cent si l’«emprunteur» i.e. la compagnie débitrice, fait faillite etc. ou si le «prêteur», i.e. la créancière, institue des procédures en justice en vertu du contrat. Un délai fut accordé jusqu’au 23 juin 1967. Cependant, le jour fixé, la créancière est informée qu’elle ne sera payée que le 29 juin, date à laquelle la banque l’informe qu’elle a les fonds nécessaires pour la payer, moyennant subrogation. Des projets d’actes sont préparés et la rédaction discutée. Le 10 juillet, une poursuite est intentée par l’intimée. La défenderesse, l’appelante, Les Immeubles Fournier Inc. et sa caution, Rimouski Transport Limitée, font des offres réelles et consignent le montant dû en capital, intérêt et frais, mais sans les 15 pour cent stipulés. Ces offres sont déclarées suffisantes et l’action rejetée. La Cour d’appel, statuant que l’article 1077 du Code civil n’est pas d’ordre public, condamne les appelantes à payer l’indemnité de 15 pour cent avec intérêt et dépens. Elles en appellent donc à cette Cour.

[Page 3]

Arrêt (les Juges Martland, Judson, Ritchie et de Grandpré étant dissidents): Le pourvoi doit être accueilli.

Le Juge en chef Laskin et les Juges Spence, Pigeon, Dickson et Beetz: Les appelantes n’ont démontré aucune erreur dans les motifs de la Cour d’appel. Leur mémoire ne fait pas voir que l’intimée s’était «engagée formellement» à signer une quittance subrogatoire comme l’a cru le premier juge. Selon le droit commun, les parties peuvent, au moyen d’une clause pénale, régler comme elles l’entendent le montant des dommages et intérêts que le débiteur devra payer s’il n’exécute pas son obligation, ou s’il ne l’exécute que tardivement. L’article 1077 du Code civil n’exclut pas la fixation conventionnelle d’une indemnité à verser par le débiteur en défaut de payer une somme d’argent.

C’est donc uniquement par application de l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt, S.R.C. 1952, c. 156, que la clause pénale stipulée par l’intimée peut être déclarée invalide. Cette disposition ne semble pas avoir été considérée ni en première instance ni en appel, ce qui a motivé l’ordonnance d’une seconde audition du présent pourvoi. Le texte ne vise pas seulement l’intérêt proprement dit, mais toute «amende, peine ou taux d’intérêt ayant pour effet d’élever les charges sur les arrérages au-dessus du taux d’intérêt payable sur le principal non arriéré». Cette rédaction s’oppose donc à la restriction que l’intimée voudrait qu’on y indroduise par interprétation, i.e. qu’il ne saurait s’appliquer qu’à un prix qui augmente de jour en jour. L’intention de défendre de réclamer un supplément sous une forme quelconque est rendue encore plus évidente par le second paragraphe qui permet expressément de stipuler «le paiement d’intérêt, sur des arrérages d’intérêt ou de principal, à un taux ne dépassant pas le taux payable sur le principal non arriéré».

L’intimée n’a pas attaqué la constitutionnalité de l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt quoique prévenue par l’ordre de nouvelle audition que cette disposition ferait l’objet principal du débat. Donc aucun avis n’a été donné au Procureur général du Canada et à ceux des provinces. La Cour ne peut donc en l’instance statuer sur l’étendue du pouvoir fédéral sur l’intérêt. Il lui faut interpréter l’art. 8 sans égard à l’argument que l’intimée veut tirer du texte de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, et laisser la question constitutionnelle entièrement réservée.

Considérant le texte en lui-même, il est impossible de restreindre les mots «peine» et «amende» à ce qui

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constituerait de l’intérêt, c’est-à-dire à ce qui croîtrait jour par jour. L’indemnité de 15 pour cent n’est donc pas recouvrable.

Les Juges Martland, Judson, Ritchie et de Grandpré, dissidents: La philosophie de la Loi sur l’intérêt est simple: il y a liberté absolue de convention et ce n’est qu’en l’absence d’entente que la Loi intervient pour fixer l’intérêt au taux de cinq pour cent. A ce principe général, il n’y a que deux exceptions, celles des art. 4 et 6. Dans ces deux cas d’exception, des dispositions précises prévalent. C’est ainsi d’ailleurs que s’est développée la législation que nous avons maintenant devant nous. À compter de l’abolition des lois sur l’usure, la liberté de contrat a été la règle et seuls des problèmes particuliers ont amené le législateur à intervenir. Cette liberté contractuelle dans le domaine de l’intérêt édictée il y a plus de cent ans et inchangée depuis lors a reçu et continue de recevoir sa pleine reconnaissance judiciaire. Dans cette lumière il faut lire comme un tout les art. 6, 7, 8 et 9 de la Loi sur l’intérêt et toute autre lecture fait violence à l’esprit de cette loi en la faisant déborder dans un domaine qui n’est pas le sien. Même si une convention comme celle de l’art. 6 devrait être régie par l’art. 8 de la Loi sur l’intérêt, les mots employés dans cet article ne permettent pas d’écarter la réclamation faite par l’intimée. Le sujet propre de cette loi est précisément le loyer de l’argent payable au jour le jour et rien d’autre. Même en faisant abstraction de l’histoire de cette loi, les amendes ou peines dont il s’agit à l’art. 8 ne peuvent être que des charges participant de la nature de l’intérêt, Le. croissant au jour le jour. Elles ne peuvent s’étendre aux dommages fixés contractuellement par la clause pénale, dommages qui sont acquis une fois pour toutes et qui ne grandissent pas de jour en jour.

D’ailleurs pour que l’art. 8 entre en jeu, il faut deux choses: 1) à la date du défaut il doit rester un principal non arriéré; 2) ce paiement doit élever «les charges sur ces arrérages»; une clause pénale n’est pas une charge sur un arrérage, mais purement et simplement un montant de dommages liquidé par avance de façon arbitraire conformément à une convention. Ici ces deux conditions n’existent pas.

[Distinction faite avec les arrêts: Le Procureur général d’Ontario c. Barfried Enterprises, [1963] R.C.S. 570; Standard Loan Co. c. Faucher (1913), 19 R.L.n.s. 196. Arrêts mentionnés: London Loan & Savings Co. c. Meagher, [1930] R.C.S. 378; Asconi Bldg. Corp. c. Vocisano, [1947] R.C.S. 358; Coupland Acceptance Ltd. c. Walsh, [1954] R.C.S. 90; Levy c. Bookspan, [1931] 2 D.L.R. 1007; Tapio c.

[Page 5]

Kajander (1965), 48 D.L.R. (2d) 302; Glinert c. Kostowniak, [1972] 2 O.R. 284; Franklin c. Ciceri (1930), 69 C.S. 1; Attorney General for Canada v. Attorney General for British Columbia, [1930] A.C. 111; Le Procureur général de Québec c. Le Procureur général du Canada, [1945] R.C.S. 600]


Parties
Demandeurs : Immeubles Fournier Inc. et al.
Défendeurs : Construction St-Hilaire Ltée
Proposition de citation de la décision: Immeubles Fournier Inc. et al. c. Construction St-Hilaire Ltée, [1975] 2 R.C.S. 2 (29 avril 1974)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-04-29;.1975..2.r.c.s..2 ?
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