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11/10/1974 | CANADA | N°[1975]_2_R.C.S._715

Canada | Canadian Long Island Petroleums Ltd. et al. c. Irving Industries Ltd., [1975] 2 R.C.S. 715 (11 octobre 1974)


Cour suprême du Canada

Canadian Long Island Petroleums Ltd. et al. c. Irving Industries Ltd., [1975] 2 R.C.S. 715

Date: 1974-10-11

Canadian Long Island Petroleums Ltd. et Sadim Oil & Gas Co. Ltd. (Défenderesses) Appelantes;

et

Irving Industries (Irving Wire Products Division) Ltd. et Irving Industries (Foothills Steel Foundry Division) Ltd. (Demanderesses) Intimées.

1974: les 4 et 5 juin; 1974: le 11 octobre.

Présents: Les juges Martland, Spence, Pigeon, Dickson et de Grandpré.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊM

E DE L’ALBERTA

Cour suprême du Canada

Canadian Long Island Petroleums Ltd. et al. c. Irving Industries Ltd., [1975] 2 R.C.S. 715

Date: 1974-10-11

Canadian Long Island Petroleums Ltd. et Sadim Oil & Gas Co. Ltd. (Défenderesses) Appelantes;

et

Irving Industries (Irving Wire Products Division) Ltd. et Irving Industries (Foothills Steel Foundry Division) Ltd. (Demanderesses) Intimées.

1974: les 4 et 5 juin; 1974: le 11 octobre.

Présents: Les juges Martland, Spence, Pigeon, Dickson et de Grandpré.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE L’ALBERTA


Synthèse
Référence neutre : [1975] 2 R.C.S. 715 ?
Date de la décision : 11/10/1974
Sens de l'arrêt : Les pourvois doivent être rejetés

Analyses

Immeubles - Entente entre copropriétaires prévoyant l’exploitation et l’aménagement de biens-fonds pétrolifères - Chaque partie possède un droit de préemption relativement à l’acquisition de la part de l’autre partie - Aucun droit sur un bien-fonds n’est créé - Inapplicabilité de la règle contre la pérennité des droits contingents - Droit à l’exécution même du contrat.

La seconde appelante (Sadim) et les intimées (Irving) détenaient chacune la moitié d’un droit indivis sur certains biens-fonds. Les rapports entre les deux compagnies étaient régis par une convention en date du 1er août 1966. La clause 13 de la convention prévoyait, entre autres, que si Tune des parties (c.-à-d. les intimées ou Sadim) recevait une offre d’achat pour son droit sur les biens-fonds, l’autre partie aurait alors l’occasion d’acheter le droit en question suivant les mêmes conditions et en ayant préséance sur la partie qui a formulé l’offre originale. Le 5 novembre 1970, Sadim offrit en vente son droit sur les biens-fonds à la première appelante (Long Island) pour une somme de $20,000 comptant. La même journée, Long Island accepta cette offre. Plus tard, Sadim avisa les intimées de son projet de vente et informa Long Island des dispositions de la clause 13. Le 4 décembre 1970, les intimées donnèrent à entendre qu’elles exerçaient leur droit de réemption. La lettre d’acceptation d’Irving précisait que le prix d’achat de $20,000 serait entièrement payé au plus tard le 31 décembre 1970. Par la suite, soit le 5 janvier 1971, Sadim cédait son droit en question sur les biens-fonds à Long Island. Les intimées intentèrent alors une action visant l’exécution même de la convention. L’action a été accueillie en première instance et, en appel, la Division d’appel confirma le

[Page 716]

jugement du juge de première instance. Des pourvois ont alors été interjetés devant cette Cour. La prétention des appelantes, eu égard à la principale question en litige, était que la clause 13 donnait à chacune des parties un droit équitable sur le bien-fonds qui aurait pu n’être dévolu qu’après l’expiration de la période prescrite par la règle contre la pérennité et était par conséquent nulle.

Arrêt: Les pourvois doivent être rejetés.

Contrairement à l’option d’achat, qui donne à l’optant un droit équitable sur le bien‑fonds, le droit conféré par la clause 13 ne crée pas de droit réel. Chaque partie a convenu que s’il se produisait un certain événement dépendant de leur propre volonté, l’autre partie aurait un droit de préemption durant une période de trente jours. La clause faisait partie d’une entente entre les copropriétaires d’un bien, entente qui prévoyait l’exploitation et l’aménagement de ce bien. En substance, il s’agissait d’une obligation négative par laquelle chaque partie s’engageait à ne pas permettre qu’une tierce partie la remplace comme copropriétaire, sans donner l’occasion à l’autre partie de devenir seul propriétaire en remplissant les conditions de vente prévues. Une convention qui est un contrat personnel et qui ne crée pas de droit sur un bien-fonds n’est pas assujettie à la règle contre la pérennité.

Violant ses engagements envers les intimées, Sadim a cédé ses intérêts dans le bien‑fonds à Lond Island qui a obtenu son titre alors qu’elle connaissait parfaitement les exigences de la clause restrictive. Selon l’equity, Long Island était liée par cette obligation, et, par conséquent, les intimées avaient droit à l’ordonnance d’exécution même de l’obligation.

Distinction faite avec les arrêts: London and South Western Railway Co. v. Gomm (1882), 20 Ch. D. 562; Frobisher Ltd. c. Canadian Pipelines & Petroleums Ltd. et autres, [1960] R.C.S. 126; arrêts suivis: Weber v. Texas Co. (1936), 83 F. 2d 807; Manchester Ship Canal Co. v. Manchester Racecourse Co., [1901] 2 Ch. 37; arrêt non suivi: Albay Realty Ltd. v. Dufferin-Lawrence Development Ltd (1956), 2 D.L.R. (2d) 604; arrêt mentionné: Murray v. Two Strokes Ltd. [1973] 3 All E.R. 357.

POURVOIS interjetés à rencontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta[1], confirmant un jugement du juge en chef Milvain de la Division de première instance. Pourvois rejetés.

[Page 717]

G.F. Dixon, pour la défenderesse, appelante, Canadian Long Island Petroleums Ltd.

J.M. Hope, c.r., pour la défenderesse, appelante, Sadim Oil and Gas Co. Ltd.

J. Hopwood, pour les défenderesses, intimées.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — Ces appels sont à rencontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta, qui a confirmé le jugement de première instance qui avait ordonné et déclaré que sur paiement de la somme de $20,000, tel que prévu au jugement, les intimées avaient droit à l’exécution même de la convention qui était en litige au procès.

Les parties s’entendent sur les faits, et ceux qui sont pertinents aux appels sont énoncés dans les motifs de M. le juge en chef Milvain dans son jugement en première instance, lesquels j’expose maintenant dans leur forme originale.

[TRADUCTION] «1. Le 14 mars 1966, une convention d’amodiation a été conclue par Decklab Petroleum Corporation, cédante, et Glenwood Development Corporation Ltd., preneuse. En vertu de cette convention, Glenwood a acquis ou est devenue habilitée à acquérir les intérêts maintenant en cause.

2. Le 1er août 1966, Glenwood, ayant acquis des intérêts de propriété en vertu de la convention qui précède, a conclu une convention avec Sadim. Cette convention contient l’attendu que voici:

«Attendu que les parties aux présentes détiennent chacune une part ou un intérêt indivis dans certains biens-fonds (ci-après appelés les biens-fonds détenus conjointement) et désirent conclure une convention pour l’exploitation et l’aménagement conjoints des biens-fonds détenus conjointement.»

La convention prévoit ensuite que Glenwood serait l’exploitante, et contient les clauses nombreuses et habituelles que l’on trouve

[Page 718]

dans des conventions de ce genre. L’une d’elles est la clause 13 qui se lit comme suit:

13. TRANSFERTS, VENTES ET CESSIONS:

Si une partie aux présentes (ci-après appelée dans la présente clause «la partie qui vend») reçoit une offre authentique en vue de l’acquisition de la totalité ou d’une partie de sa participation et est disposée à l’accepter, elle doit sur-le-champ donner à l’autre partie (ci-après appelée dans la présente clause «la partie qui ne vend pas») qui n’a pas reçu d’offre, avis écrit des conditions de ladite offre et du nom et de l’adresse de l’offrant, et la partie qui ne vend pas aura en priorité pour une période de trente (30) jours après cet avis écrit le droit d’acheter cette participation au prix et suivant les conditions que contient ladite offre. Si la partie qui ne vend pas ne choisit pas d’acheter cette participation, la partie qui vend sera libre, pendant une période de quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date à laquelle ledit avis de trente (30) jours expire, d’effectuer cette vente à l’offrant à des conditions qui ne sont pas plus favorables audit offrant que celles que contenait ladite offre. Les dispositions de la présente clause relatives à l’obligation de la partie qui vend d’offrir la totalité ou une partie de sa participation à la partie qui ne vend pas ne s’appliqueront pas aux fusions ou regroupements ou aux cessions ou transferts entre corporations mères et filiales ou filiales d’une compagnie mère si la compagnie mère possède au moins cinquante pour cent (50%) des actions donnant droit de vote de la corporation ou des corporations filiales, ou entre des compagnies affiliées contrôlées par des compagnies mères mutuelles, ou à la vente par la partie qui vend de tous ses biens au Canada ou à l’octroi d’une garantie à toute banque à charte au Canada en vertu de l’article 82 de la Loi sur les banques. Advenant qu’une partie vende ou aliène d’autre façon moins que la totalité de sa participation prévue aux présentes ou vende ou aliène d’autre façon la totalité de sa participation à plus d’une personne, l’autre partie traitera la partie aliénatrice comme si elle était toujours propriétaire de la participation qu’elle avait avant ladite aliénation et ne reconnaîtra pas le cessionnaire ou l’acheteur, ou les cessionnaires ou les acheteurs, ni ne traitera avec eux, avant qu’un cessionnaire unique ou acheteur unique n’ait acquis la totalité de la participation de la partie aliéna-

[Page 719]

trice, sur quoi ledit cessionnaire unique ou acheteur unique sera substitué à la partie aliénatrice en signant et remettant à l’autre partie une copie de la présente convention et le cessionnaire ou l’acheteur deviendra alors assujetti à toutes les modalités et conditions de la présente convention, y compris les modalités et conditions de la présente clause 13.

3. Une convention datée du 1er août 1967 a été conclue entre Irving et Sadim.

Cette convention énonce la convention d’exploitation mentionnée ci-dessus datée du 1er août 1966, et poursuit en ces termes:

«Et attendu que Glenwood a, avec le consentement de Sadim, par convention datée du 31 août 1967 vendu à Irving la totalité de ses intérêts dans lesdits biens-fonds détenus conjointement.»

Ici je désire noter, entre parenthèses, qu’il doit y avoir erreur dans les dates figurant sur les copies des documents qui m’ont été soumis. Comment une convention datée du 31 août 1967 peut-elle être mentionnée dans un document daté du 1er août 1967?

Toutefois, cette convention montre clairement que Irving doit prendre la place de Glenwood dans la convention du 1er août 1966. En fait la convention du 1er août 1966 est annexée comme annexe «A», et il est prévu dans la clause 4 ce qui suit:

«4. Sous réserve des dispositions de la clause 13 de l’annexe «A», la présente convention sera exécutée à l’avantage des parties contractantes et liera celles-ci, ainsi que leurs successeurs et ayants cause.»

4. Des pourparlers entre Sadim et Long Island ont eu lieu avant le 5 novembre 1970 en vue de la vente par Sadim de ses intérêts dans les biens-fonds détenus conjointement à Long Island.

5. Le 5 novembre 1970, Sadim a envoyé à Long Island la lettre suivante:

«5 novembre 1970

Canadian Long Island Petroleums Ltd.,

401 Lancaster Building,

CALGARY 2, Alberta.

[Page 720]

A l’attention de M.V. Bolin.

Messieurs:

Objet: Glenwood Sadim Pembina

Ltd. 2-27 BR-48-6-W. 5 M.

Suite à nos récentes discussions, la présente confirme que Sadim Oil & Gas Ltd. est prête à vendre la totalité de ses intérêts dans le puits et l’unité d’espacement mentionnés en rubrique pour une somme de $20,000 comptant.

Les détails de cette affaire sont comme suit:

Concession n° 116915 de Petroleum & Natural Gas inscrit au nom de Dekalb Petroleum Corporation.

Sadim détient une part d’exploitation de 50% dans la partie S. ½ du 27-48-6-W.5 M. jusqu’au Basal Belly River Sand inclusivement.

La part d’exploitation restante de 50% appartient à Irving Industries Limited qui détient le droit de sous-traiter ses obligations d’exploitante à Robert J. Sumner.

Dekalb Petroleum Corp. se réserve une redevance dérogatoire brute sur le gaz et le pétrole égale à celle qui est due à la Couronne.

Nous incluons pour votre examen copies des documents suivants:

1. Convention d’amodiation entre Dekalb Petroleum Corp. et Glenwood Development Corp. Ltd.

2. Accord de cession entre Glenwood Development Corp. Ltd. et Sadim Oil and Gas Co. Ltd.

3. Mémoire d’accord entre Irving Industries Ltd. et Sadim Oil and Gas Co. Ltd.

La présente offre est sujette à acceptation et retrait sans préavis.

Bien à vous,

SADIM OIL & GAS LTD.,

J.R. Crawford,

Incl. agent des terrains,

cc. M.R. J. Sumner,

10 — 600 Sixth Ave. S.W.,

Calgary, Alberta.»

Il faut noter à ce stade-ci que 1’«offre», si c’en est une, vient de Sadim et non l’inverse. C’est sur cette base que les défenderesses prétendent que le marché entre elles n’est pas

[Page 721]

visé par la clause 13 de la convention d’exploitation.

6. Le 5 novembre 1970, Long Island fait parvenir à Sadim la lettre suivante:

‘CANADIAN LONG ISLAND

PETROLEUMS LTD.

401 Lancaster Building —

Calgary 2, Canada

le 5 novembre 1970.

Sadim Oil & Gas Co. Ltd.,

5122 — 3rd Street S.E.,

C.P. 5520 — Station «A»

Calgary 9, Alberta.

Messieurs,

Objet: Glenwood Sadim Pembina

LSD 2-27-BR-48-6-W.5ième

Méridien

Je me reporte à votre lettre du 5 novembre 1970 et à votre offre de vendre ce qui est mentionné en rubrique.

Notre compagnie par la présente accepte votre offre.

Veuillez faire parvenir vos documents de transfert habituels à nos procureurs: —

Messieurs Macleod, Dixon, Burns, Love, Leitch, Lomas, Charters & Montgomery,

Avocats et procureurs,

555 — Édifice Bentall,

Calgary 2, Alberta.

à l’attention de M.K.S. Dixon, c.r., et nous verrons à compléter le tout de la façon habituelle.

Bien à vous,

CANADIAN LONG ISLAND

PETROLEUMS LTD.

«Vincent Bolin»

VB:LL Président.»

Il convient de remarquer à ce moment-ci que se trouvait parmi les documents inclus le mémoire d’accord entre Irving et Sadim auquel était joint comme annexe «A» la convention entre Glenwood et Sadim qui contient la clause 13 tant controversée.

7. Le 5 novembre 1970, Sadim fait parvenir à Irving la lettre suivante:

[Page 722]

‘SADIM OIL & GAS CO. LTD.

5112 — 3rd Street S.E.

C.P. 5520, Station «A»

CALGARY 9, Alberta

Irving Industries Ltd., le 5 novembre 1970

125-66 AvenueS.E.,

CALGARY, Alberta.

A l’attention de M.H. A. Irving

Messieurs,

Objet: Glenwood Sadim Pembina

Lsd. 2-27 BR-48-6-W.5 M.

Nous vous renvoyons au mémoire d’accord en date du 1er août 1967, entre Irving Industries (Irving Wire Products Division) Ltd. et Irving Industries (Foothills Steel Foundry Division) Ltd. de première part, et Sadim Oil & Gas Co. Ltd. de deuxième part, relativement au puits et à l’unité d’espacement mentionnés en rubrique.

Conformément à la clause 13 de l’annexe «A» dudit accord, vous êtes par les présentes avisés que Sadim Oil & Gas Co. Ltd. a offert de vendre à Canadian Long Island Petroleum Ltd. la totalité de ses intérêts dans les biens mentionnés en rubrique moyennant $20,000 comptant.

Une copie de la lettre énonçant les modalités de l’offre est jointe pour votre information.

Bien à vous,

SADIM OIL & GAS CO. LTD.,

«J.R. Crawford»

Incl. J.R. Crawford,

POSTE RECOMMANDÉE agent des terrains»

Tel que mentionné, une copie de la lettre de Sadim à Long Island, reproduite au numéro 5 ci‑dessus, était jointe.

8. Le 9 novembre 1970, Sadim fit parvenir à Long Island la lettre suivante:

«le 9 novembre 1970

Canadian Long Island Petroleums Ltd.,

401 Lancaster Building,

CALGARY 2, Alberta.

A l’attention de M.V. Bolin.

Messieurs,

Objet: Glenwood Sadim Pembina

Lsd. 2-27-BR-6-W. 5 M.

Suite à votre lettre du 5 novembre et à nos récentes conversations, nous désirons confirmer que l’exploitante, Irving Industries Ltd., a un droit de préemption sur les biens mentionnés en

[Page 723]

rubrique, conformément à la clause 13 de l’annexe «A» du mémoire d’accord en date du 1er août 1967, dont copie vous a été transmise.

Nous vous tiendrons au courant du déroulement des événements en cette affaire.

Bien à vous,

SADIM OIL & GAS CO. LTD.,

J.R. Crawford

agent des terrains»

Je crois qu’on doit noter que Sadim et Long Island sont maintenant toutes deux parfaitement au courant de la clause 13.

9. Le 4 décembre 1970, Irving fait parvenir à Sadim la lettre suivante:

«le 4 décembre 1970

Sadim Oil and Gas Co. Ltd.,

5112 — 3rd Street SE

C.P. 5520, Stn. A

Calgary, Alberta

A l’attention de J.R. Crawford

Monsieur,

Objet: Glenwood Sadim Pembina

LSD-2-27-BR-48-6-W-5.

Suite à votre lettre relative à la vente de 50% des intérêts dans le puits de pétrole dont il est question, nous vous avisons que nous nous en porterons acquéreurs moyennant le prix pour lequel vous les avez mis en vente, soit $20,000. La somme sera payée en entier le ou avant le 31 décembre 1970.

Si vous désirez discuter davantage cette affaire, veuillez communiquer avec le soussigné.

Bien à vous,

IRVING INDUSTRIES (IRVING

WIRE PRODUCTS DIVISION) LTD.

Harry A. Irving

HAI/jm Président»

On doit remarquer, en raison de l’entente sur les questions en litige mentionnées plus loin, que cette lettre a été jointe comme Pièce 8 à l’exposé des faits convenus. Je pense aussi qu’on devrait noter que cette lettre a été envoyée dans le délai de 30 jours mentionné à la clause 13 de la convention d’exploitation.

[Page 724]

10. Le 16 décembre 1970, les procureurs d’Irving ont fait parvenir à Sadim la lettre suivante:

«le 16 décembre 1970

K-25,371

Sadim Oil and Gas Co. Ltd.,

5112 — 3rd Street S.E.,

C.P. 5520, Station A,

CALGARY, Alberta

A l’attention de M.J.R. Crawford

Monsieur,

Objet: Glenwood Sadim Pembina Lsd.

2-27 BR-48-6 W5M

Nous représentons Irving Industries (Irving Wire Products Division) Ltd. et nous vous renvoyons à votre lettre du 5 novembre 1970 adressée à notre cliente conformément à la clause 13 de la convention d’exploitation du 1er août 1967. Nous vous renvoyons aussi à la lettre de notre cliente du 4 décembre 1970 où celle-ci vous avisait qu’elle était disposée à se porter acquéreur des biens dont il est question selon les modalités énoncées dans votre lettre.

Nous vous demandons de faire le nécessaire pour que vos procureurs préparent les documents requis pour le transfert et les fassent parvenir à notre bureau pour qu’ils soient signés par notre cliente. Veuillez également nous indiquer le lieu du dépôt des $20,000 du prix d’achat. Votre attention immédiate et une prompte réponse nous obligeraient.

EFM/mr Bien à vous,

cc. M.H. Irving E.F. McRory»

11. Le 28 décembre, les procureurs d’Irving ont fait parvenir à Sadim la lettre suivante:

«le 28 décembre 1970

K-25,371

Sadim Oil and Gas Co. Ltd.,

5112-3rd Street S.E.,

C.P. 5520, Station A,

CALGARY, Alberta

A l’attention de M.J.R. Crawford

Monsieur:

Objet: Glenwood Sadim Pembina Lsd. 2-27

BR-48-6 W5M

Nous vous renvoyons à notre lettre du 16 décembre 1970 au sujet de la vente des biens mentionnés à Irving Industries (Irving Wire Prod-

[Page 725]

ucts Division) Ltd. Il ne semble pas que nous aypns reçu jusqu’à présent d’accusé de réception ou de réponse. Vu que notre client préférerait compléter ce marché avant le 31 décembre 1970, nous vous prions d’accorder votre attention à cette affaire et de nous répondre aussitôt que possible.

Bien à vous,

EFM/mr E.F. McRORY»

12. Par des accords en date du 5 janvier 1971, Sadim a cédé à Long Island la totalité de ses intérêts dans les «biens-fonds détenus conjointement» moyennant la somme de $20,000 qui a été versée.

13. Les parties reconnaissent que Long Island est en mesure de transférer à Irving ce qu’elle détient si on décide que les demanderesses ont droit à l’exécution même du contrat.

Enfin, dans l’exposé des faits convenus, les parties précisent, aux paragraphes 14 et 15, les questions en litige de la façon suivante:

14. QUESTIONS EN LITIGE

Dans ces procédures, cette honorable Cour a trois principales questions à décider:

a) Est-ce que la clause 13 de la Pièce 1 va à rencontre de la règle contre la pérennité (rule against perpetuities), ce qui rendrait cette clause tout à fait nulle?

b) Si la clause 13 ne va pas à rencontre de cette règle, s’applique-t-elle alors de toute façon dans les circonstances de cette affaire?

c) Est-ce que la lettre, Pièce 8, soit l’avis de se porter acquéreur au même prix que celui offert par Long Island et selon les mêmes conditions, était conforme aux exigences de la clause 13 de la Pièce 1?

15. S’il est décidé que la règle contre la pérennité n’est pas violée par la clause 13 de la Pièce 1, et que ladite clause 13 s’applique aux circonstances en l’espèce, et si ladite lettre, Pièce 8, est conforme aux exigences de la clause 13 de la Pièce 1, les demanderesses ont-elles alors droit à une ordonnance d’exécution de l’obligation même, soit le

[Page 726]

transfert de la totalité des intérêts appartenant autrefois à Sadim aux demanderesses moyennant la somme de $20,000 et si les défenderesses sont dans l’impossibilité de transférer lesdits intérêts, alors les demanderesses ont-elles droit à un procès sur la question des dommages subis par elles comme conséquence de cette impossibilité de faire le transfert?»

A la fin du plaidoyer de l’avocat des appelantes, nous avons avisé l’avocat des intimées que nous n’avions pas besoin d’entendre d’autres arguments sur les questions précisées aux alinéas b) et c). Sur ces points, nous sommes tous d’accord avec le juge de première instance et la majorité de la Division d’appel.

La question principale qui reste à décider est si les dispositions de la cl. 13 vont à l’encontre de la règle contre la pérennité.

En considérant l’application de la règle contre la pérennité dans les circonstances de la présente affaire, il convient d’examiner la source de cette règle. Cheshire en fait l’historique dans Modem Real Property, 10e éd. aux pp. 234 et 235, comme suit:

[TRADUCTION] L’historique des règles qui ont empêché les constituteurs de rente de restreindre les avantages éloignés, est l’historique d’un conflit entre deux conceptions opposées. D’un côté, il y a le désir de l’homme qui a les moyens de pourvoir à la jouissance future de ses biens pour une période aussi longue que possible. Le privilège de constituer une rente ou de faire un testament constitue une arme puissante entre les mains d’un homme au déclin de la vie, et à moins qu’on ne transforme la nature humaine, la possibilité qu’offre ce privilège de déterminer les destinées pécuniaires des générations à venir ne peut être négligée. Un propriétaire foncier, à moins qu’il n’envisage les conséquences fiscales, ne souhaite pas toujours léguer des biens considérables dont son fils pourra disposer librement. Les gens âgés particulièrement, satisfaits de leurs réalisations et souvent irrités par les folies apparentes d’une époque décadente, sont portés à fixer des limites à chaque génération de bénéficiaires et à prévoir une suite d’avantages restreints. Un propriétaire foncier se complaît dans le pouvoir de disposer librement de ses biens lorsqu’il détient lui-même ce pouvoir mais il ne ressent pas la même sérénité lorsqu’il s’agit de la

[Page 727]

«Mais la liberté d’aliéner et de disposer était inconciliable avec la façon dont les grands propriétaires fonciers considéraient leur héritage. Maintenir le nom et la position de leur famille et conserver à l’intérieur de celle-ci la propriété du domaine leur semblaient un objectif désirable et même souhaitable et empêcher un détenteur particulier du domaine de faire des transactions qui iraient à l’encontre des intérêts des générations futures dans le domaine familial était un moyen nécessaire pour parvenir à cette fin. Les grands propriétaires fonciers chargeaient leurs conseillers juridiques d’imposer des restrictions, en demeurant dans les limites de la loi, au droit d’aliéner et de léguer par testament pour les plus longues périodes possibles au cours desquelles la volonté du défunt pourrait régir les actes de ses héritiers.» (Scrutton, Land in Fetters, p. 108.)

Toutefois cette aspiration a eu tôt fait de susciter la désapprobation des tribunaux. Cet attachement de l’homme au pouvoir a toujours provoqué une profonde antipathie chez les juristes, et cela remonte aux temps les plus lointains. C’est une chose de permettre le libre exercice du pouvoir d’aliénation, mais c’en est une autre que de permettre qu’il provoque son autodestruction. Le droit vise à interdire toute clause qui chercherait à retirer un bien-fonds de la circulation, et dans l’application de cette politique se sont dégagées deux règles qui ont réussi à enrayer ce mal particulier que sont les «obligations à perpétuité» («perpetuities»), bien que par leur nature ces deux règles diffèrent essentiellement Tune de l’autre. La première, dirigée contre les avantages inaliénables est souvent appelée l’ancienne règle contre la pérennité, défend la création de toute forme de substitution non ouvrable; la seconde, la règle moderne contre la pérennité invalide un droit ou intérêt qui peut être dévolu à une époque trop lointaine.

Cheshire, à la p. 240, définit la «perpetuity period»:

[TRADUCTION] Selon la common law, la dévolution d’un droit peut être différée durant la vie des personnes conçues ou nées au moment où l’acte constitutif prend effet, plus une période de vingt et un ans après le décès de la dernière de ces personnes. Tout droit restreint de façon à être dévolu après l’expiration de cette période est tout à fait nul.

[Page 728]

Il s’agit de déterminer si cette règle, qui n’est pas une disposition législative mais judiciaire, s’applique en l’espèce.

L’énoncé des faits mentionne une convention d’amodiation. Decklab Petroleum Corporation détenait de la Couronne une concession de pétrole et de gaz naturel. En vertu de l’entente avec Glenwood Development Corporation Ltd., moyennant une redevance dérogatoire brute payable par Glenwood à Decklab, Glenwood pouvait acquérir, en forant un ou plusieurs puits dans les lieux loués, les droits que Decklab détenait en vertu de la concession. Elle pouvait acquérir ces droits par tranches d’un quart du bien-fonds qui faisait l’objet de la concession. Glenwood a effectivement acquis les droits qui font l’objet du litige.

Propriétaire de ces droits, Glenwood a conclu un accord le 1er août 1966, en vertu duquel l’appelante Sadim est devenue propriétaire d’une part d’intérêts indivise dans les biens-fonds en question. Cette convention débutait par l’énoncé suivant:

[TRADUCTION] ATTENDU QUE les parties aux présentes détiennent chacune une part ou un intérêt indivis dans certains biens-fonds (ci-après appelé les biens-fonds détenus conjointement) et désirent conclure une convention pour l’exploitation et l’aménagement conjoints des biens-fonds détenus conjointement;

Cette convention régissait l’exploitation et l’aménagement conjoints de certains gisements pétroliers. La clause 13, la clause importante en l’espèce, était incluse dans cette convention. C’était l’une des conditions relatives à la propriété conjointe des biens-fonds. Elle visait à protéger la volonté de chacun des co-propriétaires de ne pas être contraint de participer contre son gré à une co-propriété avec un tiers.

Sadim a accepté que Irving succède à Glenwood. Irving et Sadim ont signé une convention le 1er août 1967. La convention du 1er août 1966, mentionnée plus haut, et a été incorporée et est devenue partie intégrante de la dernière convention.

[Page 729]

La prétention des appelantes est que la cl. 13 donnait à chacune des parties un droit équitable sur le bien-fonds qui aurait pu n’être dévolu qu’après l’expiration de la période prescrite par la règle contre la pérennité et était par conséquent nulle. On s’est basé sur le jugement de la Cour d’appel d’Angleterre dans London and South Western Railway Co. v. Gomm[2], et sur l’arrêt de cette Cour dans Frobisher Ltd. c. Canadian Pipelines & Petroleums Ltd. et al.[3]

Dans l’affaire Gomm, il s’agissait d’un contrat daté le 10 août 1865, entre London and South Western Railway Company et George Powell, par lequel la société ferrovière cédait à Powell une parcelle de terrain dont elle n’avait plus besoin pour les fins de son chemin de fer. Powell, personnellement et au nom de ses héritiers, exécuteurs, administrateurs et ayants droit, avait convenu avec la société ferrovière, ses successeurs et ayants droit, que lorsque lui, ses héritiers ou ayants droit seraient devenus propriétaires des terrains devant faire l’objet de la cession, ainsi que toutes les personnes qui auraient ou pourraient avoir des intérêts dans ces terrains, devraient, en tout temps, si la société venait à avoir besoin du terrain pour son chemin de fer ou ses ouvrages et si la société, ses successeurs ou ayants droit en faisaient la demande en donnant un préavis par écrit de six mois et moyennant le paiement de la somme de £100, rétrocéder le terrain.

En 1879, Powell vendit les terrains à Gomm qui connaissait parfaitement les termes du contrat de 1865. Le 12 mars 1880, la société ferrovière avisait Gomm de son intention de racheter le terrain. Gomm refusa de le rétrocéder et la société ferrovière intenta des procédures demandant l’exécution même de la stipulation.

En première instance, l’affaire a été entendue par le juge Kay qui décida que la stipulation ne grevait le terrain d’aucun droit réel et que, par conséquent, elle n’allait pas à l’encontre de la

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règle contre la pérennité. Il décida, en se basant sur le principe énoncé dans l’arrêt Tulk v. Moxhay[4], que Gomm était lié par la stipulation.

En appel, il a été décidé que la stipulation donnait à la société ferrovière un droit exécutoire sur le terrain conditionnel à l’accomplissement d’un fait qui pouvait se produire après la période permise par les règles applicables, et était invalide.

M. Jessel, maître des rôles, à la p. 580, après avoir mentionné la stipulation concernant le droit de rachat, déclarait:

[TRADUCTION] Si la règle relative à la période maximum s’applique à une stipulation de cette nature, cette stipulation est clairement irrégulière puisqu’elle prolonge la période permise par la règle. Selon moi, la question de l’application de la règle dépend de celle de savoir si la stipulation crée un droit sur le terrain. S’il s’agit d’un simple contrat personnel, elle ne va pas naturellement à l’encontre de la règle mais alors il est impossible de voir comment l’appelant pourrait être lié. Il n’a pas été partie au contrat; il a acheté à Powell qui lui a été partie. S’il s’agit simplement d’un contrat personnel, il ne peut être exécutoire contre le cessionnaire. Ainsi, la société doit admettre que le contrat grève le terrain de quelque façon. Mais si le contrat grève le terrain, il crée un droit en equity sur celui-ci. Le droit de demander le transfert du terrain est un droit ou un avantage en equity. Dans le cas ordinaire d’un contrat d’achat, il n’y a pas de doute à ce sujet et un droit de rachat n’est pas de nature différente. Une personne qui lève l’option a deux choses à faire, elle doit donner avis de son intention d’acheter et payer le prix d’achat; mais en ce qui concerne la personne qui doit faire le transfert, son avantage ou son droit lui est retiré sans son consentement, et vu que ce privilège de reprise est cédé à un autre, la stipulation d’option doit lui donner un droit sur le bien-fonds.

L’affaire Frobisher ne concernait pas l’application de la règle contre la pérennité, mais la question de savoir si une option sur certains claims miniers en Saskatchewan créait un droit sur ces claims. Les règlements établis sous l’empire du Mineral Resources Act de la Saskatchewan, R.S.S. 1953, c. 47, décrètent qu’une personne ou compagnie qui n’est pas porteur d’un

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permis ne peut acquérir aucun claim minier ni aucun droit ou intérêt dans celui. Lorsque le droit d’option a été acquis, ce permis n’avait pas été obtenu.

La majorité de cette Cour s’est inspirée de l’affaire Gomm pour décider que l’option constituait un droit sur les claims miniers. Le juge Judson a déclaré, à la p. 169:

[TRADUCTION] Une option d’acheter un bien-fonds crée-t-elle un droit en equity sur celui-ci? La question a habituellement été étudiée à propos des cessions et des baux d’une part et la règle contre la pérennité d’autre part, et il a été décidé que le délai pour exercer le droit d’option est trop long s’il peut être exercé au-delà de la «perpetuity period». La théorie fondamentale est que l’option d’acheter un bien-fonds crée effectivement un droit en equity parce qu’on peut exiger l’exécution de l’obligation même. Il existe un privilège de réserver son droit d’option qui est semblable à celui qu’obtient l’acheteur, en vertu d’un contrat établi, de pouvoir exiger un transfert. Il existe dans les deux cas un droit en equity, mais dans le cas de l’option le droit est éventuel. L’éventualité consiste dans le choix de lever l’option.

Je crois que le principe appliqué dans ces décisions est très bien exposé dans un extrait de Morris and Leach, The Rule Against Perpetuities, 2e éd., p. 219:

[TRADUCTION] Le raisonnement qui a conduit à cette conclusion a été le suivant. Une option d’acheter un bien-fonds est une obligation dont on peut exiger l’exécution même. Cela donne au détenteur de l’option un droit en equity sur le bien-fonds, droit qui dépend du choix de ce détenteur de lever l’option. Les droits éventuels sur le bien-fonds sont nuls à moins qu’ils puissent être dévolus (si la dévolution est possible) dans les limites de la «perpetuity period». Par conséquent, une option d’achat qui peut être levée au-delà de la «perpetuity period» est nulle dans la mesure où elle crée un droit sur le bien-fonds.

A mon avis ce raisonnement ne s’applique pas au droit de préemption énoncé à la cl. 13.

Une option, lorsqu’elle est accordée, donne à l’optant le droit, qu’il peut exercer à l’avenir, d’obliger l’optionnaire à lui céder les biens qui font l’objet de l’option. Comme M. Jessel, maître des rôles, le mentionne dans l’extrait précité:

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[TRADUCTION] …mais en ce qui concerne la personne qui doit faire le transfert, son avantage ou son droit lui est retiré sans son consentement, et vu que ce privilège de reprise est cédé à un autre, la stipulation d’option doit lui donner un droit sur le bien-fonds.

En d’autres mots, la nature d’une option d’achat est de donner à l’optant, après que l’option a été accordée, le privilège d’exiger qu’on lui transfère la propriété si certains faits, dont il a seul le contrôle, se produisent.

La clause 13 ne donnait aux intimées aucun droit actuel d’exiger ultérieurement de Sadim un transfert de sa moitié indivise des intérêts dans le bien-fonds. Au moment de la signature de la convention, la clause n’était pas exécutoire. Aucun droit n’a été donné aux intimées d’acquérir la part de Sadim sans son consentement. Leur droit sous le régime de cette clause était contractuel, c’est-à-dire qu’il était convenu que si Sadim était disposé à vendre sa part, les intimées auraient alors, et seulement dans ce cas, trente jours pour s’en porter acquéreur aux mêmes conditions. Dans cette clause, l’éventualité dépend uniquement de la décision de Sadim de vendre sa part.

Je suis d’accord avec l’opinion exprimée dans un arrêt de la Cour d’appel de Circuit (cinquième Circuit) par le juge de district Strum, dans l’affaire Weber v. Texas Co.[5], à la p. 808:

[TRADUCTION] La règle contre la pérennité est fondée sur des considérations d’ordre public. La raison sous-jacente à cette règle est d’éviter que des biens-fonds soient grevés de droits futurs subordonnés à des faits éventuels indûment lointains, ce qui a pour effet d’isoler le bien-fonds et d’empêcher qu’il soit mis en circulation ou aménagé durant de longues périodes, limitant ainsi indirectement le droit d’aliénation, chose que la common law considère contraire à l’ordre public.

Il cite ensuite à l’appui de cette thèse des précédents dont l’affaire Gomm, supra. Et il ajoute:

[TRADUCTION] L’option (il s’agissait en réalité d’un droit de préemption) n’était d’aucune façon visée par la règle. Ce n’était pas une option exclusive en faveur

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du locataire d’acheter à un prix donné et qui aurait pu être levée à quelque époque lointaine, après l’expiration de la période prévue par la règle’ contre la pérennité, empêchant pendant ce temps toute aliénation. L’option donne simplement au locataire le privilège de se porter acquéreur des intérêts du locateur dans les redevances au même prix que ce dernier pourrait obtenir d’un autre acheteur quand il veut les vendre. Cela ne donne pas plus qu’un privilège continu d’acheter au prix du marché lorsque le locateur désire vendre. Ce droit d’acheter ne restreint pas la liberté d’aliéner. Le locataire ne peut empêcher une vente. Tout ce qu’il peut faire en vertu de son privilège d’achat, c’est d’accepter ou de refuser l’offre lorsque le locateur est prêt à vendre. Le droit d’option n’est pas par conséquent opposable à titre d’obligation perpétuelle.

La question de savoir si un droit de préemption constitue un droit ou intérêt dans un bien-fonds a été examinée par la Cour d’appel d’Angleterre dans l’arrêt Manchester Ship Canal Co. v. Manchester Racecourse Co.[6] Le tribunal a eu à examiner une clause dans la convention entre les deux sociétés qui mentionnait notamment ce qui suit:

[TRADUCTION] 3. Lorsque les biens-fonds et immeubles appartenant à la société de l’hippodrome, actuellement utilisés comme piste de course, cesseront d’être utilisés à cette fin, ou si en aucun temps on projetait de s’en servir pour des fins portuaires, alors, dans l’un ou l’autre de ces cas, la société de l’hippodrome devra donner à la société du canal un droit de préemption pour l’acquisition en bloc desdits biens-fonds et immeubles….

Cette convention faisait partie d’une annexe à une loi du Parlement, qui a été reconnue valide et obligatoire à l’égard des parties.

La société de l’hippodrome a offert de vendre les biens-fonds mentionnés à la société du canal moyennant £350,000. A ce moment-là, la société de l’hippodrome avait déjà eu une offre d’achat de £250,000 de Trafford Park Company qui désirait utiliser les biens-fonds à des fins portuaires. La société du canal a offert £200,-000, somme qui n’a pas été acceptée, et la société de l’hippodrome a par la suite vendu les biens-fonds à Trafford Park Company moyen-

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nant £280,000. Cette dernière compagnie connaissait la clause en question et a convenu d’indemniser la société de l’hippodrome contre toute réclamation découlant de cette clause.

En première instance, le juge Farwell a décidé que la société de l’hippodrome ne pouvait vendre la piste de course sans l’offrir d’abord à la société du canal au prix effectivement offert par Trafford Park Company. Il a conclu, en s’appuyant sur le précédent de London and South Western Railway Co. v. Gomm, supra, que le droit de préemption donnait à la société du canal un droit sur le bien-fonds qu’elle pouvait faire valoir contre Trafford Park Company.

La Cour d’appel a décidé que la clause ne créait en faveur de la société du canal aucun droit dans le bien-fonds. Cette décision n’a pas amené la Cour à la conclusion énoncée par le maître des rôles Jessel dans l’affaire Gomm, que si la société du canal n’avait aucun droit ou intérêt dans le bien-fonds, elle n’avait aucun droit à faire valoir contre Trafford Park Company. Il a été décidé que la clause comportait une obligation négative en vertu de laquelle la société de l’hippodrome acceptait de ne pas céder la piste de course à quelqu’un d’autre sans l’offrir d’abord à la société du canal et que, par conséquent, celle-ci pouvait faire valoir la clause contre Trafford Park Company conformément aux principes de Lumley v. Wagner[7].

L’affaire Gomm n’a pas été expressément mentionnée dans l’arrêt de la Cour d’appel. En revanche, le jugement de première instance s’était fondé sur cet arrêt qui avait d’ailleurs été mentionné dans les plaidoiries devant la Cour d’appel. Le jugement de cette cour-là était un jugement réservé. C’est pourquoi il semble clair que là Cour d’appel a été d’avis que le raisonnement dans l’affaire Gomm en ce qui concerne une option, ne s’appliquait pas à la clause en litige donnant un droit de préemption.

Le juge Goulding, dans l’affaire récente de Murray v. Two Strokes Ltd.[8], a fondé sa déci-

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sion sur l’arrêt Manchester et il déclare (à la p. 361) que: (traduction) «Aucune mention n’a été faite d’un précédent ou d’une loi postérieurs qui affaiblissent la portée de la déclaration du lord juge Vaughan Williams.» Ce dernier a rendu le jugement au nom de la Cour.

L’avocat des appelantes s’est fondé sur la décision Albay Realty Ltd. v. Dufferin-Lawrence Development Ltd.[9]., où l’on trouve une convention donnant un droit de préemption. Il s’agit d’un jugement oral rendu au procès. Le motif principal de la décision ne portait pas sur la règle contre la pérennité, question qui a été traitée très brièvement à la fin du jugement comme motif additionnel. On s’est appuyé sur Gomm mais l’arrêt Manchester n’a pas été mentionné. Le droit de préemption est appelé «le droit ou l’option», et il paraît clair qu’on n’a pas soulevé la distinction entre les termes.

A mon avis, le droit conféré par la cl. 13 de la convention en question n’a pas crée ici de droit réel. Chaque partie a convenu que s’il se produisait un certain événement dépendant de leur propre volonté, l’autre partie aurait un droit de préemption durant une période de trente jours. Comme mentionné antérieurement, la clause fait partie d’une entente entre les co‑propriétaires d’un bien, entente qui prévoit l’exploitation et l’aménagement de ce bien. En substance, il s’agit d’une obligation négative par laquelle chaque partie s’engage à ne pas permettre qu’une tierce partie la remplace comme co-propriétaire, sans donner l’occasion à l’autre partie de devenir seul propriétaire en remplissant les conditions de vente prévues.

Une convention qui est un contrat personnel et qui ne crée pas de droit sur un bien-fonds n’est pas assujettie à la règle contre la pérennité. Comme Cheshire le déclare (Modem Real Property, 10e éd., à la p. 258):

[TRADUCTION] Il est indiscutable qu’une convention purement, personnelle, qui ne crée aucun droit sur un bien-fonds, n’est pas assujettie à la règle

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contre la pérennité. Par conséquent, elle ne sera pas nulle pour la simple raison que l’obligation stipulée peut durer indéfiniment.

Pour les motifs mentionnés ci-dessus, je suis d’avis que la règle contre la pérennité ne s’applique pas aux circonstances en l’espèce.

La question qui reste à décider est si les intimées ont droit à l’ordonnance d’exécution de l’obligation même qui leur a été accordée en première instance et confirmée en appel par la Division d’appel.

La position des appelantes est que Sadim a cédé sa moitié indivise des intérêts dans le bien‑fonds à Long Island et que cette dernière n’était pas partie à la convention contenant la cl. 13. On prétend que, si les intimées n’avaient pas un droit réel sur les biens-fonds acquis par Long Island, elles n’ont aucun recours contre cette dernière.

Comme je l’ai déjà mentionné, les dispositions de la cl. 13 comprennent une obligation négative de la part de Sadim de ne pas céder ses intérêts dans le bien-fonds à une autre personne sans l’offrir en priorité aux intimées. C’était là une clause restrictive accordée aux intimées à titre de privilège rattaché à leur moitié indivise d’intérêts dans le bien-fonds. Selon l’equity, Long Island est liée par cette obligation à moins qu’elle ne puisse prouver qu’elle a obtenu son titre sans connaître l’existence de la clause ce qui, d’après la preuve, est impossible.

Si les intimées avaient demandé une injonction pour empêcher Sadim de céder le bien-fonds, elles auraient pu l’obtenir, en se fondant sur l’arrêt Manchester, et l’ordonnance aurait lié Long Island. L’extrait suivant des motifs de jugement dans l’arrêt Manchester s’applique ici:

[TRADUCTION] Il semble cependant, d’après l’arrêt Willmott v. Barber ((1880) 15 Ch. D. 96) que Traf-ford Park Company ne pourrait obtenir une ordonnance demandant l’exécution même du contrat en vue de la vente et de l’achat du bien-fonds si la vente entraînait la violation d’un contrat antérieur fait avec une tierce personne; et il nous semble s’ensuivre qu’il faille traiter cette affaire comme une action en vue

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d’empêcher une violation d’un contrat dont l’exécution est imminente en vertu d’un contrat subséquent par la défenderesse avec une tierce personne qui connaissait pleinement la teneur du premier contrat. Cette situation semble s’apparenter au principe de Lumley v. Wagner [supra]. Le contrat ici qui donne à la société du canal le droit de préemption comporte une obligation négative de ne pas céder le terrain à un autre personne ou société sans permettre l’exercice de ce droit de préemption. Si l’action avait été intentée seulement contre la société de l’hippodrome, qui était partie au contrat, l’injonction demandée n’aurait pu être accordée sans porter atteinte aux droits et intérêts de Trafford Park Company. Celle-ci était une partie nécessaire à l’action, comme M. Gye l’était dans Lumley v. Wagner, puisque le prononcé de l’injonction dans cette cause-là visait à empêcher Mlle Wagner de donner suite à son contrat de chanter à l’opéra de M. Gye; et si le défendeur, ainsi appelé, intervient et insiste sur son droit à l’exécution du second contrat, nous ne voyons pas pourquoi l’injonction ne devrait pas être accordée contre lui.

En l’espèce, Sadim a effectivement cédé ses intérêts dans le bien-fonds à Long Island, qui a accepté le titre connaissant parfaitement les exigences de la clause restrictive. Ainsi, je ne considère pas que la position de Long Island vis-à-vis des intimées devrait être plus favorable parce que Sadim a effectivement violé ses engagements envers les intimées en cédant ses intérêts à Canadian Long Island. C’est un cas qui permet à juste titre d’appliquer la proposition énoncée dans Fry on Specific Performance, 6e éd., p. 90:

[TRADUCTION] § 205. En thèse générale, quelqu’un qui n’est pas partie au contrat n’est pas un défendeur régulier dans une action visant son exécution. Mais il y a des exceptions à cette règle générale.

§ 206. Si quelqu’un qui n’est pas partie au contrat devient en possession de l’objet du contrat dont il connait les termes, il est partie ou il peut devenir partie à une action visant l’exécution même du contrat selon le motif d’equity qu’il est touché par cette connaissance.

Je suis d’avis de rejeter les appels avec dépens.

Appels rejetés avec dépens.

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Procureurs de la défenderesse, appelante, Canadian Long Island Petroleums Ltd.: Macleod, Dixon, Burns, Love, Lomas & Montgomery, Calgary.

Procureurs de la défenderesse, appelante, Sadim Oil & Gas Co. Ltd.: Milner & Steer, Edmonton.

Procureurs des demanderesses, intimées: Howard, Moore, Dixon, Mackie & Forsyth, Calgary.

[1] [1973] 5 W.W.R. 99, 37 D.L.R. (3d) 1.

[2] (1882), 20 ch.D. 562.

[3] [1960] R.C.S. 126.

[4] (1848), 2 Ph. 744, 41 E.R. 1143.

[5] (1936), 83 F. 2d 807.

[6] [1901] 2 Ch. 37.

[7] (1852), 1 De G.M. & G. 604, 42 E.R. 687.

[8] [1973] 3 All E.R. 357.

[9] (1956), 2 D.L.R. (2d) 604.


Parties
Demandeurs : Canadian Long Island Petroleums Ltd. et al.
Défendeurs : Irving Industries Ltd.
Proposition de citation de la décision: Canadian Long Island Petroleums Ltd. et al. c. Irving Industries Ltd., [1975] 2 R.C.S. 715 (11 octobre 1974)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-10-11;.1975..2.r.c.s..715 ?
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