Synthèse
Référence neutre : [1976] 2 R.C.S. 789
Date de la décision :
07/10/1975Sens de l'arrêt :
Les pourvois des trois passagers sont accueillis
Analyses
Automobiles - Responsabilité à l’égard des passagers - Transport coopératif - Transport fourni selon une entente réciproque de payer en assurant à son tour le transport - Les passagers ne sont pas des invités «ne payant pas pour le transport» - Highway Traffic Act. R.S.A. 1970, c. 169, art. 214(1).
Le litige dont est saisie la Cour résulte de deux accidents de voiture et ne soulève en définitive que la question de savoir si les trois passagers dans l’un des véhicules impliqués dans le second accident sont privés de tout droit d’action contre le conducteur de ce véhicule en raison des dispositions de l’art. 214(1) du Highway Traffic Act, R.S.A. 1970, c. 169. Le conducteur et ses passagers étaient employés à la construction d’une centrale thermo‑électrique et devaient tous parcourir quotidiennement une distance de 120 milles, aller et retour. Ils ont conclu une entente selon laquelle un jour donné, l’un d’entre eux conduisait les autres et, en retour, ces derniers s’engageaient à conduire le groupe, à tour de rôle.
Comme on ne prétend pas que le conducteur est responsable de négligence grave ou d’inconduite délibérée et insouciante, il faut déterminer si les passagers étaient des invités «ne payant pas pour le transport». La Division d’appel a infirmé la partie du jugement de première instance selon laquelle le conducteur n’avait pas réussi à faire la preuve qu’il conduisait les passagers à titre d’invités ne payant pas pour le transport au sens de l’art. 214(1).
Arrêt: Les pourvois des trois passagers sont accueillis.
Le critère à appliquer pour déterminer si une personne est un invité au sens de l’expression «invité ne payant pas» est à mon avis celui de savoir si on effectue le transport uniquement par amabilité ou pour remplir
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une obligation contractuelle ou autre dans le cours de son commerce ou de ses affaires. Lorsque le transport est fourni selon une entente réciproque de payer cm assurant à son tour le transport, on ne saurait dire qu’il s’effectue «uniquement par amabilité».
Arrêt appliqué: Manuge c. Dominion Atlantic Railway Co., [1973] R.C.S. 232.
POURVOIS interjetés par les appelants Massie McMillan et Harry Sokulski d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta[1], confirmant le jugement de première instance qui avait rejeté leurs demandes de dommages-intérêts à la suite d’une collision entre automobiles et attribué à McMillan les deux-tiers de Sa responsabilité de la seconde collision. Pourvois rejetés à la clôture de l’audience. Pourvois interjetés par les appelants Anker Liboriussen, Antonius Schilder et William Pawluk du même jugement de la Division d’appel acquittant l’intimé John Meier de toute responsabilité à leur égard en vertu de l’art. 214(1) du Highway Traffic Act, R.S.A. 1970, c. 169. Pourvois accueillis.
Peter R. Chomicki, pour l’appelant, Massie McMillan.
Patrick Shewchuk, pour l’appelant, William Pawluk.
John A. Hustwick, pour les appelants, Anker Liboriussen et Antonius Schilder.
Ernest J. Walter et Lloyd E. Malin, pour l’intimé, Bernard Schmidthiesler.
R.E. Hyde, c.r., pour l’intimé, John Meier.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE MARTLAND — Le 29 novembre 1970, vers 7 heures du matin, une automobile conduite par l’appelant Massie McMillan, dans laquelle se trouvait également l’appelant Harry Sokulski, se dirigeait vers l’ouest sur une route à quatre voies à l’ouest d’Edmonton, laquelle route se divise en deux voies est et deux voies ouest, séparées par une bande médiane. Le véhicule de McMillan heurta un camion appartenant à Jim’s Express & Transfer Ltd., conduit par l’intimé Bernard Schmid-
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thiesler et allant en direction ouest; ledit camion s’était arrêté pour porter secours à une automobile dans le fossé nord. Le savant juge de première instance a conclu que le camion se trouvait sur l’accotement lorsque le camion fut frappé par la voiture de McMillan.
Le camion bascula dans le fossé, tandis que le véhicule de McMillan continua de rouler quelque peu sur la route et vint s’arrêter de travers sur la ligne blanche qui sépare les deux voies en direction ouest. McMillan et Sokulski purent quitter leur véhicule un peu avant qu’il ne soit frappé par l’automobile conduite par l’intimé, John Meier, lequel se dirigeait vers l’ouest. Les appelants Anker Liboriussen, Antonius Schilder et William Pawluk, occupaient le véhicule de Meier et furent blessés dans cette collision. Le conducteur, Meier, fut également blessé.
Le savant juge de première instance, après avoir étudié les témoignages, décida que McMillan était seul responsable de la première collision entre son automobile et le camion. Il conclut que la seconde collision, celle entre les véhicules de McMillan et de Meier, résultait de la négligence des deux parties et il attribua les deux-tiers de la responsabilité à McMillan et l’autre tiers à Meier.
Quant aux trois passagers du véhicule de Meier, il a conclu qu’il n’y avait pas négligence grave de la part de Meier mais que ce dernier n’avait pas réussi à faire la preuve qu’il les transportait à titre d’invités ne payant pas leur transport au sens de l’art. 214(1) du Highway Traffic Act R.S.A. 1970, c. 169, qui dispose que:
[TRADUCTION] 214. (1) Nulle personne conduite par le propriétaire ou le conducteur d’un véhicule à moteur à titre d’invité ne payant pas son transport n’a une cause d’action en dommages-intérêts contre le propriétaire ou le conducteur par suite de lésions corporelles, mort ou perte, en cas d’accident, à moins que
a) l’accident ne soit dû à la négligence grave ou à l’inconduite délibérée et insouciante du propriétaire ou du conducteur du véhicule à moteur, et
b) la négligence grave ou l’inconduite délibérée et insouciante ait contribué aux lésions corporelles, à la mort ou à la perte par suite desquelles l’action est intentée.
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Ces deux collisions ont donné lieu à quatre actions qui furent instruites en même temps. Le savant juge de première instance a évalué Ses dommages-intérêts des ayants-droit et a rendu jugement dans chacune de ces quatre actions.
En appel devant la Division d’appel, les jugements de première instance ont été maintenus, sauf pour ce qui est des réclamations des trois passagers de la voiture de Meier. Dans une décision rendue à la majorité, la Cour statua que Meier avait droit à la protection prévue à l’art. 214(1) du Highway Traffic Act et que, puisqu’il n’était pas coupable de négligence grave, les réclamations contre lui devaient être rejetées. Cette décision a eu pour effet non seulement d’empêcher les passagers de recouvrer des dommages-intérêts à l’encontre de Meier, mais aussi, en vertu de l’art. 4 du Contributory Negligence Act, R.S.A. 1970, c. 65, de limiter la responsabilité de McMillan aux deux-tiers des dommages subis par les passagers. Le juge d’appel Johnson, dissident, aurait, pour sa part, confirmé la décision du savant juge de première instance.
Les appelants McMillan et Sokulski se pourvoient devant cette Cour contre l’arrêt de la Division d’appel qui a confirmé le jugement de première instance rejetant leurs réclamations pour les dommages causés par la première collision et tenant McMillan responsable aux deux-tiers de la seconde collision. Les trois passagers de Meier se pourvoient contre l’arrêt de la Division d’appel acquittant Meier de toute responsabilité à leur égard, en vertu de l’art. 214(1) du Highway Traffic Act. Aucun pourvoi n’est interjeté concernant l’évaluation des dommages-intérêts.
A la fin des plaidoiries faites au nom des appelants McMillan et Sokulski, la Cour a déclaré qu’elle n’était pas disposée à modifier les conclusions de fait élaborées en première instance et confirmées par la Division d’appel sur la négligence de McMillan et le partage de la responsabilité du second accident.
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L’intimé Meier n’a pas contesté le partage de la responsabilité effectué en première instance, relativement au second accident.
La seule question qui reste est de savoir si les trois passagers de Meier sont privés de tout droit d’action contre lui, en raison des dispositions de l’art. 214(1) du Highway Traffic Act. Comme on ne prétend pas que Meier est responsable de négligence grave ou d’inconduite délibérée et insouciante, il faut déterminer si les passagers étaient des invités «ne payant pas pour le transport».
Les faits à analyser pour trancher cette question sont exposés dans les motifs du juge d’appel Johnson:
[TRADUCTION] Tous quatre étaient des ouvriers employés à la construction d’une centrale thermo-électrique pour le compte de Calgary Power Company du côté sud du lac Wabamun. Tous habitaient à Edmonton et faisaient quotidiennement l’aller et retour, soit, nous dit-on, une distance de 120 milles. Ils se retrouvaient tous à une station‑service dans la partie ouest de la ville, se faisaient conduire au travail par l’un d’eux et, le soir, revenaient avec lui. C’est surtout le témoignage du défendeur Meier qui nous renseigne sur l’organisation de ces voyages. Lors du contre-interrogatoire, voici les réponses aux questions posées:
M. Hustwick contre-interroge le témoin:
«Q.M. Meier, aviez-vous une entente avec MM. Schilder et Liboriussen pour que chacun conduise à son tour sa propre voiture pour vous rendre à l’usine Sundance?
R. Oui.
Q. S’agissait-il d’une entente qui obligeait chacun d’entre vous à conduire sa voiture à tour de rôle, c’est-à-dire un jour vous, Schilder le lendemain et Liboriussen le suivant?
R. Oui.
Q. Et vous étiez tous d’accord pour vous rendre au travail de cette façon?
R. C’est exact.»
M. Shewchuk contre-interroge le témoin:
«Q. Aviez-vous une entente, comme le dit mon confrère, avec M. Pawluk; faisait-il partie de votre petite association de transport?
R. Oui, il en faisait partie.
Q.M. Pawluk vous a-t-il jamais payé pour ce service?
R. Non.»
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Tout en respectant les opinions exprimées dans les motifs de l’arrêt rendu par la majorité de la Division d’appel, j’adopte, sur ce point, les motifs du juge d’appel Johnson exposés à [1974] 2 W.W.R. 688, à la p. 690 et suivantes. Il cite le jugement de cette Cour dans Manage c. Dominion Atlantic Railway Company[2]. Dans cette cause-là, il fallait examiner le sens de l’expression [traduction] «invité ne payant pas son transport» comme elle figure à l’art. 223(1) du Motor Vehicle Act de la Nouvelle-Écosse, R.S.N.S. 1967, c. 191. Le critère utilisé par le juge d’appel Cooper de la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse fut adopté. Il est cité à la p. 239 des motifs du jugement de cette Cour:
[TRADUCTION] Le critère à appliquer pour déterminer si une personne est un invité au sens de l’expression «invité ne payant pas» est à mon avis celui de savoir si on effectue le transport uniquement par amabilité ou pour remplir une obligation contractuelle ou autre dans le cours de son commerce ou de ses affaires….
Après avoir cité ce passage, le juge d’appel Johnson poursuit en disant:
[TRADUCTION] Lorsque le transport est fourni selon une entente réciproque de payer en assurant à son tour le transport, on ne saurait dire qu’il s’effectue «uniquement par amabilité».
Je suis d’avis de rejeter tous les pourvois auprès de cette Cour avec les dépens, à l’exception de ceux interjetés par les appelants, Liboriussen, Schilder et Pawluk. Je suis d’avis d’accueillir ces pourvois, d’infirmer la décision de la Division d’appel et de rétablir le jugement de première instance sur les réclamations à l’encontre de l’intimé Meier et de l’appelant McMillan. Ces appelants doivent avoir droit, contre ces parties, à leurs dépens en cette Cour et en Division d’appel.
Pourvois des appelants McMillan et Sokulski rejetés avec dépens.
Pourvois des appelants Liboriussen, Schilder et
Pawluk accueillis avec dépens.
Procureurs de l’appelant, Massie McMillan: Kosowan & Wachowich, Edmonton.
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Procureurs de l’appelant, William Pawluk: Bassie, Shewchuk & Co., Edmonton.
Procureurs des appelants, Anker Liboriussen et Antonius Schilder: Weeks, Joyce, Peterson, Ross & Hustwick, Edmonton.
Procureurs des intimés, Jim’s Express & Transfer Ltd. et Bernard Schmidthiesler: Brownlee, Fryett, Walter, Stewart & Sully, Edmonton.
Procureurs de l’intimé, John Meier: Newson, Hyde et A. Dubensky, Edmonton.
[1] [1974] W.W.R. 688, 46 D.L.R. (3d) 270.
[2] [1973] R.C.S. 232.
Parties
Demandeurs :
McMillanDéfendeurs :
Pawluk et al.Proposition de citation de la décision:
McMillan c. Pawluk et al., [1976] 2 R.C.S. 789 (7 octobre 1975)
Origine de la décision
Date de l'import :
06/04/2012Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-10-07;.1976..2.r.c.s..789