Synthèse
Référence neutre : [1976] 1 R.C.S. 341
Date de la décision :
06/03/1975Sens de l'arrêt :
Le pourvoi doit être rejeté
Analyses
Créancier et débiteur - Cession - Faillite - Cession générale des créances à la banque - Interprétation - Règle ejusdem generis - Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, c. B-3, art. 50(5).
Par ce qui était censé être une cession générale, S a cédé à la banque appelante «toutes les créances, tous les comptes, toutes les réclamations, toutes les sommes d’argent et tous les droits incorporels qui sont actuellement dûs ou qui pourraient par la suite être dûs au(x) soussigné(s) ou qui sont ou qui pourraient être possédés par lui(eux), et aussi toutes les valeurs et lettres et tous les billets et autres documents maintenant détenus ou possédés par le(s) soussigné(s)…». Après avoir subséquemment vendu son matériel et son bétail, et après avoir payé, à même le produit de cette vente, les honoraires de l’encanteur et certaines sommes d’argent pour purger des privilèges grevant des objets de cette vente, S a remis le solde du produit de la vente à son avocat qui a payé partiellement certaines créances et qui a déduit ses honoraires. S a ensuite déposé une proposition concordataire en vertu de la Loi sur la faillite. Cette proposition a été rejetée par les créanciers et C a été nommé syndic de l’actif du failli. La banque appelante et C ont tous les deux demandé à l’avocat du failli de remettre les sommes d’argent appartement au failli qu’il avait en main. Ce dernier a consigné ces sommes à la Cour et lorsque la banque a déposé sa requête en paiement, celle-ci fut soumise à l’examen de la Cour suprême In Banco. Cette dernière a rejeté la réclamation de la banque et a ordonné que les sommes fassent partie de l’actif pour être distribuées aux créanciers du failli.
Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.
Bien que les sommes fussent détenues en fiducie pour Joseph A. Smith par son avocat, elles étaient en réalité en possession de S, de sorte que la cession générale n’a pas eu d’effet sur ces sommes d’argent. Les mots «sommes d’argent» qui apparaissent dans la cession générale doivent être interprétés ejusdem generis avec
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les mots «créances», «comptes» et «réclamations» qui viennent avant et avec les mots «droits incorporels» qui viennent après.
Distinction faite avec les arrêts: Kent Steel Products Ltd. et al. c. Arlington Management Consultants Ltd. et al., [1967] R.C.S. 497; Re McKay & Maxwell, Limited (1927), 8 C.B.R. 534; In re Christensen (1961), 2 C.B.R. (N.S.) 324; In re Empire Traction Company, Limited, [1920] 3 W.W.R. 515; Jewel Construction Co. Ltd. v. Bank of Nova Scotia, [1972] 4 W.W.R. 20.
POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour suprême de l’île du Prince-Édouard In Banco[1] portant sur des questions de droit soumises par le Vice-Chancelier. Pourvoi rejeté.
James W. Garrow, pour l’appelante.
Allan K. Scales, c.r., pour l’intimé.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE SPENCE — Il s’agit d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt de la Cour suprême de l’Île‑du-Prince-Édouard In Banco, rendu le 27 février 1973.
Le 26 novembre 1969, Joseph A. Smith a donné à la Banque canadienne impériale de commerce à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard) ce qui était censé être une cession générale de créances, comptes, valeurs, etc. Je cite textuellement cette cession générale:
[TRADUCTION]
Cession générale de créances, de comptes, de valeurs, etc.
Adresse du cessionnaire(1)
Banque canadienne impériale de commerce Charlottetown, Î.P.É.
Cession signée ce 26ième jour de nov. 1969
Le(s)soussigné(s) (2) Joseph A. Smith
de Millview comté de Queens Île-du-Prince-Édouard (rue) (ville) (province)
par les présentes cède(nt) et transfère(nt) à la BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE (ci-après appelée la Banque), comme garantie subsidiaire générale et permanente pour le paiement de toutes les dettes et obligations présentes et futures
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du(des) soussigné(s) envers la Banque, quelqu’en soient la nature et la source et jusqu’au paiement complet de tout solde sur lesdites dettes et obligations, et en lui donnant un premier privilège sur les garanties cédées, toutes les créances, tous les comptes, toutes les réclamations, toutes les sommes d’argent et tous les droits incorporels qui sont actuellement dûs ou pourraient par la suite être dûs au(x) soussigné(s) ou qui sont ou qui pourraient être possédés par lui(eux), et aussi toutes les valeurs et lettres et tous les billets et autres documents maintenant détenus ou possédés ou qui pourront par la suite être détenus ou possédés par le(s) soussigné(s) ou par toute personne agissant comme son(leur) préposé à l’égard de ces créances, comptes, réclamations, sommes d’argent et droits incorporels ou toute partie d’iceux, et aussi tous les livres et papiers constatant ou prouvant ces créances, comptes, réclamations, sommes d’argent et droits incorporels ou toute partie d’iceux, ou s’y rapportant de quelque façon.
Sous réserve toutefois que tant que le(s) soussigné(s) ne sera(seront) pas en défaut dans le paiement de toutes ou d’une partie de ses(leurs) dettes et obligations envers la Banque, ou tant que la Banque ne l’(les) aura pas avisé(s) de cesser (ledit avis sera censé avoir été donné lorsque l’enveloppe le contenant, adressée au(x) soussigné(s) à l’adresse mentionnée ci-dessus, aura été déposée, dûment affranchie, au bureau de poste), il(ils) pourra(pourront) continuer à faire les opérations pour percevoir et recouvrer ces créances, comptes, réclamations, sommes d’argent et droits incorporels et faire des transactions s’y rapportant, dans le cours des activités habituelles de l’entreprise du(des) soussigné(s) mais non autrement.
Après que l’avis mentionné ci-dessus a été donné ou si le(s) soussigné(s) est(sont) en défaut du paiement de toutes les dettes et obligations envers la Banque ou d’une partie d’icelles, la Banque peut percevoir ou réaliser les garanties qui lui ont été cédées ou en disposer autrement de la façon et au moment qu’elle juge à propos et (dans le cas de défaut) sans devoir en avertir le(s) soussigné(s) et toutes les sommes reçues par le(s) soussigné(s) relativement aux garanties cédées après tel défaut ou tel avis seront reçues en fidéicommis pour la Banque et seront immédiatement versées à la Banque par le(s) soussigné(s). Les montants perçus peuvent être imputés à telle partie des dettes et obligations du(des) soussigné(s) comme la Banque le juge à propos, sans porter préjudice à ses réclamations contre le(s) soussigné(s) pour tout solde. La Banque peut accorder des délais, prendre des garanties ou y renoncer, accepter des compromis, octroyer des libérations et des quittances et agir de toute autre façon à l’égard des débiteurs du(des) soussigné(s)
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et des tiers ainsi que des garanties cédées et autres valeurs, comme elle le juge à propos, sans préjudice de la responsabilité du(des) soussigné(s) ou du droit de la Banque de retenir et de réaliser la présente garantie.
La Banque ne sera pas tenue ni obligée de rendre compte d’aucun défaut à percevoir, à réaliser ou à faire payer les garanties cédées ou toute partie d’icelles, et elle ne sera pas tenue d’intenter des poursuites en vue de percevoir, de réaliser ou de faire payer les garanties cédées ou partie d’icelles ou en vue de conserver les droits de la Banque, du(des) soussigné(s) ou de toute autre personne relativement à ces mêmes garanties. La Banque peut débiter à son propre compte, et aussi payer à d’autres personnes, des montants raisonnables pour services rendus et frais engagés (y compris expressément les avis et services d’avocat) en percevant, réalisant ou faisant payer les garanties cédées ou toute partie d’icelles, et elle peut ajouter ces montants à la dette du(des) soussigné(s).
Le(s) soussigné(s) devra(devront) de temps à autre, s’il(s) en est(sont) requis par la Banque, fournir à celle-ci immédiatement par écrit tous les renseignements demandés concernant les créances, comptes, réclamations, sommes d’argent et droits incorporels susdits ainsi que les valeurs, lettres, billets, livres, papiers et autres documents et en faire des copies et, à cette fin, la Banque aura accès à tous les lieux occupés par le(s) soussigné(s).
En foi de quoi le(s) soussigné(s) a(ont) apposé sa(leur) signature et son(leur) sceau.
Témoin: [signature illisible] (s) Joseph A. Smith
La cession a été déposée au bureau du protonotaire de Charlottetown le 1er décembre 1969, sous le document n° 4081.
Le 28 avril 1971, Joseph A. Smith a vendu à l’enchère son matériel et son bétail. Le produit total de cette vente a été de $27,774.50. L’encanteur a déduit ses honoraires de $833 et Joseph A. Smith a ensuite versé certaines sommes d’argent pour purger des privilèges qui grevaient des objets qui avaient été vendus à l’enchère afin de donner aux acheteurs un titre incontestable sur ces objets. Joseph A. Smith a remis le solde de $21,850.30 entre les mains de son avocat, Frederick A. Large, c.r., de Charlottetown. Me Large a payé partiellement certaines créances, a déduit ses honoraires et il a ensuite rendu compte à Joseph A. Smith indiquant un solde de $14,238.70 à son crédit.
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Quelques jours après la vente, soit le 3 mai 1971, le directeur de la Banque canadienne impériale de commerce a écrit à M. Joseph A. Smith:
[TRADUCTION] le 3 mai 1971
M. Joseph A. Smith Millview I.P.E.
Monsieur Smith,
En vertu de notre garantie flottante sur tous vos comptes à recevoir conformément à la cession que vous avez faite à cette Banque le 26 novembre 1969 et laquelle a été enregistrée au bureau du protonotaire sous le numéro 4081, le 1er décembre 1969, vous êtes par la présente expressément avisé de nos droits au montant total qui vous est dû par qui que ce soit.
Par conséquent, vous êtes requis de payer à cette Banque toutes les sommes d’argent que vous avez perçues.
Vous devez également nous faire parvenir une liste de tous vos débiteurs ainsi que le montant qui vous est dû par chacun.
En vertu de notre garantie, conformément à l’article 88 de la Loi sur les Banques, sur toutes les installations agricoles, telles que définies à la Loi sur les Banques, nous exigeons que vous nous fassiez parvenir un état spécifié des installations vendues à la vente aux enchères le 28 avril 1971, c.-à-d. quelles sont les installations qui ont été vendues, le nom des acheteurs et le prix de vente.
Bien à vous,
D.M. Carruthers
Directeur
Bien que cette lettre renvoie à l’art. 88 de la Loi sur les Banques, les avocats ont convenu que cet article ne s’appliquait pas au présent litige.
Le 30 juin 1971, Joseph A. Smith a déposé une proposition concordataire en vertu de la Loi sur la faillite. Une assemblée générale des créanciers a eu lieu le 15 juillet 1971 et les créanciers ont rejeté la proposition qui avait été déposée par Joseph A. Smith. Elric Campbell a été nommé syndic de l’actif de Joseph A. Smith, failli. Le 15 juillet 1971, Elric Campbell, à titre de syndic de faillite, a exigé que Me Large lui remette les sommes d’argent appartenant au failli que l’avocat avait en main. Le 27 juillet, l’avocat de la Banque cana-
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dienne impériale de commerce a adressé la même requête à Me Large.
Par conséquent, le 29 juillet 1971, Me Large a consigné à la Cour de chancellerie de l’île du Prince-Édouard la somme de $14,238.70, soit le solde créditeur au compte du failli, et plus tard, un montant additionnel de $450, pour un total de $14,688.70. Dans sa déclaration assermentée du 2 août 1971, Me Large a déclaré qu’il détenait ces sommes en fiducie, après avoir agi en qualité d’avocat pour M. Joseph A. Smith et que les personnes y ayant un intérêt étaient les suivantes:
La Banque canadienne impériale de commerce, Charlottetown,
Austin A. Scales, c/o Island Fertilizers Inc., Charlottetown, et
Elric Campbell, syndic de faillite.
La Banque canadienne impériale de commerce, dans sa requête et son avis, tous deux en date du 18 septembre 1972, a demandé une ordonnance afin que soit fixée l’audition d’une demande de la Banque canadienne impériale de commerce en vue d’obtenir que lui soient remises les sommes d’argent consignées à la Cour. Cette requête a été signifiée à l’avocat de M. Elric Campbell, le syndic de faillite de Joseph A. Smith.
Dans une ordonnance rendue le 1er novembre 1972, le vice-chancelier a ordonné que soit soumis à l’examen de la Cour suprême In Banco, en vertu du par. (2) de l’art. 19 du Judicature Act les questions suivantes:
(a) Est-ce que ladite somme de QUATORZE MILLE SIX CENT QUATRE-VINGT-HUIT DOLLARS ET SOIXANTE DIX CENTS ($14,688.70) et les intérêts accumulés sur ladite somme, qui est consignée en Cour de chancellerie, doit être payée à la Banque canadienne impériale de commerce en vertu de la cession de créances comptables faite en sa faveur par ledit Joseph A. Smith, en date du 26 novembre 1969?
(b) La Banque canadienne impériale de commerce a-t-elle une créance garantie sur les biens dudit Joseph A. Smith aux termes de la Loi sur la faillite en vertu de la cession de créances comptables mentionnée ci-dessus et a-t-elle le droit d’obtenir le paiement de la somme d’argent et des intérêts sur ladite somme, laquelle a été consignée en Cour de
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chancellerie par Frederick A. Large, soit que ladite somme lui soit payée directement par la Cour de chancellerie ou par l’intermédiaire du syndic de faillite.
Le par. (1) de l’art. 49 de la Loi sur la faillite, S.R.C. 1970,c. B-3, prévoit:
49. (1) Lors de la déposition d’une proposition faite par une personne insolvable ou lors de la faillite de tout débiteur, aucun créancier ayant une réclamation prouvable en matière de faillite n’a de recours contre le débiteur ou contre ses biens, ni ne doit intenter ou continuer une action, exécution ou autres procédures pour le recouvrement d’une réclamation prouvable en matière de faillite, tant que le syndic n’a pas été libéré ou que la proposition n’a pas été refusée, sauf avec l’autorisation du tribunal et aux conditions que ce dernier peut imposer.
L’appelante aurait pu choisir de procéder en vertu de l’art. 50 mais elle ne l’a pas fait et a intenté sans autorisation, les présentes procédures qui sont sans aucun doute incluses dans les mots «ou autres procédures».
Puisque l’ordonnance rendue sur la requête, c.-à-d. l’ordonnance du vice-chancelier déférant les questions en litige à la Cour In Banco, a été rendue par un des membres de la Cour suprême de l’île du Prince-Édouard, et puisque l’al. c) du par. (1) de l’art. 153 désigne la Cour suprême de l’île du Prince-Édouard comme le tribunal compétent en matière de faillite en cette province, je suis disposé à conclure que la Banque canadienne impériale de commerce a obtenu une autorisation implicite d’intenter la procédure contre le syndic.
L’avocat de l’appelante, au début de sa plaidoirie en cette Cour, a mentionné le fait que l’appelante n’avait pas obtenu l’autorisation d’en appeler de la décision de la Cour suprême de l’île du Prince-Édouard In Banco ainsi que le jugement de cette Cour dans Kent Steel Products et al. c. Arlington Management Consultants Ltd. et al.[2], et il se demandait s’il n’aurait pas dû demander l’autorisation d’en appeler à un juge de cette Cour conformément aux Règles sur la faillite. L’arrêt Kent Steel concernait les dispositions de la Loi sur la faillite alors que l’art. 151 de la Loi prévoyait:
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La décision de la Cour d’appel sur tout appel est définitive et péremptoire, sauf autorisation spéciale, obtenue d’un juge de la Cour suprême du Canada, d’en appeler à cette Cour.
Cet article est reproduit textuellement à l’art. 164 de la Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, c. B-3, mais une modification a été apportée par les dispositions du c. 44 des Statuts du Canada, 1969-70, lesquelles apparaissent dans le premier Supplément des Statuts revisés du Canada 1970, de sorte que cet art. 151 se lit maintenant comme suit:
La décision de la Cour d’appel sur tout appel est définitive et péremptoire, sauf autorisation spéciale, accordée par la Cour suprême du Canada, d’en appeler à cette Cour.
Ainsi, la demande d’autorisation d’appel n’est plus adressée à un juge de cette Cour mais à la Cour et je suis d’avis que la procédure à l’égard d’une telle demande d’autorisation d’appeler est régie par les Règles de cette Cour relatives à l’autorisation d’en appeler.
Les deux parties étaient présentes à l’audition de l’appel. Avant les plaidoiries, l’intimé Elric Campbell ne s’est pas opposé au défaut d’autorisation et, au cours des plaidoiries, il ne s’est pas opposé à ce que l’autorisation soit accordée si elle s’avérait nécessaire. Par conséquent, je suis prêt à accorder l’autorisation nunc pro tunc afin de statuer sur le fond de la présente affaire.
La Cour suprême de l’île du Prince-Édouard In Banco a décidé que le droit de la banque sur l’argent consigné à la Cour n’était pas fondé et elle a ordonné que la somme de $14,688.70 fasse partie de l’actif de Joseph A. Smith pour être distribuée aux créanciers du failli. C’est cette décision qui fait l’objet du présent pourvoi.
Le document est censé être une cession générale de comptes et, selon ses termes, Smith a cédé et transféré à la Banque canadienne impériale de commerce «toutes les créances, tous les comptes, toutes les réclamations, toutes les sommes d’argent et tous les droits incorporels qui sont actuellement dûs ou pourraient par la suite être dûs au(x) soussigné(s) ou qui sont ou qui pourraient être
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possédés par lui (eux), et aussi toutes les valeurs et lettres et tous les billets et autres documents maintenant détenus ou possédés ou qui pourront par la suite être détenus ou possédés par le(s) soussigné(s)…».
Le 28 avril 1971, l’encanteur a remis à Smith le produit de la vente à l’enchère des différents objets.
Selon ses termes, la prétendue cession générale des comptes permettait à la banque d’aviser Joseph A. Smith de cesser les activités habituelles de son entreprise mais permettait à Smith de continuer à faire les opérations pour percevoir et recouvrer lesdites dettes, et à faire des transactions s’y rapportant, dans le cours des activités habituelles de l’entreprise, mais non autrement, tant qu’il n’avait pas reçu ledit avis. La lettre du directeur de banque à Joseph A. Smith, que j’ai citée, était en date du 3 mai 1971, soit après que ledit Joseph A. Smith eut reçu le produit de la vente aux enchères de l’encanteur et qu’il l’eut remis à son avocat. La preuve ne démontre pas qu’immédiatement avant l’envoi de l’avis, il y avait un certain montant dû et payable à la banque. Le juge en chef Trainor a rédigé les motifs du jugement de la Cour suprême de l’île du Prince-Édouard et il a tiré la conclusion suivante:
[TRADUCTION] De plus, quant aux droits de la Banque basés sur le défaut, il n’y a aucune preuve que le 28 avril ou le 3 mai 1971, Smith était, de fait en défaut dans ses paiements dûs à la banque.
Dans la mesure où la cession générale est réputée être une cession des dettes dues à Smith ou des réclamations que Smith aurait pu avoir contre des tiers, je suis d’accord avec la Cour suprême de l’île du Prince-Édouard In Banco et je ne trouve rien qui pourrait être visé par la cession. Divers précédents ont été cités à cette Cour y compris les arrêts In re McKay & Maxwell, Limited, The Canadian Imperial Bank of Commerce v. Trustee[3], In re Christensen[4], In re Empire Traction Company, Limited[5], ainsi que l’affaire Kent Steel Products supra dont l’arrêt de la Cour d’appel du Manitoba
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est publié à 59 W.W.R. 382 et le jugement de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba à 58 W.W.R. 1.
Toutes ces affaires qui traitent soit de diverses dettes dues au cédant soit de cas où le cédant était en droit de faire une réclamation ou d’exiger un paiement, ne s’appliquent pas en l’espèce où le cédant avait en sa possession, à la date où l’avis lui a été expédié et lorsqu’il a fait sa cession en faillite, certaines sommes d’argent. Ces sommes d’argent, bien que détenues par l’avocat dans son compte en fidéicommis au nom de Joseph A. Smith, était, à mon avis, autant en possession de ce dernier que s’il les avait eues en main propre.
Les motifs du jugement du juge en chef Trainor de la Cour suprême de l’Île‑du‑Prince‑Édouard In Banco traitent seulement de cet aspect de la demande de l’appelante et je souscris à la conclusion qu’il a tirée au nom de la Cour, que la cession générale n’a pas eu d’effet sur les sommes d’argent.
L’avocat de l’appelante en cette Cour a appuyé sur les mots «sommes d’argent» et «dûs au(x) soussignées) ou possédés par lui(eux)» que l’on trouve dans la cession et qui auraient eu pour effet de transférer au cessionnaire toutes les sommes d’argent possédées par le cédant dès qu’un avis était signifié conformément aux conditions de la cession et, à l’appui de sa prétention, il a cité Jewel Construction Co. Ltd. v. Bank of Nova Scotia[6], une décision du juge Anderson de la Cour suprême de la Colombie-Britannique (siégeant en matière de faillite). Elle traite d’une hypothèque dûment enregistrée et d’une somme d’argent détenue en fidéicommis. par l’avocat du failli pour garantir certains privilèges de constructeur. Les détenteurs desdits privilèges n’avaient pas intenté d’action dans le délai prescrit par la loi et par conséquent les sommes d’argent n’étaient plus requises à cette fin. Les motifs du juge Anderson se rapportent surtout à la question de l’hypothèque, mais il dit à la p. 22:
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[TRADUCTION] M. Stevenson a eu l’amabilité de soumettre un exposé contenant d’autres précédents pertinents et j’accepte sa prétention qui se lit comme suit:
et ensuite il cite entre guillemets l’exposé de l’avocat dont le paragraphe suivant:
[TRADUCTION] Quant à la somme de $1,000.00 détenue en Cour et dans le compte en fidéicommis de M. Neen, les arrêts Arnold, Cohen et Eastern Trust mentionnés ci‑dessus ainsi que les arrêts Re Christensen (1961), 2 C.B.R. (N.S.) 324 (Ont.), et Kent Steel Products Ltd. v. Arlington Management Consultants, 59 W.W.R. 382, 62 D.L.R. (2d) 502, infirmé en appel [1967] R.C.S. 497, 61 W.W.R. 119, 10 C.B.R. (N.S.) 92, 62 D.L.R. (2d) 638, traitent de diverses sortes de fonds, et en général, ils concluent que le texte employé dans la cession faisant l’objet du litige, est assez général pour englober ces différents fonds.
Dans les arrêts cités par l’avocat au juge Anderson, il s’agissait soit d’une dette due au cédant, soit d’un droit qu’avait le cédant de réclamer d’un tiers. Je considère que les mots «sommes d’argent» qui apparaissent dans la cession générale doivent être interprétés ejusdem generis avec les mots «créances», «comptes» et «réclamations» qui viennent avant et avec les mots «droits incorporels» qui viennent après. Ainsi, le document n’avait pas pour but de s’appliquer et ne s’applique pas aux sommes d’argent qui sont en possession du cédant et la disposition dans un paragraphe subséquent de la cession générale «et toutes les sommes reçues par le(s) soussigné(s) relativement aux garanties cédées après tel défaut ou tel avis seront reçues en fidéicommis pour la Banque et seront immédiatement versées à la Banque par le(s) soussigné(s)» ne s’applique pas parce que les sommes d’argent ont été reçues par le failli avant l’avis. Par conséquent, je ne puis accepter la décision rendue dans Jewel Construction Co. Ltd. v. Bank of Nova Scotia, supra.
Le par. (5) de l’art. 50 de la Loi sur la faillite S.R.C. 1970, c.B-3 prévoit:
50. (5) Lorsqu’une ordonnance de séquestre est rendue, ou qu’une cession est produite auprès d’un séquestre officiel, un failli cesse d’être habile à céder ou autrement aliéner ses biens qui doivent, sauf les dispositions de la présente loi et sous réserve des droits des créanciers garantis, immédiatement passer et être dévolus au syndic nommé dans l’ordonnance de séquestre ou
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dans la cession, et advenant un changement de syndic, les biens passent de syndic à syndic sans transport, cession ni transfert quelconque.
A mon avis, cet article s’applique aux sommes d’argent qui étaient entre les mains de l’avocat de Joseph A. Smith, un failli, et qui ont été consignées par ledit avocat à la Division de chancellerie de la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard et par conséquent, l’ordonnance de la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard In Banco que la somme de $14,688.70 maintenant à la Cour de chancellerie fasse partie de l’actif de Joseph A. Smith pour être distribuée aux créanciers du failli, était valide.
Je suis d’avis de rejeter le pourvoi et de confirmer l’ordonnance de la Cour suprême de l’Île‑du-Prince-Édouard In Banco. Le syndic a droit à ses dépens en ce pourvoi.
Appel rejeté avec dépens.
Procureurs de l’appelante: Farmer, Dalzell & Farmer, Charlottetown.
Procureurs de l’intimé: Scales, MacMillan & Ghiz, Charlottetown.
[1] Sub nom. Re Smith’s Estate (1973), 4 Nfld. & P.E.I.R. 221.
[2] [1967] R.C.S. 497.
[3] (1927), 8 C.B.R. 534.
[4] (1961), 2 C.B.R. (N.S.) 324.
[5] [1920] 3 W.W.R. 515.
[6] [1972] 4 W.W.R. 20.
Parties
Demandeurs :
Banque Canadienne Impériale de CommerceDéfendeurs :
CampbellProposition de citation de la décision:
Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Campbell, [1976] 1 R.C.S. 341 (6 mars 1975)
Origine de la décision
Date de l'import :
06/04/2012Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-03-06;.1976..1.r.c.s..341