Synthèse
Référence neutre : [1976] 2 R.C.S. 796
Date de la décision :
07/10/1975Sens de l'arrêt :
Le pourvoi doit être rejeté
Analyses
Agence - Vente - Agent immobilier - Commission sur une vente - Droit à la commission - Real Estate and Business Brokers Act, R.S.O. 1960, c. 344, art. 40, maintenant R.S.O. 1970, c. 401, art. 34.
L’intimé, qui est agent immobilier, s’était mis en rapport avec le président de l’appelante dans le but d’obtenir le mandat de vendre un hôtel dont l’appelante était propriétaire et qu’elle voulait vendre. L’intimé n’a pas obtenu le mandat mais, par son entremise, une offre a été faite à l’appelante, mais son président l’a déclinée. Quelques jours plus tard, une offre qui ressemblait fortement à la précédente et qui était faite pour le compte du même acheteur a été acceptée au nom de l’appelante. Le juge de première instance, se sentant lié par Dani Real Estate Limited v. Tyschtschemko, (1958), 17 D.L.R. (2d) 168, a rejeté l’action, mais la Cour d’appel a fait droit à l’appel et a ordonné que soit versée au demandeur une somme correspondant à cinq pour cent du prix d’achat.
Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.
L’action se fondait sur les dispositions de l’art. 34 du Real Estate and Business Brokers Act, R.S.O. 1970, c. 401 (à cette époque R.S.O. 1960, c. 344, art. 40) et, étant donné les faits, ne pouvait se fonder que sur l’al. b) de l’art. 34, l’offre d’achat initiale n’ayant pas été signée par l’acheteur ni acceptée par le vendeur et l’intimé n’ayant jamais eu mandat de vendre la propriété. Aux termes de l’al. b) de l’art. 34, une action ne pouvait être intentée que si l’intimé avait obtenu une offre écrite et acceptée; toutefois, le vendeur ne peut se retrancher derrière la loi s’il a admis que l’agent pourrait gagner une commission s’il trouvait un acheteur; s’il profite des bons offices de l’agent pour rencontrer l’acheteur; s’il rencontre l’acheteur et l’agent pour discuter d’un projet de marché ébauché par l’agent par l’entremise de l’avocat de l’acheteur; et s’il permet à l’agent de remettre le projet à l’avocat du vendeur pour le modifier en fonction des discussions poursuivies entre le vendeur, l’acheteur et l’agent.
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Lorsqu’une offre acceptable est ainsi produite et signée en conséquence directe d’événements auxquels l’agent immobilier était étroitement mêlé, l’agent a prouvé qu’il a «obtenu une offre écrite» qui a ensuite été acceptée. C’est là une explication réaliste et exacte de l’effet de l’al. b) de l’art. 34.
Distinction faite avec l’arrêt Dani Real Estate Ltd. v. Tyschtschemko et autres (1958), 17 D.L.R. (2d) 168.
POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1] faisant droit à un appel d’un jugement du juge Parker rejetant une action en recouvrement de la commission d’un agent immobilier. Pourvoi rejeté.
Sydney L. Robins, c.r., pour l’appelante.
W.R. Maxwell et Paul Gollom, pour l’intimé.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE SPENCE — Le pourvoi est à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario prononcé le 24 septembre 1973. Par ce jugement, la Cour d’appel a accueilli l’appel du jugement prononcé par le juge Parker le 22 octobre 1971, rejetant l’action du demandeur sans dépens.
Le demandeur, ici l’intimé, est un agent immobilier de la ville de Toronto. La défenderesse, George Dundas Realty Limited, était propriétaire d’un hôtel situé au 212 est de la rue Dundas dans ladite ville de Toronto. La défenderesse voulait vendre l’hôtel et son président s’était mis en rapport avec plusieurs agents immobiliers dans le but de vendre, soit le terrain et les bâtiments comme entreprise en marche, soit le fonds de commerce, tout en louant le terrain et les bâtiments pour une période déterminée.
Le demandeur a tenté, à quelques reprises, d’obtenir un mandat de disposer des bâtiments et de l’entreprise mais le président de la compagnie défenderesse a toujours refusé en disant qu’il ne serait pas sage de donner exclusivement à un seul agent la possibilité de faire une vente, et aussi parce qu’il souhaitait effectuer la vente sans l’aide d’un intermédiaire, évitant ainsi de payer une commission.
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Au cours de l’année 1967, par l’entremise de l’agence où travaillait le demandeur, un dénommé George Yarmoluk et son associé à l’époque, Sylvester Kalyn, ont fait certaines démarches dans le but d’acheter la propriété mais ces pourparlers n’ont pas eu de suite. En août 1968, le demandeur fit, au nom de George Yarmoluk, une offre de louer la propriété; la défenderesse rejeta cette offre mais en retour fit, de son propre gré, à George Yarmoluk une offre que celui-ci déclina. Cela se passait vers le 27 août 1968. Aussitôt après, le demandeur avisa M. Morris Ruby, président de la société défenderesse que George Yarmoluk était prêt à lui faire une offre de $550,000 avec un versement initial de $50,000.
Au cours d’une conversation antérieure entre le demandeur et M. Ruby, celui-ci avait, au nom de la défenderesse, promis verbalement de verser au demandeur une commission au taux normal si le demandeur trouvait un acheteur. Le savant juge de première instance a conclu expressément à la véracité de ces faits.
M. Ruby, après que le demandeur l’eut informé qu’il pouvait obtenir une offre aux conditions susdites, répliqua: «Montrez-moi l’offre; je vous croirai quand je la verrai». M. Yarmoluk prit aussitôt rendez-vous avec son avocat M. Robert Hall et, le 30 août 1968, M. Ruby pour la défenderesse, M. Yarmoluk représentant l’acheteur et le demandeur se rendirent au domicile de M. Hall dans la ville de Toronto pour discuter de la proposition. M. Hall, après avoir pris des notes, rédigea une offre d’achat qui fut produite au procès. Le vendredi 6 septembre 1968, M. Yarmoluk et le demandeur se présentèrent au bureau de M. Hall où leur fut remise l’offre d’achat en cinq exemplaires, dont l’original. Puis, ils se rendirent à l’hôtel pour discuter de l’offre en détail avec M. Ruby. Ce dernier s’opposa à plusieurs dispositions de ladite offre d’achat, mais la conversation entre M. Ruby et Yarmoluk permit de se mettre d’accord sur les points litigieux de l’offre d’achat soulevés par M. Ruby. Le savant juge de première instance accepta le témoignage du demandeur, à savoir que M. Yarmoluk a consenti à tous les changements
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demandés par M. Ruby, au cours de cette réunion à l’hôtel.
Puis, sur la suggestion de M. Ruby, ce dernier, le demandeur et M. Yarmoluk se rendirent au bureau de l’avocat de M. Ruby, M. Marrus, pour demander à ce dernier d’introduire dans l’offre d’achat les amendements réclamés par M. Ruby et acceptés par M. Yarmoluk. Cependant, une fois arrivé à ce bureau, M. Ruby déclara ne pas vouloir accepter l’offre parce que la mise de fonds était faible, et que lui aurait à verser au demandeur une commission sur le total de la vente. Il ne voulut pas en démordre et, pour mettre un terme à la réunion, se leva et dit: «Cette offre ne m’intéresse pas», puis quitta le bureau. Le demandeur et George Yarmoluk le suivirent. M. Ruby prit M. Yarmoluk en aparté pour lui parler. Quelques jours plus tard, M. Yarmoluk et M. Ruby, au nom de la défenderesse signèrent une offre d’achat rédigée par M. Marrus.
Le savant juge de première instance, après d’autres constatations, conclut que M. Ruby avait clairement laissé entendre qu’il n’avait pas l’intention de payer une commission au demandeur, et que l’engagement rédigé le 9 septembre par la défenderesse et George Yarmoluk ressemblait fortement à l’offre d’achat non signée du 6 septembre. Devant ces faits, le savant juge de première instance, se sentant lié par la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Dani Real Estate Limited v. Tyschtschemko[2], débouta le demandeur sans dépens. Le demandeur interjeta appel auprès de la Cour d’appel, qui lui fit droit pour les motifs exposés par M. le juge d’appel Estey et statua en faveur du demandeur en ordonnant que lui soit versée la somme de $27,500 c’est-à-dire cinq pour cent de $550,000 avec les dépens des deux instances. La défenderesse en appelle de cette décision.
L’action du demandeur se fonde sur les dispositions de l’art. 34 du Real Estate and Business Brokers Act qui figure maintenant au c. 401 des R.S.O. 1970, mais à l’époque, était l’art. 40 du c. 344 des R.S.O. 1960.
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L’article 34 prévoit que:
[TRADUCTION] B. Sous réserve de l’article 43, aucune action ne peut être intentée pour obliger une personne à verser une commission ou une autre rémunération pour la vente, l’achat, l’échange ou la location d’un immeuble,
a) à moins que l’entente sur laquelle se fonde l’action en justice soit écrite et signée par la partie visée ou par une autre personne légalement autorisée par elle; ou
b) à moins que le courtier ou son vendeur ait obtenu une offre écrite qui est acceptée; ou
c) à moins que le courtier ayant eu mandat écrit de disposer de l’immeuble,
i) montre l’immeuble à l’acheteur, ou
ii) présente l’acheteur au vendeur afin de discuter de la vente, l’achat, l’échange ou la location proposée.
Il est manifeste que le demandeur (l’intimé) ne peut fonder ses prétentions que sur l’art. 34(b), étant donné que l’offre d’achat du 6 septembre n’était signée ni par M. Yarmoluk, en tant qu’acheteur, ni acceptée par l’appelante, à titre de vendeur, et que l’intimé n’a jamais eu mandat pour cette propriété.
Il s’agit, en conséquence, de savoir si le demandeur «a obtenu une offre écrite qui a été acceptée» et, comme le fait remarquer le juge d’appel Estey, la décision sur la demande dépend du sens du mot «obtenu» à l’art. 34(b). M. le juge Estey établit une distinction avec l’arrêt Dani, supra, pour le motif que, même si l’agent a réuni les deux parties et entamé quelques discussions, la deuxième offre, celle qui en définitive fut acceptée, n’a pas été «obtenue» par l’agent et le texte de la loi n’a pas un sens assez large pour que l’agent ait droit à une commission simplement parce que l’offre finalement acceptée par le vendeur ressemblait à la précédente ou avait essentiellement le même objet. Le juge d’appel Estey déclare:
[TRADUCTION] Dans le jeu des négociations et des échanges d’idées qui précèdent nécessairement la vente d’une propriété aussi importante qu’un hôtel de $550,000, l’agent immobilier ne sert en définitive que d’amorce et de catalyseur qui, après avoir déclenché les négociations, doit se limiter à ces rôles secondaires si, toutefois, les principaux acteurs le lui demandent ou le lui permettent.
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C’est pourquoi nous devons rechercher de façon pratique le sens que la Législature a voulu donner à cet article de la loi. Il est clair, selon le paragraphe b), que l’agent ne saurait avoir gain de cause s’il n’a été qu’un simple instrument n’ayant servi au départ qu’à présenter les parties l’une à l’autre. Le catalogue des possibilités contenues ou envisagées dans cet article est impossible à établir et même s’il l’était, il ne servirait à rien car le vendeur ne peut se retrancher derrière la loi si, comme en l’espèce, il a accepté que l’agent puisse gagner une commission s’il «trouve» un acheteur; il profite des bons offices de l’agent pour rencontrer l’acheteur; il rencontre l’acheteur et l’agent pour discuter d’un projet de marché ébauché par l’agent et par l’entremise de l’avocat de l’acheteur; il permet à l’agent de remettre le projet à l’avocat du vendeur pour le modifier en fonction des discussions poursuivies entre le vendeur, l’acheteur et l’agent, et y ajouter les modifications ou additions proposées par l’avocat au nom même du vendeur. En l’occurrence, la simple dénégation par le vendeur de l’intention de payer une commission à l’agent ne saurait priver celui-ci de faire valoir son droit, en vertu du paragraphe b), lorsqu’une offre acceptable est ainsi produite et signée comme suite directe de faits où l’agent immobilier, le demandeur, est intimement engagé.
Je pense qu’il s’agit d’une explication réaliste et exacte de l’effet du mot «obtenu» à l’art. 34(b) et, d’accord avec le juge d’appel Estey, j’estime que le demandeur qui peut entrer dans le cadre défini par le juge dans le passage que je viens de citer, a prouvé qu’il a «obtenu» une offre écrite, laquelle fut acceptée par la suite.
Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
Pourvoi rejeté avec dépens.
Procureurs de l’appelante: Robins & Robins, Toronto.
Procureurs de l’intimé: Risk, Cavan, Gardner, Toronto.
[1] (1973), 1 O.R. (2d) 241.
[2] (1958), 17 D.L.R. (2d) 168.
Parties
Demandeurs :
George Dundas Realty Ltd.Défendeurs :
CashProposition de citation de la décision:
George Dundas Realty Ltd. c. Cash, [1976] 2 R.C.S. 796 (7 octobre 1975)
Origine de la décision
Date de l'import :
06/04/2012Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-10-07;.1976..2.r.c.s..796