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27/05/1974 | CANADA | N°[1975]_2_R.C.S._248

Canada | Angle c. Ministre du Revenu National, [1975] 2 R.C.S. 248 (27 mai 1974)


Cour suprême du Canada

Angle c. Ministre du Revenu National, [1975] 2 R.C.S. 248

Date: 1974-05-27

Ethel Annabelle Angle Appelante;

et

Le Ministre du Revenu National Intimé.

1973: le 7 novembre; 1974: le 27 mai.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Spence, Laskin et Dickson.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA.

APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier du Canada ordonnant l’émission d’un bref de saisie «extent». Appel rejeté, les Juges Spence et Laskin étant dissidents.

C.C. Sturrock, pour l

appelante.

N.A. Chalmers, c.r., et G.O. Eggertson, pour l’intimé.

Le jugement des Juges Martland, Judson et Dickson a été ren...

Cour suprême du Canada

Angle c. Ministre du Revenu National, [1975] 2 R.C.S. 248

Date: 1974-05-27

Ethel Annabelle Angle Appelante;

et

Le Ministre du Revenu National Intimé.

1973: le 7 novembre; 1974: le 27 mai.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Spence, Laskin et Dickson.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA.

APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier du Canada ordonnant l’émission d’un bref de saisie «extent». Appel rejeté, les Juges Spence et Laskin étant dissidents.

C.C. Sturrock, pour l’appelante.

N.A. Chalmers, c.r., et G.O. Eggertson, pour l’intimé.

Le jugement des Juges Martland, Judson et Dickson a été rendu par

LE JUGE DICKSON — Au début de 1966, Mme Angle a fait en sorte que Transworld Explorations Limited, une compagnie dont elle était présidente et actionnaire contrôlant, construise à l’arrière de la propriété que Mme Angle possédait sur Stevens Drive à West Vancouver, Colombie-Britannique, une piscine intérieure, sauna, bain d’eau thermale, barbecue, bar, foyer, vivoir et bureau. A cette époque-là l’al. c) du par. (1) de l’art. 8 de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoyait que lorsqu’un bénéfice ou un avantage était attribué à un actionnaire par une corporation, le montant ou la valeur en l’espèce devait être inclus dans le calcul du revenu de l’actionnaire, et invoquant cet article les fonctionnaires du fisc ajoutèrent au revenu de Mme Angle des années 1966 et 1967 un total de $52,243.58 pour bénéfices découlant de la construction du pavillon de bains, ainsi que $5,995.82 pour mobilier et accessoires fixes. Mme Angle en appela de la cotisation. L’appel fut entendu par M. le Juge suppléant Sheppard en Cour de l’Échiquier du Canada[1] et jugement fut rendu le 17 novembre 1969. Le juge a défini comme suit ce qu’il a appelé les questions fondamentales:

Que le pavillon de bains (i) a été reçu par l’appelante en qualité de bailleur et non «d’actionnaire» au sens de l’article 8(1)c), (ii) qu’il a été payé par l’appelante, et ne constituait donc pas «un bénéfice ou un avantage», (iii) et que de toute façon, il s’agissait d’un bénéfice reçu seulement à l’expiration du bail, soit en 1968 et non en 1966 et 1967.

Voici maintenant l’exposé sommaire des faits et la façon dont le juge a décidé chacune des questions:

[Page 252]

(i) Le 1er novembre 1966, six mois après l’achèvement des fondations du pavillon de bains et après qu’on lui eut appris que la valeur du pavillon pourrait être ajoutée à son revenu, Mme Angle a censément loué à Transworld la totalité de son lot sur Stevens Drive, pour une période de cinq ans au loyer d’un dollar par an. Un an plus tard, le 27 novembre 1967, après que la construction de la piscine eut été terminée, un second bail est intervenu en vertu duquel la propriété était censément louée à Transworld par Mme Angle pour une période d’un an, en contrepartie d’un loyer de $6,000 payable par versements mensuels de $500. Le juge a décidé que Mme Angle n’avait pas reçu le pavillon de bains à titre de bailleur parce que le pavillon avait été loué incorporé au sol; c’est-à-dire, la construction avait débuté avant qu’il n’y ait de bail; les baux n’avaient pas eu pour effet de priver Mme Angle du pavillon de bains dévolu à elle en sa qualité de propriétaire de la tenure libre (freehold) du fonds et, par conséquent, c’est à titre de propriétaire et non de bailleur qu’elle avait reçu le bénéfice.

(ii) Le plan conçu pour donner l’impression que Mme Angle avait payé le pavillon de bains a été mis à exécution de la façon suivante. Le mari fit les arrangements nécessaires pour que la Banque Toronto-Dominion prête $50,000 à Mme Angle le 27 décembre 1967. La somme provenant de cet emprunt fut déposée au crédit de Transworld mais, comme l’argent avait été cédé à la banque en garantie du prêt, Transworld ne pouvait pas le retirer avant que le prêt soit remboursé. Au mois de février 1968, M. Angle donna à Mme Angle un chèque de $50,000 tiré sur le compte de Transworld et signé par lui à titre de représentant de la compagnie, et Mme Angle remboursa le prêt bancaire au moyen de ce chèque. Le juge a conclu à bon droit que cet artifice ne constituait pas un paiement du coût de la piscine.

(iii) Le juge a rejeté la présention de Mme Angle selon laquelle aucun bénéfice ne devait être dévolu à cette dernière avant l’expiration du bail, décidant que le bénéfice lui avait été dévolu non pas du fait d’une cession ou trans-

[Page 253]

port par le locataire, mais du fait de sa qualité de propriétaire de la tenure libre du bien-fonds sur lequel le bâtiment avait été érigé. Le juge a rejeté l’appel et confirmé la cotisation sauf à l’égard des meubles et des accessoires fixes.

Quelque temps après les procédures en Cour de l’Échiquier, le ministre du Revenu national a tenté de percevoir d’une compagnie, Kansas City Traders Ltd., des arriérés de taxes s’élevant à $40,266.71, et il a obtenu un bref de saisie «extent» ordonnant au shériff du comté de Vancouver d’évaluer et de saisir les biens de cette compagnie-là pour le montant des arriérés. La possibilité de percevoir le montant directement de Kansas City Traders s’avérant mince, le Ministre a obtenu ex parte une ordonnance prévoyant l’émission d’un bref de saisie «extent» au second degré contre Transworld pour le montant de $40,266.71, Transworld étant débitrice de Kansas City Traders; un bref de troisième degré contre Mme Angle pour le montant de $34,612.33, sur allégation que cette dernière était débitrice de Transworld pour cette somme; un bref de saisie «extent» au quatrième degré contre M. et Mme Adolf Franz Bauer, qui en 1968 avaient acheté de Mme Angle la propriété de Stevens Drive; et un bref de saisie «extent» au cinquième degré contre l’étude d’avocats qui avait représenté Mme Angle lors de la vente de la propriété. Devant le Juge suppléant Sheppard on présenta une requête en vue de faire annuler les brefs émis contre Mme Angle, contre M. et Mme Bauer et contre l’étude d’avocats. Les brefs émis contre M. et Mme Bauer et contre l’étude d’avocats furent annulés mais le bref émis contre Mme Angle fut maintenu en vigueur. Un appel est maintenant interjeté devant cette Cour au nom de Mme Angle, le motif principal étant que le jugement de la Cour de l’Échiquier donne à la question de l’existence d’une dette dont serait redevable Mme Angle envers Transworld, le caractère de chose jugée.

Anciennement, la chose jugée en tant que fin de non-recevoir (estoppel) était appelée estoppel by record, c’est-à-dire, une fin de non-recevoir de par l’effet des registres et procès‑verbaux d’une cour d’archives, mais maintenant on

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emploie le plus souvent l’expression générique estoppel per rem judicatam. Cette forme de fin de non-recevoir, comme le Lord Juge Diplock l’a dit dans l’arrêt Thoday v. Thoday[2], est de deux sortes. Le premier, soit le «cause of action estoppel», empêche une personne d’intenter une action contre une autre lorsque la même cause d’action a déjà été décidée dans des procédures antérieures par un tribunal compétent. En l’espèce, nous n’avons pas à nous préoccuper du cause of action estoppel puisque l’allégation du Ministre selon laquelle Mme Angle doit la somme de $34,612.33 à Transworld, n’est évidemment pas la cause d’action dont la Cour de l’Échiquier a été saisie dans les procédures relatives à l’al. c) du par. (1) de l’art. 8. La deuxième sorte d’estoppel per rem judicatam est connue sous le nom d’issue estoppel, expression qui a été créée par le Juge Higgins de la Haute Cour d’Australie dans l’arrêt Hoysted v. Federal Commissioner of Taxation[3], à la p. 561:

[TRADUCTION] Je reconnais pleinement la distinction entre le principe de l’autorité de la chose jugée applicable lorsqu’une demande est intentée pour la même cause d’action que celle qui a fait l’objet d’un jugement antérieur, et cette théorie de la fin de non‑recevoir qu’on applique lorsqu’il arrive que la cause d’action est différente mais que des points ou questions de fait on déjà été décidés (laquelle je puis appeler théorie de l’«issue-estoppel»).

Lord Guest, dans l’arrêt Carl Zeiss Stiftung c. Rayner & Keeler Ltd. (No. 2)[4], à la p. 935, définit les conditions de l’«issue estoppel» comme exigeant:

[TRADUCTION] …(1) que la même question ait été décidée; (2) que la décision judiciaire invoquée comme créant la fin de non-recevoir soit finale; et, (3) que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la fin de non-recevoir est soulevée, ou leurs ayants droit…

Est-ce que la question à être décidée en l’espèce, c’est-à-dire l’existence d’une dette de Mme Angle envers Transworld Explorations Limited, est la même que celle que l’on a débattue dans

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l’affaire antérieure? Si elle ne Test pas, il n’y a pas de fin de non-recevoir. Il ne suffira pas que la question ait été soulevée de façon annexe ou incidente dans l’affaire antérieure ou qu’elle doive être inférée du jugement par raisonnement. Cela ressort clairement des termes employés par le Juge en chef De Grey dans l’arrêt Duchess of Kingston’s[5], cités par Lord Selborne dans Reg. v. Hutchings[6], à la p. 304, et par Lord Radcliffe dans Society of Medical Officers of Health v. Hope[7]. La question qui est censée donner lieu à la fin de non-recevoir doit avoir été «fondamentale à la décision à laquelle on est arrivé» dans l’affaire antérieure: d’après Lord Shaw dans l’arrêt Hoystead v. Commissioner of Taxation[8]. Les auteurs de l’ouvrage Spencer Bower and Turner, Doctrine of Res Judicata, 2e éd. pp. 181, 182, cité par M. le Juge Megarry dans l’arrêt Spens v. I.R.C.[9], à la p. 301, décrivent dans les termes suivants la nature de l’examen auquel on doit procéder:

[TRADUCTION] …si la décision sur laquelle on cherche à fonder la fin de non-recevoir a été «si fondamentale» à la décision rendue sur le fond même du litige que celle-ci ne peut valoir sans celle-là. Rien de moins ne suffira.

La prétention en l’espèce suivant laquelle Mme Angle doit à Transworld la somme de $34,612.33 est fondée sur une déclaration sous serment de Mme Angle, durant son interrogatoire préalable dans l’affaire relative à l’impôt, aux termes de laquelle elle devait à Transworld un solde de $34,000, soit $50,000 moins un crédit pour des actions qu’elle avait transférées à Transworld. Le bilan de Transworld au 31 janvier 1969 confirme son témoignage. Y figure un montant de $34,612.33, avec l’inscription «Dû par un actionnaire».

A mon avis la question à être décidée en l’espèce n’est pas la même que celle qui a été décidée dans l’affaire antérieure. Dans l’affaire antérieure, la question principale était celle du montant de la cotisation d’impôt de Mme Angle,

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et pour décider cette question-là il était nécessaire d’examiner plusieurs questions subsidiaires qu’avait soulevées Mme Angle à l’appui de son appel. J’ai cité l’énoncé que le juge a fait de ces questions, qui étaient en somme (i) que le pavillon de bains avait été reçu à titre de bailleur et non d’actionnaire ou (ii), subsidiairement, qu’elle avait payé le pavillon au moyen d’un prêt bancaire de $50,000. Une allégation suivant laquelle elle était encore endettée à l’égard du pavillon aurait été impossible à réconcilier avec sa prétention selon laquelle elle avait payé pour ce pavillon.

Il n’était pas juridiquement indispensable, pour rendre jugement sur l’appel concernant l’impôt, ni même nécessaire, pour étayer ce jugement, d’en arriver à la conclusion que Mme Angle n’était pas débitrice de Transworld. Une cotisation d’impôt à l’égard d’un bénéfice ou d’un avantage reçu n’est pas incompatible avec une obligation de payer pour ce bénéfice ou avantage lorsque, par exemple, il n’existe pas d’intention apparente d’honorer l’obligation. Une décision qu’un bénéfice imposable a été reçu peut, dans un cas approprié, coexister avec une obligation alléguée de payer pour ce bénéfice. Voir Curlett c. Le ministre du Revenu national[10], arrêt confirmé par cette Cour; et R. c. Poynton[11]. En l’espèce, le ministre réclame de Mme Angle qu’elle paie le montant de sa dette envers Transworld. Si Transworld ou ses actionnaires poursuivaient Mme Angle pour recouvrer le montant des fonds de la compagnie dépensés pour la construction du pavillon de bains, les procédures mues en Cour d’Échiquier relativement à l’al. c) du par. (1) de l’art. 8 ne pourraient donner de moyen de défense à Mme Angle. Il est vrai que l’un des baux incluait une clause par laquelle Transworld était censée céder à Mme Angle tous ses droits dans les améliorations pour la somme de $49,768.51, et que lorsque le bail a été infirmé cette clause a connu le même sort. Mais cela n’était pas une conclusion que Mme Angle n’avait pas de dette envers Transworld, et n’était pas l’équivalent d’une telle con-

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clusion. Transworld n’était pas partie aux procédures et la Cour de l’Échiquier n’avait pas compétence pour en arriver à une conclusion semblable.

Dès 1893, Lord Hobhouse, dans une décision du Conseil Privé rendue dans l’affaire Attorney General for Trinidad and Tobago v. Eriché[12], disait, à la p. 522:

[TRADUCTION] Il n’est guère nécessaire de se reporter longuement aux précédents pour reconnaître ce principe élémentaire selon lequel, pour établir le moyen de chose jugée, le jugement sur lequel on se fonde doit avoir été rendu par un tribunal ayant compétence simultanée ou exclusive directement sur le point. Dans l’arrêt Duchess of Kingston, Sm. L.C. vol. ii. p. 642, auquel on se réfère constamment pour énoncer le droit à ce sujet, on pose le principe que pour établir le moyen de chose jugée le tribunal dont le jugement est invoqué doit avoir eu compétence et avoir rendu jugement directement sur la question en litige; mais si la question est venue en cause de façon annexe dans le premier tribunal, ou si celui-ci ne pouvait en connaître que de façon incidente, ou si on devait simplement l’inférer du jugement par raisonnement, le jugement n’est pas concluant.

La question n’étant pas eadem questio, je suis d’avis qu’en l’espèce il n’y a pas lieu d’appliquer le principe de l’issue estoppel.

Deux questions annexes ont été soulevées au nom de Mme Angle. Premièrement, on dit que lors de la demande ex parte pour la délivrance des brefs de saisie «extent» il n’y avait pas de preuve sur l’origine de la dette de Transworld envers Kansas City Traders Ltd., ou que si dette il y avait il n’y avait pas de preuve que la dette était échue. Devant les cours d’instance inférieure, on ne s’est aucunement opposé aux brefs de saisie «extent» émis contre Kansas City Traders Ltd. ou contre Transworld. Transworld n’a pas attaqué le bref de saisie «extent» émis contre elle et il n’appartient pas à Mme Angle de le faire à ce stade-ci. Deuxièment, on dit, même si Mme Angle était débitrice de Transworld, il n’y avait aucune preuve selon laquelle

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elle l’était encore après le 31 janvier 1969, et plus particulièrement lors de la demande d’émission de brefs de saisie «extent» faite le 30 octobre 1970. Lors de son interrogatoire préalable, le 6 octobre 1969, Mme Angle a déclaré avoir une dette envers Transworld. Les livres de comptes, dossiers et registres de Transworld ont été transportés hors du pays par Mme Angle et son époux lorsqu’ils ont, en 1968, laissé le Canada pour aller demeurer à Las Vegas, Nevada, et Mme Angle a depuis refusé de produire ces livres, dossiers et registres. Il n’est pas allégué qu’elle aurait, depuis le 6 octobre 1969, payé à Transworld le montant de sa dette envers la compagnie, et il n’y a pas de preuve qui le donne à penser. Il existe une déclaration écrite faite sous serment par un comptable agréé de Las Vegas qui affirme que le jugement de la Cour de l’Échiquier a supprimé le caractère de dette ou d’emprunt de l’obligation afférente au montant de $34,612.33, de même qu’une déclaration écrite similaire faite sous serment par un avocat de Vancouver, mais comme je l’ai mentionné je suis d’avis que le jugement de la Cour de l’Échiquier n’a pas eu d’effet semblable.

Je suis d’avis, par conséquent, de rejeter l’appel avec dépens.

Le jugement des Juges Spence et Laskin a été rendu par

LE JUGE LASKIN (dissident) — Cet appel concerne le droit d’émettre un bref de saisie «extent» de troisième degré délivré contre l’appelante à la demande du Ministre intimé. Lors de la requête en annulation du bref, on a contesté la suffisance des documents sur lesquels la demande faite ex parte pour l’émission du bref avait été faite. En plus, on a prétendu que le fondement de base pour l’émission du bref, soit un montant allégué être dû au débiteur du deuxième degré qui lui-même était débiteur du débiteur du premier degré de qui le Ministre réclamait le paiement d’impôts impayés, ne pouvait pas être invoqué par le Ministre, vu l’empêchement découlant de la chose jugée. Je suis d’avis que le principe qui peut le mieux justifier un empêchement en l’espèce est celui de l’issue estoppel (fin de non-recevoir à la remise en

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cause d’une question déjà décidée), et que sur ce moyen l’appelante a le droit d’avoir gain de cause. Je considère qu’il ne m’est donc pas nécessaire de traiter de l’insuffisance alléguée des documents justificatifs fournis en vue de l’émission du bref de saisie «extent» contre l’appelante.

Le 3 octobre 1968, un bref de saisie «extent» a été délivré contre Kansas City Traders Ltd. afin de percevoir sur ses biens la somme de $103,395.93 pour des impôts impayés. En octobre 1970, le montant de sa dette était tombé à $40,266.71.’Le 30 octobre 1970, le Ministre a obtenu la délivrance de brefs de saisie «extent» aux deuxième, troisième, quatrième et cinquième degrés contre, respectivement, Trans-world Exploration Ltd., au montant de $40,266.71, en tant que débitrice envers Kansas City de la somme de $44,707.70; l’appelante, au montant de $34,612.33, censé être le montant d’une dette de celle-ci envers Transworld; et une étude d’avocats autrefois mandataire de l’appelante et devenue cessionnaire du contrat de vente de sa maison ainsi que les acheteurs de la maison en vertu de ce contrat, également au montant de $34,612.33. Une requête en annulation des brefs de saisie «extent» aux troisième, quatrième et cinquième degrés a été accueillie à l’égard de l’étude d’avocats et des acheteurs de la maison mais elle a été rejetée à l’égard de l’appelante.

La demande ex parte en vue de l’émission de ces brefs de saisie «extent» et la requête visant à les faire annuler ont été entendues par M. le Juge suppléant Sheppard de la Cour de l’Échiquier. Il avait aussi présidé l’audition d’un appel de l’appelante à l’encontre d’une cotisation d’impôt ajoutant au revenu imposable de l’appelante, pour les années 1966 et 1967, la valeur d’un «bénéfice», soit un pavillon de bains construit à l’arrière de sa résidence par Transworld. A cette époque-là, l’appelante était le principal actionnaire et la présidente de Transworld; et, en dépit de sa prétention principale selon laquelle elle était débitrice de Transworld pour le coût du pavillon de bains, elle n’avait pu convaincre M. le Juge Sheppard que le Ministre avait eu tort de

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l’inclure comme bénéfice dans le calcul de son impôt en vertu de ce qui était alors l’al. c) du par. (1) de l’art. 8 de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifiée. Le jugement rendu contre l’appelante l’a été dans des motifs déposés le 17 novembre 1969, longtemps avant la demande faite en vue de l’émission d’un bref de saisie «extent» contre elle: voir Angle v. Minister of National Revenue[13]. C’est de ce jugement que découle l’issue estoppel.

Lors de la requête en annulation des brefs de saisie “extent”, M. le Juge Sheppard a refusé de considérer les motifs du jugement qu’il avait rendu dans l’appel que l’appelante avait interjeté contre le fisc, et il s’est exprimé sur ce point de la façon suivante:

La preuve des motifs du jugement n’a pas été faite et il n’a pas été prouvé que le bénéfice ou l’avantage prétendu visé par ces motifs constitue la dette prétendue de Mme Angle envers la Transworld. Au nom de Mme Angle, on a soutenu que le juge saisi de la requête étant celui-là même qui avait rendu le jugement… il s’ensuivait que connaissance judiciaire pouvait être prise de son jugement. Le jugement n’est pas un fait dont il peut être pris connaissance judiciaire.

Il est des occasions où l’insistance sur des exigences exagérées de procédure (particulièrement lorsque la Couronne ou un ministre de la Couronne en sa qualité officielle est concerné) fait ajouter foi à la remontrance bien connue de M. Bumble dans l’Oliver Twist de Dicken’s. En cette Cour, autorisation a été accordée aux avocats de se référer aux motifs du jugement rendu dans l’affaire d’impôt et, cela ayant été fait, les avocats représentant l’appelante et le Ministre ont convenu de reconnaître ce qui était évident, soit, que le pavillon de bains qui avait constitué le «bénéfice» était aussi le fondement de la dette qu’on allègue être due par l’appelante à Transworld. Par conséquent, je passe à ce qui a été décidé dans l’appel interjeté en matière d’impôt et à la raison pour laquelle cela donne ouverture à l’issue estoppel en l’espèce.

En ajoutant $51,482.26 au revenu de l’appelante pour l’année 1966 et un autre montant de

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$4,912.94 pour 1967, à titre de bénéfices résultant de la construction du pavillon de bains par Transworld, le Ministre s’était fondé sur l’al. c) du par. (1) de l’art. 8. Sa position fut maintenue par M. le Juge Sheppard, sauf pour le retranchement d’une somme de $4,151.62 de la nouvelle cotisation supplémentaire afférente à l’année 1966, représentant la valeur de certains meubles et accessoires fixes. Il convient de reproduire les par. (1) et (2) de l’art. 8 au complet, ces dispositions se lisant comme suit:

8. (1) Lorsque, dans une année d’imposition,

a) un paiement a été fait par une corporation à un actionnaire autrement qu’en vertu d’une opération commerciale authentique,

b) des fonds ou biens d’une corporation ont été affectés de quelque manière que ce soit à un actionnaire ou à son avantage, ou

c) un bénéfice ou un avantage a été attribué à un actionnaire par une corporation, autrement

(i) Qu’à l’occasion de la réduction de capital, du rachat d’actions, ou de la liquidation, cessation ou réorganisation de son entreprise,

(ii) qu’en payant un dividende sous forme d’actions, ou

(iii) qu’en conférant à tous les détenteurs d’actions ordinaires du capital de la corporation un droit d’y acheter des actions ordinaires additionnelles,

le montant ou valeur en l’espèce est inclus dans le calcul du revenu de l’actionnaire pour l’année.

8. (2) Lorsque, dans une année d’imposition, une corporation a consenti un prêt à un actionnaire, le montant de ce prêt est censé avoir été reçu par l’actionnaire à titre de dividende au cours de l’année, à moins que

a) le prêt n’ait été consenti

(i) dans le cours ordinaire de ses affaires et que les affaires ordinaires ne comprennent le prêt d’argent,

(ii) à un fonctionnaire ou préposé de la corporation pour lui permettre ou lui faciliter l’achat ou la construction d’une maison d’habitation qu’il occupera lui‑même,

(iii) à un fonctionnaire ou préposé de la corporation pour lui permettre ou lui faciliter l’achat, de la corporation, d’actions libérées de celle-ci qu’il détiendra pour son propre bénéfice, ou

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(iv) à un fonctionnaire ou préposé de la corporation pour lui permettre ou lui faciliter l’achat d’une automobile dont il se servira dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

et que des arrangements de bonne foi n’aient été conclus, lorsque le prêt a été consenti en vue de son remboursement dans un délai raisonnable, ou

b) le prêt n’ait été remboursé dans l’année à compter de la fin de l’année d’imposition de la corporation au cours de laquelle il avait été consenti et qu’il ne soit établi par les événements subséquents ou d’autre façon que le remboursement n’a pas été fait comme partie d’une série de prêts et de remboursements.

L’appelante avait contesté la nouvelle cotisation de son impôt pour le motif qu’elle n’avait pas obtenu le pavillon de bains à titre d’actionnaire, mais à titre de bailleur, qu’elle était réellement débitrice envers Transworld pour le coût de ce pavillon et que s’il y avait eu quelque bénéfice, celui-ci avait été reçu à l’expiration d’un bail en 1968. Aucune de ces prétentions ne fut prouvée comme fondée et l’avocat de l’appelante nous dit qu’on peut prendre pour acquis que Mme Angle ne s’attend pas à devoir payer pour le pavillon de bains. Même si sa tentative d’évasion fiscale au moyen d’un plan de location fut exposée au grand jour comme étant une simulation, cela ne rend pas sans fondement la prétention qu’elle avance en l’espèce présente. C’est le Ministre et non Mme Angle qui adopte une position incompatible à la lumière de ce qui a été décidé dans l’appel interjeté en matière d’impôt.

L’appelante et le Ministre se trouvent à avoir été parties tant à l’appel en matière d’impôt qu’aux procédures en l’espèce, dans lesquelles l’appelante a été plongée par le Ministre au moyen d’un bref de saisie «extent», bien qu’elles aient pris naissance dans une réclamation d’impôt contre une tierce personne. A cause de la différence qui existe entre les deux instances, ce n’est pas la chose jugée dans le sens d’une identité de causes d’action (cause of action sensé) que l’appelante peut invoquer ici. C’est sur l’issue estoppel qu’elle doit s’appuyer et, en tant que principe, celui-ci n’est quelque chose

[Page 263]

de nouveau ni en cette Cour ni dans les cours de ressorts apparentés avec le nôtre comme le Royaume Uni, l’Australie et les États-Unis: voir Carl-Zeiss Stiftung v. Rayner and Keeler Ltd. (no. 2)[14]; Thoday v. Thoday[15], à la p. 197; Blair v. Curran[16]; Note, Collateral Estoppel by Judgment, (1952), 52 Col. L. Rev. 647.

Ce qui a été décidé dans l’appel en matière d’impôt, Angle c. Ministre du Revenu national, précité, n’est pas un mystère. Un bail qu’on aurait consenti à Transworld sur la propriété résidentielle de l’appelante (pavillon de bains compris) et, à cet égard, un prêt relatif à un abandon par Transworld de ses droits dans le pavillon contre une somme d’environ $50,000, ont tous deux été déclarés inefficaces. Le prêt relié à la location était une opération en circuit fermé dont le résultat était que Transworld remboursait le prêt à elle-même; et par souci d’abondance M. le Juge Sheppard a statué qu’il ne pouvait y avoir d’obligation de l’appelante de payer les 50,000 dollars s étant donné que cette obligation était subordonnée à la cession par Transworld de ses droits dans le pavillon et que Transworld n’en avait pas parce que le droit de propriété afférent au pavillon se trouvait déjà dévolu à l’appelante en sa qualité de propriétaire de la tenure libre. Ainsi, la valeur du pavillon de bains a été déclarée imposable à titre de «bénéfice» en vertu de l’al. c) du par. (1) de l’art. 8.

Sur quoi le Ministre se fonde-t-il alors pour prétendre qu’une dette de $34,612.33 est due par l’appelante à Transworld pour le pavillon de bains? Cette somme représente le solde du coût total après déduction d’un crédit de $15,000 autorisé comme valeur d’un certain nombre d’actions d’une autre compagnie, transférées par l’appelante à Transworld. Cependant, l’appelante, qui dans l’appel en matière d’impôt s’est vue cotisée comme bénéficiaire pour la valeur du pavillon de bains, s’est aussi dans la même instance vue cotisée pour un profit de $12,750 sur le transfert de ces actions. Le bilan de Transworld au 31 janvier 1969 indique qu’un

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montant de $34,612.33 est dû par l’appelante, et il s’y trouve une note que [TRADUCTION] «[ceci] représente un solde débiteur forcé de la part du bureau de district de l’impôt de Vancouver, qui a entiercé le comptant provenant de la vente de la maison [de l’appelante]…». Malgré que M. le Juge Sheppard ait considéré que la valeur du pavillon de bains dans l’appel en matière d’impôt était un bénéfice selon l’al. c) du par. (1) de l’art. 8, le Ministre dit maintenant qu’il peut toujours prétendre que la somme de $34,612.33 est une dette parce que (1) l’appelante a reconnu qu’il s’agissait d’une dette lors de son interrogatoire préalable dans l’appel en matière d’impôt; et (2) que la somme est toujours due pour ce qui concerne l’appelante et Transworld; et (3) que, de toute façon, la valeur du pavillon de bains peut être en même temps un bénéfice et une dette ou un emprunt.

L’assertion de l’appelante lors de son interrogatoire préalable, selon laquelle le coût de construtction du pavillon de bains était une dette due par elle à Transworld, était un élément de la cause qu’elle soutenait contre la nouvelle cotisation du Ministre fondée sur l’al. c) du par. (1) de l’art. 8. M. le Juge Sheppard a rejeté cette interprétation de l’opération relative au pavillon et il a confirmé la position soutenue par le Ministre. Le fait, pour le Ministre, d’insister maintenant sur l’existence et la validité de la dette, comme si l’assertion faite lors de l’interrogatoire au préalable était une affirmation désincarnée, constitue une réprobation et une approbation inacceptables. Sa position n’est pas plus défendable lorsqu’il allègue qu’il existe une dette échue pour ce qui concerne l’appelante et Transworld et qu’il a le droit de se fonder sur ce fait-là pour obtenir délivrance du bref de saisie «extent» nonobstant la décision rendue par M. le Juge Sheppard dans l’appel interjeté en matière d’impôt. J’entends traiter de cette prétention à la lumière des précédents et des principes relatifs à l’issue estoppel.

La position du Ministre en droit est fondée sur la chose jugée dans son sens traditionnel d’identité de causes d’action. En matière fiscale, il s’agit d’une position qui a rejeté le moyen de

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chose jugée comme moyen de défense à rencontre d’une cotisation fiscale pour une année particulière bien que le contribuable eût contesté la cotisation d’une année précédente avec succès en se fondant sur des raisons identiques: voir Caffoor v. Income Tax Commissioner[17]. Longtemps avant cet arrêt, la Haute Cour d’Australie avait reconnu qu’il peut y avoir issue estoppel lorsqu’il n’y a pas ouverture à la chose jugée dans son sens d’identité de causes d’action ou d’objets: voir Hoysted (ou Hoystead) v. Commissioner of Taxation[18]. Les opinions majoritaire et dissidente avaient toutes deux reconnu la distinction, et le Conseil privé, en infirmant le jugement de la majorité, ne l’a pas désavouée: voir [1926] A.C. 155. En effet, le Comité judiciaire a expressément approuvé les motifs dissidents du Juge Higgins qui avait décidé que les commissaires à la taxation étaient non recevables en raison d’un jugement antérieur de la Haute Cour d’Australie entre les mêmes parties relatif à une cotisation antérieure, un jugement qui, selon le Conseil privé (à la p. 171) [TRADUCTION] «n’était pas simplement incident ou annexe à la question en litige, mais lui était fondamental.» Cependant, le Conseil privé, vers la même époque, mais constitué différemment quant au Comité dans son ensemble, a adopté l’approche de la chose jugée dans son sens d’identité d’objets dans l’arrêt Broken Hill Proprietary Co. Ltd. v. Broken Hill Municipal Council[19]; et c’est cette décision, et une décision subséquente de la Chambre des Lords, Society of Medical Officers of Healt v. Hope[20], que le Conseil privé a suivie dans l’arrêt Caffoor.

Il a reconnu que l’arrêt Hoystead n’était pas conforme aux précédents retenus dans Caffoor et il a donné comme explication qu’on n’avait pas plaidé l’affaire Hoystead sur le principe de l’arrêt Broken Hill, à savoir, que la décision rendue à l’égard d’une cotisation pour une année quelconque ne peut pas constituer une fin de

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non-recevoir à rencontre d’une cotisation pour une autre année. Plutôt, selon Lord Radcliffe, qui, à la p. 601 de l’arrêt Caffoor, se référait à l’affaire Hoystead:

[TRADUCTION] …l’attention du Comité s’était portée entièrement sur l’examen de ce qui est une question bien différente relativement à la fin de non-recevoir (estoppel), celle de savoir si en droit il peut y avoir estoppel per rem judicatam quant à une question de droit qui, bien que fondamentale à la question en litige, a été concédée et non débattue dans une procédure antérieure.

Supposant, tel qu’indiqué dans Caffoor, que les principes appliqués aux affaires de cotisation d’impôt [TRADUCTION] «constituent un secteur quelque peu anormal du droit général relatif à I’estoppel per rem judicatam, et ne peuvent facilement tirer origine des autres secteurs du contentieux dans lesquels on doit tenir compte de semblables estoppels, ou y être transposés» (voir [1961] A.C. aux pp. 599-600), l’espèce présente ne met pas en cause des cotisations d’impôt successives contre l’appelante et par conséquent ne peut reposer sur l’anomalie dont il est question. De plus, dans la mesure où la jurisprudence anglaise est concernée, il me semble que ce qui a été dit sur l’issue estoppel dans l’arrêt Carl Zeiss Stiftung v. Rayner and Keeler Ltd. (no 2)[21], rend improbable qu’une règle anormale quelconque, comme celle sur laquelle l’arrêt Caffoor a semblé être fondé, puisse garder quelque valeur à l’avenir. De toute façon, je rejetterais l’introduction de semblable anomalie dans le droit canadien.

Je ne puis m’empêcher d’observer qu’aucun des membres juristes de la Chambre des lords dans l’affaire Carl Zeiss n’a pris en considération soit Caffoor soit Broken Hill, et que seul Lord Reid a mentionné Hoystead et là seulement sur le point de savoir si l’issue estoppel s’applique autant à un point postulé ou concédé qu’à un point qui a été débattu à fond. En l’espèce présente, il y avait eu débat complet, jusqu’à décision finale, sur la question en litige, et qualification de la valeur du pavillon de bains, et, par conséquent, le point douteux qui découle de ce qui a été dit dans l’arrêt Hoystead en matière d’issue estoppel ne surgit pas ici.

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Le fondement de l’issue estoppel aussi bien que du cause of action estoppel a reçu diverses explications; par exemple, qu’il est [TRADUCTION] «fondé sur des considérations de justice et de bon sens» (voir New Brunswick Railway Co. v. British and French Trust Corp. Ltd[22]., à la p. 19); qu’il est [TRADUCTION] «fondé sur les principes jumeaux si fréquemment exprimés en latin selon lesquels tout litige doit avoir une fin et la justice exige que la même partie ne soit pas harassée deux fois pour la même cause» (affaire Carl Zeiss, d’après Lord Upjohn, p. 946, d’après Lord Guest, p. 933); qu’il est fondé sur [TRADUCTION] «l’intérêt général de la collectivité à ce que les différends prennent fin, et à ce que les décisions judiciaires aient un caractère final et concluant, et… sur le droit de l’individu à être protégé d’une multiplicité vexatoire de demandes et de poursuites…» (Spencer-Bower et Turner, Res Judicata, (2ème éd. 1969), p. 10). Bien que, comme le disait Lord Reid dans l’arrêt Carl Zeiss, à la p. 913, [TRADUCTION] «issue estoppel puisse être une expression relativement nouvelle» (et soit aussi connue, en particulier dans les décisions et auteurs américains, sous le nom de collateral estoppel» (fin de non-recevoir annexe) ou encore de «issue preclusion» (empêchement à question)), en tant que principe l’issue estoppel remonte à presque deux cents ans en arrière dans le droit jurisprudentiel anglais, jusqu’à l’arrêt Duchess of Kingston’s[23]. Il a été également reconnu dans le droit jurisprudentiel canadien, comme le démontre l’énoncé suivant du Juge d’appel Middleton dans l’arrêt McIntosh v. Parent[24], à la p. 555:

[TRADUCTION] Lorsqu’une question est soumise à un tribunal le jugement de la cour devient une décision finale entre les parties et leurs ayants droit. Les droits, questions ou faits distinctement mis en cause et directement réglés par un tribunal compétent comme motifs de recouvrement ou comme réponses à une prétention qu’on met de l’avant, ne peuvent être jugés de nouveau dans une poursuite subséquente

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entre les mêmes parties ou leurs ayants droit, même si la cause d’action est différente. Le droit, la question ou le fait, une fois qu’on a statué à son égard, doit être considéré entre les parties comme établi de façon concluante aussi longtemps que le jugement demeure…

L’issue estoppel a été reconnu en ce pays et en cette Cour dans les affaires criminelles (voir, par exemple, Wright, McDermott et Feely c. La Reine[25]), et ne s’applique pas moins en matière civile. L’application de ce principe n’est pas non plus atteinte parce qu’il est invoqué à l’encontre d’un ministre de la Couronne: voir Fonseca c. Procureur général du Canada[26], à la p. 619. Je ne vois aucune raison d’introduire des anomalies ou des exceptions à son application générale si les faits permettent de l’invoquer. Ici, la question qui reste à décider est de savoir si les faits tels qu’ils existent entre l’appelante et le Ministre font entrer en jeu l’issue estoppel.

La prétention du Ministre que la transaction relative au pavillon de bains peut être à la fois un bénéfice et un emprunt ou une dette en même temps ne tient pas compte du fondement sur lequel il a voulu et obtenu la nouvelle cotisation qu’il recherchait à l’égard de l’appelante. Il y a ici deux points reliés qui appellent des commentaires. D’abord, le Ministre a fondé sa réclamation contre l’appelante sur l’al. c) du par. (1) de l’art. 8 et non pas sur les al. a) ou b) du par. (1) ou sur le par. (2), même article. Toute évocation d’un prêt, résultant des dispositions prises pour que la banque émette en faveur de Transworld un crédit qui en définitive a été remboursé par un chèque de Transworld (laissant Transworld et l’appelante dans la situation où elles étaient auparavant), a été repoussée par M. le Juge Sheppard comme subordonnée à un bail qui ne pouvait efficacement lui servir de fondement. Un expédient qui a failli comme moyen de défense à l’encontre d’une nouvelle cotisation, et qui est donc réglé par une décision judiciaire finale, ne peut, à mon avis, être par la suite réactivé entre les mêmes parties de façon à fournir une base différente sur laquelle tenter de capturer la même somme une seconde fois. On

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pouvait alléguer qu’il y avait eu attribution à l’appelante par Transworld de «fonds ou biens» selon l’al. b) du par. (1) de l’art. 8 ou d’ «un bénéfice ou d’un avantage» selon l’al. c) du par. (1) de l’art. 8, et le Ministre a choisi de procéder en vertu de l’al. c). La logique de sa position actuelle l’autoriserait également à prétendre qu’il existe en vertu de l’al. b) du par. (1) de l’art. 8 une dette qui pourrait faire l’objet d’un bref de saisie «extent». Si le Ministre avait eu gain de cause en procédant en vertu du par. (2) de l’art. 8 dans l’appel en matière d’impôt, cela aurait été sur la base de l’existence d’un prêt qui n’était visé par aucune des exceptions à l’imposition. Cela, cependant, n’est pas la façon dont le Ministre a choisi de qualifier la valeur du pavillon de bains, et, de toute évidence, d’après les faits, il n’y avait pas de fondement sur lequel prétendre qu’il y avait eu un prêt, donnant lieu sous cet aspect à une dette.

Même dans l’hypothèse que, pour ce qui concernait Transworld et l’appelante, une dette soit intervenue à l’époque, je ne pense pas que le Ministre puisse invoquer cela contre l’appelante en l’espèce présente. Il y a au dossier de la présente affaire deux déclarations sous serment, souscrites l’une par un comptable agréé et l’autre par un avocat, qui déclarent et expliquent pourquoi la somme de $35,612.33 a été radiée comme créance à compter du 31 janvier 1970. Il est sans conséquence de se demander si ces déclarations sous serment, qui n’ont fait l’objet d’aucun contre-interrogatoire, doivent être acceptées telles quelles. Au pire, elles soulignent la position qu’a prise le Ministre contre l’appelante dans l’appel interjeté en matière d’impôt. Lorsque l’issue estoppel est en cause, je ne crois pas que l’on puisse invoquer le droit d’un tiers. De plus, le faire en l’espèce équivaudrait à s’appuyer, sous une autre forme, sur la même conception rejetée de l’opération que le Ministre a mise de l’avant relativement à l’aveu fait par l’appelante lors de l’interrogatoire préalable qu’elle a subi dans l’appel interjeté en matière d’impôt. La question en litige est une question qui concerne les parties ou leurs ayants droit, ce qui veut dire ici le Ministre et l’appelante seulement.

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Par conséquent, j’accueillerais l’appel et modifierais l’ordonnance de M. le Juge Sheppard en ordonnant que le bref de saisie «extent» au troisième degré contre l’appelante soit annulé. L’appelante a droit à ses dépens en cette Cour et aussi en Cour de l’Échiquier à l’égard du bref de saisie «extent» émis contre elle.

Appel rejeté avec dépens, les Juges SPENCE et LASKIN étant dissidents.

Procureur de l’appelante: C.C. Sturrock, Vancouver.

Procureur de l’intimé: N.D. Mullins, Vancouver.

[1] [1969] C.T.C. 624.

[2] [1964] P. 181.

[3] (1921), 29 C.L.R. 537.

[4] [1967] 1 A.C. 853.

[5] (1776), 20 St. Tr. 355, 538n.

[6] (1881), 6 Q.B.D. 300.

[7] [1960] A.C. 551.

[8] [1926] A.C. 155.

[9] [1970] 3 All. E.R. 295.

[10] [1961] R.C.É 427, conf. 62 D.T.C. 1320.

[11] [1972] 3 O.R. 727.

[12] [1893] A.C. 518.

[13] [1969] C.T.C. 624.

[14] [1967] 1 A.C. 853.

[15] [1964] P. 181.

[16] (1939), 62. C.L.R. 464.

[17] [1961] A.C. 584.

[18] (1921), 29 C.L.R. 537.

[19] [1926] A.C. 94.

[20] [1960] A.C. 551.

[21] [1967] 1 A.C. 853.

[22] [1939] A.C. 1.

[23] (1776), 20 St. Tr. 355.

[24] (1924), 55 D.L.R. 552.

[25] [1963] R.C.S. 539.

[26] (1889), 17 R.C.S. 612.


Synthèse
Référence neutre : [1975] 2 R.C.S. 248 ?
Date de la décision : 27/05/1974
Sens de l'arrêt : (les juges spence et laskin étant dissidents)

Analyses

Fin de non-recevoir - Bénéfice découlant de construction par une compagnie controlée - Cotisation - Prétendue dette de la contribuable envers la compagnie - Bref de saisie «in extent» contre la contribuable en tant que débitrice de la compagnie - Le principe de l’«issue estoppel» est-il applicable.

L’appelante, présidente et actionnaire contrôlant de Transworld Explorations Limited, a fait en sorte que cette compagnie construise à l’arrière de sa propriété un pavillon de bains avec mobilier et accessoires fixes. Six mois après que les fondations furent achevées, l’appelante a censément loué à la compagnie la totalité de sa propriété pour cinq ans, à un dollar par an. Une fois la construction terminée, elle lui a loué la propriété en vertu d’un second bail pour un an, à raison de $6,000 payable par versements mensuels de $500. Pour donner l’impression que le pavillon de bains avait été payé, le mari de l’appelante obtint de la banque qu’un prêt de $50,000 soit fait à l’appelante. Cette somme fut déposée au crédit de la compagnie qui ne pouvait la retirer avant que le prêt ne soit remboursé. Le mari donna ensuite à l’appelante un chèque tiré sur le compte de la compagnie et signé par lui à titre de représentant de la compagnie pour qu’elle puisse rembourser le prêt bancaire, ce qu’elle fit.

L’appelante fut cotisée en vertu de l’art. 8c) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, pour $52,243.58 pour bénéfices découlant de la construction du pavillon de bains ainsi que $5,995.82 pour mobilier et accessoires fixes. En appel la Cour de l’Échiquier a conclu que l’appelante avait reçu le pavillon à titre de propriétaire de la tenure libre, que le moyen employé par l’appelante ne constituait pas un paiement du pavillon, et elle a confirmé la cotisation sauf à l’égard des meubles et accessoires fixes.

Quelques temps après ces procédures, le ministre du Revenu national, afin de percevoir d’une autre compagnie des arriérés de taxes, a obtenu ex parte une ordonnance pour bref de saisi «extent» au second

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degré contre Transworld en tant que débitrice de l’autre compagnie; un bref de saisie «extent» au troisième degré fut aussi émis contre l’appelante en tant que débitrice de Transworld. D’autres brefs de saisie «extent» furent aussi émis, mais annulés à la suite d’une requête en annulation, alors que le bref émis contre l’appelante fut maintenu. Celle-ci en appelle de cette décision, pour le motif que le jugement de la Cour de l’Échiquier donne à la question de l’existence de la dette dont l’appelante serait redevable le caractère de chose jugée.

Arrêt: (les Juges Spence et Laskin étant dissidents): L’appel doit être rejeté.

Les Juges Martland, Judson et Dickson: Il y a une distinction entre le principe de l’autorité de la chose jugée applicable lorsqu’une demande est intentée pour la même cause d’action que celle qui a fait l’objet d’un jugement antérieur, et cette théorie de la fin de non‑recevoir qu’on applique lorsqu’il arrive que la cause d’action est différente mais que des points ou questions de fait ont déjà été décidés. Les conditions de l’issue estoppel exigent (1) que la même question ait été décidée; (2) que la décision judiciaire invoquée comme créant la fin de non-recevoir soit finale; et, (3) que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la fin de non‑recevoir est soulevée, ou leurs ayants droits. La décision sur laquelle on cherche à fonder la fin de non-recevoir doit avoir été si fondamentale à la décision rendue sur le fond même du litige que celle-ci ne peut valoir sans celle-là.

La question à être décidée en l’espèce, c’est l’existence d’une dette de Mme Angle envers Transworld alors que la question à être décidée dans l’affaire antérieure était celle du montant de la cotisation d’impôt de Mme Angle. La question n’étant pas eadem questio, il n’y a pas lieu d’appliquer le principe de l’issue estoppel.

La prétention suivant laquelle Mme Angle a une dette envers Transworld est fondée sur sa déclaration sous serment durant l’interrogatoire préalable dans l’affaire relative à l’impôt. Le bilan de Transworld au 31 janvier 1969 confirme son témoignage. D n’est pas allégué qu’elle aurait par la suite payé sa dette envers la compagnie, et il n’y a pas de preuve qui le donne à penser.

Les Juges Spence et Laskin, dissidents: Autorisation a été accordée aux avocats représentant les parties de se référer aux motifs du jugement rendu dans l’affaire d’impôt et ils ont reconnu que la pavil-

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lon de bains qui avait constitué le «bénéfice» était aussi le fondement de la dette qu’on allègue être due par l’appelante à Transworld. De plus l’appelante et le Ministre se trouvent à avoir été parties tant à l’appel en matière d’impôt qu’aux procédures en l’espèce, dans lesquelles l’appelante a été plongée par le Ministre au moyen d’un bref de saisie «extent» bien qu’elles aient pris naissance dans une réclamation d’impôt contre une tierce personne. A cause de la différence qui existe entre les deux instances, c’est sur l’issue estoppel que l’appelante doit s’appuyer.

L’issue estoppel, en tant que principe est reconnu dans le droit canadien. L’application de ce principe n’est pas atteinte parce qu’il est invoqué à rencontre d’un ministre de la Couronne. Il n’y a aucune raison d’introduire des anomalies ou des exceptions à son application générale si les faits permettent de l’invoquer.

La prétention du Ministre que la transaction relative au pavillon de bains peut être à la fois un bénéfice et un emprunt ou une dette en même temps ne tient pas compte du fondement sur lequel il a voulu et obtenu la nouvelle cotisation qu’il recherchait à l’égard de l’appelante, soit l’art. 8(1)c). Toute évocation d’un prêt, résultant des dispositions prises pour que la banque émette en faveur de Transworld un crédit qui en définitive a été remboursé par un chèque de Transworld (laissant Transworld et l’appelante dans la situation où elles étaient auparavant), a été repoussée par la Cour de l’Échiquier comme subordonnée à un bail qui ne pouvait efficacement lui servir de fondement. Un expédient qui a failli comme moyen de défense à l’encontre d’une nouvelle cotisation, et qui est donc réglé par une décision judiciaire finale ne peut être par la suite réactivé entre les mêmes parties de façon à fournir une base différente sur laquelle tenter de capturer la même somme une seconde fois.

[Arrêts mentionnés: Angle v. Minister of National Revenue, [1969] C.T.C.624; Thoday v. Thoday, [1964] P. 181; Hoysted v. Federal Commissioner of Taxation (1921), 29 C.L.R. 537, [1926] A.C. 155; Carl Zeiss Stiftung c. Rayner & Keeler Ltd. (No. 2), [1967] 1 A.C. 853; Duchess of Kingston’s Case (1776), 20 St. Tr. 355, 538n; R. v. Hutchings (1881), 6 Q.B.D. 300; Society of Medical Officers of Health v. Hope, [1960] A.C. 551; Spens v. I.R.C., [1970] 3 All. E.R. 295; Curlett c. Le ministre du Revenu national, [1961] R.C.É. 427, conf. 62 D.T.C. 1320; R. c. Poynton, [1972] 3 O.R. 727; Attorney General for Trinidad and Tobago v. Enriché, [1893] A.C. 518.]

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Parties
Demandeurs : Angle
Défendeurs : Ministre du Revenu National
Proposition de citation de la décision: Angle c. Ministre du Revenu National, [1975] 2 R.C.S. 248 (27 mai 1974)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-05-27;.1975..2.r.c.s..248 ?
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