Cour suprême du Canada
Ministre du Revenu National c. Stickel, [1975] 2 R.C.S. 233
Date: 1974-05-27
Le Ministre du Revenu National Appelant;
et
Ernest G. Stickel Intimé.
1973: les 8 et 9 novembre; 1974: le 27 mai.
Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Spence, Pigeon et Dickson.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE
APPEL d’un jugement de la Cour d’appel fédérale infirmant une décision de la Cour fédérale, première instance. Appel rejeté.
N.A. Chalmers, c.r., et R.G. Pyne, pour l’appelant.
P.G.C. Ketchum, pour l’intimé.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE JUDSON — La question à décider en ce pourvoi est de savoir si l’intimé Ernest G. Stickel peut bénéficier de l’exonération de l’impôt sur le revenu canadien pour son revenu d’enseignement gagné au Canada du 1er juillet 1967 au 30 juin 1969. Il réclame cette exonération en vertu de l’Article VIIIA de la Convention relative à l’impôt entre le Canada et les États-Unis d’Amérique, laquelle, par législation, a force de loi au Canada. L’article en question est entré en vigueur en 1950. Il se lit comme suit:
Tout professeur ou instituteur qui réside dans l’un des États contractants et fait un séjour temporaire dans l’autre État contractant afin d’enseigner, pendant une période n’excédant pas deux ans, dans une université, un collège, une école ou une autre institution d’enseignement dans cet autre État, est exonéré par cet autre État de l’impôt sur la rémunération qu’il reçoit pour cet enseignement pendant ladite période.
L’intimé est né aux États-Unis et il y avait vécu et travaillé toute sa vie lorsqu’il est entré au Canada en juillet 1967 afin d’y remplir un
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contrat d’enseignement de deux ans qu’il avait conclu avec l’Université de l’Alberta. Cette période d’enseignement s’est terminée le 30 juin 1969, mais il n’est retourné vivre aux États‑Unis que le 9 mars 1970. Pendant cette période, il a tenu deux autres emplois non reliés à l’enseignement.
J’adopte le résumé de la preuve fait par la Cour d’appel fédérale dans l’alinéa que voici:
A notre avis, d’après la preuve, il est probable que l’appelant qui résidait aux États-Unis, avait songé à s’installer au Canada avant même d’avoir eu l’occasion d’accepter un engagement de deux ans à l’Université de l’Alberta. Il est aussi probable qu’il avait débattu ce projet avec sa famille que la perspective d’une installation permanente au Canada n’enthousiasmait pas et qu’ils ont décidé d’un commun accord d’aller au Canada pour une période de deux ans, étant toutefois entendu que pendant cette période, ils pourraient réexaminer la possibilité d’un établissement permanent au Canada. D’après ces faits, vu la nécessité d’interpréter les mots «qui fait un séjour temporaire» de manière à inclure un séjour effectué afin d’enseigner pendant une période de deux ans, nous admettons que l’appelant séjournait temporairement au Canada afin d’enseigner dans une université pendant une période n’excédant pas deux ans.
En Cour fédérale, le juge de première instance a décidé que l’intimé n’est pas devenu admis à bénéficier de l’exonération prévue par l’Article VIIIA, parce que son séjour au Canada a dépassé «une période n’excédant pas deux ans». La Cour d’appel fédérale a opté pour l’avis contraire, à savoir, qu’il est devenu admis à bénéficier de l’exonération en tant que personne qui a séjourné temporairement au Canada afin d’enseigner dans une université pendant une période n’excédant pas deux ans. Je souscris à ce point de vue.
Le juge de première instance a jugé inutile de déterminer si l’intimé était un résident des États-Unis à l’époque où il est entré au Canada. La Cour d’appel fédéral a conclu qu’il l’était et qu’il est demeuré un résident de son pays natal en dépit du fait qu’il a amené sa famille avec lui,
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fermé sa maison aux États-Unis et dispersé certains de ses biens.
Je ne perds pas de vue le fait que l’intimé n’a payé aucun impôt aux États-Unis sur le revenu dont il est ici question. Il y a preuve comme quoi le fisc américain l’a traité comme un non‑résident à l’égard de ce revenu. Même si la preuve est mince, je suis disposé à déduire que cela a dû être en conséquence d’observations faites par l’intimé au fisc américain. Notre difficulté est de déterminer s’il est visé par le traité lui accordant une exonération de l’impôt canadien sur son revenu canadien, et sur ce point je suis d’accord avec la Cour d’appel fédérale qu’il l’est et sur les deux motifs énoncés par cette dernière.
Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
Pourvoi rejeté avec dépens.
Procureur de l’appelant: D.S. Thorson, Sous-procureur général du Canada, Ottawa.
Procureurs de l’intimé: Crockett, Hattersley, Ketchum & Niziol, Edmonton.