Le 24 mai 2012 May 24, 2012
ORDONNANCE ORDER
REQUÊTE MOTION
CINAR CORPORATION et LES FILMS CINAR INC. c. CLAUDE ROBINSON et LES PRODUCTIONS NILEM INC.
(34466)
- ET -
RONALD A. WEINBERG et RONALD A. WEINBERG, EN QUALITÉ D’UNIQUE LIQUIDATEUR DE LA SUCCESSION DE FEU MICHELINE CHAREST c. LES PRODUCTIONS NILEM INC. et CLAUDE ROBINSON
(34467)
- ET -
CHRISTOPHE IZARD, FRANCE ANIMATION S.A., RAVENSBURGER FILM + TV GMBH et RTV FAMILY ENTERTAINMENT AG c. CLAUDE ROBINSON et LES PRODUCTIONS NILEM INC.
(34468)
CORAM : Les juges LeBel, Fish et Karakatsanis
[1] Les intimés, Claude Robinson et Les Productions Nilem Inc., demandent que notre Cour ordonne aux demandeurs de fournir un cautionnement de 3 250 000 $ en garantie de paiement des sommes qu’ils devraient payer si leurs appels devant notre Cour échouaient. Selon les intimés, cette requête se fonde sur l’al. 60(1)b) de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, ch. S-26, et sur l’art. 47 des Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002-156. Cette requête a été présentée à la toute fin de la procédure d’autorisation d’appel, après qu’un avis eut été donné que notre Cour s’apprêtait à rendre jugement à l’égard des demandes d’autorisation d’appel des parties.
[2] Les intimés ont obtenu un jugement de la Cour supérieure ([2009] R.J.Q. 2261) qui a ordonné aux demandeurs de leur verser des dommages-intérêts pour une violation de leurs droits d’auteur. La Cour d’appel du Québec a maintenu en partie cette condamnation ([2011] R.J.Q. 1415). Après le jugement de la Cour d’appel, en vertu de l’art. 522.1 du Code de procédure civile du Québec, L.R.Q., ch. C-25 (« C.p.c. »), et de l’art. 65.1 de la Loi sur la Cour suprême, les demandeurs ont demandé à un juge de la Cour d’appel de surseoir à l’exécution de son jugement, pendant l’examen de leurs demandes d’autorisation d’appel et pendant les pourvois si ces demandes étaient accordées.
[3] Le juge Fournier, de la Cour d’appel du Québec, a accordé en partie les demandes de sursis (2011 QCCA 2305 (CanLII)), mais il a assorti les sursis de certaines conditions, notamment le dépôt de garanties partielles de paiement du capital, des intérêts et des frais que les demandeurs devraient payer si leurs appels devant la Cour suprême échouaient. Il a rejeté la demande de sursis à l’égard de M. Weinberg, après avoir conclu qu’il aurait été inutile de lui ordonner de fournir une garantie, puisqu’il ne semblait pas posséder d’éléments d’actif. Il a ordonné aux demandeurs Cinar Corporation et Les Films Cinar Inc. (« Cinar ») de déposer une lettre de garantie bancaire de 750 000 $. Il a aussi ordonné aux demandeurs Ravensburger Film + TV GmbH, RTV Family Entertainment AG, France Animation S.A. et Christophe Izard de déposer une lettre de garantie de 2 500 000 $ ou un engagement équivalent irrévocable de leur assureur, comme condition du sursis à l’exécution. Cinar a déposé sa lettre de garantie. Les avocats de Ravensburger Film + TV GmbH, RTV Family Entertainment AG, France Animation S.A. et Christophe Izard ont informé le procureur des intimés que leurs clients ne fourniraient pas la lettre de garantie prévue. En conséquence, le jugement de la Cour d’appel demeure exécutoire à leur égard, jusqu’au jugement de notre Cour sur les pourvois des parties.
[4] Nous n’accorderons pas la garantie demandée. Bien que nous ne voulions pas affirmer qu’il serait impossible d’accorder une garantie sous forme de dépôt d’un cautionnement ou d’une autre sûreté supérieurs à 500 $, il n’existe apparemment aucun cas où notre Cour aurait accordé ce type de garantie comme condition de la formation d’un appel en vertu de l’al. 60(1)b) de la Loi sur la Cour suprême. L’application de celui-ci a été traditionnellement limitée à la consignation d’un dépôt symbolique de 500 $ pour les dépens du pourvoi (Lanificio Fratelli Bettazzi S.N.C. c. Tissus Ranchar Inc., 6 septembre 1990, no 21373, M. le juge Cory; voir H.S. Brown, Supreme Court of Canada Practice 2012 (2011), 12th ed., pp. 134-136). Le type de garantie demandé par les intimés a été habituellement accordé comme condition de la suspension d’une procédure ou d’un sursis à l’exécution en vertu des art. 65 et 65.1 de la Loi sur la Cour suprême ou d’une disposition législative comme l’art. 522.1 C.p.c.
[5] En l’espèce, les conditions des sursis demandés ont été fixées par la décision du juge Fournier de la Cour d’appel du Québec. Ce jugement demeure applicable durant les pourvois qui sont autorisés par des jugements rendus ce même jour par notre Cour et qui sont déposés en même temps que notre décision sur la requête des intimés. Cette requête des intimés, dont le pourvoi est également autorisé, équivaut à toutes fins pratiques à une tentative de révision du jugement de M. le juge Fournier.
[6] Nous ajoutons que ce type de garantie serait difficilement compatible avec les exigences d’un accès approprié à la Cour suprême. Les décisions sur les demandes d’autorisation d’appel sont régies par le critère de l’importance de l’appel en vertu de l’art. 40 de la Loi sur la Cour suprême. De plus, la procédure d’autorisation d’appel représente en elle-même un filtre suffisamment dissuasif à l’égard des appels futiles ou dilatoires.
[7] Pour ces motifs, la requête des intimés est rejetée sans dépens.
J.C.S.C.
J.S.C.C.