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01/10/1974 | CANADA | N°[1975]_2_R.C.S._311

Canada | Veinot c. Kerr-Addison Mines Ltd., [1975] 2 R.C.S. 311 (1 octobre 1974)


Cour suprême du Canada

Veinot c. Kerr-Addison Mines Ltd., [1975] 2 R.C.S. 311

Date: 1974-10-01

Peter Veinot (Demandeur) Appelant;

et

Kerr-Addison Mines Limited (Défenderesse) Intimée.

1974: les 24 et 25 janvier; 1974: le 1er octobre.

Présents: Le Juge en chef Laskin et les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

Cour suprême du Canada

Veinot c. Kerr-Addison Mines Ltd., [1975] 2 R.C.S. 311

Date: 1974-10-01

Peter Veinot (Demandeur) Appelant;

et

Kerr-Addison Mines Limited (Défenderesse) Intimée.

1974: les 24 et 25 janvier; 1974: le 1er octobre.

Présents: Le Juge en chef Laskin et les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.


Synthèse
Référence neutre : [1975] 2 R.C.S. 311 ?
Date de la décision : 01/10/1974
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli avec dépens

Analyses

Négligence - Responsabilité d’occupant - Motoneige - Conducteur blessé - Danger dissimulé sur un chemin privé - Devoir de l’occupant d’apporter un soin raisonnable - Intrus - Autorisation implicite.

Le demandeur, un conducteur expérimenté de motoneige, accompagné de sa femme comme passagère et d’un autre couple sur une seconde motoneige, était allé faire une randonnée en soirée. Le groupe arriva finalement à un large chemin bien tassé et déblayé sur lequel il voyageait à une vitesse de 15 à 20 milles à l’heure lorsque le demandeur, sur la motoneige de tête, frappa un tuyau rouillé, placé au travers de la route à hauteur de visage et subit des blessures très graves. Les deux motoneiges avaient des phares et le véhicule du demandeur avait des anti-brouillards pour accroître la visibilité.

Le tuyau faisait partie d’une barrière, constituée du tuyau de fer placé à quelque 45 pouces du sol fixé à deux poteaux de 8 par 8 de chaque côté du chemin privé, cette barrière ayant été érigée en 1950 par la compagnie intimée. Le chemin conduisait à une poudrière et la barrière était toujours cadenassée.

D’après la preuve, il y avait beaucoup de circulation par motoneige dans les environs, dont une bonne partie à la noirceur, après le travail, et il y avait nombre de traces de motoneige sur le sentier conduisant au chemin déblayé sur lequel l’accident s’est produit. Le chemin déblayé paraissait bien fréquenté et avait l’apparence d’un chemin public.

Le jury a conclu que le demandeur se trouvait sur le terrain de la défenderesse avec sa permission implicite, que les blessures du demandeur avaient été causées par un danger dissimulé ou caché ou un piège dont la défenderesse connaissait l’existence, que la défenderesse n’avait pas apporté un soin raisonnable en vue d’éviter que des personnes traversant les lieux soient blessées et que le demandeur n’avait pas omis d’apporter un soin raisonnable à sa propre sécurité.

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Le juge de première instance a rejeté une motion de non-lieu et a statué que la conclusion du jury suivant laquelle le demandeur avait la permission implicite de la défenderesse pour être sur son terrain pouvait être étayée par la preuve. La Cour d’appel en est arrivée à la conclusion qu’il n’y avait pas de preuve d’autorisation implicite pour étayer la conclusion du jury sur ce point.

Arrêt (les Juges Martland, Judson, Ritchie et de Grandpré dissidents): Le pourvoi doit être accueilli avec dépens.

Le Juge en chef Laskin et les Juges Spence et Dickson: La question de savoir s’il y avait ou s’il n’y avait pas de permission implicite d’être sur le terrain de la défenderesse était une question de fait sur laquelle le jury a été régulièrement instruit et dont il a tiré une conclusion qui ne devrait pas être infirmée. La question de la probabilité de la présence de personnes sur le terrain et du poids de la preuve relatif à cette probabilité était nettement une question du ressort du jury. Même si l’appelant était un trespasser, son appel devrait réussir. Sa présence sur le chemin déblayé était raisonnablement prévisible et l’intimée avait envers lui un devoir de le traiter avec l’humanité courante. En permettant la continuation de ce qu’elle aurait dû reconnaître comme un péril voilé, qui menaçait la sécurité de quiconque empruntait le chemin la nuit en motoneige, l’intimée a manqué à son devoir.

Les Juges Pigeon et Beetz: Il y avait preuve à l’appui du verdict du jury. Nous préférons ne pas nous prononcer sur les autres questions.

Les Juges Martland, Judson, Ritchie et de Grandpré, dissidents: L’arrêt Robert Addie & Sons (Collieries) Ltd. v. Dumbreck, [1929] A.C. 358, ne doit pas être suivi parce que le devoir d’un occupant est plus étendu que le devoir défini dans Addie. Cependant l’occupant n’a pas envers le trespasser un devoir aussi élevé que celui qui est dû aux personnes qui se trouvent licitement sur son bien-fonds. L’extension de la portée du devoir dû à un trespasser au-delà des limites définies dans Addie a permis l’élimination de la théorie d’autorisation implicite, une fiction légale qui ne devrait plus être employée pour déterminer les droits d’un trespasser vis‑à-vis d’un occupant. Un occupant qui connaît l’existence sur son bien-fonds d’un danger qu’il a créé, ou de la continuation duquel il est responsable, peut avoir un devoir envers des personnes sur son terrain s’il sait qu’il y a de bonnes chances qu’elles y viennent. Le devoir est limité à un devoir d’avertissement. Dans le cas d’enfants quelque chose de plus peut être requis. L’existence d’un devoir dépend des circonstances spéciales de chaque

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cas. Le tuyau que l’appelant a frappé et la barrière dont il faisait partie avaient été là pendant vingt ans et ne sont devenus un danger que du fait de l’usage spécial que l’appelant a fait du terrain de l’intimée, c.-à-d., y conduire un véhicule à moteur, la nuit, à une vitesse de quelque 15 à 20 milles à l’heure.

[Arrêts mentionnés: Southern Portland Cement Ltd. v. Cooper, [1974] 1 All E.R. 87; Robert Addie & Sons (Collieries) Ltd. v. Dumbreck, [1929] A.C. 358; Edwards v. Railway Executive, [1952] A.C. 737; Commissioner for Railways v. Quinlan, [1964] A.C. 1054; Commissioner for Railways (N.S.W.) v. Cardy, (1960) 104 C.L.R. 274; Videan v. British Transport Commission, [1963] 2 Q.B. 650; Herrington v. British Railways Board, [1972] A.C. 877; Pannett v. McGuinness & Co. Ltd., [1972] 3 W.L.R. 387.]

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario accueillant un appel de jugement du Juge Houlden siégeant avec un jury. Pourvoi accueilli avec dépens, jugement de première instance rétabli, les Juges Martland, Judson, Ritchie et de Grandpré étant dissidents.

R.B. Tuer, c.r., pour l’appelant.

C.F. McKeon, c.r., pour l’intimée.

Le jugement du Juge en chef et des Juges Spence et Dickson a été rendu par

LE JUGE DICKSON — L’affaire a trait à la responsabilité de l’occupant. Cette branche du droit de la négligence qui concerne le devoir du propriétaire ou de l’occupant d’un bien-fonds envers un visiteur ou un intrus est restée longtemps dans un état de confusion, en partie du fait de la tentative rigoriste et souvent vaine devant une variété infinie de situations de fait de classer proprement le demandeur dans la catégorie d’invitee, de licensee ou de trespasser et ensuite laisser la catégorie déterminer définitivement la responsabilité du propriétaire. Réconcilier les droits du propriétaire foncier de l’époque victorienne et le droit contemporain de la négligence ne s’est pas avéré chose facile. Nulle part les incertitudes ne sont-elles plus apparentes que dans l’examen de la position juridique du trespasser, celui qui pénètre sur le bien-fonds d’un autre sans consentement ni privilège. Que celui qui entre soit un cambrioleur,

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un enfant aventureux ou un passant irréprochable, les principes généraux traditionnellement appliqués étaient ceux-là qui étaient exprimés dans l’arrêt Robert Addie et Sons (Collieries) v. Dumbreck[1], à la p. 365 de l’allocution du Lord chancelier Hailsham:

[TRADUCTION] Envers le trespasser l’occupant n’a aucun devoir d’user de soin raisonnable pour sa protection ou même de le protéger d’un danger caché. Le trespasser vient sur les lieux à ses propres risques. Un occupant ne peut être tenu responsable dans un tel cas que si les blessures sont dues à un acte volontaire comportant quelque chose de plus qu’une absence de soin raisonnable. Il faut qu’un acte ait été posé avec l’intention délibérée de faire du tort au trespasser, ou au moins qu’un acte ait été posé au mépris insousciant de la présence du trespasser.

Ces règles, bien entendu, perpétuaient la vénération traditionnelle du dix-neuvième siècle pour la propriété foncière. Le principe général était qu’un propriétaire foncier pouvait faire ce qu’il voulait avec son terrain. Il n’avait d’autre devoir envers un intrus, quelque accidentelle ou inconsciente qu’ait été l’intrusion, que se retenir de l’abattre ou s’abstenir de lui causer autrement du tort par insousciance et dérèglement. La rigueur de la règle est illustrée par des arrêts tels que l’arrêt Edwards v. Railway Executive[2]. Comme on pouvait s’y attendre, diverses inventions furent utilisées de temps à autre pour en modifier et atténuer le caractère draconien. Dans certains arrêts, particulièrement lorsqu’il était question d’ «enfants», on a sous-entendu le consentement du propriétaire ou le lui a imputé, la position de l’intrus passant de celle de trespasser, ce qu’il était de toute évidence, à celle de licensee, ce qu’il n’était clairement pas. Dans d’autres arrêts on a interprété généreusement les termes «au mépris insousciant de» ou fait une distinction ténue entre un bien-fonds considéré comme statique et un bien‑fonds sur lequel était menée une activité opérationnelle généra-

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trice de blessures. A la longue, deux lignes de jurisprudence, distinctes et pas faciles à réconcilier, ont émergé. L’une perpétuait la lettre et l’esprit de l’affaire Addie’s (Commissioner for Railway v. Quinlan[3], en est un exemple). L’autre a reflété les idées nouvelles sur la responsabilité sociale et imposé au propriétaire de bien-fonds des devoirs qui vont bien au‑delà de ceux qui étaient envisagés dans l’arrêt Addie’s. Les arrêts Commissioner for Railway (N.S.W.) v. Cardy[4], et Videan v. British Transport Commission[5], ont présagé le changement qui a trouvé son expression dans l’arrêt de principe Herrington v. British Railways Board[6]. L’affaire Herrington a été décidée dans le contexte du Occupiers, Liability Act 1957 d’Angleterre, lequel imposait un «devoir ordinaire de prudence» aux occupants envers toute personne qui pourrait licitement pénétrer sur leur bien-fonds, mais laissait inchangé le droit existant concernant les trespassers. Leurs Seigneuries ont étudié de façon exhaustive la nature du devoir de l’occupant envers le trespasser. Lord Reid a appliqué un critère subjectif. Il a dit (p. 899):

[TRADUCTION] Ainsi il me paraît que le devoir envers les trespassers doit varier selon ses connaissances, capacités et ressources. On a souvent dit que les trespassers doivent prendre le bien-fonds tel qu’ils le trouvent. Je dirais plutôt qu’ils doivent prendre l’occupant tel qu’il est.

et plus loin dans la même page:

Pour déterminer si un occupant est responsable d’un accident que subit un trespasser sur son terrain, il faudra se demander si on pouvait raisonnablement s’attendre qu’un homme qui est humain, consciencieux, et qui possède les connaissances, compétences et ressources de l’occupant, fasse ou ne fasse pas avant l’accident quelque chose qui l’aurait évité. S’il savait avant l’accident qu’il y avait une probabilité substantielle que des trespassers viennent, je crois que la plupart des gens considéreraient l’abstention comme une omission coupable de prêter une attention quelconque à leur sécurité. Il se peut qu’il pourra

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souvent raisonnablement penser, mesurant d’un côté la gravité du danger et la probabilité que des trespassers viennent et de l’autre le fardeau qu’il faudrait assumer pour les en empêcher ou faire en sorte qu’ils puissent venir sans danger, ou restreindre ses propres activités sur son terrain, qu’on ne pourrait équitablement s’attendre qu’il fasse quelque chose. Mais s’il peut sans trop d’inconvénients et à peu de frais prendre quelque mesure efficace, là encore je crois que la plupart des gens penseraient que ne pas la prendre serait inhumain et coupable. Si l’on adopte quelque principe semblable alors plus besoin de chercher à sous-entendre une autorisation fictive.

Le critère dit d’humanité courante a également été appliqué par Lord Morris de Borth-y-Gest (p. 909):

[TRADUCTION] A mon avis, bien qu’on ne puisse dire que le conseil des chemins de fer avait un devoir ordinaire de prudence envers le jeune garçon en l’espèce il lui devait au moins d’agir à son égard avec l’humanité courante.

La nature du devoir de prudence a été décrite par Lord Wilberforce dans les termes suivants (p. 920):

[TRADUCTION] Là encore, il faut se rappeler qu’il s’agit de trespassers, et qu’il faut concilier les exigences d’humanité avec la nécessité d’éviter de placer un fardeau excessif sur les occupants. Ce qui est raisonnable dépend de la nature, du degré du danger, et aussi de la difficulté et du coût de ce qu’il faut faire pour s’en prémunir. Le droit, dans ce contexte, tient compte des moyens et ressources de l’occupant ou de la personne qui a le contrôle des lieux, car ce qui est raisonnable pour une compagnie de chemin de fer peut ne pas l’être quand il s’agit d’un agriculteur ou (dans certains cas) d’un petit entrepreneur.

et décrite aussi par Lord Pearson dans les termes suivants (p. 922):

[TRADUCTION] Il ne s’ensuit pas que l’occupant n’a jamais de devoirs envers le trespasser. Si la présence du trespasser est connue de l’occupant ou raisonnablement prévisible par ce dernier, alors l’occupant a des devoirs envers le trespasser, mais ils ne sont pas du même ordre ni aussi onéreux que ceux que l’occupant a envers un visiteur licite. Énoncée de façon très générale, l’obligation de l’occupant est de traiter le trespasser avec l’humanité courante.

L’arrêt Herrington a été examiné par la Cour d’appel d’Angleterre dans Pannett v. McGuiness

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& Co. Ltd.[7]. L’extrait suivant exprime bien à mon avis les points saillants qu’un juge doit avoir à l’esprit lorsqu’il a à connaître d’un cas d’intrusion sur un bien-fonds:

[TRADUCTION] Pour tout dire, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire et voir ensuite si l’occupant aurait dû faire plus qu’il n’a fait. (1) Il faut user de bon sens. Il faut considérer la gravité et la probabilité du préjudice susceptible de se produire. Les activités extraordinairement hasardeuses requièrent que l’on soit extraordinairement prudent. Plus l’activité est dangereuse, plus il faut s’assurer que personne n’ait à en souffrir. (2) Il faut tenir compte également du caractère de l’intrusion à laquelle se livre le trespasser. Un enfant aventureux ou un adulte qui s’est écarté de son chemin ne doivent pas être considérés de la même façon qu’un braconnier ou un cambrioleur. La présence d’un enfant peut ne pas surprendre mais celle d’un cambrioleur peut fort bien être inattendue. (3) Il faut également tenir compte de l’endroit de l’intrusion. Une ligne de chemin de fer électrique ou un entrepôt en démolition peuvent exiger plus ample précaution qu’une maison privée. (4) Il faut également considérer la connaissance que le défendeur a, ou devrait avoir, de la probabilité d’intrus illicites. Plus leur venue est probable, plus il faut prendre de précautions.

Dans l’arrêt très récent Southern Portland Cement Ltd. v. Cooper[8], le Conseil privé s’est penché sur le devoir envers un trespasser. Leurs Seigneuries ont rejeté l’argument qu’un occupant n’a de devoir envers des trespassers éventuels que s’il estime ou devrait estimer que l’arrivée sur son terrain d’un trespasser ou d’un certain nombre de trespassers est «extrêmement probable». Dans le cours de son allocution Lord Reid a dit: [TRADUCTION] «Mais selon leurs Seigneuries il est maintenant nécessaire… d’abandonner la restriction de probabilité extrême.» et plus loin:

Si l’occupant crée le danger alors qu’il sait qu’il y a une chance que des trespassers viennent et ne voient pas le danger ou ne s’en rendent pas compte, il se peut qu’il ait à faire davantage. Il peut y avoir des cas difficiles où l’occupant se trouverait gêné dans la conduite de ses propres affaires s’il avait à prendre des précautions minutieuses. Mais en l’espèce pré-

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sente il aurait été facile d’empêcher l’arrivée de la situation dangereuse qui a causé les blessures du demandeur.

Ce qui nous mène aux faits de l’espèce présente. Il n’est pas nécessaire de les citer en détail. Le demandeur, trente-sept ans, et son épouse, sur une motoneige, accompagnés d’un autre couple sur une autre motoneige, sont partis de leur demeure pour la soirée en vue de faire une randonnée au grand air à travers les bois et les lacs du nord de l’Ontario. Ils ont emprunté des pistes de motoneige bien employées, du lac Larder jusqu’au lac Crosby, le long d’un ruisseau jusqu’au lac Beaver, jusqu’au lac Bear, jusqu’à l’emprise d’un droit de passage réservé à 1’Hydro le long duquel il y avait plusieurs pistes de motoneige, de là le long d’un vieux chemin forestier [TRADUCTION] «bien tassé par des motoneiges», jusqu’à un large chemin bien tassé et déblayé sur lequel ils ont fait route jusqu’à ce que le demandeur, M. Veinot, sur la motoneige de tête, frappe un tuyau rouillé, placé en travers de la route à hauteur de visage, et subisse du même coup des blessures très graves. L’accident s’est produit le 16 mars 1970. M. Veinot avait possédé des motoneiges depuis 1966. Durant trois ans il avait été président du club de motoneige de Larder Lake, dont une des raisons d’être était de faire respecter la loi et contrôler les motoneiges dans la ville de Larder Lake. Le véhicule que conduisait M. Veinot, un Bombardier 640 Nordic, n’était pas un véhicule de compétition. Au moment de l’accident, il allait à une vitesse modérée de 15 à 20 milles à l’heure. Il était équipé de l’éclairage habituel et aussi de projecteurs à brouillard pour accroître la visibilité. Le jury a conclu que M. Veinot n’avait pas manqué d’apporter un soin raisonnable à sa propre sécurité.

Le tuyau qu’a frappé M. Veinot avait un diamètre de deux pouces, se trouvait soutenu par deux poteaux non peints placés en bordure du chemin, et était invisible la nuit à cause de l’ombre projetée par les arbres. Le tuyau avait été monté quelque vingt ans auparavant afin d’empêcher des véhicules non autorisés de circuler jusqu’à la poudrière de la compagnie qui se trouvait pas très loin de la collectivité ayant

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nom de Virginiatown. On ne peut rien tirer du fait que le tuyau avait été là pendant vingt ans sans accident car le genre d’accident qui s’est produit en l’espèce n’aurait jamais pu se produire avant l’avènement de la motoneige.

D’après la preuve il ne semble y avoir aucun doute que durant l’hiver il y avait eu beaucoup de circulation par motoneige à Virginiatown et dans les environs. Les deux témoins appelés par la défenderesse, soit le gérant de la mine et l’agent de sécurité, avaient chacun une motoneige. La preuve révèle également que les motoneiges étaient utilisées la plupart du temps à la noirceur, après le travail. Le chemin sur lequel est arrivé l’accident était le prolongement de l’une des rues de Virginiatown, qui avait autrefois été une ville de compagnie. Le chemin qui prolongeait la rue atteint et traverse l’emprise d’un droit de passage nord-sud réservé à l’Hydro et se rend ensuite vers l’ouest jusqu’à la poudrière. La compagnie défenderesse permettait la circulation motoneigiste sur le chemin jusqu’au tuyau de fer. Les motoneiges tournaient donc à droite généralement et continuaient vers le nord le long du droit de passage jusqu’à l’intersection du droit de passage est-ouest de 1’Hydro, lequel menait vers l’ouest jusqu’au lac qu’avaient traversé M. Veinot et ses compagnons. Habituellement, comme je l’ai indiqué, le gros de la circulation motoneigiste circulait à l’est du tuyau de fer, mais l’agent de sécurité de la défenderesse a concédé qu’en quelques occasions très peu fréquentes il avait vu des traces de motoneige sur le côté poudrière du tuyau au cours de l’hiver 1969-70. Il n’a pas signalé cela au gérant de la mine et n’a rien fait.

La preuve n’est pas controversée au sujet de la présence de [TRADUCTION] «nombre de traces de motoneige» sur le chemin qui à partir de la ligne de transmission est-ouest de l’Hydro allait vers le sud jusqu’au chemin déblayé sur lequel le malheureux accident s’est produit. Le chemin déblayé «paraissait bien emprunté»; avait l’apparence d’un chemin public; et n’avait pas de signaux indiquant que ce n’était pas un chemin public. M. Veinot ignorait complètement qu’il était sur une propriété privée au moment où il

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faisait route sur le chemin déblayé et selon son témoignage, qui n’a pas été contesté, il n’aurait pas continué sur cette route s’il avait su que c’était une propriété privée. D’après l’ensemble de la preuve et à la suite d’un exposé dans lequel le juge de première instance a donné au jury ses directives, exposé contre lequel aucune objection n’a été, ou ne pouvait être, soulevée, le jury a tiré certaines conclusions: (1) Que M. Veinot à la date de l’accident se trouvait sur le terrain de la défenderesse avec la permission implicite de la défenderesse; (2) Que ses blessures ont été causées par un danger dissimulé ou caché ou un piège dont la défenderesse connaissait l’existence et qui est décrit par le jury dans ses réponses comme étant [TRADUCTION] «un tuyau rouillé d’environ 2 pouces de diamètre suspendu en travers de la partie carossable du chemin à une hauteur d’environ 45 pouces au-dessus du sol»; (3) la défenderesse n’a pas apporté un soin raisonnable en vue d’éviter que des personnes traversant les lieux soient blessées, les circonstances révélant une absence d’avertissement distinctif de la présence du tuyau en travers du chemin que ce soit aux approches est ou aux approches ouest du tuyau ou sur le tuyau lui-même; (4) La conclusion dont j’ai déjà fait mention, savoir, que le demandeur n’a pas omis d’apporter le soin raisonnable à sa propre sécurité. A la clôture de la preuve du demandeur une motion de non-lieu a été faite. La motion a été renouvelée après la preuve de la défenderesse et derechef après la réception des réponses du jury. Le Juge de première instance, le Juge Houlden, a rejeté la motion. Il a statué que la conclusion du jury suivant laquelle il y avait permission implicite accordée au demandeur pour pénétrer sur le terrain de la défenderesse pouvait être étayée par la preuve. Le juge a dit:

[TRADUCTION] La défenderesse savait qu’un certain nombre de vieux chemins traversaient sa propriété. Un de ces chemins était un vieux chemin forestier venant du nord et c’est le chemin qu’ont emprunté le demandeur et ses compagnons le soir en question. Il n’y a aucune preuve selon laquelle la défenderesse a fait des tentatives de fermer ce chemin. Elle connaissait l’existence du chemin. Elle savait qu’il était possible pour un camion d’emprunter

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le chemin sur une distance d’un mille à partir des lieux occupés par la défenderesse mais elle n’a rien fait pour fermer le chemin. D’après la preuve qui a été soumise au tribunal, ce chemin était utilisé, et fréquemment, par des propriétaires de motoneiges. Ce vieux chemin menait directement au chemin déblayé de la défenderesse.

A mon avis, il était de plus raisonnable pour le demandeur et les autres membres de son groupe, lorsqu’ils ont débouché sur ce chemin déblayé, de présumer que c’était un chemin ordinaire ouvert au public. La preuve laisse voir que le chemin déblayé est un chemin bien emprunté et, comme je l’ai dit, je pense qu’il y a abondance de preuve sur laquelle le jury pouvait conclure qu’il y avait permission implicite que le demandeur se trouve sur le terrain de la défenderesse.

La question de savoir s’il y avait ou s’il n’y avait pas de permission implicite était une question de fait qui était du ressort du jury. Le jury a été régulièrement instruit du droit et il a tiré une conclusion. Je ne pense pas que cette conclusion devrait être infirmée.

La Cour d’appel de l’Ontario, s’il avait été nécessaire de décider le point, n’aurait pas modifié la conclusion du jury selon laquelle le tuyau constituait un danger caché. Sur l’autre point, soit la question de savoir s’il y avait ou s’il n’y avait pas une autorisation implicite, le Juge d’appel Arnup, pour la Cour, a dit:

[TRADUCTION] Que le critère par lequel on détermine ce degré de connaissance que doit avoir l’occupant pour qu’on puisse conclure qu’il y avait autorisation implicite soit que la présence de trespassers était «probable», «extrêmement probable», «une probabilité substantielle» ou «tout comme connue», la preuve en l’espèce est bien en‑deçà de ce qui est requis.

Avec grand respect, je pense que la question de la probabilité, et du poids de la preuve quant à cette question-là, était nettement du ressort du jury, et qu’une fois la question soumise au jury la réponse de ce dernier devait être acceptée et acceptée comme finale.

Même si M. Veinot est considéré comme un trespasser, son appel à cette Cour doit réussir. S’il était un trespasser, la question qu’on doit se poser est de savoir si sa présence sur le chemin déblayé était raisonnablement prévisible car, si

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c’était le cas, la compagnie avait envers lui un devoir qui était celui de le traiter avec l’humanité courante.

Bien que règle générale une personne ne soit pas tenue de prévoir la présence d’intrus sur une propriété privée ou de protéger ceux-ci de blessures éventuelles, un devoir peut naître si le propriétaire du bien-fonds connaissait, ou d’après toutes les circonstances aurait dû raisonnablement avoir prévu, la présence d’un trespasser. Il me paraît qu’une personne de bon sens placée dans la position de la compagnie défenderesse, possédant la connaissance que ses agents responsables possédaient au sujet des motoneiges et de l’importance de la circulation motoneigiste dans le secteur, de la tendance à circuler la nuit, de la facilité avec laquelle on pouvait rejoindre le chemin déblayé par plusieurs vieux chemins qui débouchaient sur celui-ci, aurait été mise en alerte, après un moment de réflexion, quant à la probabilité que quelqu’un rejoigne le chemin déblayé comme M. Veinot l’a fait. Durant les plaidoiries, on a insisté sur le fait que le demandeur était venu par la porte d’en arrière, si l’on peut dire, et que cette façon d’approcher ne pouvait raisonnablement être prévue. Je ne suis pas d’accord. Les motoneiges vont partout. Elles sont singulièrement adaptées, c’est bien connu, pour s’écarter des sentiers battus. Dans un secteur inexploré de la brousse canadienne, peuplé de forêts, de rivières et de lacs, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elles aillent presque partout, à tout le moins jusqu’à ce qu’apparaissent des indices de propriété privée. S’il y avait une probabilité que quelqu’un vienne en motoneige sur le chemin déblayé la nuit, et la preuve à mon avis étaye l’existence d’une telle probabilité, alors je ne pense pas qu’il y ait de doute que la compagnie a manqué au devoir qu’elle avait de traiter M. Veinot avec l’humanité courante. Le chemin déblayé avait toute l’apparence d’un chemin public. M. Veinot avait de bonnes raisons de croire qu’il pouvait librement l’utiliser s’il le voulait. Fort de cette croyance il n’a pas vu ou compris le danger qu’était le tuyau rouillé. La compagnie défenderesse à mon avis a fait erreur en permettant la continuation de ce

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qu’elle aurait dû reconnaître comme un péril voilé, qui menaçait la sécurité de quiconque emprunterait le chemin la nuit en motoneige. Et ç’aurait été si facile de prévenir l’accident en recouvrant le tuyau d’une peinture blanche ou en y pendant un morceau de toile ou un écriteau.

Je suis d’avis d’accueillir l’appel, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et de rétablir le jugement du juge de première instance avec dépens dans toutes les cours.

Le jugement des Juges Martland, Judson, Ritchie et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE MARTLAND (Dissident) — L’appel est à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, qui a accueilli l’appel que celle qui est en cette Cour l’intimé (ci-après appelée «la Compagnie») avait interjeté à l’encontre du jugement de première instance, prononcé sur les réponses à des questions soumises à un jury qui a accordé à l’appelant Peter Veinot (ci‑après appelé «Veinot») des dommages‑intérêts de $29,537 pour des blessures subies par ce dernier.

La Compagnie exploite une mine dans le secteur de Virginiatown et en 1950 elle a acquis les droits superficiaires afférents à un terrain connu comme le Claim minier L25195 aux fins d’y stocker ses explosifs de rupture. Elle a utilisé la propriété à cette fin de façon constante jusqu’en juin 1970, date à laquelle elle a enlevé ses stocks afin d’établir ses magasins d’explosifs dans l’ensemble minier lui-même suite à une exigence suivant laquelle des explosifs de rupture devaient être tenus sous garde. Dans l’année 1950, lorsque le premier magasin a été construit, une barrière a été érigée; elle était constituée d’un tuyau de fer de 2 pouces de diamètre qui était placé à quelque 45 pouces du sol et supporté par deux étriers introduits dans des poteaux de 8 par 8 de chaque côté du chemin privé, lequel à partir de cet endroit se rend vers l’ouest jusqu’à la poudrière. On avait placé une chaîne sur le tuyau afin de pouvoir le cadenasser. La Compagnie a toujours laissé la barrière sous cadenas.

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La Compagnie n’avait permis l’accès qu’à deux personnes, à part ses employés. L’une d’elles, M. Jim Youni, avait pu passer à une certain époque, pour des raisons d’exploitation forestière. M. Youni avait utilisé le chemin privé avec permission et il avait eu en sa possession une clef pour la barrière. Un nommé Campbell avait eu l’autorisation d’utiliser le chemin privé pour faire de la prospection et la Compagnie avait exigé qu’il laisse son camion à l’intérieur de la barrière pendant la dorée de son travail.

La circulation ne pouvait accéder à la propriété sur laquelle se trouvait la poudrière que par le chemin privé. Ce chemin arrivait à un cul-de-sac à la poudrière, point sur lequel s’embranchaient trois vieux chemins forestiers qui étaient peu ou pas praticables. A une courte distance à l’est de l’emplacement de la poudrière il y avait un vieux chemin forestier allant au nord du chemin privé, et sur lequel on pouvait passer en camion, avec difficulté, pour environ un mille.

La Compagnie avait fait placer un panneau portant les mots «Danger — Explosifs dans le secteur» à l’intérieur de la barrière du côté nord du chemin privé et à la poudrière elle avait placé des écriteaux «Danger — Explosifs, défense de passer».

A l’est de la barrière le chemin privé de la Compagnie se rend à Virginiatown. Partant de Virginiatown pour se rendre à la barrière, le chemin commence à partir de la 28e avenue, laquelle est une rue orientée est-ouest située dans la partie nord-ouest de la ville. Le chemin privé, qui appartient à la Compagnie et est entretenu par elle, va vers l’ouest à partir de la 28e avenue pour environ 1,000 pieds et ensuite vire légèrement vers le nord pour environ 200 pieds. Il atteint ensuite l’emprise d’un droit de passage de la Commission Hydro‑Électrique de l’Ontario, orientée nord-sud. Le chemin privé traverse le droit de passage en diagonale vers le nord-ouest et ensuite se dirige vers l’ouest. Si l’on part de la limite ouest du droit de passage de 1’Hydro, on atteint les environs de la poudrière après 1,100 pieds de chemin. La barrière sur le chemin se trouve là où le chemin privé laisse cette limite.

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A quelque distance au nord du chemin privé il y a un autre droit de passage de l’Hydro, qui croise la ligne nord-sud de l’Hydro. Le vieux chemin forestier, qui va vers le nord, à partir du chemin privé près des lieux de la poudrière, se rend jusqu’à la ligne est-ouest de l’Hydro.

Le soir du 17 mars 1970, Veinot conduisait sa motoneige, accompagné de sa femme qui était passagère. Ils étaient accompagnés d’un ami et de l’épouse de celui-ci qui avaient leur propre motoneige. Les deux véhicules avaient des phares. Le voyage a commencé à Larder Lake, où Veinot vivait depuis quelque 32 ans, et qui est situé à quelque 6 ou 7 milles, à vol d’oiseau, au sud-ouest de Virginiatown. Ils ont fait route jusque sur la baie qui est adjacente au lac Larder, sont retournés sur la terre ferme et ont continué dans une direction nord-est pour environ 5¾ milles et ensuite en direction nord pour 7 ou 8 milles. Ils sont ensuite retournés vers le sud et, au lac Crosby, ont tourné vers le sud‑est, traversant le lac Beaver, traversant l’emprise du droit de passage du chemin de fer de l’Ontario Northland Railway, et, tournant ensuite plus à l’est, ont traversé le lac Bear et, à la pointe est de celui‑ci, suivi l’emprise du droit de passage est-ouest de l’Hydro jusqu’à ce qu’ils arrivent au chemin forestier.

Arrivé là, Veinot ne savait pas très bien où il se trouvait, mais il s’est engagé sur ce chemin jusqu’à ce qu’il arrive au chemin privé de la Compagnie au point qui est situé quelque peu à l’est des emplacements de stockage d’explosifs. Veinot dit que ce chemin, c.-à-d., le vieux chemin forestier, portait de nombreuses traces de motoneige et était tassé dur par suite de l’usage qui en avait été fait. Il a ensuite continué vers l’est sur le chemin privé et, alors qu’il allait à environ 15 ou 20 milles à l’heure, sa tête a frappé le tuyau et il a subi des blessures graves. Son épouse et les occupants de l’autre motoneige s’en sont tirés indemnes.

Le procès en l’espèce a eu lieu avant que ne soit rendu l’arrêt de la Chambre des Lords dans

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l’affaire British Railways Board v. Herrington[9]. La cause fut soumise au jury en prenant comme base que pour que la Compagnie soit responsable il fallait que Veinot établisse qu’il était sur le terrain de la Compagnie avec la permission implicite de la Compagnie.

Les questions soumises au jury et les réponses qui furent données se lisent comme suit:

[TRADUCTION] 1. Le demandeur se trouvait-il à la date de l’accident sur le terrain de la défenderesse avec la permission implicite de la défenderesse?

Réponse: Oui.

2. Si la réponse à la question 1 est “oui”, les blessures du demandeur ont-elles été causées par un danger dissimulé ou caché ou par un piège dont la défenderesse avait connaissance?

Réponse: Oui.

3. Si la réponse à la question 2 est “oui”, quel était ce danger dissimulé ou caché ou ce piège? Veuillez spécifier en détail.

Réponse: C’était un tuyau rouillé et d’environ 2 pouces de diamètre suspendu en travers de la portion carossable du chemin à une hauteur d’env. 45 pouces au-dessus du chemin.

4. Si vos réponses aux questions 1 et 2 sont “oui”, alors la défenderesse a-t-elle omis d’apporter un soin raisonnable pour éviter que les personnes traversant ces lieux ne soient blessées?

Réponse: Oui.

Si votre réponse est “oui”, veuillez spécifier en détail.

Il n’y avait pas d’avertissement distinctif de l’emplacement du tuyau en travers du chemin que ce soit sur les approches est ou sur les approches ouest du tuyau ou sur le tuyau lui-même.

5. Si vos réponses aux questions 1 et 2 sont “oui”, le demandeur a-t-il omis d’apporter un soin raisonnable à sa propre sécurité?

Réponse: Non.

La Cour d’appel a tiré la conclusion qu’il n’y avait aucune preuve d’autorisation implicite pour étayer la conclusion du jury sur ce point.

Sur cette question, le gérant de la mine de la Compagnie a témoigné qu’il n’avait eu aucune

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connaissance ou notification de la venue de motoneiges sur les lieux et en travers de la propriété sur laquelle se trouvait la poudrière. Il savait que des motoneiges utilisaient le chemin de Virginiatown au droit de passage nord-sud de l’Hydro et de là se rendaient, par le droit de passage est-ouest de l’Hydro, jusqu’au lac Bear.

Le principal agent de sécurité de la Compagnie a témoigné qu’il visitait le secteur de la poudrière une ou deux fois la semaine en moyenne. Arrivé sur les lieux, il avait l’habitude de décadenasser la barrière et de se rendre jusqu’à la poudrière. Il n’avait jamais vu personne sur l’emplacement à part des employés de la mine. Durant l’hiver de 1969-70, il avait vu, en quelque rares occasions, des traces de moto-neige juste à l’ouest de la barrière. Il n’en avait pas vu près de la poudrière. Il n’a pas rapporté la présence de ces traces au gérant de la mine. Il n’a rien fait au sujet de ces traces parce que, comme il le dit, il aurait été nécessaire de placer un garde pour défendre l’accès ou surprendre quelqu’un à cet endroit.

Sur la question de l’autorisation implicite, le Juge d’appel Arnup, qui a rendu l’arrêt de la Cour, a fait les commentaires suivants:

[TRADUCTION] Après étude attentive de toute la transcription je suis d’avis qu’il n’y avait aucune preuve d’autorisation implicite à soumettre au jury. Il y avait une preuve assez abondante selon laquelle des motoneigistes avaient utilisé le chemin privé de la défenderesse pour aller vers l’ouest du site de North Virginiatown jusqu’au droit de passage nord-sud de l’Hydro, et de là dans les deux sens le long de ce droit de passage. Cependant, comme je l’ai noté plus haut, la seule preuve selon laquelle des préposés de la défenderesse auraient eu connaissance de l’utilisation du chemin à l’ouest du droit de passage de l’Hydro est que “à quelque rares occasions” au cours de ce même hiver, l’agent de sécurité avait vu des traces de motoneiges à une courte distance à l’ouest de la barrière en question.

. . .

A mon avis les deux parties du chemin privé se trouvaient physiquement séparées du seul fait de la ligne nord-sud de l’Hydro, même en ne tenant pas compte de la barrière qui traversait le chemin à la limite ouest du droit de passage de l’Hydro. Je ne pense pas que la connaissance, si étendue soit-elle, de

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l’usage du chemin privé dans la partie qui se trouvait à l’est du droit de passage de l’Hydro puisse être invoquée comme permettant de déduire que l’occupant avait de bonnes raisons de s’attendre à des intrusions semblables sur la partie sise à l’ouest du droit de passage de l’Hydro.

Dans l’arrêt Edwards v. Railway Executive[10], la Chambre des Lords a eu à connaître de la question de la preuve requise pour créer une autorisation implicite. Un garçonnet de neuf ans qui était allé sur la ligne de chemin de fer de la défenderesse au sommet du remblai a été frappé par un train. Le remblai était clôturé, mais il y avait preuve selon laquelle d’autres enfants avaient eu l’habitude de passer la clôture et de faire une glissade en bas du remblai. La clôture avait été entretenue, après endommagement, et elle était en bonne condition le jour de l’accident. Le jury a conclu que le garçonnet était allé sur le remblai et sur la voie ferrée avec la permission tacite des préposés de la défenderesse.

La Chambre des Lords a statué qu’il n’y avait pas de preuve justifiant ces conclusions. A la p. 747, Lord Goddard a dit:

[TRADUCTION] Maintenant, pour conclure à l’autorisation il doit y avoir preuve soit d’une permission expresse soit d’un comportement du propriétaire propre à empêcher ce dernier d’objecter qu’il ne l’avait pas donnée.

Lord Porter, à la p. 744, a dit:

[TRADUCTION] Il incombe aux appelants d’établir l’autorisation, et à mon avis ils ne peuvent le faire simplement en démontrant que, en dépit d’une clôture que l’on reconnaît maintenant avoir été conforme au texte législatif exigeant des intimés qu’ils placent une clôture, des enfants ont à maintes reprises passé la clôture.

La déduction d’une permission tacite découlant d’autres intrusions sur le bien-fonds d’un propriétaire n’était pas permise, en vertu du concept d’une autorisation implicite, à moins qu’on ne puisse démontrer que le propriétaire était au courant de ces intrusions, et, même s’il était au courant, il fallait démontrer qu’il avait

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permis ces intrusions sur son terrain et ne les avait pas simplement tolérées.

Lord Porter, après l’alinéa de ses motifs qui contient le passage cité ci-dessus, a poursuivi comme suit:

On notera qu’en exprimant cet avis j’ai présumé que les préposés de la direction des chemins de fer savaient que des enfants avaient l’habitude d’aller là. Je ne suis pas convaincu qu’ils le savaient, mais il peut avoir été légitime pour le jury de conclure que le cantonnier chef qui a réparé la clôture devait le savoir, bien que je ne sois pas prêt à accepter la proposition suivant laquelle une déduction quelconque peut être tirée du fait que des trains allaient ou venaient, ou à conclure que leurs conducteurs auraient dû voir les enfants ou doivent être considérés comme s’ils les avaient vus. Quoi qu’il en soit, et même en supposant que les intimés étaient au courant de l’intrusion d’enfants sur le remblai, l’argument selon lequel le fait d’avoir été au courant donne aux enfants la qualité de licensees accorde, à mon avis, une extension trop grande à la théorie de l’autorisation implicite, bien qu’il ne fasse pas de doute que lorsque le propriétaire des lieux sait que le public ou une partie du public a l’habitude de s’introduire sur son terrain il doit prendre des mesures pour montrer qu’il tient rigueur de l’invasion et va tenter de l’empêcher.

Comme déjà noté, la Compagnie ne savait pas que des conducteurs de motoneiges avaient utilisé son chemin privé pour conduire leurs véhicules des environs de la poudrière à la barrière, ou de la barrière à ces environs. Les seules traces vues par l’agent de sécurité se trouvaient juste à l’ouest de la barrière. Les personnes dont les véhicules ont causé ces tracas ont dû avoir noté la présence de la barrière, dont le but même était d’indiquer que la Compagnie tenait rigueur aux intrus qui venaient sur son chemin, et d’empêcher ces intrus de passer en véhicule.

A mon avis il n’y avait aucune preuve de permission implicite de la Compagnie quant à l’usage de son chemin privé par des conducteurs de motoneiges.

Cette conclusion, en elle-même, ne comporte pas nécessairement le rejet de l’appel. L’avocat de Veinot prétend que, même si Veinot n’était pas un licensee, la Compagnie avait envers lui

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un devoir légal qui, même si Veinot était trespasser, avait été, d’après les faits de l’affaire, violé. Il s’est appuyé principalement sur le jugement de la Chambre des Lords dans l’affaire British Railways Board v. Herrington (supra).

Avant d’étudier les motifs qui ont été rédigés en cette affaire-là il est nécessaire de se pencher sur les faits qui étaient en cause. Le demandeur était un garçonnet de six ans. Il avait joué avec ses deux frères plus âgés dans un champ qui appartenait au National Trust et auquel le public avait librement accès. Le chemin de fer électrique de la défenderesse se trouvait à être contigu à cette propriété. Au-delà du chemin de fer il y avait un autre terrain appartenant au National Trust. A travers le champ dans lequel le garçonnet jouait il y avait un sentier qui menait jusqu’à la ligne de chemin de fer. Un peu avant d’atteindre la ligne le sentier aboutissait à une clôture de chaînes à maillons haute de quatre pieds, qui était en bordure de la voie. Le sentier tournait à droite pour atteindre une passerelle au-dessus de la voie ferrée. Là où le sentier tournait à droite il y avait encore un bout de sentier battu qui menait directement à la clôture. Au point où ce sentier atteignait la clôture, la clôture avait été arrachée d’un poteau et avait été enfoncée vers le bas jusqu’à 10 pouces du sol. La preuve révélait que la clôture était dans cette condition depuis un certain temps et que des gens s’étaient servis de la brèche pour prendre un raccourci à travers la voie ferrée. Les employés du défendeur, quelque sept semaines avant l’accident, avaient rapporté la présence d’enfants sur la voie, mais rien n’avait été fait. Le demandeur laissa le champ où il jouait, traversa la brèche qui se trouvait dans la clôture, et marcha jusque sur la voie, où il vint en contact avec un rail électrifié et fut sérieusement blessé. Le défendeur ne cita aucun témoin au procès.

Le conseil des chemins de fer prétendit que le garçonnet était un trespasser et que, appliquant les principes énoncés dans l’arrêt Robert Addie & Sons (Collieries) Ltd. v. Dumbreck[11], il ne pouvait y avoir en droit un recours relativement

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à ses blessures. Le principe énoncé par Lord Hailsham, Lord chancelier, dans ce dernier arrêt, à la p. 365, était le suivant:

[TRADUCTION] Envers le trespasser l’occupant n’a aucun devoir d’user de soin raisonnable pour sa protection ou même de le protéger d’un danger caché. Le trespasser vient sur les lieux à ses propres risques. Un occupant ne peut être tenu responsable dans un tel cas que si les blessures sont dues à un acte volontaire comportant quelque chose de plus qu’une absence de soin raisonnable. Il faut qu’un acte ait été posé avec l’intention délibérée de faire du tort au trespasser, ou au moins qu’un acte ait été posé au mépris insouciant de la présence du trespasser.

Dans les motifs qu’il a rédigés dans l’affaire Herrington, Lord Diplock dit tout bonnement, à la p. 931, ce qui suit:

[TRADUCTION] Si l’on compare les faits de l’espèce présente avec ceux de l’affaire Addie tels qu’ils furent énoncés par Lord Hailsham, Lord chancelier, aux pp. 359-360, je ne pense pas que l’on puisse dire que, d’après les normes courantes de comportement, la conduite de ceux qui étaient engagés dans l’exploitation du chemin de fer des appelants en l’espèce présente était de quelque façon plus blâmable que la conduite de ceux qui étaient engagés dans l’exploitation de la houillière de l’appelante qui a eu gain de cause dans l’affaire Addie. Pourtant les neuf juges qui ont eu à connaître de l’espèce présente à ses divers stades sont convaincus que la réclamation du demandeur devait être accueillie; et, si je puis me permettre de le dire tout bonnement, tiennent à ce qu’elle le soit. La difficulté que les juges doivent surmonter sur le plan de la méthode est de déterminer la meilleure façon de surmonter ou circonvenir l’obstacle que constituent les allocutions du Lord chancelier et du vicomte Dunedin dans l’affaire Addie, et la façon dont ces allocutions ont été traitées par le Conseil privé dans l’appel australien relativement récent intitulé Commissioner for Railways v. Quinlan [1964] A.C. 1054.

L’appel du conseil des chemins de fer a été rejeté unanimement par les cinq lords juristes qui constituaient la cour, bien que Lord Wilberforce, à la p. 921, ait dit:

[TRADUCTION] Je crois devoir dire que je ne suis pas aussi sûr que vos Seigneuries et le juge de première instance que les faits prouvés établissent le bien-fondé de la demande.

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Chacun des cinq lords juristes a rédigé des motifs et il n’est pas facile de formuler une définition spécifique du devoir envers un trespasser. Comme le professeur Goodhart le dit, dans la revue qu’il fait de l’arrêt à 88 (1972) Law Quarterly Review, à la p. 311:

[TRADUCTION] Chose surprenante, le résultat final de tout ce travail est qu’un certain nombre de dictums énoncés en termes légèrement différents sur le sujet des devoirs d’un occupant envers un trespasser ont été ajoutés à la collection existante, dictums que Lord Pearson a résumés en disant: «Énoncée de façon très générale, l’obligation est de traiter le trespasser avec l’humanité courante»

Ce qui émerge de l’étude des cinq jugements est que:

1. L’arrêt Addie ne doit pas être suivi, parce que le devoir d’un occupant envers un trespasser est plus étendu que le devoir défini dans cet arrêt-là.

2. La fiction d’une autorisation implicite ne doit pas servir d’aide lorsqu’on détermine les droits d’un trespasser vis-à-vis d’un occupant.

3. L’occupant n’a pas envers le trespasser un devoir aussi élevé que celui qui est dû aux personnes qui se trouvent licitement sur le bien-fonds. (En Angleterre le devoir envers les personnes qui se trouvent licitement sur le bien-fonds a été défini par un texte législatif, soit le Occupiers’ Liability Act, 1957. L’occupant doit prendre, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, tout le soin raisonnable pour voir à ce que le. visiteur soit raisonnablement en sécurité lorsqu’il utilise les lieux aux fins pour lesquelles sa présence a été autorisée par l’occupant.)

La Chambre des Lords a rejeté l’énoncé suivant lequel, pour devenir de quelque façon responsable envers un trespasser, l’occupant doit avoir la connaissance effective de sa présence sur le bien-fonds. Lord Reid (p. 899) mentionne que l’occupant savait avant l’accident qu’[TRADUCTION] «il y avait une probabilité substantielle que des trespassers viennent». Lord Morris de Borth-y-Gest (p. 908) a dit que si le conseil des chemins de fer a permis à sa clôture d’être brisée à l’endroit en question [TRADUC-

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TION] «il y avait un risque considérable qu’un petit enfant passe à travers». Lord Wilberforce cite les expressions «tout comme connue» et «extrêmement probable» et semble préférer la dernière. Lord Pearson (p. 924) parle de la présence du trespasser comme étant «connue ou raisonnablement prévisible». Lord Diplock, à la p. 941, dit:

[TRADUCTION] Vos Seigneuries, la prévision qu’un occupant peut avoir de la présence d’un trespasser, comme sa connaissance d’un danger caché, implique aussi deux éléments de l’esprit: une connaissance effective du fait matériel indiquant que des trespassers viendront probablement sur le bien-fonds; et l’appréciation de la probabilité résultante. Pour des raisons semblables à celles que j’ai indiquées, je pense que, dans l’état actuel du droit, le critère de l’appréciation de la probabilité d’une intrusion est de savoir si un homme raisonnable connaissant seulement les faits matériels que l’occupant connaissait effectivement, comprendrait que la présence d’un trespasser aux lieux et temps du danger était tellement probable que eu égard à toutes les circonstances, il serait inhumain de ne pas lui donner un avertissement efficace du danger ou, dans le cas d’un enfant trop jeune pour comprendre un avertissement, de ne pas prendre des mesures pour faire comprendre à son intelligence d’enfant qu’il doit se tenir loin.

Envers un trespasser dont la présence sur le bien-fonds est connue, ou dont l’occupant aurait dû connaître la présence, le devoir imposé par l’arrêt Herrington est, apparemment, celui non pas d’apporter un soin raisonnable à sa sécurité, mais d’agir de façon humaine.

Le droit au Canada quant au devoir d’un occupant envers un trespasser a été étudié dans l’arrêt Grand Trunk Railway Company of Canada v. Barnett[12]. Le Conseil privé y a statué que l’occupant a un devoir de ne pas blesser sciemment le trespasser et de ne pas non plus commettre un acte volontaire témoignant d’un mépris insouciant des normes d’humanité courante. Cela mis à part, la règle générale est qu’un trespasser vient à ses propres risques.

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L’arrêt Addie a été cité avec approbation dans l’arrêt East Crest Oil Company Limited c. Le Roi.[13]

Les deux arrêts les plus récents du Conseil privé sur le sujet sont l’arrêt Commissioner for Railways v. Quinlan[14] et l’arrêt Southern Portland Cement Ltd. v. Cooper[15], qui ont trait tous deux à des appels interjetés depuis l’Australie.

Le premier arrêt a trait à une demande de compensation pour blessures qu’avait introduite le conducteur d’un camion qui, alors qu’il passait sur un passage à niveau privé à travers le chemin de fer défendeur, avait été frappé par un train. Il avait été reconnu par le conducteur du train qu’un coup de sifflet avait été donné à un point situé trop près du passage pour que le signal ait été de quelque utilité. Il avait été concédé que le demandeur était un trespasser sur le chemin de fer. On avait dit aux jurés que dès lors qu’ils pensaient que l’emploi du passage par des gens était «une probabilité» et que le défendeur était au courant de cette probabilité, le défendeur avait un devoir envers le demandeur, à titre de personne faisant partie du public, de prendre des précautions raisonnables pour assurer sa sécurité, et que ce devoir n’était pas diminué par le fait qu’il était un trespasser.

Le vicomte Radcliffe, qui a prononcé le jugement, a énoncé le devoir envers un trespasser de la façon suivante, à la p. 1072:

[TRADUCTION] Le contenu et les limites du devoir ont été établis en des termes qui ne semblent pas admettre beaucoup d’atténuation ou favoriser les talents de celui qui interprète de façon extensive. Le Lord Juge Hamilton a énoncé la règle de la Common Law anglaise de la façon la plus concise possible dans l’arrêt Latham v. R. Johnson & Nephew Ltd., [1913] 1 K.B. 398, 411; 29 T.L.R. 124, Cour d’app.: [TRADUCTION] «Le propriétaire a le devoir de ne pas blesser volontairement le trespasser; «et de ne pas commettre non plus un acte volontaire témoignant d’un mépris insouciant des normes courantes d’humanité envers lui»; mais à part ça un trespasser «vient à ses propres risques.»»

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Il poursuit en disant que cet énoncé du droit a reçu pleine approbation de la Chambre des Lords dans l’arrêt Addie, dans lequel on a statué que la règle écossaise de responsabilité était la même. Il dit également que le même principe a été posé comme étant le droit du Canada dans l’arrêt Grand Trunk Railway Company of Canada v. Barnett (supra).

Il poursuit, à la p. 1076:

Il est vrai, cependant, qu’un occupant peut être considéré comme ayant la connaissance de la présence d’un trespasser, même si ce dernier n’est pas visiblement devant ses yeux au moment où intervient l’acte générateur de blessures. Il peut être dans une position dans laquelle c’est «tout comme» s’il savait que l’autre est là.

Traitant de la connaissance de l’occupant, qui est nécessaire pour imposer à ce dernier un devoir de prudence envers le trespasser, il dit, à lap. 1077:

[TRADUCTION] Il faut souligner cependant que la connaissance dont il s’agit ici est cette connaissance de l’occupant qui est suffisante pour lui imposer un devoir de ne pas être volontaire ou insouciant envers l’homme à qui autrement il ne devrait rien; et une telle connaissance est quelque chose qui est beaucoup plus concret qu’un simple indice de probabilité. La présence, si on doit la considérer comme prévue, doit avoir été «extrêmement probable,» pour employer les mots de Lord Buckmaster dans l’arrêt Excelsior Wire Rope Co., [1930] A.C. 404, 410. Il y avait [TRADUCTION] «grande probabilité, sinon certitude, que des garçons ou d’autres viendraient sur l’emplacement,» Le Juge en chef Dixon dans l’arrêt Commissioner of Railways (N.S.W.) v. Cardy, 104 C.L.R. 274, 286: le trespasser doit être une personne dont la venue est «attendue ou prévue.» Dans la même affaire le Juge Windeyer dit (à la p. 320) que [TRADUCTION] «l’immunité de l’occupant vis-à-vis des actions intentées par des trespassers peut être atténuée s’il sait qu’ils sont présents ou qu’ils le seront très probablement.» C’est la même chose que ce qu’a dit le Juge Evatt dans l’affaire Barton, 49 C.L.R. 114, 135, [TRADUCTION] «Règle générale, le demandeur doit démontrer que l’occupant était au courant de la présence effective ou du moins de la grande probabilité de la présence du trespasser sur son terrain au moment même où une activité quelconque comportant danger pour le trespasser était en voie d’être continuée.» De l’avis de leurs Seigneuries, si un occupant se voit imputer une

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violation de devoir envers un trespasser du fait qu’il n’a pas donné à ce dernier un avertissement d’une quelconque activité dangereuse qu’on est en train de poursuivre sur les lieux de l’occupant et par laquelle le trespasser a été blessé, le droit requiert que la connaissance que l’occupant a de la présence de l’autre au moment pertinent soit établie en des termes semblables à ceux qui sont cités ci-dessus.

On a fait mention, dans l’arrêt Quinlan, ainsi que dans l’arrêt Herrington, du jugement de la Haute Cour d’Australie dans l’affaire Commissioner for Railways v. Cardy[16]. Dans cette affaire-là un garçon de quatorze ans, qui marchait sur le terrain du défendeur, dans un secteur utilisé comme fosse pour le versement de cendres, a crevé, en marchant, la croûte de surface de la fosse et s’est fait brûler Ses pieds et les chevilles très gravement par les cendres chaudes qui se trouvaient en dessous. Un sentier, ouvert aux piétons, passait le long de la fosse. Ce sentier était librement utilisé et les gens, en particulier les enfants, visitaient la fosse. Il y avait eu des avertissements banals et intermittents à l’effet d’éviter de s’engager sur la fosse.

Le demandeur a eu gain de cause en première instance, devant un jury, et cette décision a été maintenue en appel par le banc plénier de la Cour suprême de Nouvelle-Galles du Sud, ainsi que la Haute Cour d’Australie. Le Juge en chef Dixon, avec qui le Juge Fullagar a été d’accord, a été d’avis que la responsabilité naissait, non pas parce que, d’après la preuve, il était juste de sous-entendre une autorisation de pénétrer sur le terrain, mais parce que, même si le demandeur est un trespasser, un devoir de diligence de sauvegarder d’autres personnes d’un grave danger de préjudice sérieux incombe à toute personne qui, sciemment, a créé un danger, ou est responsable de sa continuation, ou est au courant de la probabilité que d’autres viennent à proximité du danger, et a les moyens de l’empêcher ou de le porter à leur connaissance.

L’arrêt Cooper (supra) a trait à une blessure causée à un garçon de treize ans qui jouait sur une butte de détritus provenant de la carrière qu’exploitait la défenderesse. Les détritus

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avaient monté, cachant partiellement les poteaux qui portaient un câble électrique à haute tension, qui alimentait le chantier de la défenderesse. On avait donné des ordres de cesser le déversement de détritus lorsque, à un moment donné, la distance entre le câble et la butte n’avait plus été que de douze pieds. Il n’a pas été obéi aux ordres et l’écart a diminué davantage. Par mesure d’urgence, des dispositions ont été prises un jeudi pour l’enlèvement du câble le lundi suivant. Le dimanche, le bras du demandeur, alors que le demandeur jouait sur la butte, est entré en contact avec le câble; le garçon a subi des blessures graves. Des écoliers jouaient à divers endroits pas loin de la zone d’exploitation. Des enfants avaient été chassés du terrain de la défenderesse, et il n’y avait pas beaucoup d’intrusions durant les heures de travail. Il y avait, cependant, deux endroits où les enfants avaient accoutumance de jouer, à l’extérieur, mais près du terrain de la défenderesse, et d’où l’on pouvait clairement voir monter la nouvelle «butte de sable».

L’appel de la défenderesse à l’encontre d’un jugement rendu en faveur du demandeur a été rejeté. Lord Reid, qui a rédigé le jugement du Conseil privé, a passé en revue assez en détail la décision que celui-ci avait rendue dans Quinlan. Il a dit, à la p. 93, apparemment au sujet du second passage précédemment reproduit des motifs du vicomte Radcliffe (à la p. 1077):

[TRADUCTION] Ce qui est dit (voir [1964] 1 All E.R. à la p. 907, [1964] A.C. à la p. 1077) montre que le Comité était prêt à statuer non seulement qu’un devoir naît dès que l’occupant connaît des faits qui font voir qu’il est extrêmement probable qu’un trespasser est déjà sur les lieux, mais aussi qu’un devoir naît avant l’arrivée du trespasser dès qu’il est devenu extrêmement probable qu’il viendra à l’avenir. Cela place un fardeau beaucoup plus grand sur l’occupant.

Et il a rejeté la limitation, énoncée dans l’arrêt Quinlan, selon laquelle, avant qu’un occupant ne devienne responsable relativement à un trespasser dont la présence lui était inconnue, il doit avoir su que la présence du trespasser était «extrêmement probable». Il a déclaré que lorsqu’un occupant crée lui-même un danger sur son terrain, il est tenu de songer à la possibilité de

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protéger des trespassers éventuels s’il connaît des faits qui montrent qu’il y a une chance substantielle que ceux-ci viennent et ne voient pas le danger ou ne s’en rendent pas compte.

Lord Reid s’est dit d’accord avec le résumé de la question donné par le Juge en chef Barwick dans son jugement dans l’affaire en Haute Cour d’Australie:

[TRADUCTION] Après le verdict, gardant à l’esprit le résumé des débats, on doit considérer que le jury a conclu que l’intimée avait créé une situation de danger sur son terrain. Cette situation, c’était le peu de distance qui séparait de la surface du talus de la plate-forme la ligne de transmission à haut voltage non isolée. Cette situation de danger ne pouvait être considérée que comme hautement dangereuse pour la vie et la sécurité des humains. Ainsi, le jury doit être considéré comme ayant conclu que l’intimée connaissait l’existence et le caractère dangereux de ce qu’elle a dû voir comme un piège caché autant que des enfants sont concernés. De plus, parce que la place de danger était attrayante pour des enfants cherchant à s’amuser dans le secteur éloigné où ils vivaient, et étant donné les termes du résumé des débats, le jury doit avoir conclu que l’intimée a dû savoir qu’il était probable que des enfants seraient attirés vers la place de danger. A mon avis, cette conclusion dans les circonstances de l’affaire équivaut à conclure que la présence des enfants dans le secteur était une chose à laquelle l’intimée devait s’attendre. Suivant la conception possible des faits, que j’ai déjà indiquée, il y avait, à mon avis, une preuve suffisante pour étayer de telles conclusions. Elles suffisent, à mon avis, à étayer un verdict contre l’intimée basé sur ce que, ayant créé une situation hautement dangereuse pour la vie humaine, celle-ci devait s’attendre à ce que des enfants s’approchent, d’où le devoir que l’intimée avait envers l’appelant de prendre des mesures raisonnables pour empêcher l’appelant d’être blessé par suite de cette situation hautement dangereuse. S’il y avait un devoir, il est hors de tout doute que l’intimée ne l’a pas rempli. Par conséquent, à cause des conclusions qui y sont inhérentes, et sur la base que j’ai indiquée, je ne modifierais pas le verdict du jury.

J’ai passé en revue ces arrêts récents, peut-être plus longuement que nécessaire, parce que nous trouvons dans les arrêts Herrington et Cooper une extension de l’étendue du devoir d’un occupant envers un trespasser au-delà des limites définies dans l’arrêt Addie. Cette exten-

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sion a permis d’éliminer la théorie de l’autorisation implicite, un moyen qui avait été utilisé dans le passé, spécialement dans des affaires concernant des enfants, pour éviter l’application stricte de l’arrêt Addie. J’accepte, et adopterais, cette approche, qui reconnaît que, dans certaines circonstances, la conduite d’un occupant d’un bien-fonds peut l’obliger à prendre des mesures en vue de permettre à une personne qui est entrée sur son bien-fonds, sans son consentement effectif, d’éviter un danger dont l’occupant connaît l’existence. La question est de savoir quelle est l’étendue d’un tel devoir.

La prétention que le devoir pouvait être fondé sur la théorie du «prochain» énoncé dans Donoghue v. Stevenson[17], a été rejetée dans chacun des deux arrêts ci-dessus. Lord Pearson, dans l’arrêt Herrington, dit à la p. 924:

[TRADUCTION] Comme la présence et les mouvements du trespasser sont imprévisibles, il n’est pas dans la zone de prévisibilité raisonnable (Bourhill v. Young [1943] A.C. 92) et il n’est pas un «prochain» (Donoghue v. Stevenson) pour l’occupant, et l’occupant ne peut raisonnablement être requis de prendre des précautions pour sa sécurité.

A la même page, il poursuit:

[TRADUCTION] Même lorsque sa présence est connue ou raisonnablement prévisible, de sorte qu’il devient un prochain, le trespasser doit à bon droit être considéré comme un prochain défavorisé. La raison pour cela semble, je pense, ressortir clairement de l’étude de la position analogue d’un visiteur licite qui excède son autorité, allant au-delà du champ de son autorisation ou de sa permission. Dans l’arrêt Hillen and Pettigrew v. I.C.I (Alkali) Ltd. [1936] A.C. 65, 69‑70, Lord Atkin a dit:

[TRADUCTION] «…ce devoir envers l’invité intervient tant et aussi longtemps que l’invité se livre à ce qui peut être raisonnablement envisagé comme une utilisation ordinaire et raisonnable des lieux pour les fins auxquelles il a été invité. Il n’est pas invité pour utiliser une partie quelconque des lieux pour des fins qu’il sait être illicitement dangereuses et constituer une utilisation irrégulière. Pour employer les termes saisissants du Lord Juge Scrutton: [TRADUCTION] «Lorsque vous invitez une personne chez vous pour qu’elle utilise l’escalier vous ne l’invitez pas à glisser sur les rampes.» (The

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Calgarth [1926] P. 93, 110.) Dans la mesure où il met pied le moindrement sur la partie des lieux qui se trouve en dehors du champ de l’invitation, ou utilise les lieux à des fins qui sont étrangères à l’invitation, il n’est pas un invité mais un trespasser, et ses droits doivent être déterminés en conséquence. Dans l’affaire présente les débardeurs savaient qu’ils ne devaient pas utiliser l’écoutille couverte pour décharger la cargaison en passant par elle; à de telles fins l’écoutille était pour eux une zone interdite; ils étaient des trespassers. Les défendeurs n’avaient aucune raison d’envisager une telle utilisation; ils n’avaient aucun devoir de prendre un soin quelconque en vue de s’assurer que l’écoutille, lorsqu’elle était couverte, était sûre pour une telle utilisation; ils n’avaient aucun devoir d’avertir qui que ce soit qu’elle n’était pas en état de servir à une telle utilisation.»

Lord Reid, dans l’arrêt Cooper, a accepté la prétention que le devoir de l’occupant envers en trespasser ne pouvait pas être étendu de façon à outrepasser les limites du devoir qu’il a envers un licensee. Il dit (p. 97):

[TRADUCTION] On a fait valoir durant les plaidoiries que le devoir d’un occupant envers un trespasser ne peut pas être étendu de telle façon qu’il aille au-delà des limites du devoir que l’occupant a envers un licensee. Leurs Seigneuries sont d’accord. Le passage du jugement du Comité judiciaire dans l’affaire Quinlan, [1964] 1 All E.R. à 911, [1964] A.C. à 1083, dont leurs Seigneuries ont déjà parlé semble autoriser que l’on accorde à des enfants intrus, au moins dans certains cas, des droits substantiellement équivalents à ceux d’un enfant licensee. On a dit dans ce jugement-là que le Comité était tout à fait d’accord avec le Juge en chef Dixon pour conclure qu’il n’était pas nécessaire d’avoir recours à la catégorie de licensee pour donner à des enfants le redressement qu’on croit leur être dû.

Ces deux arrêts ont tous deux trait à des réclamations par des enfants intrus qui avaient subi des blessures par suite de l’existence, sur le terrain d’un occupant, de quelque chose qui, en soi, constituait un grave danger, dans une zone proche d’emplacements où il était connu que des enfants jouaient. Cela est illustré dans les remarques de Lord Wilberforce dans l’arrêt Herrington à la p. 920:

[TRADUCTION] Tout comme au 19e siècle l’introduction de plaques tournantes, attrayantes pour des

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enfants, accessibles, dangereuses, a donné naissance à une jurisprudence qui porte leur nom, ainsi nous devons tenir compte de la pose de conducteurs électriques au‑dessus du sol et sur le sol à l’étendue de notre île surpeuplée et voir où cela nous mène du point de vue de la prévoyance et de la prudence. Les ingrédients du devoir qui peut naître doivent trouver leur source dans l’inévitable proximité des places d’accès, y inclus les chemins publics, dans la nature continue du danger, dans le danger de contact mortel et dans le fait que pour des enfants le danger peut ne pas être apparent. Il n’y a aucun devoir de rendre l’emplacement sûr, mais un devoir intervient à cause de l’existence, près du public, d’une situation dangereuse. Plus la proximité est grande, plus le risque est grand, et parallèlement le besoin de prévoyance et un devoir de prudence.

L’effet de ces arrêts pourrait être résumé comme étant qu’un occupant qui connaît l’existence sur son bien-fonds d’un danger qu’il a créé, ou de la continuation duquel il est responsable, peut avoir un devoir envers des personnes sur son terrain, et dont il n’est pas au courant de la présence, s’il connaît des faits qui montrent qu’il y a bonne chance qu’elles viennent. C’est là, essentiellement, le devoir énoncé par le Juge en chef Dixon dans l’arrêt Cardy. Un tel devoir, lorsqu’il existe, est limité, dans le cas d’adultes, à un devoir d’avertissement. Dans le cas d’enfants quelque chose de plus peut être requis. L’existence d’un devoir dépendra des circonstances spéciales de chacun.

Je passe maintenant à la question de savoir si un tel devoir existait pour la compagnie envers Veinot.

Le seul danger qui existait sur le terrain de la Compagnie, et qui est comparable au rail électrifié de l’arrêt Herrington, au câble électrique de l’arrêt Cooper, et aux couches de cendre chaude de l’arrêt Cardy, était la présence à cet endroit d’explosifs de rupture. Des avertissements avaient été affichés sur l’emplacement de la poudrière, et un avertissement avait été affiché près du chemin à l’intérieur de la barrière. La barrière elle-même était mise en place comme moyen d’interdire aux personnes non autorisées l’accès du chemin privé menant à la poudrière et

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constituait en elle-même un avis de la Compagnie selon lequel l’entrée sur son terrain n’était pas autorisée. Elle avait existé, à tele fin, durant les vingt années qui ont précédé l’accident de Veinot.

On a prétendu au nom de Veinot que la Compagnie avait créé un danger en plaçant le tuyau, non marqué, en travers de sa grande voie. Cette prétention implique le principe que l’existence sur le terrain de la Compagnie de quelque chose qui avait été là pendant vingt années, au cours desquelles ce quelque chose n’a pas été un danger, est devenue un danger du fait de l’usage spécial que Veinot a fait du terrain de la Compagnie en conduisant sa motoneige. En substance, cela veut dire que parce qu’il a choisi d’utiliser le terrain de la Compagnie, non pas pour marcher, mais pour conduire un véhicule à moteur, la nuit, à une vitesse de quelque 15 ou 20 milles à l’heure, la Compagnie, à cause de cela, a permis l’existence d’un danger sur son terrain.

Je n’ai pas manqué de tenir compte de la conclusion du jury selon laquelle le tuyau constituait un danger dissimulé ou caché ou un piège, mais cette conclusion était, de par les termes de la question à laquelle elle répondait, axée sur une conclusion suivant laquelle une permission implicite avait été donnée à Veinot pour conduire sa motoneige sur le terrain de la Compagnie, et elle n’a pas de force lorsqu’on la sort de ce contexte.

J’ai déjà cité le passage du jugement de Lord Atkin dans l’arrêt Hillen, cité par Lord Pearson dans l’arrêt Herrington, qui fait voir clairement que, même à l’égard d’un invité, le devoir de l’occupant ne va pas jusqu’à couvrir une situation dans laquelle l’invité utilise les lieux pour une fin qui n’est pas autorisée par l’invitation. On ne nous a signalé aucun précédent exigeant d’un occupant de prendre des mesures pour avertir ou protéger un trespasser qui conduit un véhicule sur le terrain de l’occupant à une vitesse qui rend une condition existant sur les lieux dangereuse pour lui, vu sa vitesse, alors que cette condition, pour d’autres, ne constitue pas du tout un danger.

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J’ai traité de la question de l’existence d’une situation dangereuse sur les lieux. Même si une telle situation existe effectivement, le devoir de l’occupant envers un trespasser ne peut naître que s’il connaît la présence du trespasser sur son terrain ou, pour citer Lord Reid dans l’arrêt Cooper (p. 98), [TRADUCTION] «lorsqu’il connaît des faits qui montrent qu’il y a une chance substantielle qu’ils (c.-à‑d., les trespassers) y viennent». J’ai déjà parlé de l’absence de toute preuve par laquelle établir que la Compagnie ait été au courant d’incursions de motoneigistes qui auraient emprunté le chemin privé de la poudrière à la barrière, comme Veinot.

En conclusion, c’est mon avis qu’il n’y a aucune analogie entre les circonstances de l’espèce présente et celles qui ont été étudiées dans l’arrêt Herrington et dans l’arrêt Cooper. Le premier a trait à des blessures qu’avait subies un garçon de six ans; le second a trait à des blessures subies par un garçon de treize ans. Veinot est un adulte.

Dans l’arrêt Herrington le défendeur avait gardé un rail électrifié sur sa voie ferrée entre deux zones publiques où des enfants jouaient. Dans l’arrêt Cooper la défenderesse avait créé une situation hautement dangereuse pour la vie humaine, soit une ligne à haute tension qui était trop proche du sol, où la présence proche d’enfants était à prévoir. Dans la présente espèce la Compagnie a gardé un tuyau, servant de barrière, pour protéger ses lieux, ce qui ne pouvait s’avérer dangereux que pour une personne voyageant la nuit, à une certaine vitesse, dans une motoneige, dont aucun fait n’avait signalé la présence potentielle à la Compagnie.

A mon avis l’appel doit être rejeté avec dépens.

Le jugement des Juges Pigeon et Beetz a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Je souscris aux conclusions de M. le Juge Dickson pour le seul motif qu’il y avait preuve à l’appui du verdict du jury. Je préfère ne pas me prononcer sur les autres questions.

[Page 344]

Appel accueilli, jugement du juge de première instance rétabli, avec dépens, les liages MARTLAND, JUDSON, RITCHIE et DE GRANDPRÉ étaient dissidents.

Procureurs de l’appelant: Fasten & Calvin, Toronto.

Procureurs de l’intimée: McGarry & McKeon, Toronto.

[1] [1929] A.C. 358.

[2] [1952] A.C. 737.

[3] [1964] A.C. 1054.

[4] (1960), 104 C.L.R. 274.

[5] [1963] 2 Q.B. 650.

[6] [1972] A.C. 877.

[7] [1972] 3 W.L.R. 387.

[8] [1974] All E.R. 87.

[9] [1972] A.C. 877.

[10] [1952] A.C. 737.

[11] [1929] A.C. 358.

[12] [1911] A.C. 361.

[13] [1945] R.C.S. 191.

[14] [1964] A.C. 1054.

[15] [1974] 1 All E.R. 87.

[16] (1960), 104 C.L.R. 274.

[17] [1932] A.C. 562.


Parties
Demandeurs : Veinot
Défendeurs : Kerr-Addison Mines Ltd.
Proposition de citation de la décision: Veinot c. Kerr-Addison Mines Ltd., [1975] 2 R.C.S. 311 (1 octobre 1974)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-10-01;.1975..2.r.c.s..311 ?
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