Synthèse
Référence neutre : [1976] 2 R.C.S. 721
Date de la décision :
26/06/1975Sens de l'arrêt :
Le pourvoi doit être accueilli
Analyses
Évaluation - Révision - Évaluation inéquitable - Fardeau de prouver l’iniquité de l’évaluation - Évaluation effectuée en 1970 - Application de l’art. 90 de l’Assessment Act - The Assessment Act, R.S.O. 1970, c. 32, et modifications, art. 27 et 90.
En 1970, on a évalué les installations industrielles de l’intimée à la somme globale de $376,850, soit $2,225 pour le terrain (30 acres environ), $128,560 pour le premier édifice (de 47,000 pieds carrés) construit en 1964 et $246,065 pour le nouveau bâtiment (de 100,000 pieds carrés) construit en 1970. L’intimée a interjeté appel de son évaluation devant la Commission municipale de l’Ontario invoquant que son bien-fonds n’avait pas été évalué à sa valeur marchande dont elle a en même temps fait la preuve, La Commission a retenu cette allégation, indiquant que les commissaires régionaux à l’évaluation avaient reconnu ne pas s’être fondés sur la valeur marchande pour effectuer cette évaluation. La Cour d’appel a confirmé cette décision, jugeant l’art. 90 de l’Assessment Act, R.S.O. 1970, c. 32, inapplicable à l’appel d’une évaluation effectuée en 1970 aux fins des impôts de 1971, interjeté avant le 23 juillet 1971 et encore pendant.
Arrêt (le juge en chef Laskin et le juge Spence étant dissidents): Le pourvoi doit être accueilli.
Les juges Martland, Judson et Dickson: Même si l’art. 90 est déclaré applicable, l’évaluation foncière en Ontario est toujours régie par l’art. 27 de l’Assessment Act, R.S.O. 1970, c. 32. La Commission a effectivement évalué le bien-fonds en tenant compte de l’évaluation attribuée à d’autres installations industrielles «situées dans les environs» qui, selon la proposition des appelants, étaient les seuls «biens immobiliers semblables». De plus, puisque l’évaluation est toujours régie par l’art. 27, les
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mots «l’évaluation d’un bien immobilier» à l’art. 90 signifient nécessairement une évaluation à la valeur marchande, et comme la Commission a décidé que l’évaluation n’a pas été faite à la valeur marchande, elle devait donc déterminer cette valeur. L’article 90 n’impose pas à l’intimée l’obligation de démontrer que l’évaluation initiale, irrégulièrement faite, était inéquitable mais il incombe plutôt aux appelants de prouver que l’évaluation, bien qu’elle ne corresponde pas à la valeur marchande, n’était pas inéquitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs.
Le juge en chef Laskin et le juge Spence, dissidents: Puisque les évaluations effectuées en 1970 doivent valoir pour les années 1970 à 1974, afin de permettre le transfert du processus d’évaluation foncière du niveau municipal au niveau provincial, l’art. 90 doit être considéré comme applicable. Le fardeau de prouver que l’évaluation était inéquitable au sens de l’art. 90 incombait au contribuable qui se devait de convaincre la Commission que l’évaluation était inéquitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs.
POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1] qui a rejeté l’appel d’une décision de la Commission municipale de l’Ontario qui avait accueilli l’appel d’une évaluation. Pourvoi rejeté, le juge en chef Laskin et le juge Spence étant dissidents.
B. Chernos, et R.S. Syer, pour les appelants.
J.D. Brownlie, et M. Fingerhut, pour l’intimée.
Le jugement du juge en chef Laskin et du juge Spence a été rendu par
LE JUGE EN CHEF (dissident) — Le redressement que demandent par le présent pourvoi le Commissaire régional à l’évaluation et la municipalité appelante est une ordonnance qui renverrait à la Commission municipale de l’Ontario, pour nouvelle audition, les deux évaluations foncières de l’intimée effectuées en 1970, soit une évaluation supplémentaire aux fins des impôts de 1970 et l’évaluation ordinaire effectuée en 1970 aux fins des impôts de 1971. En l’espèce, le litige tire son origine d’une évaluation des installations industrielles de l’intimée à la somme globale de $376,-
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850, soit $2,225 pour le terrain (une parcelle de 30 acres environ), $128,560 pour le premier édifice de 47,000 pieds carrés, construit en 1964, et $246,065 pour le nouveau bâtiment de 100,000 pieds carrés environ, construit en 1970. La Commission municipale de l’Ontario a ramené cette évaluation à $180,595 et cette décision a été confirmée en appel pour des motifs qui ne portent que sur un seul des trois points soulevés par les appelants. Les avocats des parties ont admis que le présent litige porte sur l’unique évaluation d’ensemble précitée, établie tout d’abord par le Commissaire et fixée par la suite par la Commission à une somme inférieure pour les années d’imposition 1970 et 1971.
Comme il ressort du par. (8) de l’art. 63 de l’Assessment Act R.S.O. 1970, c. 32, on peut faire appel des décisions de la Commission municipale de l’Ontario devant la Cour d’appel de l’Ontario uniquement lorsqu’il s’agit de questions de droit ou d’interprétation et cette Cour ne peut, par conséquent, se préoccuper que des erreurs de droit ou d’interprétation que la Commission ou la Cour d’appel ont pu commettre. En dépit d’une certaine ambiguïté dans la portée des derniers mots du par. (8) de l’art. 63, il est admis que seules les erreurs de droit ou les erreurs d’interprétation des lois, règlements ou accords écrits conclus par la municipalité, commises par la Commission municipale de l’Ontario dans ses décisions ou ordonnances, peuvent ainsi faire l’objet d’un appel; c’est dans ce contexte qu’il faut étudier la généralité des termes de l’art. 64 en ce qui concerne la révision d’une évaluation. Les appelants ont soutenu devant la Cour d’appel, et soutiennent de nouveau devant cette Cour, que (1) la Commission municipale de l’Ontario a mal interprété ou mal appliqué la formule, énoncée au par. (2) de l’art. 27 de l’Assessment Act, pour déterminer la valeur marchande; (2) qu’elle a commis une erreur de droit en appliquant un facteur de 17.6 pour cent pour parvenir à l’évaluation de $180,595; et (3) que la Cour d’appel a commis une erreur de droit en ne concluant pas que l’art. 90 de l’Assessment Act, édicté par l’art. 13 du c. 79 des lois de 1971 (Ont.), s’appliquait aux procédures instituées devant la Commission pour les deux évaluations de 1970 ou au moins, pour l’évaluation de 1970 aux fins des impôts de 1971. Rien dans les motifs de la Com-
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mission, datés du 4 mai 1972, n’indique qu’elle a tenu compte de l’art. 90.
L’évaluation de la première usine et du terrain a été établie d’après un manuel d’évaluation foncière de la province (utilisé depuis 1954) selon lequel le coût de remplacement se calcule en fonction du nombre de pieds cubes de l’édifice; et, à raison de 9 cents le pied cube, l’évaluation totale du terrain et de l’édifice s’élevait à $130,785. On a procédé à cette évaluation après la construction de la première usine en 1964 et on l’a conservée sans changement au cours des années. On a utilisé le même manuel pour la partie ajoutée à l’édifice en 1970 qu’on a évaluée à $246,065, à raison de 10 cents le pied cube. Le montant total de l’évaluation était donc de $376,850.
Il est évident que, pas plus que les autres propriétés situées dans la ville appelante, la propriété de l’intimée n’a pas été évaluée à sa valeur marchande, comme le prescrit le par. (1) de l’art. 27 de l’Assessment Act. L’avocat des appelants n’a pas essayé de défendre le fondement des évaluations du commissaire; et bien qu’il ait forcément défendu une méthode d’évaluation fondée sur la valeur marchande, il n’a pas, compte tenu du principe des rapports équitables devant exister entre des évaluations, rejeté le principe de l’application d’un rapport entre les évaluations et le prix de vente, ce qu’a fait la Commission comme on l’expliquera plus loin. A cet égard, il a fait valoir l’objection que le rapport est fondé sur des données inexactes, celui-ci ne tenant pas compte de la valeur des propriétés industrielles.
Lorsqu’il s’agit d’une question d’évaluation, un appel interjeté devant la Commission municipale de l’Ontario est en quelque sorte une audition de novo et, en l’espèce, l’intimée, qui faisait appel de la confirmation de son évaluation, a produit le témoignage d’un expert en évaluation sur lequel la Commission s’est fondée pour déterminer la valeur marchande de la propriété à $850,000 plus la valeur marchande des édifices ajoutés, soit $176,111, donc un montant total de $1,026,111. Le facteur de 17.6 pour cent, fondé sur les calculs d’un autre expert cité par l’intimée, a été appliqué à ce total, ce qui a donné comme évaluation la somme de $180,595.
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L’intimée soutient énergiquement que la détermination de la valeur marchande et du facteur de 17.6 pour cent par la Commission constitue des conclusions sur les faits qui ne sont pas sujettes à révision par la Cour d’appel ou par cette Cour. L’expert de l’intimée savait, lorsqu’il a déterminé la valeur marchande de la propriété à $850,000 (montant auquel la Commission a ajouté, comme valeur de certaines améliorations, une somme de $176,111 que les appelants ne contestent pas), que le coût total de la propriété évaluée (le terrain et les bâtiments) était de $1,453,547. Cette somme représente en partie un prêt non remboursable de $384,211 consenti par la Société de développement de l’Ontario pour compenser le fait que la Ville, dont la population est d’environ 5,000 âmes (sans aucune variation importante de 1961 à 1971), est située dans une région où le taux de croissance économique est très faible. En fait, ce prêt n’avait pas encore été déclaré non remboursable à l’époque de l’audition devant la Commission, et les avocats des parties sont en désaccord quant à son incidence sur la «valeur marchande», telle que définie au par. (2) de l’art. 27, c’est‑à‑dire [TRADUCTION] «le montant que rapporterait la vente volontaire dudit bien-fonds sur le marché libre».
La Commission a rendu sa décision sur la valeur marchande sans avoir bénéficié d’aucune preuve qu’aurait pu produire à cet égard la municipalité. Cette dernière a plutôt cherché à étayer son évaluation en s’appuyant sur la pièce n° 8 destinée à démontrer que l’évaluation de la propriété de l’intimée était équitable en regard de l’évaluation des autres installations industrielles situées dans la région. La pièce n° 8 indique le coefficient d’évaluation en fonction du nombre de pieds carrés et de pieds cubes de chacun des immeubles. Si l’évaluation effectuée par la Commission doit être maintenue, il est évident que l’évaluation de la propriété de l’intimée effectuée d’après ces coefficients et calculée en fonction du nombre de pieds carrés et de pieds cubes serait bien inférieure à l’évaluation des autres installations industrielles énumérées à la pièce n° 8.
Naturellement, il est clair que la pièce n° 8 n’a absolument aucun rapport avec la valeur marchande. Les motifs de la Commission me semblent
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considérer la pièce n° 8 comme inutile vu la façon sommaire dont elle prétend justifier l’évaluation effectuée par la municipalité, et je partage cet avis. Il ne reste donc plus qu’à décider, sur cet aspect du pourvoi, si la Commission a commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé la valeur marchande et le facteur de 17.6 pour cent.
L’expert de l’intimée a jugé régulier de déterminer la valeur marchande sans tenir compte du prêt non remboursable et ce, pour le motif qu’un acheteur éventuel de l’usine bénéficierait du même avantage lors de l’élaboration de sa décision d’acheter ou de construire sa propre usine. L’avocat des appelants a qualifié ce raisonnement d’irrégulier puisqu’il ne tient compte que d’un des éléments du mécanisme vente-achat qui sert de base au concept de la valeur marchande. Il allègue que dans un marché restreint, tel qu’en l’espèce, le propriétaire d’un bien doit lui-même être considéré comme un acheteur éventuel (on allègue même devant cette Cour qu’économiquement parlant, l’intimée a été l’acheteur de l’usine qu’elle a fait construire), et selon le principe de l’échange inhérent au concept de la valeur marchande, le coût de construction de l’usine récemment terminée constitue une preuve incontestable que la Commission a attribué à la propriété de l’intimée une valeur marchande moindre que le prix auquel cette dernière serait disposée à vendre.
A mon avis, cette allégation des appelants ne soulève qu’une question de fait et, de plus, elle comporte un élément subjectif qui va à l’encontre de la proposition formulée par le Conseil privé dans Montreal v. Sun Life Assurance Co. of Canada[2], à la p. 90, sur laquelle s’est fondé l’avocat des appelants. Il n’y a eu dans la région aucune vente comparable dont aurait pu s’inspirer l’expert de l’intimée ou la Commission, et en déterminant la valeur marchande à partir de données théoriques (comme l’explique le juge Rand dans l’arrêt de cette Cour dans l’affaire Sun Life Assurance[3], à la p. 246), l’évaluateur pouvait se reporter à des I ventes d’installations industrielles situées dans des régions adjacentes et la Commission pouvait exa-
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miner ces renseignements et les considérer comme des données concrètes susceptibles de servir à déterminer la valeur marchande.
Quatre ventes d’installations industrielles effectuées dans des villes plus prospères que la municipalité appelante, soit deux à Orangeville en 1967 et 1969, une à Burlington en 1971 (après l’évaluation) et une à Trenton en 1966, ont été évoquées au cours du témoignage de l’expert de l’intimée qui a déclaré que les ventes d’installations industrielles comparables à celles de l’intimée étaient très rares. Selon lui, les quatre immeubles, tenus pour comparables, étaient relativement semblables à la nouvelle usine de l’intimée en ce qui a trait à l’âge, à la grandeur et à la localisation. Ils ont été vendus à des prix variant entre $5.06 et $6.17 le pied carré. L’expert a fixé la valeur marchande de l’usine de l’intimée à $5.78 le pied carré. En pesant son témoignage, la Commission a conclu que seule la vente de Trenton offrait un point de comparaison valable et, après avoir tenu compte des différences dans l’étendue du terrain et de l’aire des planchers et des différences dans les dates, la Commission a accepté une évaluation de $850,000, à laquelle elle a ajouté la somme de $176,111. En agissant ainsi, la Commission a tiré à partir des faits une conclusion qui n’est entachée d’aucune erreur judiciaire, et je ne vois rien qui puisse en justifier la révision.
Le facteur de 17.6 pour cent représente le rapport moyen entre les évaluations et le prix de vente, en 1970 dans la municipalité intimée, de soixante-douze immeubles qui, selon une recherche faite au bureau d’enregistrement, ont été vendus cette année-là. On a exclu du calcul une trentaine de ventes considérées comme ne constituant pas des transactions commerciales. Parmi celles qui sont incluses, trois seulement ont pour objet des immeubles non résidentiels, soit des ventes d’immeubles commerciaux tels que des motels. A partir de ces faits, l’avocat des appelants allègue qu’il y a erreur de droit donnant lieu à révision lorsqu’on détermine l’évaluation d’un immeuble industriel à l’aide d’un facteur établi sans tenir compte d’immeubles industriels. D’après lui, cela dénote un manque d’équité dans la détermination de l’évaluation, et l’équité représente un point de droit pertinent.
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Personne n’a fait valoir devant nous que l’application à la valeur marchande d’un facteur fondé sur le rapport entre les évaluations et les prix de vente constitue une méthode irrégulière d’évaluation. La situation aurait été différente si l’on avait démontré l’existence de ventes d’immeubles industriels qui, si elles avaient été incluses, auraient eu une incidence sur le calcul du facteur. Mais il n’y a eu aucune vente semblable et aucune preuve n’a été produite pour démontrer que d’autres immeubles industriels situés dans la même région ont été évalués à l’aide d’un facteur plus élevé que celui utilisé en l’espèce. La pièce n° 8 déposée par la municipalité n’est ici d’aucun secours. Puisque le principe de l’utilisation d’un facteur n’est pas en litige et vu le contenu de la preuve, j’estime que la Commission avait le droit, à la lumière de cette preuve, d’effectuer une détermination non révisable de l’évaluation. Il était de son ressort exclusif d’apprécier la valeur probante des documents à partir desquels le facteur a été établi et d’appliquer ce facteur en conséquence. Compte tenu du fait que la municipalité n’a déposé aucune preuve, j’estime que la Commission n’était pas tenue d’exiger que le calcul du facteur par l’expert de l’intimée contienne une approximation pour la vente fictive d’immeubles industriels dans la municipalité. Il convient de souligner également que la Commission a appliqué le facteur à sa propre détermination de la valeur marchande, c’est‑à‑dire $1,026,111, et non à la valeur mise de l’avant par le témoin de l’intimée, et lorsque l’on soustrait le prêt non remboursable de l’évaluation effectuée par la Commission, celle-ci se rapproche beaucoup du montant déboursé par l’intimée pour son usine.
J’en viens maintenant aux allégations concernant l’application de l’art. 90 de l’Assessment Act, adopté en 1971. L’article 90 et les autres articles auxquels je me reporterai sont entrés en vigueur le 23 juillet 1971. Certaines dispositions de la loi modificatrice de 1971 étaient rétroactives au 1er janvier 1971, tandis que l’entrée en vigueur de deux autres n’était prévue que pour le 1er janvier 1974. D’une façon générale, l’art. 90 et les modifications de 1971 à l’Assessment Act sont des dispositions transitoires qui se rapportent à la prise en charge par la province du processus d’évaluation dans les municipalités. Ces dispositions assurent la
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transition en décrétant que les évaluations qui figurent au rôle d’évaluation de 1970, resteront en vigueur pour les années 1971 à 1974, c’est-à-dire qu’elles régiront les impôts des années 1971 à 1975. Même si l’on donne à l’art. 90 l’interprétation mise de l’avant par la municipalité appelante, je suis convaincu qu’il ne saurait s’appliquer à la cotisation supplémentaire effectuée en 1970 pour les impôts de cette même année, et ce point n’a pas été sérieusement contesté par l’avocat de la municipalité. A ce stade-ci du pourvoi, on discute plutôt l’effet de cet article sur l’évaluation générale effectuée en 1970 aux fins des impôts de 1971.
Je cite maintenant les dispositions pertinentes de la Loi modificatrice de 1971, telles qu’on les trouve à l’art. 13 de celle-ci:
[TRADUCTION] 85. Sous réserve des changements, des modifications et des corrections autorisés par la présente Loi, pour les fins de toute loi générale ou spéciale, le rôle d’évaluation de chaque municipalité préparé pour l’année 1970 aux fins des impôts de 1971 soit servir de rôle d’évaluation de la municipalité pour les années 1971 à 1974 inclusivement, et les évaluations des biens immobiliers y figurant doivent être considérées comme les évaluations effectives des biens immobiliers, et le commissaire à l’évaluation d’une municipalité ne doit pas faire préparer un nouveau rôle d’évaluation pour la municipalité avant l’année 1974 aux fins des impôts de 1975.
90. La Cour de révision de l’évaluation, un juge de la Cour de comté, la Commission municipale de l’Ontario ou tout autre tribunal doit, en déterminant l’évaluation de tout bien immobilier suite à une plainte, un appel, des procédures ou une action, tenir compte de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs, et l’évaluation d’un bien immobilier ne doit pas être modifiée à moins que la Cour de révision de l’évaluation, un juge, la Commission ou un tribunal ne soit convaincu que cette évaluation est inéquitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs; advenant cette éventualité, l’évaluation du bien immobilier ne doit pas être modifiée plus qu’il n’est nécessaire pour la rendre équitable en regard de l’évaluation attribuée à un bien immobilier semblable.
92. Aucune évaluation effectuée dans une municipalité en 1971 en vertu du paragraphe 1 ou 2 de l’article 46 ne doit être utilisée pour des fins fiscales, et aucun appel ne doit être interjeté, aucune plainte ne doit être formulée, aucune action ne doit être intentée et aucune procédure ne doit être poursuivie relativement à une telle évaluation.
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95. L’article 90 cesse d’être en vigueur à compter du 1er octobre 1974, mais il sera toujours considéré en vigueur après cette date au regard de toute plainte, tout appel, toute procédure ou toute action en instance relativement aux impôts des années 1971 à 1974 inclusivement.
Il ressort clairement de ces dispositions que, durant leur période d’application, toute évaluation effectuée en 1971 est sans effet, et les évaluations effectuées en 1970 ne doivent être modifiées par aucun des tribunaux de révision visés à l’art. 90 sauf dans la mesure prévue à cet article, c’est-à-dire que l’évaluation contestée ne doit pas être modifiée plus qu’il n’est nécessaire pour la rendre équitable en regard de l’évaluation d’un bien immobilier semblable situé dans les environs.
Les appelants prétendent que l’art. 90, adopté en 1971, était applicable aux procédures de révision dont l’audition a eu lieu le 18 janvier 1972 devant la Commission municipale de l’Ontario à l’égard des impôts de 1971 calculés à partir de l’évaluation de 1970. Partant de là, ils allèguent que l’art. 90 imposait à la Commission l’obligation de considérer d’autres évaluations industrielles. Les appelants soulèvent donc les deux questions suivantes: premièrement, savoir s’ils peuvent, à l’égard des impôts de 1971, invoquer l’art. 90, qui est entré en vigueur le 23 juillet 1971, soit après que l’on eut établi le rôle d’évaluation de 1970; et deuxièmement (une question qui ne se pose que si l’on répond affirmativement à la première), savoir s’il existe des motifs pour lesquels l’affaire devrait être renvoyée à la Commission pour qu’elle considère l’évaluation d’autres installations industrielles situées dans la même région.
Pour sa part, l’intimée prétend (et la Cour d’appel de l’Ontario lui a donné raison) que l’art. 90 ne peut rétroagir de façon à s’appliquer en 1971 ou plus tard à une évaluation effectuée en 1970 aux fins des impôts de 1971; et, de toute façon, puisque l’intimée a institué les procédures d’appel à la Commission en décembre 1970, l’art. 90 ne saurait avoir un effet rétroactif sur ces procédures en vertu d’une disposition législative ultérieure même si cette disposition était en vigueur à l’époque où la Commission a entendu l’affaire. L’intimée prétend
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effectivement que, dès que les procédures de révision ou d’appel ont été instituées avant l’entrée en vigueur de l’art. 90, toutes les autres procédures de révision ou d’appel relatives à la même affaire doivent échapper à l’effet de l’art. 90, adopté ultérieurement. Selon l’intimée, l’allégation que l’art. 90 est inapplicable à une évaluation effectuée en 1970 aux fins des impôts de 1971 est étayée par le fait que l’art. 85, adopté en 1971, a fait de 1970 l’année de base pour l’évaluation durant la période temporaire, ce que l’art. 92 tend d’ailleurs à confirmer. Cependant, on peut faire valoir au contraire que l’art. 90 joue tout autant en faveur du contribuable que contre lui; il y a également l’art. 95 qui prévoit la prorogation de la validité de l’art. 90 (après le 1er octobre 1974) relativement à toute instance en cours à l’égard des impôts pour les années 1971 à 1974 inclusivement. Naturellement, les impôts de 1971 impliquent une évaluation en 1970, et ceci tend à démontrer que les appels déjà institués concernant les impôts de 1971 lorsque l’art. 90 est entré en vigueur, tombent sous le coup de cet article.
Je considère important de souligner que l’art. 90 ne diminue pas la protection dont jouissait le contribuable par ses droits d’appel avant son adoption. S’il était vrai qu’avant l’adoption de l’art. 90 un contribuable ne pouvait porter plainte que s’il était évalué au-delà de la valeur marchande, l’art. 90 serait pour lui une légère consolation puisqu’il lui donnerait le droit de porter plainte contre une évaluation qui serait inéquitable par rapport à l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans la même région. Cependant, comme le souligne l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario dans Re Empire Realty Co. Ltd. and Assessment Commissioner for Metropolitan Toronto[4], il est constant qu’un contribuable a le droit d’être évalué sur une base équitable en regard des autres propriétaires de biens-fonds dans la même région; et le fait qu’une évaluation a été effectuée à la valeur véritable ou à la valeur marchande n’empêche pas qu’un appelant ait gain de cause s’il peut démontrer que des biens-fonds semblables situés dans la même région ont été évalués à une valeur substantielle-
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ment inférieure à leur valeur véritable ou leur valeur marchande. En vertu du par. (2) de l’art. 86 de l’Assessment Act, R.S.O. 1960, c. 23, un pouvoir de révision à cet égard est attribué aux tribunaux d’appel (autre que la cour de révision, maintenant connue sous le nom de cour de révision de l’évaluation). Comme l’a dit le juge d’appel Kelly alors qu’il s’exprimait au nom de la Cour dans l’affaire Empire Realty, aux pp. 397 et 398:
[TRADUCTION] Les défauts dans la méthode d’évaluation ne constituent pas en soi des motifs pour la rejeter si cette évaluation est néanmoins équitable. La comparaison avec d’autres évaluations est le seul critère qui permet de déterminer si une évaluation doit être maintenue.
Le par. (2) de l’art. 86 de l’Assessment Act accorde à chacun des tribunaux d’appel compétents (à l’exception de la cour de révision) le pouvoir de prendre en considération la valeur à laquelle ont été évalués des biens-fonds semblables situés dans les environs. Le principe selon lequel on vérifie l’équité de l’évaluation de la propriété d’un contribuable en la comparant à l’évaluation d’autres propriétés semblables est bien établi et ne nécessite aucune justification; même une évaluation à la valeur véritable des terrains et des bâtiments, effectuée conformément aux dispositions du par. (1) de l’art. 35, serait inéquitable si l’évaluation de tous les autres biens-fonds semblables situés dans les environs ne représentait qu’une infime fraction de leur valeur véritable; lorsque, comme en l’espèce, on n’a nullement tenté d’évaluer à la valeur véritable, le rapport entre cette évaluation et l’évaluation de biens-fonds semblables devient le seul critère qui permet d’établir une certaine équité à l’égard du contribuable.
Le paragraphe (2) susmentionné de l’art. 86 est devenu le par. (2) de l’art. 64 du nouvel Assessment Act, 1968-69 (Ont.), c. 6, mais sa portée a été du même fait élargie de manière à accorder au Bureau de révision de l’évaluation le pouvoir de juger de l’équité d’une évaluation. Cette disposition élargie est maintenant le par. (2) de l’art. 64 du c. 32 des R.S.O. 1970.
La Cour d’appel de l’Ontario a décidé, par la voix du juge Estey, que l’article 90 ne peut s’appliquer à un appel d’une évaluation effectuée en 1970 aux fins des impôts de 1971, interjeté avant le 23 juillet 1971, puis laissé en instance, comme en l’espèce. Cette conclusion est fondée sur un double motif. Premièrement, le juge Estey est d’avis que
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[TRADUCTION] «l’art. 95 semble viser un appel d’une cotisation fiscale pour l’année 1971 interjeté après le mois de juillet 1971 et toujours en instance au mois d’octobre 1974». Il ajoute qu’en rédigeant l’art. 95, la Législature semble avoir délibérément omis d’accorder à l’art. 90 un effet rétroactif qui aurait englobé les appels en instance au 23 juillet 1971. A l’exception de l’allusion, sans doute faite par inadvertance, à [TRADUCTION] «la cotisation fiscale pour l’année 1971» plutôt qu’aux impôts de 1971 (dont parle l’art. 95), je ne comprends pas comment on peut tirer une telle conclusion de l’art. 95. Nous sommes aux prises ici avec une loi temporaire qui porte expressément sur la base d’évaluation de 1970 et qui couvre les années fiscales 1971 à 1974 inclusivement pour lesquelles l’évaluation effectuée en 1970 doit servir également. C’est dans ce contexte que l’art. 95 parle de [TRADUCTION] «toute plainte, tout appel, toute procédure ou toute action en instance», ayant trait d’une quelconque façon aux impôts des années mentionnées et aux procédures y afférentes intentées devant un des tribunaux mentionnés à l’art. 90. La présente affaire illustre bien comment des impôts de 1971 peuvent toujours être en litige dans un appel presque trois ans plus tard; et a fortiori comment il peut également en être ainsi pour les impôts des années 1972 ou 1973 ou 1974. Accepter l’interprétation du juge Estey équivaut à retrancher de l’art. 95 la mention des impôts de 1971 qui sont basés sur une évaluation effectuée bien avant le 23 juillet 1971. Naturellement, on peut toujours soutenir que la mention des impôts de 1971 ne vise que l’évaluation effectuée après le 23 juillet 1971 aux fins des impôts de 1971, c’est-à-dire uniquement pour des constructions nouvelles. Mais, une telle interprétation des art. 90 et 95 me semble forcée.
Le second motif à l’appui de la conclusion susmentionnée de la Cour d’appel (et qui semble avoir influencé son interprétation de l’art. 95) c’est que l’art. 90 introduit une base d’évaluation différente de celle qui a prévalu avant le 23 juillet 1971 (le juge Estey dit que [TRADUCTION] «l’art. 90 traite des règles fondamentales de l’évaluation foncière»), et, que par conséquent, une disposition législative expresse est nécessaire pour le rendre applicable aux évaluations pour les impôts de 1971
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complétées avant le 23 juillet 1971 selon la base normale d’évaluation prescrite à l’art. 27 de l’Assessment Act.
A mon avis, c’est une interprétation erronée de l’art. 90. Cette disposition ne modifie en rien et n’écarte aucunement l’art. 27 qui, pour autant qu’il soit pertinent, ordonne que les biens‑fonds soient évalués à la valeur marchande. L’article 90 ne porte pas sur l’évaluation comme telle, mais sur sa révision par divers tribunaux selon un critère et sous réserve d’une restriction qu’il prévoit. Rien dans l’Assessment Amendment Act de 1971 ne porte atteinte à l’art. 27, de sorte qu’il n’existe aucune raison pour laquelle la Législature, afin de rendre l’art. 90 immédiatement applicable aux révisions ou appels alors en instance, aurait dû y ajouter au début (comme le suggère le juge Estey) les mots [TRADUCTION] «nonobstant l’art. 27».
A mon avis, l’art. 90 est applicable à la présente affaire pour l’appel interjeté à la Commission municipale de l’Ontario simplement parce que cet appel a été logé après son entrée en vigueur. Les allégations des parties respectives sur la rétroactivité et sur la distinction entre les modifications de procédures et de fond ne sont d’aucune utilité en l’espèce puisque nous sommes aux prises avec une législation temporaire (la Législature pourrait cependant en proroger la durée) conçue pour corriger une situation particulière qui, la province l’espère, doit redevenir normale dès l’expiration de la durée de cette mesure législative. Je suis d’avis que les art. 85 et 90 visent les évaluations effectuées en 1970, et celles-ci ayant été effectuées et les divers rôles ayant été complétés avant le 23 juillet 1971, les procédures de révision et d’appel s’appliquent à l’égard des impôts des années 1971 à 1975. Les art. 85 et 90 traitent de la détermination et de la révision des évaluations. Puisque (sauf en ce qui a trait aux constructions nouvelles) les évaluations effectuées en 1970 doivent valoir pour les années 1970 à 1974, afin de permettre le transfert du processus d’évaluation foncière du niveau municipal au niveau provincial, je ne crois pas que l’art. 90, en tant que disposition à caractère limité portant sur la révision et l’appel, puisse être considéré comme inapplicable si la révision a été demandée par le contribuable ou par la municipalité et a été
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portée devant la Commission municipale de l’Ontario après l’entrée en vigueur de l’art. 90.
Il ne reste donc plus qu’à décider si cette affaire doit être renvoyée à la Commission pour qu’elle prenne en considération les évaluations d’autres installations industrielles situées dans la même région. J’ai déjà mentionné que rien dans les motifs de la Commission ne montre qu’elle a pris l’art. 90 en considération. Si elle l’avait fait, elle aurait dû tenir compte non seulement de la valeur marchande, mais aussi (le fait étant établi que l’évaluation à $376,850, dont on a interjeté appel, n’est pas supérieure à la valeur marchande) de la question de savoir si cette évaluation est inéquitable au sens de l’art. 90. Sous ce rapport, le fardeau de la preuve incombe au contribuable puisque l’art. 90 prévoit que [TRADUCTION] «l’évaluation… ne doit pas être modifiée à moins que… la Commission… ne soit convaincue que cette… évaluation est inéquitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs…».
Je ne crois pas qu’il soit possible d’affirmer, à la lumière du dossier présentement devant nous, que l’évaluation à $376,850 est inéquitable et qu’en réduisant l’évaluation à $180,595, la Commission n’a pas modifié l’évaluation initiale plus qu’il n’est nécessaire pour la rendre équitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs. Par conséquent, j’estime que l’affaire doit être renvoyée devant la Commission afin de permettre à l’intimée de produire la preuve dont le fardeau lui incombe en vertu de l’art. 90.
Par conséquent, j’accueillerais le pourvoi et je renverrais l’affaire à la Commission. L’appelant a droit à ses dépens en cette Cour et en Cour d’appel.
Le jugement des juges Martland, Judson et Dickson a été rendu par
LE JUGE MARTLAND — J’ai eu l’avantage de lire les motifs du Juge en chef et je conviens que sauf l’application possible de l’art. 90 de l’Assessment Act, R.S.O. 1970, c. 32, les moyens invoqués par les appelants ne justifient pas le présent pourvoi.
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L’article 90 est libellé comme suit:
[TRADUCTION] 90. La Cour de révision de l’évaluation, un juge de la cour de comté, la Commission municipale de l’Ontario ou tout autre tribunal doit, en déterminant l’évaluation de tout bien immobilier suite à une plainte, un appel, des procédures ou une action, tenir compte de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs, et l’évaluation d’un bien immobilier ne doit pas être modifiée à moins que la Cour de révision de l’évaluation, un juge, la Commission ou un tribunal ne soit convaincu que cette évaluation est inéquitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs; advenant cette éventualité, l’évaluation du bien immobilier ne doit pas être modifiée plus qu’il n’est nécessaire pour la rendre équitable en regard de l’évaluation attribuée à un bien immobilier semblable.
Selon la décision de la Cour d’appel, cet article, qui n’est entré en vigueur que le 23 juillet 1971, est inapplicable à l’évaluation effectuée en 1970 à l’encontre de laquelle un appel fut interjeté La même année à la Cour de révision de l’évaluation dont la décision a ensuite fait l’objet d’un appel interjeté le 21 décembre 1970 à la Commission municipale de l’Ontario. Selon les motifs du Juge en chef, la Commission devait prendre en considération, en l’espèce, les dispositions de l’art. 90 puisqu’il était entré en vigueur avant que l’affaire ne soit entendue par elle.
Sans tirer de conclusion finale sur cette question, je suis d’avis que la présente affaire ne doit pas être renvoyée à la Commission, même si l’art. 90 doit être déclaré applicable. L’évaluation foncière en Ontario est toujours régie par l’art. 27 de l’Assessment Act dont voici un extrait pertinent:
[TRADUCTION] 27. (1) Sous réserve du présent article, un bien-fonds doit être évalué à sa valeur marchande.
(2) Sous réserve du paragraphe 3, la valeur marchande du bien-fonds évalué équivaut au montant que rapporterait la vente volontaire dudit bien-fonds sur le marché libre.
L’intimée a interjeté appel de son évaluation devant la Commission invoquant que son bien‑fonds n’avait pas été évalué à sa valeur marchande dont elle a en même temps fait la preuve. La Commission a retenu cette allégation, indiquant
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que les commissaires régionaux à l’évaluation avaient reconnu ne pas s’être fondés sur la valeur marchande pour effectuer cette évaluation.
Selon l’art. 90, la Commission doit, lorsqu’elle évalue des biens immobiliers, tenir compte de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs. Dans ses motifs, la Commission précise que:
[TRADUCTION] Il n’existe, à Gananoque, aucune autre installation industrielle de même dimension ou du même âge que l’immeuble en cause. La vente d’une telle installation pourrait donc s’avérer difficile.
Les appelants ont cherché à justifier l’évaluation du bien-fonds de l’intimée faite par le Commissaire régional en comparant l’évaluation par pied carré et par pied cube d’espace d’autres installations industrielles de Gananoque avec l’évaluation, établie selon la même méthode, du bien-fonds de l’intimée. La Commission a tenu compte de cette preuve, de même que de l’opinion émise par le Commissaire régional à l’évaluation selon laquelle, sur la base de cette comparaison, l’évaluation du bien-fonds de l’intimée est juste et équitable.
En supposant que l’art. 90 soit applicable, je suis d’avis que la Commission a effectivement évalué le bien-fonds de l’intimée en tenant compte de l’évaluation attribuée à d’autres installations industrielles de Gananoque qui, selon la proposition des appelants, étaient les seuls «biens immobiliers semblables».
Passons maintenant à la deuxième partie de l’art. 90 qui prévoit que la valeur de l’évaluation d’un bien immobilier ne doit pas être modifiée à moins que la Commission ne soit convaincue que l’évaluation est inéquitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs. Puisque aux termes de la Loi, l’évaluation est toujours régie par l’art. 27, les mots [TRADUCTION] «l’évaluation d’un bien immobilier» signifient nécessairement une évaluation à la valeur marchande. Comme en a décidé la Commission, le bien immobilier n’a pas été évalué, en l’espèce, à sa valeur marchande. La Commission devait donc en déterminer la valeur marchande.
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Dans ces circonstances, l’art. 90 n’impose pas à l’intimée l’obligation de démontrer que l’évaluation initiale, irrégulièrement faite, était inéquitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs. Au contraire, si les appelants invoquent l’art. 90, ils ont l’obligation de démontrer que l’évaluation, bien qu’elle ne corresponde pas à la valeur marchande, n’était pas inéquitable en regard de l’évaluation de biens immobiliers semblables situés dans les environs. La preuve déposée au nom des appelants ne satisfait pas à cette exigence. Cette preuve ne porte pas sur la valeur marchande d’autres immeubles industriels situés à Gananoque. Elle porte plutôt sur l’évaluation d’autres immeubles selon leur dimension en pieds carrés et en pieds cubes. La Commission a tenu compte de cette preuve lorsqu’elle a déterminé la valeur à laquelle devait être évalué l’immeuble de l’intimée, et elle a fait une évaluation équitable.
J’estime que la présente affaire ne doit pas être renvoyée à la Commission. Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
Pourvoi rejeté avec dépens, le juge en chef LASKIN et le juge SPENCE dissidents.
Procureurs des appelants: Feigman & Chernos, Toronto.
Procureurs de l’intimée: Blake, Cassels & Graydon, Toronto.
[1] [1973] 3 O.R. 795.
[2] [1952] 2 D.L.R. 81.
[3] [1950] R.C.S. 220.
[4] [1968] 2 O.R. 388.
Parties
Demandeurs :
Le Commissaire régional à l'évaluationDéfendeurs :
Ontario Steel ProductsProposition de citation de la décision:
Le Commissaire régional à l'évaluation c. Ontario Steel Products, [1976] 2 R.C.S. 721 (26 juin 1975)
Origine de la décision
Date de l'import :
06/04/2012Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-06-26;.1976..2.r.c.s..721